CJUE, n° C-653/20, Arrêt de la Cour, Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) contre Guillaume Vincenti, 1er décembre 2022

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 1er déc. 2022, C-653/20
Numéro(s) : C-653/20
Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 1er décembre 2022.#Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) contre Guillaume Vincenti.#Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Statut des fonctionnaires de l’Union européenne – Article 45, paragraphe 1 – Promotion – Décision de ne pas promouvoir un fonctionnaire – Article 41, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Droit d’être entendu – Obligation de motivation.#Affaire C-653/20 P.
Date de dépôt : 2 décembre 2020
Solution : Pourvoi : rejet pour irrecevabilité, Pourvoi : rejet sur le fond, Recours de fonctionnaires
Identifiant CELEX : 62020CJ0653
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2022:945
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Sur les parties

Texte intégral

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

1er décembre 2022 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Statut des fonctionnaires de l’Union européenne – Article 45, paragraphe 1 – Promotion – Décision de ne pas promouvoir un fonctionnaire – Article 41, paragraphe 1, et paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Droit d’être entendu – Obligation de motivation »

Dans l’affaire C-653/20 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 2 décembre 2020,

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme A. Lukošiūtė et M. K. Tóth, en qualité d’agents, assistés de Me B. Wägenbaur, Rechtsanwalt,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Guillaume Vincenti, demeurant à Alicante (Espagne), représenté par Me H. Tettenborn, Rechtsanwalt,

partie demanderesse en première instance,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. P. G. Xuereb, président de chambre, M. A. Kumin et Mme I. Ziemele (rapporteure), juges,

avocat général : M. J. Richard de la Tour,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1 Par son pourvoi, l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 23 septembre 2020, Vincenti/EUIPO (T-174/19, non publié, ci-après l’ « arrêt attaqué », EU:T:2020:419), par lequel celui-ci a accueilli le recours de M. Guillaume Vincenti tendant à l’annulation de la décision de l’EUIPO, du 6 juin 2018, de ne pas le promouvoir au grade AST 8 au titre des exercices de promotion 2014 à 2017 (ci-après la « décision litigieuse »).

Le cadre juridique

Le statut

2 L’article 43 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version applicable aux faits de l’espèce (ci-après le « statut »), est libellé comme suit :

« La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire font l’objet d’un rapport annuel dans les conditions fixées par l’autorité investie du pouvoir de nomination de chaque institution conformément à l’article 110. Ce rapport indique si le niveau des prestations du fonctionnaire est satisfaisant ou non. L’autorité investie du pouvoir de nomination de chaque institution arrête des dispositions prévoyant le droit de former, dans le cadre de la procédure de notation, un recours qui s’exerce préalablement à l’introduction d’une réclamation conformément à l’article 90, paragraphe 2.

À partir du grade AST 5, le rapport du fonctionnaire peut également contenir un avis indiquant, sur la base des prestations fournies si l’intéressé dispose du potentiel requis pour assumer des fonctions d’administrateur.

Ce rapport est communiqué au fonctionnaire. Celui-ci a la faculté d’y joindre toutes observations qu’il juge utiles. »

3 L’article 45, paragraphe 1, du statut prévoit :

« La promotion est attribuée par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination en considération de l’article 6, paragraphe 2. À moins que la procédure prévue à l’article 4 et à l’article 29, paragraphe 1, ne s’applique, les fonctionnaires ne peuvent être promus que s’ils occupent un emploi qui correspond à l’un des emplois types indiqués à l’annexe I, section A, pour le grade immédiatement supérieur. La promotion entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur du groupe de fonctions auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum de deux ans d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion. Aux fins de l’examen comparatif des mérites, l’autorité investie du pouvoir de nomination prend en considération, en particulier, les rapports dont les fonctionnaires ont fait l’objet, l’utilisation dans l’exercice de leurs fonctions des langues autres que la langue dont ils ont justifié posséder une connaissance approfondie conformément à l’article 28, point f) et le niveau des responsabilités exercées. »

4 L’article 110, paragraphe 2, du statut dispose :

« Les règles d’exécution du présent statut qui sont adoptées par la Commission [européenne], y compris les dispositions générales d’exécution visées au paragraphe 1, s’appliquent par analogie aux agences. […] »

