CJUE, n° C-670/22, Conclusions de l'avocat général de la Cour, Procédure pénale contre M.N, 26 octobre 2023

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Chronologie de l’affaire

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CJUE · 26 octobre 2023

COMMUNIQUE DE PRESSE no 163/23 Luxembourg, le 26 octobre 2023 Conclusions de l'avocate générale dans l'affaire C-670/22 | Staatsanwaltschaft Berlin (EncroChat) Selon l'avocate générale Tamara Ćapeta, un procureur peut émettre une décision d'enquête européenne (DEE) ayant pour objet la transmission d'éléments de preuve déjà en la possession d'un autre État membre Tel est le cas lorsque le droit national de ce procureur lui permet de décider d'une transmission dans une procédure nationale similaire. Dans ce cas, l'autorité qui émet une DEE ne saurait apprécier le caractère régulier de la …

 
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Sur la décision

Référence :
CJUE, Cour, 26 oct. 2023, C-670/22
Numéro(s) : C-670/22
Conclusions de l'avocat général Mme T. Ćapeta, présentées le 26 octobre 2023.#Procédure pénale contre M.N.#Demande de décision préjudicielle, introduite par le Landgericht Berlin.#Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Directive 2014/41/UE – Décision d’enquête européenne en matière pénale – Obtention de preuves déjà en la possession des autorités compétentes de l’État d’exécution – Conditions d’émission – Service de télécommunications cryptées – EncroChat – Nécessité de la décision d’un juge – Utilisation de preuves obtenues en violation du droit de l’Union.#Affaire C-670/22.
Date de dépôt : 24 octobre 2022
Précédents jurisprudentiels : 37 Arrêt du 6 octobre 2020, La Quadrature du Net e.a. ( C-511/18, C-512/18 et C-520/18, EU:C:2020:791
40 Arrêt du 6 octobre 2020 ( C-511/18, C-512/18 et C-520/18, EU:C:2020:791
A.L. c. France ) et n o 47930/21
C-16/22, EU:C:2023:148
( C-180/21, EU:C:2022:967
C-508/18 et C-82/19 PPU, EU:C:2019:456
C-584/19, EU:C:2020:1002, point 52
C-724/19, EU:C:2021:1020, point 44
( C-724/19, EU:C:2021:1020, points 35 et 44
( C-724/19, EU:C:2021:1020, points 35 et 45
( C-746/18, EU:C:2020:18
CAJASUR Banco ( C-35/22, EU:C:2023:569
Commissioner of An Garda Síochána e.a. ( C-140/20, EU:C:2022:258
Conseil constitutionnel ( France ) a constaté, dans sa décision n o 2022-987 QPC du 8 avril 2022
Cour EDH, 12 janvier 2016, Szabó et Vissy c. Hongrie ( CE:ECHR:2016:0112JUD003713814
Cour EDH du 12 juillet 1988, Schenk c. Suisse ( CE:ECHR:1988:0712JUD001086284
Cour EDH du 17 janvier 2017, Habran et Dalem c. Belgique ( CE:ECHR:2017:0117JUD004300011
E.J. c. France ). Le 3 janvier 2022
Quadrature du Net e.a. ( C-511/18, C-512/18 et C-520/18, EU:C:2020:791
Solution : Renvoi préjudiciel
Identifiant CELEX : 62022CC0670
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2023:817
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Sur les parties

Texte intégral

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME TAMARA ĆAPETA

présentées le 26 octobre 2023 ( 1 )

Affaire C-670/22

Staatsanwaltschaft Berlin

contre

M. N.

[demande de décision préjudicielle formée par le Landgericht Berlin (tribunal régional de Berlin, Allemagne)]

« Renvoi préjudiciel – Coopération judiciaire en matière pénale – Directive 2014/41/UE – Décision d’enquête européenne – Article 6, paragraphe 1 – Conditions d’émission d’une décision d’enquête européenne – Transfert d’éléments de preuve qui sont déjà en la possession d’un autre État membre – Article 2, sous c), i) – Notion d’“autorité d’émission” – Admissibilité des preuves »

I. Introduction

1.

Une décision d’enquête européenne (ci-après une « DEE ») est un acte en droit de l’Union qui permet la coopération transfrontalière en matière d’enquêtes pénales. Elle est régie par la directive 2014/41/UE ( 2 ). Par le renvoi préjudiciel qui nous occupe, la Cour est, pour la première fois, invitée à interpréter cette directive dans un cas où une DEE a été émise pour le transfert d’éléments de preuve qui sont déjà en la possession d’un autre État.

2.

Pour les besoins d’une enquête pénale en Allemagne, la Generalstaatsanwaltschaft Frankfurt am Main (parquet général de Francfort-sur-le-Main, Allemagne) a émis plusieurs DEE tendant au transfert d’éléments de preuve recueillis au cours d’une enquête pénale commune franco-néerlandaise portant sur des utilisateurs d’EncroChat. EncroChat était un réseau de télécommunications crypté, permettant à ses utilisateurs de bénéficier d’un anonymat presque parfait ( 3 ).

3.

Le renvoi préjudiciel qui nous occupe tire son origine d’une des procédures pénales engagées devant le Landgericht Berlin (tribunal régional de Berlin, Allemagne) à l’encontre de M. N. sur le fondement de données de télécommunication interceptées, qui ont été transmises en application des DEE évoquées au point précédent des présentes conclusions. La question qui s’est posée devant la juridiction de renvoi est celle de savoir si les DEE ont été émises en méconnaissance de la directive 2014/41 et, dans l’affirmative, celle de connaître les conséquences susceptibles d’en découler pour l’utilisation de ces éléments de preuve dans la procédure pénale.

