CJUE, n° C-599/16, Arrêt de la Cour, Oleksandr Viktorovych Yanukovych contre Conseil de l'Union européenne, 19 octobre 2017

  • Politique étrangère et de sécurité commune·
  • Cee/ce - contentieux * contentieux·
  • Contrôle juridictionnel·
  • Relations extérieures·
  • Politique extérieure·
  • Ukraine·
  • État de droit·
  • Détournement de fond·
  • Règlement d'exécution·
  • Critère

Chronologie de l’affaire

Commentaires2

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

CJUE · 9 juin 2021

Tribunal de l'Union européenne COMMUNIQUE DE PRESSE n° 96/21 Luxembourg, le 9 juin 2021 Arrêts dans les affaires T-302/19 et T-303/19 Presse et Information Yanukovych/Conseil Le Tribunal annule les actes du Conseil de 2019 sur la prorogation du gel de fonds infligé à M. Viktor Yanukovych, ancien président de l'Ukraine, et à son fils, M. Oleksandr Yanukovych Le Conseil n'a pas démontré que, dans les procédures pénales sous-jacentes à cette prorogation que les autorités ukrainiennes mènent contre ces personnes, les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle …

 

CJUE · 19 octobre 2017

Cour de justice de l'Union européenne COMMUNIQUE DE PRESSE n° 108/17 Luxembourg, le 19 octobre 2017 Arrêts dans les affaires C-598/16 P Viktor Fedorovych Yanukovych/Conseil et C-599/16 P Oleksandr Presse et Information Viktorovych Yanukovych/Conseil La Cour confirme le gel de fonds de M. Viktor Yanukovych, ancien président de l'Ukraine, et de son fils Oleksandr pour la période allant du 6 mars 2015 au 6 mars 2016 En réponse à la crise ukrainienne qui a débuté à la fin de l'année 2013, le Conseil a décidé, le 5 mars 2014, de geler les fonds et les ressources économiques des …

 
Testez Doctrine gratuitement
pendant 7 jours
Vous avez déjà un compte ?Connexion

Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 19 oct. 2017, C-599/16
Numéro(s) : C-599/16
Arrêt de la Cour (huitième chambre) du 19 octobre 2017.#Oleksandr Viktorovych Yanukovych contre Conseil de l'Union européenne.#Pourvoi – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine – Liste des personnes, des entités et des organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques – Inclusion du nom du requérant.#Affaire C-599/16 P.
Date de dépôt : 23 novembre 2016
Précédents jurisprudentiels : 18 janvier 2017, Toshiba/Commission, C-623/15 P, non publié, EU:C:2017:21
30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T-545/13
5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil ( C-220/14 P, EU:C:2015:147
arrêt du 18 janvier 2017, Toshiba/Commission, C-623/15 P, non publié, EU:C:2017:21
Cour ( arrêt du 18 janvier 2017, Toshiba/Commission, C-623/15 P, non publié, EU:C:2017:21
Ezz e.a./Conseil, C-220/14 P, EU:C:2015:147
Tribunal de l' Union européenne du 15 septembre 2016, Yanukovych/Conseil ( T-348/14
Solution : Pourvoi : rejet pour irrecevabilité, Recours en annulation, Pourvoi : rejet sur le fond
Identifiant CELEX : 62016CJ0599
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2017:785
Télécharger le PDF original fourni par la juridiction

Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

19 octobre 2017 (*)

« Pourvoi – Mesures restrictives prises au regard de la situation en Ukraine – Liste des personnes, des entités et des organismes auxquels s’applique le gel des fonds et des ressources économiques – Inclusion du nom du requérant »

Dans l’affaire C-599/16 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 23 novembre 2016,

Oleksandr Viktorovych Yanukovych, demeurant à Saint-Pétersbourg (Russie), représenté par M. T. Beazley, QC,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme P. Mahnič Bruni et M. J.-P. Hix, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

Commission européenne, représentée initialement par Mmes S. Bartelt et J. Norris-Usher, puis par M. E. Paasivirta ainsi que par Mme Norris-Usher, en qualité d’agents,

partie intervenante en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. M. Safjan, faisant fonction de président de chambre, MM. D. Šváby et M. Vilaras (rapporteur), juges,

avocat général : M. P. Mengozzi,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, M. Oleksandr Viktorovych Yanukovych demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 15 septembre 2016, Yanukovych/Conseil (T-348/14, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2016:508), en tant que, par celui-ci, le Tribunal a rejeté ses conclusions tendant à l’annulation de la décision (PESC) 2015/143 du Conseil, du 29 janvier 2015, modifiant la décision 2014/119/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine (JO 2015, L 24, p. 16), de la décision (PESC) 2015/364 du Conseil, du 5 mars 2015, modifiant la décision 2014/119/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine (JO 2015, L 62, p. 25), du règlement (UE) 2015/138 du Conseil, du 29 janvier 2015, modifiant le règlement (UE) no 208/2014 concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes eu égard à la situation en Ukraine (JO 2015, L 24, p. 1), et du règlement d’exécution (UE) 2015/357 du Conseil, du 5 mars 2015, mettant en œuvre le règlement (UE) no 208/2014 concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes eu égard à la situation en Ukraine (JO 2015, L 62, p. 1), en ce qu’ils le visent (ci-après les « actes litigieux »).