Les DGE de l’article 45

5 La décision de la Commission C(2013) 8968 final, du 16 décembre 2013, portant dispositions générales d’exécution de l’article 45 du statut (ci-après les « DGE de l’article 45 »), publiée aux Informations administratives no 55-2013, du 19 décembre 2013, prévoit, à son article 3, cinquième tiret :

« Un fonctionnaire peut faire l’objet d’une décision de promotion si, de façon cumulative :

[…]

– ses rapports d’évaluation sont devenus définitifs en application des dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut, si un rapport était exigé en application de ces mêmes dispositions. Dans les cas où un rapport d’évaluation n’a pas été finalisé en raison d’un retard qui n’est pas imputable au titulaire de poste, ce dernier participe néanmoins à la procédure de promotion sur la base d’autres éléments d’information valables suppléant l’absence de rapport d’évaluation et peut donc faire l’objet d’une décision de promotion. »

6 L’article 4 des DGE de l’article 45, intitulé « Base de la procédure de promotion », dispose :

« 1. L’examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables constitue la base de la procédure de promotion. Le système électronique sécurisé gérant l’exercice contient les informations nécessaires à cet examen comparatif. Aux fins de cet examen, l’autorité investie du pouvoir de nomination prend en considération, en particulier :

a) les rapports dont les fonctionnaires ont fait l’objet depuis leur dernière promotion ou, à défaut, depuis leur recrutement et en particulier les rapports d’évaluation établis conformément aux dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut ;

b) l’utilisation par les fonctionnaires, dans l’exercice de leurs fonctions, de langues autres que la langue dont ils ont justifié posséder une connaissance approfondie conformément à l’article 28, point f), du statut ; et

c) le niveau des responsabilités exercées.

2. En cas d’égalité de mérites entre fonctionnaires promouvables sur la base des trois éléments visés au paragraphe 1, l’autorité investie du pouvoir de nomination peut, à titre subsidiaire, prendre en considération d’autres éléments. »

7 L’article 5 des DGE de l’article 45, intitulé « Procédure de promotion », prévoit :

« 1. L’exercice de promotion n’est lancé qu’après la finalisation de l’exercice d’évaluation organisé la même année. La fin de l’exercice d’évaluation est annoncée par la direction générale [(DG)] responsable des ressources humaines au moyen de la publication d’une information administrative.

2. En début d’exercice, la [DG] responsable des ressources humaines informe les directions générales des modalités de l’exercice en cours, en donnant des indications quant aux disponibilités budgétaires de l’année en cours.

3. Dans chaque [DG], les directeurs consultent l’évaluateur visé dans les dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut.

4. Dans chaque [DG], à la suite de la consultation visée au paragraphe 3, le directeur général, les directeurs généraux adjoints, les directeurs et, le cas échéant, les conseillers principaux procèdent à l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables. Si une [DG] est la [DG] de tutelle d’une agence exécutive, le directeur exécutif de cette agence prend aussi part à cet examen, même s’il est détaché d’une autre [DG].

5. À la suite de l’examen visé au paragraphe 4, le directeur général procède à un échange de vues avec une délégation nommée par le comité central du personnel.

6. À la suite de l’échange de vues visé au paragraphe 5, le directeur général communique à l’ensemble du personnel de sa [DG] la liste des fonctionnaires qu’il souhaite proposer à la promotion et transmet cette liste au comité paritaire de promotion visé à l’annexe I.

7. Dans un délai de cinq jours ouvrables à compter de la publication de cette liste, le titulaire de poste dont le nom ne figure pas sur cette liste peut, de manière dûment motivée, contester cet état de fait auprès du comité paritaire de promotion. À la suite de la réception des listes visées au paragraphe 6, le comité paritaire de promotion procède, en tenant compte des éventuelles contestations, à l’examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables et soumet à l’attention de l’autorité investie du pouvoir de nomination la liste des fonctionnaires qu’il recommande de promouvoir. Il lui transmet en même temps les contestations et divergences éventuelles visées à l’annexe III.

8. Après avoir reçu les informations mentionnées au paragraphe 7, et ayant à sa disposition les dossiers de tous les fonctionnaires promouvables, l’autorité investie du pouvoir de nomination procède à un dernier examen comparatif des mérites des fonctionnaires promouvables et, en tenant compte des disponibilités budgétaires, adopte la liste des fonctionnaires promus. La promotion entraîne pour le fonctionnaire concerné la nomination au grade supérieur du groupe de fonctions auquel il appartient.

