CJUE, n° C-382/21, Ordonnance de la Cour, Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) contre The KaiKai Company Jaeger Wichmann GbR, 10 décembre 2021

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 10 déc. 2021, C-382/21
Numéro(s) : C-382/21
Ordonnance de la Cour (chambre d’admission des pourvois) du 10 décembre 2021.#Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) contre The KaiKai Company Jaeger Wichmann GbR.#Pourvoi – Dessin ou modèle communautaire – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande démontrant l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Admission du pourvoi.#Affaire C-382/21 P.
Date de dépôt : 23 juin 2021
Précédents jurisprudentiels : 16 juin 1998, Hermès ( C-53/96, EU:C:1998:292
25 octobre 2007, Develey/OHMI ( C-238/06 P, EU:C:2007:635
3 juin 2008, Intertanko e.a. ( C-308/06, EU:C:2008:312
Cour ( arrêt du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C-238/06 P, EU:C:2007:635
EUIPO du 13 juin 2019 ( affaire R 573/2019-3
ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905
ordonnance du 4 mai 2021, Dermavita/EUIPO, C-26/21 P, non publiée, EU:C:2021:355
Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905
Tribunal de l' Union européenne du 14 avril 2021, The KaiKai Company Jaeger Wichmann/EUIPO
Solution : Recours en annulation, Pourvoi
Identifiant CELEX : 62021CO0382
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2021:1050
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Sur les parties

Texte intégral

ORDONNANCE DE LA COUR (chambre d’admission des pourvois)

10 décembre 2021 ( *1 )

« Pourvoi – Dessin ou modèle communautaire – Admission des pourvois – Article 170 ter du règlement de procédure de la Cour – Demande démontrant l’importance d’une question pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union – Admission du pourvoi »

Dans l’affaire C-382/21 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 23 juin 2021,

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par MM. D. Hanf, D. Gája, E. Markakis et V. Ruzek, en qualité d’agents,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

The KaiKai Company Jaeger Wichmann GbR, établie à Munich (Allemagne),

partie demanderesse en première instance,

LA COUR (chambre d’admission des pourvois),

composée de M. L. Bay Larsen, vice–président de la Cour, Mme L. S. Rossi (rapporteure) et M. N. Wahl, juges,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la proposition de la juge rapporteure et l’avocate générale, Mme T. Ćapeta, entendue,

rend la présente

Ordonnance

1

Par son pourvoi, l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 14 avril 2021, The KaiKai Company Jaeger Wichmann/EUIPO (Appareils et articles de gymnastique ou de sport) (T-579/19, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:186), par lequel celui-ci a annulé la décision de la troisième chambre de recours de l’EUIPO du 13 juin 2019 (affaire R 573/2019-3), concernant une demande d’enregistrement d’appareils et d’articles de gymnastique ou de sport comme dessins ou modèles communautaires revendiquant le droit de priorité d’une demande internationale de brevet déposée en vertu du traité de coopération en matière de brevets, conclu à Washington le 19 juin 1970 et modifié en dernier lieu le 3 octobre 2001 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1160, no 18336, p. 231).

Sur la demande d’admission du pourvoi

2

En vertu de l’article 58 bis, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’examen des pourvois formés contre les décisions du Tribunal portant sur une décision d’une chambre de recours indépendante de l’EUIPO est subordonné à leur admission préalable par la Cour.

3

Conformément à l’article 58 bis, troisième alinéa, de ce statut, le pourvoi est admis, en tout ou en partie, selon les modalités précisées dans le règlement de procédure de la Cour, lorsqu’il soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union.

4

Aux termes de l’article 170 bis, paragraphe 1, du règlement de procédure, dans les situations visées à l’article 58 bis, premier alinéa, dudit statut, la partie requérante annexe à sa requête une demande d’admission du pourvoi dans laquelle elle expose la question importante que soulève le pourvoi pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et qui contient tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur cette demande.

5

Conformément à l’article 170 ter, paragraphes 1 et 3, de ce règlement, la Cour statue sur la demande d’admission du pourvoi dans les meilleurs délais par voie d’ordonnance motivée.

Argumentation de la partie requérante

6

À l’appui de son pourvoi, le requérant soulève un moyen unique tiré de la violation de l’article 41, paragraphe 1, du règlement (CE) no 6/2002 du Conseil, du 12 décembre 2001, sur les dessins ou modèles communautaires (JO 2002, L 3, p. 1).

7

Ce moyen se compose de trois branches.