Le cadre juridique

2 L’article 1er, paragraphes 1 et 2, de la décision 2014/119/PESC du Conseil, du 5 mars 2014, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes au regard de la situation en Ukraine (JO 2014, L 66, p. 26), dispose :

« 1. Sont gelés tous les fonds et ressources économiques appartenant aux personnes qui ont été identifiées comme étant responsables de détournement de fonds appartenant à l’État ukrainien et à des personnes responsables de violations des droits de l’homme en Ukraine, ainsi qu’à des personnes physiques ou morales, à des entités ou à des organismes qui leur sont liés, dont la liste figure à l’annexe, de même que tous les fonds et ressources que ces personnes, entités ou organismes possèdent, détiennent ou contrôlent.

2. Aucun fonds ni aucune ressource économique n’est, directement ou indirectement, mis à la disposition des personnes physiques ou morales, des entités ou des organismes dont la liste figure à l’annexe, ou mis à leur profit. »

3 Au point 9 de l’annexe de la décision 2014/119, intitulée « Liste des personnes, entités et organismes visés à l’article 1er », figure le nom du requérant, identifié comme étant le « fils de l’ex-président Ianoukovitch ; homme d’affaires ». Il ressort des motifs de son inscription sur cette liste qu’il est considéré comme une « [p]ersonne faisant l’objet d’une enquête en Ukraine pour participation à des infractions liées au détournement de fonds publics ukrainiens et à leur transfert illégal hors d’Ukraine ».

4 Le règlement (UE) no 208/2014 du Conseil, du 5 mars 2014, concernant des mesures restrictives à l’encontre de certaines personnes, de certaines entités et de certains organismes eu égard à la situation en Ukraine (JO 2014, L 66, p. 1), impose l’adoption des mesures restrictives en cause et définit leurs modalités en des termes identiques, en substance, à cette décision.

5 Au point 9 de l’annexe I de ce règlement, intitulé « Liste des personnes physiques et morales, des entités et des organismes visés à l’article 2 », lequel est rédigé en des termes comparables à ceux de l’article 1er, paragraphes 1 et 2, de la décision 2014/119, figure le nom du requérant. Les informations d’identification et les motifs de l’inscription sont rédigés en termes identiques à ceux exposés au point 1 de l’annexe de la décision 2014/119.

6 La décision 2014/119 a été modifiée, notamment, par la décision 2015/143 et la décision 2015/364, et le règlement no 208/2014 a été modifié, notamment, par le règlement 2015/138 et le règlement d’exécution 2015/357.

7 Par ces actes, les mesures restrictives prises à l’encontre du requérant ont ainsi été prorogées jusqu’au 6 mars 2016 avec, néanmoins, la motivation suivante :

« Personne faisant l’objet d’une procédure pénale de la part des autorités ukrainiennes pour détournement de fonds ou d’avoirs publics. »

8 La décision 2014/119 et le règlement no 208/2014 ont été modifiés, en dernier lieu, respectivement, par la décision (PESC) 2017/381 du Conseil, du 3 mars 2017 (JO 2017, L 58, p. 34), et par le règlement d’exécution (UE) 2017/374 du Conseil, du 3 mars 2017 (JO 2017, L 58, p. 1).

9 La décision 2017/381 a modifié l’article 5 de la décision 2014/119, en prorogeant les mesures restrictives, en ce qui concerne le requérant, jusqu’au 6 mars 2018.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

10 La procédure devant le Tribunal et la motivation en droit de l’arrêt attaqué sont exposées, d’une part, aux points 24 à 33 et, d’autre part, aux points 36 à 175 de celui-ci. Pour les besoins de la présente procédure, elles peuvent être résumées de la manière suivante.

11 Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 14 mai 2014, le requérant a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision 2014/119 et du règlement no 208/2014, en tant qu’ils le visaient.

12 Par des ordonnances du 12 novembre 2014, le président de la neuvième chambre du Tribunal a admis les interventions de la République de Pologne et de la Commission européenne.

13 Par un acte déposé au greffe du Tribunal le 8 avril 2015, le requérant a adapté ses conclusions, de sorte que celles-ci visaient également l’annulation des actes litigieux (ci-après le « mémoire en adaptation »).

14 Aux points 36 à 54 de l’arrêt attaqué, qui portent sur les conclusions tendant à l’annulation de la décision 2014/119 et du règlement no 208/2014, tels que modifiés, respectivement par la décision d’exécution 2014/216/PESC du Conseil, du 14 avril 2014 (JO 2014, L 111, p. 91), et par le règlement d’exécution (UE) no 381/2004 du Conseil, du 14 avril 2014 (JO 2014, L 111, p. 33), le Tribunal a considéré, en se fondant sur plusieurs arrêts prononcés par lui et portant sur les mêmes questions de droit que celles soulevées par le recours en annulation dont il était saisi, que l’inscription du nom du requérant sur la liste des personnes soumises à des mesures restrictives en application de la décision 2014/119 et du règlement no 208/2014 (ci-après la « liste ») ne s’appuyait pas sur une base factuelle suffisante pour garantir le respect des critères de désignation des personnes visées par ces mesures, fixés par cette décision. Par conséquent, il a accueilli le moyen tiré du non-respect de ces critères et a annulé la décision 2014/119 et le règlement no 208/2014, en tant que ces actes concernaient le requérant.