9. La liste des fonctionnaires promus est portée à l’attention de l’ensemble du personnel de la Commission, y compris les fonctionnaires détachés dans l’intérêt du service auprès d’une agence exécutive, au moyen de la publication d’une information administrative. Chaque fonctionnaire est invité à consulter son dossier de promotion.

[…]

11. La publication de la liste des fonctionnaires promus visée au paragraphe 9 vaut communication de la décision au sens de l’article 25 du statut. Le délai de trois mois prévu à l’article 90, paragraphe 2, du statut pour introduire une réclamation court à partir du jour suivant celui de la publication de cette liste.

[…] »

Les antécédents du litige

8 Pour les besoins de la présente procédure, les antécédents du litige, tels qu’exposés aux points 1 à 16 de l’arrêt attaqué, peuvent être résumés de la manière suivante.

9 À l’époque des faits de l’espèce, M. Vincenti était fonctionnaire de l’EUIPO de grade AST 7 et était titulaire de ce grade depuis le 1er avril 2009. Depuis le 10 juin 2013, il était en congé de maladie.

10 L’appréciation dont M. Vincenti avait fait l’objet dans l’ensemble des rapports d’évaluation pour les exercices 2009 à 2012 montrait que, « dans l’ensemble, le rendement, les compétences et les éléments de conduite évalués correspond[ai]ent au niveau requis pour le poste occupé ». En raison de son absence justifiée, les rapports d’évaluation pour les années 2013 à 2016 le concernant n’ont pas été finalisés.

11 Le seuil de promotion dans le grade de M. Vincenti était de 9 points.

12 Par lettre du 21 juillet 2014, l’autorité investie du pouvoir de nomination auprès de l’EUIPO (ci-après l’« AIPN ») a attribué 0,5 point à M. Vincenti pour 2014, de sorte que le nombre total de points obtenus s’élevait à 9,25. Néanmoins, M. Vincenti n’a pas été promu dans le cadre de l’exercice de promotion 2014.

13 Par une communication au personnel du 27 avril 2015, l’EUIPO a lancé l’exercice de promotion 2015 et a informé le personnel qu’il appliquait par analogie, conformément à l’article 110 du statut, les DGE de l’article 45.

14 Dans le cadre de l’exercice de promotion 2015, le comité consultatif de gestion de l’EUIPO a décidé de ne pas inscrire le nom de M. Vincenti sur la liste des fonctionnaires proposés à la promotion. Le 2 juillet 2015, M. Vincenti a contesté cette décision auprès du comité paritaire de promotion (ci-après le « CPP ») et a demandé à ce que son nom soit inscrit sur la liste des fonctionnaires proposés à la promotion. Après avoir examiné le cas de M. Vincenti, le CPP a recommandé de ne pas faire droit à sa demande.

15 Par décision du 24 juillet 2015, l’AIPN a publié la liste des fonctionnaires promus au titre de l’exercice de promotion 2015, sur laquelle le nom de M. Vincenti ne figurait pas.

16 Après avoir introduit une réclamation contre cette décision et à la suite du rejet explicite de cette réclamation le 8 décembre 2015, M. Vincenti a formé, le 18 mars 2016, un recours devant le Tribunal, enregistré sous le numéro d’affaire T-586/16 et fondé sur l’article 270 TFUE, contre ladite décision. M. Vincenti estimait, en substance, que l’AIPN avait méconnu l’article 3, cinquième tiret, seconde phrase, des DGE de l’article 45 en l’excluant de la procédure de promotion pour l’année 2015, au motif que ses rapports d’évaluation n’avaient pas été finalisés en raison d’un fait qui ne lui était pas imputable, à savoir son congé de maladie.

17 Par l’arrêt du 14 novembre 2017, Vincenti/EUIPO (T-586/16, EU:T:2017:803), le Tribunal a annulé la décision de l’AIPN du 24 juillet 2015 établissant la liste des fonctionnaires promus au titre de l’exercice de promotion 2015 en tant que M. Vincenti n’avait pas été pris en considération pour cet exercice.