8

Par la première de ces branches, le requérant reproche au Tribunal d’avoir, aux points 56, 57 et 64 à 66 de l’arrêt attaqué, considéré à tort que la circonstance que l’article 41, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 ne prévoit pas qu’un brevet puisse servir de base pour une revendication de priorité pour un dessin ou modèle communautaire postérieur constitue une lacune législative. En réalité, selon le requérant, cette circonstance reflète le choix du législateur de l’Union de limiter les revendications de priorité aux seuls dessins ou modèles ou modèles d’utilité antérieurs.

9

En effet, il ressortirait clairement du libellé de cette disposition que celle-ci établit tant la nature des droits de propriété industrielle sur lesquels une revendication de priorité peut être fondée, à savoir un dessin ou un modèle ou un modèle d’utilité antérieurs, que la durée du délai dans lequel une telle priorité peut être revendiquée, à savoir six mois à partir du jour de la première demande. Le fait que ladite disposition ne se réfère pas aux demandes de brevet devrait nécessairement être compris comme une exclusion de ces demandes. Par ailleurs, si une demande internationale déposée en vertu de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle, signée à Paris le 20 mars 1883, révisée en dernier lieu à Stockholm le 14 juillet 1967 et modifiée le 28 septembre 1979 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 828, no 11851, p. 305, ci-après la « convention de Paris »), pourrait fonder un droit de priorité conformément à l’article 41 du règlement no 6/2002, cela ne serait possible que dans la mesure où une telle demande porte sur un modèle d’utilité.

10

Par la deuxième branche du moyen unique, le requérant fait valoir que, en reconnaissant un droit de priorité de douze mois, le Tribunal, aux points 75 à 86 de l’arrêt attaqué, n’a pas simplement interprété l’article 41, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 de manière conforme à l’article 4 de la convention de Paris, une telle interprétation conforme ne pouvant pas être étirée au point d’accorder un délai de priorité qui n’est pas prévu par une disposition claire et inconditionnelle du droit de l’Union. Ainsi, le Tribunal aurait en réalité écarté, auxdits points, l’application dudit article 41 pour le remplacer par cet article 4. Ce faisant, le Tribunal aurait conféré à cette dernière disposition un effet direct. Or, d’une part, l’article 4 de la convention de Paris ne répondrait pas aux conditions posées par la jurisprudence en matière d’applicabilité directe du droit international en droit de l’Union, issue notamment de l’arrêt du 3 juin 2008, Intertanko e.a. (C-308/06, EU:C:2008:312, point 45), qui exige que la disposition en cause soit claire, précise et inconditionnelle, et, d’autre part, la reconnaissance d’un tel effet direct de cet article 4 serait contraire à l’article 25 de la convention de Paris et à la jurisprudence issue de l’arrêt du 25 octobre 2007, Develey/OHMI (C-238/06 P, EU:C:2007:635, points 37 à 44), selon lesquels, en substance, ledit article 4 ne produit pas d’effets directs.

11

Par la troisième branche du moyen unique, le requérant reproche au Tribunal d’avoir substitué à l’article 41, paragraphe 1, du règlement no 6/2002, l’article 4 de la convention de Paris, par une interprétation erronée de ce dernier. En effet, contrairement à ce qu’a indiqué le Tribunal aux points 77 à 84 de l’arrêt attaqué, la convention de Paris n’établirait aucune règle générale selon laquelle la nature du droit antérieur déterminerait le délai du droit de priorité qui y est attaché. La règle générale prévoirait plutôt que la demande antérieure fondant le droit de priorité doit avoir le même objet que la demande postérieure. Ce ne serait qu’à titre d’exception que l’article 4, section E, paragraphe 1, de la convention de Paris prévoit qu’une demande ayant pour objet un modèle d’utilité puisse fonder un droit de priorité pour une demande postérieure de dessin ou modèle, celle-ci ayant, donc, un objet différent de celui de la demande antérieure. Ainsi, la conclusion du Tribunal, selon laquelle le délai applicable à la revendication de la priorité d’une demande de brevet pour une demande ultérieure de dessin ou modèle est de douze mois, serait dépourvue de base légale.

12

À l’appui de sa demande d’admission du pourvoi, le requérant soutient que son moyen unique soulève une question importante pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.

13

À cet égard, il relève, premièrement, que les conséquences de l’interprétation erronée de l’article 4 de la convention de Paris dépassent le cadre du droit des dessins ou modèles. En effet, étant donné le caractère général du principe consacré aux points 77 à 80 et 85 de l’arrêt attaqué, selon lequel la nature du droit antérieur est décisive pour la détermination de la durée du délai de priorité, ce principe serait susceptible d’affecter le régime des revendications de priorité applicable à des droits de propriété intellectuelle autres que les dessins ou modèles, tels que les marques de l’Union européenne.