15 Aux points 55 à 170 de l’arrêt attaqué le Tribunal a examiné les conclusions tendant à l’annulation des actes litigieux. Aux points 57 à 62 de cet arrêt, il a, d’une part, écarté l’exception d’incompétence, soulevée par le Conseil de l’Union européenne au regard de la décision 2015/143, et, d’autre part, accueilli la fin de non-recevoir, soulevée par ce dernier, pour défaut de qualité pour agir du requérant à l’égard du règlement 2015/138.

16 Aux points 66 à 85 dudit arrêt, le Tribunal a écarté les moyens tirés, d’une part, de la violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective, et, d’autre part, de la violation de l’obligation de motivation.

17 Aux points 86 à 119 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté le moyen tiré de l’absence de base légale des mesures restrictives.

18 En premier lieu, il a répondu à l’argument principal à cet égard, tenant à la non-conformité du critère d’inscription du requérant, retenu par les actes litigieux, aux objectifs de renforcement et de soutien de l’État de droit et de garantie du respect des droits de l’homme en Ukraine, ainsi qu’aux autres objectifs de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) énoncés à l’article 21, paragraphe 2, sous b), TUE. Le Tribunal a considéré qu’il ressortait de la décision 2014/119, telle que modifiée par certains des actes litigieux, que les mesures restrictives prises à l’encontre du requérant avaient été adoptées dans le seul but de renforcer et de soutenir l’État de droit en Ukraine. En se fondant sur sa jurisprudence, il a jugé que des objectifs tels que ceux mentionnés à l’article 21, paragraphe 2, sous b), TUE pouvaient être atteints par un gel des avoirs de personnes dont les agissements pouvaient avoir obéré le bon fonctionnement des institutions publiques et des organismes qui leur étaient liés. Il a cependant considéré que, pour qu’un détournement de fonds publics soit susceptible « de justifier une action de l’Union européenne dans le cadre de la PESC, fondée sur l’objectif de consolider et de soutenir l’État de droit, il [était] nécessaire que les faits contestés soient susceptibles de porter atteinte aux fondements institutionnels et juridiques du pays concerné ». Il a constaté que le critère d’inscription du requérant visait « des faits de détournement de fonds publics ou d’avoirs publics qui, eu égard au montant ou au type de fonds ou d’avoirs détournés ou au contexte dans lequel ils [s’étaient] produits, [étaient], à tout le moins, susceptibles de porter atteinte aux fondements institutionnels et juridiques de l’Ukraine, […] et, en dernier ressort, de porter atteinte au respect de l’État de droit dans ce pays ».

19 En second lieu, le Tribunal a écarté les autres arguments venant au soutien du moyen tiré de l’absence de base légale. Il a notamment considéré au point 108 de l’arrêt attaqué que le critère d’inscription énoncé par la décision 2014/119 et le règlement no 208/2014, tels que modifiés par la décision 2015/143 et le règlement 2015/138, permettait au Conseil « de tenir compte d’une enquête pour des faits de détournement de fonds publics comme élément pouvant justifier, le cas échéant, l’adoption de mesures restrictives ».

20 Par ailleurs, le Tribunal a énoncé ce qui suit aux points 114 et 115 de l’arrêt attaqué :

« 114 Toutefois, en l’espèce, le requérant évoque, premièrement, l’existence d’une persécution politique à son égard, qui serait démontrée par la quantité de chefs d’accusation le concernant, certains chefs d’inculpation étant faux et motivés par des considérations politiques, deuxièmement, de nombreuses déclarations publiques de membres du régime actuel présentant le requérant comme coupable de diverses infractions et, troisièmement, des violations procédurales dans le cadre des procédures judiciaires qui le concernent. De façon plus générale, il émet des doutes sur la légitimité du nouveau régime ukrainien et sur l’impartialité du système judiciaire ukrainien ainsi que sur la situation des droits de l’homme en Ukraine.

115 Or, ces éléments n’étaient ni en mesure de mettre en cause la vraisemblance des accusations portées à l’encontre du requérant concernant des faits bien précis de détournement de fonds publics, ce qui fait l’objet de l’examen effectué dans le cadre du quatrième moyen ci-après, ni suffisants pour démontrer que la situation particulière du requérant aurait été affectée par les problèmes qu’il invoque relatifs au système judiciaire ukrainien, au cours des procédures qui le concernent et qui ont fondé l’adoption des mesures restrictives à son égard. Partant, dans les circonstances de l’espèce, le Conseil n’était pas tenu de procéder à une vérification supplémentaire des éléments de preuve qui lui avaient été fournis par les autorités ukrainiennes. »

21 Aux points 120 à 130 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté le moyen tiré d’un détournement de pouvoir.

22 Aux points 131 à 153 de cet arrêt, le Tribunal a écarté le moyen tiré du non-respect des critères d’inscription sur la liste.