18 Par la décision litigieuse, transmise par courriel du 11 juin 2018, l’AIPN a informé M. Vincenti que les exercices de promotion le concernant qui étaient encore ouverts jusqu’alors, à savoir ceux qui portaient sur les années 2014 à 2017, avaient finalement été clos. L’AIPN a par ailleurs indiqué à M. Vincenti que, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires, son nom n’avait pas été inscrit sur la liste des fonctionnaires promus au grade AST 8, ni au titre de la procédure de promotion de 2014 ni au titre de celles de 2015 à 2017.

19 Le 11 septembre 2018, M. Vincenti a introduit une réclamation contre la décision litigieuse, qui a été rejetée par lettre du 12 décembre 2018, laquelle a été transmise à M. Vincenti le même jour.

La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

20 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 mars 2019, M. Vincenti a introduit un recours fondé sur l’article 270 TFUE et tendant à l’annulation de la décision litigieuse, en invoquant deux moyens, tirés, le premier, de la violation de l’article 45 du statut, d’une erreur manifeste d’appréciation et de l’exécution erronée ou de l’inexécution de l’arrêt du 14 novembre 2017, Vincenti/EUIPO (T-586/16, EU:T:2017:803), et, le second, d’une violation du droit d’être entendu consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ainsi que d’une violation des droits procéduraux prévus à l’article 5, paragraphes 5 et 7, des DGE de l’article 45.

21 Le Tribunal a d’abord examiné le second moyen, dans le cadre duquel M. Vincenti soutenait, en substance, que la décision litigieuse était illégale dans la mesure où elle avait été adoptée sans qu’il ait eu l’opportunité de présenter, au préalable, des observations et d’avancer des arguments au soutien de sa demande de promotion, et ce en violation du droit d’être entendu tel que consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte et concrétisé à l’article 5, paragraphes 5 et 7, des DGE de l’article 45. M. Vincenti affirmait que, s’il avait été entendu utilement avant l’adoption de la décision litigieuse, la procédure aurait pu aboutir à un autre résultat.

22 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a accueilli le second moyen et a, en conséquence, annulé la décision litigieuse.

23 À cet effet, le Tribunal a constaté, tout d’abord, au point 37 de l’arrêt attaqué, que, à la suite de l’arrêt du 14 novembre 2017, Vincenti/EUIPO (T-586/16, EU:T:2017:803), l’EUIPO avait considéré M. Vincenti comme promouvable et avait finalisé les procédures de promotion afférentes aux années 2014 à 2017, en procédant à une comparaison des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion au grade AST 8 pour les exercices de promotion 2014 à 2017 afin d’adopter une décision sur la promotion de M. Vincenti pour chacune de ces années.

24 Ensuite, après avoir relevé que, en raison du congé de maladie de M. Vincenti, ses rapports d’évaluation pour les exercices de promotion 2014 à 2017 n’avaient pu être finalisés et que l’EUIPO avait repris la procédure de promotion à partir de la phase de comparaison des mérites des fonctionnaires promouvables, le Tribunal a constaté, au point 38 de l’arrêt attaqué, que le droit de M. Vincenti d’être entendu ne pouvait plus, dans les circonstances particulières de l’espèce, être exercé dans les conditions prévues à l’article 43, troisième alinéa, du statut et à l’article 5, paragraphe 7, des DGE de l’article 45. Néanmoins, le Tribunal a conclu, au point 39 de l’arrêt attaqué, que, conformément à sa jurisprudence relative au droit d’être entendu, rappelée aux points 26 et 27 dudit arrêt, l’EUIPO devait, en vertu de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte mettre M. Vincenti en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments qui pouvaient être retenus à son endroit avant de prendre la décision litigieuse.

25 S’agissant de la question de savoir si le droit de M. Vincenti d’être entendu avait été respecté en l’espèce, le Tribunal a rappelé, au point 42 de l’arrêt attaqué, d’une part, que cette décision mentionnait que, « pour tous les exercices [de promotion], en tenant compte des mérites [de M. Vincenti] tels qu’établis par les rapports depuis [s]a dernière promotion et d’autres informations disponibles se référant notamment aux cas d’inconduites découverts, puis confirmés par la suite par le rapport de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), l’AIPN a décidé de ne pas promouvoir [M. Vincenti] dans la mesure où [sa] conduite ne le justifiait pas » et, d’autre part, que, dans la décision de rejet de la réclamation introduite par M. Vincenti, mentionnée au point 19 du présent arrêt, il avait été indiqué qu’« une étude d’audit sur l’utilisation des télécommunications réalisée [au mois de] mars 2014 a[vait] révélé plusieurs faiblesses dans la gestion des contrats de télécommunications » dont celui-ci avait la charge.