14

Deuxièmement, l’interprétation erronée de l’article 4 de la convention de Paris s’imposerait, d’une part, au législateur de l’Union, qui ne pourrait pas l’infirmer en amendant le règlement no 6/2002 ou les autres dispositions du droit de l’Union relatives aux revendications de priorité, ainsi que, d’autre part, aux États membres, qui, tous parties à la convention de Paris, seraient, en vertu du droit de l’Union, liés par cette convention telle qu’interprétée par le juge de l’Union, comme cela résulterait de l’arrêt du 16 juin 1998, Hermès (C-53/96, EU:C:1998:292, point 32).

15

Troisièmement, la reconnaissance, par le Tribunal, d’un droit, pour les particuliers, de se prévaloir directement des dispositions de la convention de Paris en ce qui concerne les revendications de priorité constituerait un précédent pour les affaires futures et limiterait la marge de manœuvre du législateur de l’Union dans ce domaine. Une décision de la Cour serait ainsi nécessaire afin de déterminer la nature et l’étendue des obligations imposées par la convention de Paris à l’Union et aux États membres.

16

Quatrièmement, en conférant un effet direct à l’article 4 de la convention de Paris et en s’écartant ainsi de la jurisprudence de la Cour, l’arrêt attaqué non seulement porterait atteinte à l’équilibre institutionnel de l’Union et à l’autonomie du système juridique de celle–ci, mais il emporterait des conséquences systémiques allant à l’encontre des objectifs de la convention de Paris et de l’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, figurant à l’annexe 1 C de l’accord de Marrakech instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui a été approuvé par la décision 94/800/CE du Conseil, du 22 décembre 1994, relative à la conclusion au nom de la Communauté européenne, pour ce qui concerne les matières relevant de ses compétences, des accords des négociations multilatérales du cycle de l’Uruguay (1986-1994) (JO 1994, L 336, p. 1).

17

D’une part, l’arrêt attaqué créerait une discrimination injustifiée entre les demandes de dessins ou modèles, qui ouvriraient un droit de priorité de six mois, et les demandes de brevet, qui ouvriraient un droit de priorité de douze mois, ce qui pourrait conduire les opérateurs économiques à déposer en premier lieu des demandes de brevet afin de contourner le délai de six mois prévu à l’article 41, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 en ce qui concerne les demandes de dessins ou modèles.

18

D’autre part, l’arrêt attaqué entraînerait une insécurité juridique et un défaut de réciprocité dans certains États tiers. Le requérant prend l’exemple des États-Unis d’Amérique, dans lesquels les dessins ou modèles industriels sont protégés dans le cadre du droit des brevets (design patent). Or, si la nature du droit antérieur détermine la durée du délai de priorité, les demandeurs d’un design patent aux États–Unis bénéficieraient d’un délai de priorité de douze mois à l’égard d’un dessin ou modèle communautaire postérieur, alors que les demandeurs des dessins ou modèles communautaires ne se verraient accorder qu’un délai de priorité de six mois à l’égard d’une demande ultérieure de design patent.

19

Cinquièmement, l’arrêt attaqué pourrait conduire à un déséquilibre s’agissant de l’appréciation au fond de la nouveauté d’un dessin ou modèle communautaire, en ce qu’il étendrait de 18 à 24 mois la période pendant laquelle, conformément à l’article 7, paragraphe 2, sous b), du règlement no 6/2002, la divulgation par le demandeur lui-même ne doit pas être prise en compte lorsque la revendication de priorité est fondée sur une demande de brevet.

Appréciation de la Cour

20

À titre liminaire, il convient de relever que c’est au requérant qu’il incombe de démontrer que les questions soulevées par son pourvoi sont importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 13 et jurisprudence citée).

21

En outre, ainsi qu’il ressort de l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 170 bis, paragraphe 1, et l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, la demande d’admission du pourvoi doit contenir tous les éléments nécessaires pour permettre à la Cour de statuer sur l’admission du pourvoi et de déterminer, en cas d’admission partielle de ce dernier, les moyens ou les branches du pourvoi sur lesquels le mémoire en réponse doit porter. En effet, étant donné que le mécanisme d’admission préalable des pourvois visé à l’article 58 bis de ce statut vise à limiter le contrôle de la Cour aux questions revêtant une importance pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, seuls les moyens soulevant de telles questions et établis par le requérant doivent être examinés par la Cour dans le cadre du pourvoi (voir, notamment, ordonnances du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 14, ainsi que du 11 novembre 2021, Sun Stars & Sons/EUIPO, C-425/21 P, non publiée, EU:C:2021:927, point 13).