23 D’une part, il a répondu à l’argument principal à cet égard, à savoir que les motifs de l’inscription du nom du requérant sur la liste, tels que modifiés, respectivement, par la décision 2015/364 et le règlement d’exécution 2015/357, ne satisfaisaient pas aux critères d’inscription, tels que modifiés par la décision 2015/143 et le règlement 2015/138. Il a considéré, à titre principal, qu’il convenait d’apprécier le motif d’inscription du requérant au regard des critères d’inscription prévus par la décision 2015/364 et le règlement d’exécution 2015/357, qui instituaient de nouvelles mesures restrictives, et sur la base des éléments de preuve pris en considération par le Conseil, plus particulièrement de la lettre du 30 décembre 2014 émanant des autorités ukrainiennes (ci-après la « lettre du 30 décembre 2014 »), qui constituait, selon le Tribunal, une preuve suffisante du fait que le requérant faisait l’objet de procédures pénales portant sur un détournement de fonds ou d’avoirs publics. Dans ce cadre, il a considéré, au point 144 de l’arrêt attaqué, eu égard au principe de lutte contre la corruption inscrit dans la notion d’État de droit et au fait que les infractions reprochées au requérant s’inscrivaient dans un contexte de soupçons de graves infractions dans la gestion des ressources publiques commises par l’ancienne classe dirigeante ukrainienne, menaçant sérieusement les fondements institutionnels et juridiques du pays, que les mesures restrictives adoptées à l’encontre du requérant contribuaient, de manière efficace, à faciliter la poursuite de ces infractions, commises au détriment des institutions ukrainiennes, et permettaient qu’il soit plus aisé pour elles d’obtenir la restitution du fruit de ces détournements. En conséquence, il a jugé que l’inscription du nom du requérant sur la liste par la décision 2015/364 et le règlement d’exécution 2015/357 était conforme au critère d’inscription.

24 D’autre part, le Tribunal a répondu aux autres arguments du requérant. Il a, premièrement, considéré que le Conseil pouvait tenir compte d’une enquête pour des faits de détournement de fonds publics, dès lors qu’il établissait le bien-fondé des motifs d’inscription du requérant sur la liste en s’appuyant sur une base factuelle suffisante. Deuxièmement, il a estimé que les arguments du requérant, par lesquels ce dernier contestait, d’une part, le fait que l’évasion de taxes et d’autres paiements obligatoires constituait un détournement de fonds publics et, d’autre part, la réalité d’une tentative de détournement de fonds publics, ne mettaient en cause ni l’existence de l’enquête le concernant ni la vraisemblance des faits sur lesquels porte cette enquête. Sur ce point, il a considéré que les arguments du requérant visaient davantage des aspects procéduraux de l’enquête menée par les autorités ukrainiennes ou à réfuter des accusations portées contre lui par ces autorités.

25 Aux points 154 à 159 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a écarté le moyen tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, par lequel il était, en substance, reproché au Conseil de ne pas avoir examiné lui-même l’exactitude des allégations des autorités ukrainiennes. Il a considéré que celui-ci avait satisfait à la charge de la preuve qui lui incombait en s’étant fondé sur des informations plus étayées, d’origine judiciaire, concernant les faits de détournement de fonds publics.

26 Aux points 160 à 170 de cet arrêt, le Tribunal a écarté le moyen tiré de la violation du droit de propriété.

27 Par conséquent, le Tribunal a rejeté le recours en tant qu’il tendait à l’annulation des actes litigieux.

La procédure et les conclusions des parties devant la Cour

28 Par un courrier enregistré au greffe de la Cour le 7 mars 2017, le Conseil a demandé à ce que le pourvoi fasse l’objet d’un traitement confidentiel à l’égard des tiers, s’agissant de l’annexe A 14 du pourvoi et de toute lettre du bureau du procureur général d’Ukraine au haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité.

29 Par une décision du président de la Cour, du 9 mars 2017, il a été fait droit à cette demande.

30 Le requérant demande à la Cour :

– d’annuler les points 2 et 4 du dispositif de l’arrêt attaqué ;

– d’annuler les actes litigieux et,

– de condamner le Conseil aux dépens exposés dans le cadre du pourvoi et aux dépens de la demande en annulation formulée dans le mémoire en adaptation des conclusions.

31 Le Conseil demande à la Cour :

– de rejeter le pourvoi ;

– à titre subsidiaire, de rejeter la demande en annulation des actes litigieux, et

– de condamner le requérant aux dépens.

32 La Commission demande à la Cour :

– de rejeter le deuxième moyen du pourvoi comme étant irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondé ;

– de rejeter les autres moyens du pourvoi comme étant manifestement non fondés, et

– de condamner le requérant aux dépens.

Sur le pourvoi

33 À l’appui de son pourvoi, le requérant soulève trois moyens. Premièrement, il soutient que le Tribunal a considéré, à tort, que le critère d’inscription figurant dans les actes litigieux était conforme aux objectifs de la PESC. Deuxièmement, il soutient que le Tribunal a omis de constater qu’il existait des preuves crédibles de l’absence de bilan cohérent et satisfaisant en Ukraine en matière de respect des droits de l’homme et de l’État de droit et que le Tribunal a qualifié, à tort, le parquet général ukrainien de « haute autorité judiciaire ». Troisièmement, il soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que son inscription sur la liste était conforme au critère d’inscription.

34 À titre liminaire, il convient de constater que le requérant ne conteste pas le motif figurant au point 62 de l’arrêt attaqué, selon lequel il n’est pas recevable à demander l’annulation du règlement 2015/138, pour défaut de qualité pour agir.

35 Dès lors, le présent pourvoi doit être rejeté dans la mesure où il vise l’arrêt attaqué en ce qu’il a rejeté les conclusions en annulation dirigées contre ce règlement.