26 Le Tribunal a, dès lors, relevé au point 43 de l’arrêt attaqué que, dans la décision litigieuse, l’AIPN avait pris en compte des circonstances ne figurant pas dans le dernier rapport d’évaluation de M. Vincenti relatif, en raison de son congé de maladie, à l’année 2012, afin de réaliser la comparaison des mérites des fonctionnaires promouvables pour les années 2014 à 2017. Après avoir examiné, aux points 44 à 50 de l’arrêt attaqué, si M. Vincenti avait été mis en mesure d’exercer son droit d’être entendu sur chacune des circonstances qui avaient été prises en compte lors des exercices de promotion de 2014 à 2017, tels que repris en 2018, le Tribunal a constaté, au point 51 de l’arrêt attaqué, que l’EUIPO n’avait garanti à M. Vincenti le droit d’être entendu à aucun stade des procédures de promotion pour ces années, telles que reprises en 2018, avant que la décision litigieuse ne soit prise.

27 Enfin, le Tribunal a jugé, aux points 55 et 56 de l’arrêt attaqué, qu’il ne pouvait être exclu que, si l’EUIPO avait mis M. Vincenti en mesure de faire connaître utilement son point de vue quant aux circonstances, retenues dans la décision litigieuse et ne figurant pas dans son dernier rapport d’évaluation, de manière à garantir son droit d’être entendu, cette décision aurait raisonnablement pu aboutir à un résultat différent et que, s’il avait été entendu avant l’adoption de cette décision, les arguments de M. Vincenti auraient pu modifier l’appréciation globale de ses mérites.

Les conclusions des parties devant la Cour

28 Par son pourvoi, l’EUIPO demande à la Cour :

– d’annuler l’arrêt attaqué et

– de condamner M. Vincenti aux dépens, y compris à ceux exposés devant le Tribunal.

29 M. Vincenti demande à la Cour :

– de rejeter le pourvoi et

– de condamner l’EUIPO aux dépens.

Sur le pourvoi

30 À l’appui de son pourvoi, l’EUIPO invoque deux moyens tirés, le premier, de la méconnaissance de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte et, le second, d’un défaut de motivation du constat opéré par le Tribunal selon lequel, en l’absence de l’irrégularité constituée par la violation du droit d’être entendu, la procédure aurait pu aboutir à un résultat différent.

Sur le premier moyen

Argumentation des parties

31 L’EUIPO soutient qu’une décision de non-promotion ne relève pas du champ d’application de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, puisqu’une telle décision ne serait ni une décision prise à l’encontre d’une personne, ni une mesure qui affecte de manière sensible ses intérêts.

32 Ainsi, en premier lieu, une telle décision ne serait pas une décision prise « à l’encontre d’une personne » et n’affecterait pas la situation du fonctionnaire non promu, ni son grade, ni son échelon, ni aucun autre élément de sa situation. Il ne s’agirait pas davantage d’une sanction disciplinaire ou d’une décision pouvant être assimilée à une telle sanction. L’EUIPO indique également qu’il n’existerait, dans le chef d’un fonctionnaire, ni un droit subjectif à une promotion, ni une protection de la confiance légitime d’être promu. Une décision de non-promotion serait donc, par sa nature et sa portée, différente des décisions qui sont susceptibles d’affecter défavorablement les intérêts de leur destinataire, au sens de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte.

33 En deuxième lieu, ce constat ne serait pas remis en cause par le fait que la décision de non-promotion peut faire l’objet d’un recours, puisque l’adoption d’un acte attaquable n’impliquerait pas, dans tous les cas, une obligation d’entendre préalablement le destinataire de cet acte ou d’ailleurs de motiver ledit acte. La décision de non-promotion deviendrait un acte attaquable non pas en raison de l’examen individuel des mérites du fonctionnaire concerné, mais à la suite d’une comparaison des mérites de tous les fonctionnaires promouvables. Ainsi, en cas de désaccord, le fonctionnaire non promu devrait pouvoir démontrer que ses mérites étaient soit identiques, soit supérieurs à ceux d’un fonctionnaire de même grade ayant été promu et que sa non-promotion était donc contraire au principe d’égalité de traitement.