22

Ainsi, une demande d’admission du pourvoi doit, en tout état de cause, énoncer de façon claire et précise les moyens sur lesquels le pourvoi est fondé, identifier avec la même précision et la même clarté la question de droit soulevée par chaque moyen, préciser si cette question est importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union et exposer de manière spécifique les raisons pour lesquelles ladite question est importante au regard du critère invoqué. En ce qui concerne, en particulier, les moyens du pourvoi, la demande d’admission du pourvoi doit préciser la disposition du droit de l’Union ou la jurisprudence qui aurait été méconnue par l’arrêt ou l’ordonnance sous pourvoi, exposer de manière succincte en quoi consiste l’erreur de droit prétendument commise par le Tribunal et indiquer dans quelle mesure cette erreur a exercé une influence sur le résultat de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi. Lorsque l’erreur de droit invoquée résulte de la méconnaissance de la jurisprudence, la demande d’admission du pourvoi doit exposer, de façon succincte mais claire et précise, premièrement, où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt ou de l’ordonnance sous pourvoi que le requérant met en cause que ceux de la décision de la Cour ou du Tribunal qui auraient été méconnus, et, deuxièmement, les raisons concrètes pour lesquelles une telle contradiction soulève une question importante pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union (voir, en ce sens, ordonnance du 24 octobre 2019, Porsche/EUIPO, C-613/19 P, EU:C:2019:905, point 15 et jurisprudence citée).

23

En l’occurrence, il résulte du point 56 de l’arrêt attaqué, cité par le requérant, que le Tribunal a considéré que l’article 41, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 ne prévoit pas la situation dans laquelle une demande de dessin ou modèle est déposée en revendiquant la priorité d’une demande de brevet et ne régit pas le délai pour revendiquer une telle priorité. Ainsi qu’il est indiqué au point 66 de l’arrêt attaqué, également cité par le requérant, le recours à la convention de Paris vise à combler une lacune dudit règlement, lequel est muet quant au délai de priorité découlant d’une demande internationale de brevet. Dès lors, le Tribunal a interprété la convention de Paris et a, ainsi que le rappelle le requérant, jugé, au point 85 de l’arrêt attaqué, que la nature du droit antérieur est décisive pour la détermination de la durée du délai de priorité.

24

Or, il convient de relever, premièrement, que le requérant décrit avec précision son moyen unique, en précisant que le Tribunal a mal interprété l’article 41 du règlement no 6/2002 dans le sens où celui-ci comporterait une lacune au regard du délai de priorité d’une demande de dessins et modèles communautaires se référant à une demande internationale de brevet antérieure et aurait comblé cette lacune en conférant, en violation de la jurisprudence pertinente, un effet direct à l’article 4 de la convention de Paris, de surcroît en interprétant erronément cette disposition.

25

S’agissant notamment de l’argument selon lequel le Tribunal aurait conféré, en contradiction avec la jurisprudence de la Cour (arrêt du 25 octobre 2007, Develey/OHMI, C-238/06 P, EU:C:2007:635, points 37 à 44), un effet direct à l’article 4 de la convention de Paris, tel qu’exposé au point 10 de la présente ordonnance, il convient de souligner que le requérant précise où se situe la contradiction alléguée, en identifiant tant les points de l’arrêt attaqué que ceux de la décision de la Cour qui auraient été méconnus.

26

Deuxièmement, le requérant reproche au Tribunal d’avoir jugé que l’article 41, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 autorise un délai de priorité de douze mois pour un dessin ou modèle communautaire postérieur et d’avoir, par conséquent, annulé la décision de la chambre de recours de l’EUIPO qui avait limité à six mois le délai pour revendiquer la priorité d’une demande internationale de brevet. Ainsi, il ressort clairement de la demande d’admission du pourvoi que la prétendue violation de l’article 41, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 a une influence sur le résultat de l’arrêt attaqué. En effet, si, contrairement à ce qu’a considéré le Tribunal, le délai de priorité était de six mois au lieu de douze mois, le recours aurait dû être rejeté.