36 Il convient d’examiner, en premier lieu, le deuxième moyen.

Sur le deuxième moyen

Argumentation des parties

37 Le requérant soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en ayant omis de constater qu’il existait des preuves crédibles de l’absence de bilan cohérent et satisfaisant en Ukraine en matière de respect des droits de l’homme et de l’État de droit et en ayant qualifié le parquet général ukrainien de « haute autorité judiciaire ». Il se serait ainsi livré à des constatations matériellement inexactes et/ou aurait dénaturé les éléments de preuve qui lui avaient été soumis, notamment au point 19 du mémoire en adaptation et dans les pièces mentionnées dans ce point, dont il ressort le non-respect du droit à un procès équitable et la mauvaise situation des droits de l’homme en Ukraine.

38 Il considère que le Tribunal s’est livré, aux points 112 et 115 de l’arrêt attaqué, à une appréciation erronée de ces éléments de preuve. D’une part, il n’aurait pas justifié son appréciation figurant au point 115 de cet arrêt, dès lors que les constatations exposées au point 112 dudit arrêt, qui ont servi de fondement à cette appréciation, n’auraient pas directement trait au respect des droits de l’homme ou de l’État de droit en Ukraine. D’autre part, lesdits éléments de preuve remettraient en cause la vraisemblance des accusations portées contre le requérant et seraient suffisants pour démontrer que la situation judiciaire de celui-ci aurait été affectée par les problèmes que connaît le système judiciaire ukrainien.

39 Le requérant allègue que le Tribunal ne précise pas les éléments de preuve sur lesquels il s’est fondé pour qualifier le parquet général d’Ukraine de « haute autorité judiciaire ». Il fait valoir que le Tribunal n’a pas justifié son appréciation à cet égard en se fondant uniquement sur la dénomination, en Ukraine, de cet organe. Le Tribunal aurait dû statuer en examinant si le parquet général présentait toutes les garanties judiciaires d’indépendance et d’impartialité imposées par le droit de l’Union.

40 Le Conseil et la Commission considèrent que le deuxième moyen du pourvoi doit être écarté.

Appréciation de la Cour

41 Il y a lieu de rappeler que, en cas de pourvoi, la Cour n’est pas compétente pour constater les faits ni, en principe, pour examiner les preuves que le Tribunal a retenues à l’appui de ces faits. En effet, dès lors que ces preuves ont été obtenues régulièrement, que les principes généraux du droit ainsi que les règles de procédure applicables en matière de charge et d’administration de la preuve ont été respectés, il appartient au seul Tribunal d’apprécier la valeur qu’il convient d’attribuer aux éléments qui lui ont été soumis. Cette appréciation ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation de ces éléments, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (arrêt du 18 janvier 2017, Toshiba/Commission, C-623/15 P, non publié, EU:C:2017:21, point 39).

42 S’agissant plus particulièrement de la dénaturation des éléments de preuve comme de fait, la Cour rappelle itérativement qu’une telle dénaturation existe lorsque, sans avoir recours à de nouveaux éléments, l’appréciation des éléments existants apparaît manifestement erronée ou manifestement contraire à leur libellé (arrêt du 18 janvier 2017, Toshiba/Commission, C-623/15 P, non publié, EU:C:2017:21, point 40).

43 Par ailleurs, conformément à l’article 256 TFUE, à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour, il appartient au requérant d’indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par le Tribunal et de démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit celui-ci à cette dénaturation (arrêt du 18 janvier 2017, Toshiba/Commission, C-623/15 P, non publié, EU:C:2017:21, point 54).

44 En premier lieu, le requérant soutient que le Tribunal s’est livré, aux points 114 et 115 de l’arrêt attaqué, à une dénaturation des éléments de preuve qu’il avait présentés, au point 19 du mémoire en adaptation, en vue de démontrer l’absence de bilan cohérent et satisfaisant en matière de respect des droits de l’homme et de l’État de droit en Ukraine.

45 Cependant, il convient de constater en l’espèce que la dénaturation des faits invoquée par le requérant n’est pas étayée à suffisance de droit dans sa requête. En effet, celui-ci se borne à soutenir que les éléments de preuve qu’il avait invoqués devant le Tribunal remettaient en cause la vraisemblance des accusations portées à son encontre et prouvaient que sa situation particulière avait été affectée par les problèmes que connaît le système judiciaire ukrainien. Il n’a toutefois pas démontré quelles étaient les erreurs d’analyse précises qui auraient été commises par le Tribunal dans son appréciation desdits éléments et qui l’auraient conduit à les dénaturer.

46 Il en va de même de l’argument du requérant selon lequel l’appréciation figurant au point 115 de l’arrêt attaqué ne serait fondée sur aucun motif ou sur aucun motif valable.

47 Il s’ensuit que, sous couvert d’une allégation de dénaturation, le requérant tend, en réalité, à obtenir de la Cour une nouvelle appréciation des faits, laquelle ne relève pas de la compétence de la Cour statuant sur pourvoi.

48 Par suite, le deuxième moyen, en ce qu’il est dirigé contre les constatations figurant aux points 114 et 115 de l’arrêt attaqué, doit être écarté comme irrecevable.

49 En second lieu, le requérant reproche au Tribunal d’avoir qualifié, aux points 112 et 157 de cet arrêt, le parquet général de l’Ukraine de « haute autorité judiciaire », sans avoir précisé les éléments de preuve sur lesquels il s’était fondé pour parvenir à cette qualification, ni apprécié la nature de ce parquet général au regard du droit de l’Union, en ayant examiné s’il présentait toutes les garanties judiciaires d’indépendance et d’impartialité.