34 En troisième lieu, seule la décision portant rejet de la réclamation d’un fonctionnaire non promu, et non la décision de non-promotion, serait soumise à l’obligation de motivation et il existerait une corrélation entre cette obligation et les droits de la défense du destinataire d’une telle décision. L’EUIPO estime, en outre, que M. Vincenti a pu exercer ses droits de la défense, ayant été informé des raisons de sa non-promotion au moyen de la réponse à sa réclamation. Au demeurant, sur le plan pratique, il serait quasi impossible que l’AIPN entende préalablement tout fonctionnaire lors de chaque exercice de promotion.

35 En quatrième lieu, le Tribunal n’aurait pas annulé la décision litigieuse au motif que l’EUIPO n’a pas respecté la procédure de promotion, mais l’aurait annulée au motif que l’AIPN n’a pas, dans le cadre d’une procédure ad hoc, entendu individuellement M. Vincenti. Or, aucune règle ne requerrait d’entendre un fonctionnaire avant de décider sur une promotion. En outre, la promotion étant décidée sur la base d’une comparaison des mérites des fonctionnaires promouvables, entendre individuellement le fonctionnaire concerné préalablement à la prise de décision sur sa promotion, alors que tous les autres fonctionnaires promouvables ne seraient pas entendus, contreviendrait au principe d’égalité de traitement.

36 M. Vincenti relève, en premier lieu, que l’argument selon lequel la décision de non-promotion ne serait pas un acte qui lui est défavorable de sorte qu’il n’y aurait pas lieu de l’entendre serait soulevé par l’EUIPO pour la première fois dans le cadre du pourvoi, et donc de manière tardive. Cet argument n’aurait jamais été invoqué, ni même évoqué dans le cadre de la procédure administrative ou devant le Tribunal, l’EUIPO ayant, tout au long de la procédure concernée, admis que M. Vincenti avait été affecté de manière défavorable par la décision de ne pas le promouvoir dans le cadre des exercices de promotion 2014 à 2017.

37 En deuxième lieu, M. Vincenti fait valoir que ce moyen n’est pas fondé.

Appréciation de la Cour

38 Conformément à une jurisprudence constante, dans le cadre d’un pourvoi, le contrôle de la Cour est limité à l’appréciation de la solution légale qui a été donnée aux moyens et aux arguments débattus devant le Tribunal. Dès lors, une partie ne saurait soulever pour la première fois devant la Cour des moyens ou des arguments qu’elle n’a pas invoqués devant celui-ci (arrêt du 18 mars 2021, Pometon/Commission, C-440/19 P, EU:C:2021:214, point 51).

39 En l’occurrence, il convient de relever que, dans son recours en annulation introduit devant le Tribunal, M. Vincenti a fait valoir, dans le cadre de son deuxième moyen, que la décision litigieuse était illégale au motif qu’elle avait été adoptée sans qu’il ait eu l’opportunité de présenter, au préalable, des observations au soutien de sa demande de promotion, et ce en violation du droit d’être entendu tel que consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte et concrétisé à l’article 5, paragraphes 5 et 7, des DGE de l’article 45.

40 Devant le Tribunal, l’EUIPO a fait valoir que ni le droit d’être entendu, consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, ni l’article 5, paragraphes 5 et 7, des DGE de l’article 45 n’avaient été violés, en relevant, notamment, que, dans le cadre de la procédure de promotion, en raison d’un grand nombre de fonctionnaires concernés, le droit d’être entendu se limitait au droit de former un recours devant le CPP, qu’il n’était pas envisageable que l’AIPN entende tous les fonctionnaires un par un avant de prendre une décision sur la promotion, que l’AIPN avait connaissance des contestations et des arguments de M. Vincenti et qu’il n’existait pas de nouvelles circonstances justifiant de l’entendre.