27

Troisièmement, conformément à la charge de la preuve qui pèse sur l’auteur d’une demande d’admission d’un pourvoi, le requérant doit démontrer que, indépendamment des questions de droit qu’il invoque dans son pourvoi, ce dernier soulève une ou plusieurs questions importantes pour l’unité, la cohérence ou le développement du droit de l’Union, la portée de ce critère dépassant le cadre de l’arrêt sous pourvoi et, en définitive, celui de son pourvoi (ordonnance du 4 mai 2021, Dermavita/EUIPO, C-26/21 P, non publiée, EU:C:2021:355, point 16).

28

Cette démonstration implique elle-même d’établir tant l’existence que l’importance de telles questions, au moyen d’éléments concrets et propres au cas d’espèce, et non pas simplement d’arguments d’ordre général (ordonnance du 4 mai 2021, Dermavita/EUIPO, C-26/21 P, non publiée, EU:C:2021:355, point 20).

29

Or, d’une part, le requérant identifie la question soulevée par son moyen unique, qui consiste, en substance, en la question de savoir si une éventuelle lacune législative dans un acte de droit de l’Union peut être comblée par l’application directe d’une disposition de droit international qui ne remplit pas les conditions requises par la jurisprudence de la Cour afin de produire des effets directs.

30

D’autre part, le requérant expose les raisons concrètes pour lesquelles une telle question est importante pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.

31

À cet égard, le requérant souligne, tout d’abord, que la question de droit soulevée par son pourvoi dépasse le cadre de celui-ci en ce que l’interprétation prétendument erronée de l’article 41, paragraphe 1, du règlement no 6/2002 aura des répercussions sur la recevabilité des revendications de priorité pour les dessins et modèles communautaires ainsi que sur l’appréciation de la nouveauté d’un dessin ou modèle communautaire. En ce qui concerne ce dernier aspect, le requérant fournit des éléments concrets pour démontrer le potentiel déséquilibre qui résulterait de l’extension de 18 à 24 mois de la période pendant laquelle, conformément à l’article 7, paragraphe 2, sous b), du règlement no 6/2002, la divulgation par le demandeur lui-même ne doit pas être prise en compte lorsque la revendication de priorité est fondée sur une demande de brevet.

32

Ensuite, le requérant indique que son pourvoi dépasse également le cadre du droit des dessins ou modèles communautaires en ce que le principe dégagé par l’arrêt attaqué serait susceptible de déterminer le régime des revendications de priorité applicable à d’autres types de droit de propriété intellectuelle. Il fournit, à cet égard, des exemples concrets de conséquences que pourrait avoir l’arrêt attaqué pour les déposants de brevets et signale le risque d’insécurité juridique et de défaut de réciprocité dans certains États tiers résultant de la reconnaissance d’un délai de priorité de douze mois pour les dessins et modèles communautaires lorsque la revendication de priorité est fondée sur une demande de brevet.

33

Enfin, le requérant met en exergue les conséquences systémiques, portant atteinte à l’unité, à la cohérence et au développement du droit de l’Union, de la reconnaissance d’un effet direct de l’article 4 de la convention de Paris en ce que, d’une part, l’interprétation de cet article par le juge de l’Union s’imposerait au législateur de l’Union ainsi qu’aux États membres de l’Union et que, d’autre part, cette reconnaissance irait à l’encontre des objectifs de la convention de Paris et de l’accord mentionné au point 16 de la présente ordonnance.

34

Compte tenu des éléments de démonstration apportés par le requérant, il convient de constater que la demande présentée par celui-ci démontre à suffisance de droit que le pourvoi soulève une question importante pour l’unité, la cohérence et le développement du droit de l’Union.

35

Eu égard aux considérations qui précèdent ainsi qu’à la circonstance que le pourvoi se fonde sur un seul moyen et que celui-ci se compose de trois branches liées entre elles, il y a lieu d’admettre le pourvoi dans son intégralité.

Sur les dépens

36

Aux termes de l’article 170 ter, paragraphe 4, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi est admis, en tout ou en partie, au regard des critères énoncés à l’article 58 bis, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la procédure se poursuit conformément aux articles 171 à 190 bis dudit règlement.

37

En application de l’article 137 du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, il est statué sur les dépens dans l’arrêt ou l’ordonnance qui met fin à l’instance.

38

Par suite, la demande d’admission du pourvoi étant accueillie, il y a lieu de réserver les dépens.

Par ces motifs, la Cour (chambre d’admission des pourvois) ordonne :

1)

Le pourvoi est admis.

2)

Les dépens sont réservés.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’allemand.

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