50 Or, il ressort d’une lecture d’ensemble, respectivement, des points 103 à 116 et des points 154 à 159 de l’arrêt attaqué que, aux points 112 et 157 de cet arrêt, le Tribunal a utilisé le terme « autorité judiciaire » dans un sens large et qu’il a ainsi qualifié le parquet général de l’Ukraine, dès lors qu’il agit, dans cet État, en qualité de ministère public dans l’administration de la justice pénale et qu’il mène des enquêtes préliminaires dans le cadre des procédures pénales ouvertes à l’encontre du requérant, comme cela résulte, notamment, du point 138 dudit arrêt.

51 Contrairement à ce que semble considérer le requérant, l’utilisation du terme « autorité judiciaire » à l’égard du parquet général de l’Ukraine n’implique ni que le Tribunal a assimilé cette instance à une juridiction ni qu’il a nécessairement considéré qu’elle présentait des garanties d’indépendance et d’impartialité. Au contraire, au point 114 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a, notamment, évoqué les doutes exprimés par le requérant au sujet de l’impartialité du système judiciaire ukrainien. Néanmoins, il résulte du point 115 de cet arrêt que le Tribunal a considéré que ces doutes n’étaient pas en mesure de remettre en cause la vraisemblance des accusations portées à l’encontre du requérant concernant des faits bien précis de détournement de fonds publics et de démontrer que la situation particulière de ce dernier avait été affectée par les problèmes relatifs au système judiciaire ukrainien qu’il invoquait.

52 Il s’ensuit que cette partie de l’argumentation du requérant est fondée sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué et doit être écartée comme non fondée.

53 Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen du pourvoi comme étant, pour partie, irrecevable et, pour partie, non fondé.

Sur le premier moyen

Argumentation des parties

54 Le requérant soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en considérant que le critère d’inscription figurant dans les actes litigieux était conforme aux objectifs de la PESC. En effet, il aurait omis de reconnaître que les faits contestés devaient faire l’objet de poursuites en cours ou d’autres procédure judiciaires, et non pas seulement d’une enquête préliminaire, lorsqu’il existait des preuves crédibles que le pays concerné ne présentait pas un bilan cohérent en matière de respect des droits de l’homme ou de l’État de droit.

55 Selon le requérant, le Conseil devait effectuer une vérification supplémentaire pour s’assurer du respect de ces principes. Si une personne pouvait être inscrite sur une liste au seul motif qu’un pays a déclaré qu’elle faisait l’objet d’une enquête, les critères d’inscription ne satisferaient pas aux objectifs des actes litigieux et à ceux de l’article 21 TUE. Une telle personne serait privée de la garantie qui résulte de l’existence d’un contrôle et d’une procédure judiciaires, et les autorités exécutives du pays concerné se verraient octroyer des pouvoirs étendus conduisant à l’adoption de mesures restrictives par le Conseil. Or, le requérant soutient qu’il existe des preuves crédibles de l’absence de bilan cohérent de l’Ukraine en matière de respect des droits de l’homme et de l’État de droit.

56 Selon le requérant, la situation dans la présente affaire se distingue de celle dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil (C-220/14 P, EU:C:2015:147), dans laquelle, d’une part, la saisie des avoirs du requérant avait été ordonnée par le procureur général égyptien et approuvée par la juridiction pénale, et, d’autre part, le contexte politique et la situation des droits de l’homme en Égypte n’avaient pas été invoqués.

57 Le Conseil et la Commission considèrent que le premier moyen du pourvoi doit être écarté.

Appréciation de la Cour

58 Eu égard à la vaste portée des buts et des objectifs de la PESC, tels qu’exprimés à l’article 3, paragraphe 5, TUE et à l’article 21 TUE ainsi qu’aux dispositions spécifiques relatives à la PESC, notamment les articles 23 et 24 TUE, la lutte contre les détournements de fonds et d’avoirs publics s’inscrit dans le cadre d’une politique de soutien aux nouvelles autorités d’un État tiers, destinée à favoriser la stabilisation tant politique qu’économique de cet État (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil, C-220/14 P, EU:C:2015:147, points 43, 44 ainsi que 46).

59 Le requérant soutient, en substance, que le Tribunal a commis une erreur de droit en ayant jugé que le critère d’inscription figurant dans les actes litigieux était conforme aux objectifs de la PESC, dans une situation où il a été inscrit sur la liste au regard, non pas de poursuites ou de procédures judiciaires, mais d’une enquête préliminaire et alors qu’il existe des preuves crédibles que l’Ukraine ne présente pas un bilan cohérent en matière de respect des droits de l’homme ou de l’État de droit, et sans que le Conseil ait effectué une vérification supplémentaire pour s’assurer du respect de ces principes.

60 Or, il convient de constater que l’effet utile d’une décision de gel des fonds serait compromis si l’adoption de mesures restrictives était subordonnée au prononcé de condamnations pénales à l’encontre des personnes suspectées d’avoir détourné des fonds, dès lors que celles-ci auraient dans cette attente disposé du temps nécessaire pour transférer leurs avoirs dans des États ne pratiquant aucune forme de coopération avec les autorités de l’État dont elles sont ressortissantes ou résidentes (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil, C-220/14 P, EU:C:2015:147, point 71).