41 Il s’ensuit que, devant le Tribunal, l’EUIPO s’est placé sur le terrain de la portée du droit d’être entendu lors de l’adoption de la décision litigieuse, en faisant valoir que, en tant que ce droit était limité au droit de former un recours devant le CPP, il avait été respecté.

42 En revanche, à aucun moment l’EUIPO n’a allégué que, en raison de la nature et de la portée de la décision litigieuse, le droit d’être entendu, tel que consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte et concrétisé à l’article 5, paragraphes 5 et 7, des DGE de l’article 45, n’était pas applicable dans le cadre de l’adoption de cette décision.

43 Il s’ensuit que le premier moyen du pourvoi doit être rejeté comme étant irrecevable.

Sur le second moyen

Argumentation des parties

44 L’EUIPO reproche au Tribunal de faire référence, au point 55 de l’arrêt attaqué, aux arguments de M. Vincenti, exposés au point 54 de cet arrêt, et d’en déduire, sans même avoir procédé à un début d’analyse de ces arguments, qu’il ne pouvait être exclu que, si l’EUIPO avait mis M. Vincenti en mesure de faire connaître utilement son point de vue quant aux circonstances retenues dans la décision litigieuse et ne figurant pas dans son dernier rapport d’évaluation, de manière à garantir son droit d’être entendu, la décision litigieuse aurait raisonnablement pu aboutir à un résultat différent. Le Tribunal se serait ainsi borné à résumer le point de vue de M. Vincenti et à l’approuver sans autre forme d’explication. Ce faisant, en s’abstenant de qualifier les affirmations de M. Vincenti et de motiver sa conclusion, le Tribunal aurait commis une erreur de droit.

45 M. Vincenti estime que ce moyen n’est pas fondé.

Appréciation de la Cour

46 Selon une jurisprudence constante, la motivation de l’arrêt attaqué doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement du Tribunal, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la décision prise et à la Cour d’exercer son contrôle juridictionnel (voir, notamment, arrêt du 26 mai 2016, Rose Vision/Commission, C-224/15 P, EU:C:2016:358, point 24 et jurisprudence citée).

47 Toutefois, l’obligation de motivation n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige et la motivation peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (voir, notamment, arrêt du 26 mai 2016, Rose Vision/Commission, C-224/15 P, EU:C:2016:358, point 25 et jurisprudence citée).

48 Or, au point 55 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a indiqué que les arguments de M. Vincenti, exposés au point 54 de cet arrêt, se rapportaient directement aux motifs de la décision litigieuse sur lesquels il n’avait pas été entendu. Il s’est fondé sur ce constat pour conclure qu’il ne pouvait être exclu que, si l’EUIPO avait mis M. Vincenti en mesure de faire connaître utilement son point de vue quant à chacune des circonstances évoquées au point 42 de l’arrêt attaqué, de manière à garantir son droit d’être entendu, la décision litigieuse aurait raisonnablement pu aboutir à un résultat différent.

49 En outre, au point 56 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a indiqué que les éléments tirés du rapport de l’OLAF sur lesquels M. Vincenti n’a pas eu la possibilité de faire valoir son point de vue comptent parmi ceux retenus comme pertinents par l’EUIPO afin d’apprécier, en l’occurrence de manière défavorable, les mérites de l’intéressé.

50 Dès lors, le Tribunal a exposé les motifs qui viennent au soutien de sa conclusion, lesquels sont suffisants, au regard des exigences rappelées aux points 46 et 47 du présent arrêt, pour permettre à l’EUIPO de connaître les raisons qui ont conduit le Tribunal à considérer que la méconnaissance des exigences de l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte, en ce qui concerne les éléments d’appréciation en cause, était susceptible d’avoir eu une incidence sur l’issue de la procédure en cause, et, ainsi, pour permettre à la Cour d’exercer son contrôle.

51 Par conséquent, le second moyen doit été rejeté comme étant non fondé.

Sur les dépens

52 Conformément à l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. L’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

53 M. Vincenti ayant conclu à la condamnation de l’EUIPO aux dépens et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de condamner ce dernier aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête :

1) Le pourvoi est rejeté.

2) L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) est condamné aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure : l’allemand.

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CJUE, n° C-653/20, Arrêt de la Cour, Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) contre Guillaume Vincenti, 1er décembre 2022