61 Eu égard à la jurisprudence citée au point 60 du présent arrêt et à la marge d’appréciation dont disposent les autorités judiciaires d’un État tiers dans les modalités de mise en œuvre de poursuites pénales, la circonstance que le requérant a fait l’objet d’une enquête préliminaire, diligentée sous l’autorité du parquet général de l’Ukraine, et non d’une procédure judiciaire n’est pas, en soi, de nature à conduire à constater une illégalité des actes litigieux, fondée sur le fait que, dans de telles circonstances, le Conseil aurait dû exiger des vérifications supplémentaires de la part des autorités ukrainiennes quant aux faits reprochés à l’intéressé, dans un contexte où, comme le Tribunal l’a constaté au point 115 de l’arrêt attaqué, le requérant n’avait pas avancé d’éléments capables de remettre en cause les motifs visés par les autorités ukrainiennes pour fonder les accusations portées à son encontre concernant des faits bien précis ou de démontrer que sa situation particulière aurait été affectée par les problèmes allégués du système judiciaire ukrainien.

62 Par conséquent, le premier moyen du pourvoi doit être rejeté comme non fondé.

Sur le troisième moyen

Argumentation des parties

63 Le requérant soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en estimant, au point 145 de l’arrêt attaqué, que son inscription sur la liste était conforme au critère d’inscription, au motif que la lettre du 30 décembre 2014 fournissait une preuve suffisante du fait que, à la date d’adoption des actes litigieux, il faisait l’objet de procédures pénales portant sur un détournement de fonds ou d’avoirs publics. Selon lui, cette lettre se borne à faire état d’une enquête préliminaire dans le cadre d’une procédure pénale ouverte à son égard. Or, eu égard à la situation des droits de l’homme en Ukraine et, plus particulièrement, au manque d’indépendance du ministère public et des tribunaux, une telle lettre ne saurait être prise en considération sans autre élément.

64 Le requérant considère que le Tribunal a commis une autre erreur de droit, au point 156 de l’arrêt attaqué, en ayant jugé que le Conseil avait satisfait à la charge de la preuve qui lui incombait et qu’il n’appartenait à celui-ci que de vérifier le bien-fondé de la décision de gel des fonds au regard des enquêtes en cause. Au regard des preuves fournies quant aux doutes sur le respect des droits de l’homme et de l’État de droit en Ukraine, il estime que le Conseil avait la charge et l’obligation de vérifier le bien-fondé des enquêtes dont il faisait l’objet, ainsi qu’il ressort d’ailleurs de la jurisprudence du Tribunal et plus particulièrement de l’arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T-545/13, non publié, EU:T:2016:376).

65 Or, le requérant estime avoir produit des preuves crédibles et précises de violations de sa présomption d’innocence et de son droit à un procès équitable ainsi que de la persécution politique dont il fait l’objet et de l’absence d’indépendance du ministère public et des tribunaux.

66 Il ajoute que le Tribunal aurait omis de répondre à l’argument tiré du manque de précision de la lettre du 30 décembre 2014 et de précédents courriers du parquet général d’Ukraine, des 3 mars, 8 juillet et 10 octobre 2014. En particulier, le Tribunal n’aurait pas répondu aux arguments tirés de l’ajout délibéré dans la lettre du 30 décembre 2014 de deux points destinés à convaincre le Conseil de la nécessité d’imposer des sanctions, mais qui remettaient en cause la fiabilité et la crédibilité de cette lettre. Le Tribunal n’aurait pas davantage recherché les raisons pour lesquelles une prétendue infraction à l’article 191, paragraphe 5, du code de procédure pénale ukrainien n’avait été évoquée pour la première fois que dans ladite lettre, arguments qui révélaient, pourtant, que les accusations portées à l’encontre du requérant étaient uniquement destinées à fournir un fondement juridique aux mesures adoptées par le Conseil.

67 Le Conseil et la Commission considèrent que le troisième moyen du pourvoi doit être écarté.

Appréciation de la Cour

68 Le requérant soutient, en substance et à titre principal, que le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 145 et 156 de l’arrêt attaqué, en ayant considéré que la lettre du 30 décembre 2014 était une preuve suffisante de l’existence des procédures pénales menées contre lui en raison de prétendus détournements de fonds publics. Il aurait omis de tenir compte des doutes quant au respect des droits de l’homme et de l’État de droit en Ukraine et, plus particulièrement, du manque d’indépendance du ministère public et des tribunaux, alors que ces éléments auraient conduit à des violations de sa présomption d’innocence et de son droit à un procès équitable.

69 À cet égard, il ressort de la jurisprudence que, en cas d’adoption d’une décision de gel de fonds telle que celle adoptée à l’encontre du requérant, il appartient au Tribunal de vérifier le bien-fondé non pas des enquêtes dont la personne visée par cette décision faisait l’objet, mais uniquement de la décision de gel des fonds au regard du ou des documents sur lesquels cette décision a été fondée (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil, C-220/14 P, EU:C:2015:147, point 77).

70 Sur ce point, il convient de constater que, dans le cadre de ses moyens soulevés devant le Tribunal et tirés, respectivement, du non-respect des critères d’inscription sur la liste et d’une erreur manifeste d’appréciation, le requérant n’a pas précisé les motifs pour lesquels les accusations qui étaient portées contre lui par le parquet général d’Ukraine, dans la lettre du 30 décembre 2014, auraient été erronées. Or, comme le Tribunal l’a relevé, au point 139 de l’arrêt attaqué, cette lettre fait état d’une enquête préliminaire dans le cadre de procédures pénales ouvertes à l’encontre du requérant et concernant des faits qualifiés de détournement de fonds publics, à savoir, d’une part, une évasion de taxes et d’autres paiements obligatoires, notamment par des actes de falsification de documents, et, d’autre part, une tentative de détournement de fonds publics au moyen d’un crédit d’impôt fictif lié à la taxe sur la valeur ajoutée.

71 Au regard du caractère circonstancié des accusations portées à l’encontre du requérant, ressortant de la lettre du 30 décembre 2014, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a considéré, au point 145 de l’arrêt attaqué, que l’inscription du nom du requérant sur la liste des personnes soumises au gel de leurs avoirs était conforme au critère d’inscription, interprété à la lumière de l’objectif consistant à renforcer et à soutenir l’État de droit en Ukraine.

72 Par ailleurs, s’agissant de la situation générale en Ukraine au regard de l’État de droit et des droits de l’homme, invoquée par le requérant, il y a lieu de constater que ce dernier n’a pas fourni de preuve concrète de l’incidence de celle-ci sur sa situation particulière dans les enquêtes préliminaires diligentées à son égard. Dans ces conditions, le requérant n’a pas démontré que le Tribunal a commis une erreur de droit aux points 145 et 156 de l’arrêt attaqué.

73 Enfin, l’argument du requérant résumé au point 66 du présent arrêt et tiré, en substance, de la violation de l’obligation de motivation, en ce que le Tribunal aurait omis de répondre à quatre arguments qu’il avait avancés devant lui, doit également être rejeté.

74 Premièrement, si le requérant soutient que le Tribunal n’a pas répondu à son argument tiré du manque de précision de toutes les lettres émanant du parquet général de l’Ukraine, il convient de constater que le Tribunal a considéré, aux points 139 et 140 de l’arrêt attaqué, que la lettre du 30 décembre 2014 précisait à suffisance les motifs visés par les autorités ukrainiennes pour fonder les accusations qui étaient portées contre le requérant pour justifier l’inscription du nom de celui-ci sur la liste, sans qu’il lui ait été nécessaire d’examiner plus avant le contenu des autres lettres qui avaient été antérieurement adressées au Conseil par le parquet général de l’Ukraine.

75 Deuxièmement, en soutenant que le Tribunal n’a pas répondu à l’argument tiré de l’invocation, pour la première fois dans la lettre du 30 décembre 2014, d’une prétendue infraction à l’article 191, paragraphe 5, du code de procédure pénale ukrainien, dont il avait prétendu, devant le Tribunal, qu’elle constituait une fausse accusation à son égard, le requérant demande, en réalité, de constater que le Conseil, lorsque celui-ci envisage d’adopter une mesure de gel de fonds à l’encontre d’une personne, doit vérifier le bien-fondé des accusations portées contre cette personne. Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 69 ci-dessus, il appartient au Tribunal de vérifier le bien-fondé non pas des enquêtes dont la personne visée par cette décision faisait l’objet, mais uniquement de la décision de gel des fonds au regard du ou des documents sur lesquels cette décision a été fondée (voir, en ce sens, arrêt du 5 mars 2015, Ezz e.a./Conseil, C-220/14 P, EU:C:2015:147, point 77).

76 Troisièmement, si le requérant soutient que le Tribunal n’a pas répondu à l’argument selon lequel la prétendue tentative de détournement de fonds publics ne satisfaisait pas au critère d’inscription, force est de constater que cet argument a été examiné aux points 149 et 150 de l’arrêt attaqué, dans lesquels le Tribunal a considéré que les arguments soulevés par le requérant ne remettaient pas en cause les motifs visés par les autorités ukrainiennes pour fonder ladite enquête. Au point 150 de cet arrêt, le Tribunal a, par ailleurs, relevé que ces arguments visaient davantage à contester des aspects procéduraux, tels que l’absence d’une véritable « procédure judiciaire », ou à réfuter des accusations portées par lesdites autorités à l’encontre du requérant.

77 Quatrièmement, il y a lieu de constater que le Tribunal a répondu à l’argument selon lequel les motifs visés par les autorités ukrainiennes pour fonder les accusations portées à l’encontre du requérant étaient destinées à fournir un fondement adéquat aux sanctions imposées par le Conseil et devaient être regardées comme des éléments constitutifs de la persécution politique dont il était l’objet, dans le cadre de l’examen, aux points 104 et 115 de l’arrêt attaqué, du premier moyen du recours en annulation.

78 Il s’ensuit que le troisième moyen du pourvoi doit être écarté comme non fondé et que, partant, le pourvoi doit être rejeté.

Sur les dépens

79 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

80 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, rendu applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

81 Le Conseil ayant conclu à la condamnation du requérant aux dépens et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil.

82 Conformément à l’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, la Commission supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) M. Oleksandr Viktorovych Yanukovych est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

3) La Commission européenne supporte ses propres dépens.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Extraits similaires à la sélection
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
CJUE, n° C-599/16, Arrêt de la Cour, Oleksandr Viktorovych Yanukovych contre Conseil de l'Union européenne, 19 octobre 2017