II. Les faits à l’origine du litige au principal, les questions préjudicielles et la procédure devant la Cour

4.

La procédure pénale au principal trouve son origine dans une enquête pénale engagée en France, qui a ensuite pris la forme d’une opération commune entre la République française et le Royaume des Pays-Bas, au cours de laquelle des données relatives au trafic, des données de localisation et des données de communication ont été interceptées, dont des messages et des images transmis dans le cadre de discussions en ligne entre des utilisateurs du réseau EncroChat.

5.

Un logiciel « cheval de Troie », développé dans le cadre de cette opération commune, a été téléversé sur le serveur situé à Roubaix (France) au printemps de l’année 2020 et installé, à partir de ce serveur, sur les terminaux en simulant une mise à jour. Le tribunal correctionnel de Lille (France) a autorisé l’opération aux fins de la collecte de données de communication. Cette interception a touché des utilisateurs d’EncroChat dans 122 pays, dont près de 4600 utilisateurs en Allemagne.

6.

Lors d’une vidéoconférence tenue le 9 mars 2020, l’Agence de l’Union européenne pour la coopération judiciaire en matière pénale (Eurojust) a informé certains pays des mesures de surveillance prévues par la police française et du transfert de données envisagé. Les représentants du Bundeskriminalamt (Office fédéral de la police judiciaire, Allemagne) et le parquet général de Francfort-sur-le-Main ont fait part de leur intérêt pour les données recueillies auprès des utilisateurs allemands.

7.

Le parquet général de Francfort-sur-le-Main a ouvert une enquête préliminaire contre X le 20 mars 2020. Les données recueillies par l’équipe d’enquête franco-néerlandaise ont été mises à disposition le 3 avril 2020 sur le serveur de l’agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol), à l’attention, notamment, des autorités allemandes.

8.

Le 2 juin 2020, dans le cadre de l’enquête préliminaire allemande contre X, le parquet général de Francfort-sur-le-Main a demandé, au moyen d’une DEE, aux autorités françaises l’autorisation d’utiliser les données issues d’EncroChat aux fins de poursuites pénales. Cette demande était justifiée par des soupçons de trafic illicite de stupéfiants en quantités importantes par des personnes non identifiées à l’époque. Ces personnes étaient cependant soupçonnées de faire partie d’un groupe criminel organisé en Allemagne qui utilisait des téléphones EncroChat. Le tribunal correctionnel de Lille a autorisé la DEE ayant pour objet la transmission et la production en justice des données des utilisateurs allemands issues d’EncroChat. Des données supplémentaires ont ensuite été transmises en application de deux DEE ampliatives du 9 septembre 2020 et du 2 juillet 2021.

9.

Se fondant sur les éléments de preuve communiqués, le parquet général de Francfort-sur-le-Main a disjoint les instructions à diligenter à l’encontre de certains utilisateurs particuliers d’EncroChat et les a attribuées à des parquets locaux. La Staatsanwaltschaft Berlin (parquet de Berlin, Allemagne) a ensuite retenu à l’encontre de la personne poursuivie en l’espèce plusieurs chefs d’accusation de trafic illicite de stupéfiants en quantités importantes et de détention illicite de stupéfiants en quantités importantes en Allemagne.

10.

Cette procédure pénale est actuellement pendante devant la juridiction de renvoi. Même si ce n’est pas clairement indiqué dans la décision de renvoi, il semble que, dans cette procédure, la question s’est posée de savoir si les DEE émises par le parquet général de Francfort-sur-le-Main l’ont été en méconnaissance de la directive 2014/41 et, dans l’affirmative, si les éléments de preuve à charge de la personne poursuivie qu’elles visent doivent être écartés dans la procédure pénale.

11.

Compte tenu de ces éléments, le Landgericht Berlin (tribunal régional de Berlin, Allemagne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)

Sur l’interprétation de la caractéristique “autorité d’émission” visée dans les dispositions combinées de l’article 6, paragraphe 1, et de l’article 2, sous c), de la [directive 2014/41 :]

a)

Une [DEE] visant à obtenir des éléments de preuve déjà rassemblés dans l’État d’exécution (en l’occurrence la France) doit-elle être rendue par un juge lorsque, selon le droit de l’État d’émission (en l’occurrence [la République fédérale d’Allemagne]), leur collecte originaire aurait dû être ordonnée par le juge dans un cas de figure national comparable ?

b)

À titre subsidiaire : en va-t-il au moins ainsi lorsque l’État d’exécution a exécuté la mesure originaire sur le territoire de l’État d’émission dans le but de mettre ensuite les données obtenues à la disposition des autorités d’enquête de l’État d’émission intéressées par les données aux fins de poursuites ?

c)

Indépendamment des règles de compétence nationales de l’État d’émission, une DEE visant à obtenir des éléments de preuve doit-elle toujours être adoptée par un juge (ou un organe indépendant qui n’est pas chargé des enquêtes pénales) lorsque la mesure concerne des atteintes graves à des droits fondamentaux primordiaux ?

2)

Sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, sous a), de la directive 2014/41[ :]

a)

L’article 6, paragraphe 1, sous c), de la directive 2014/41 s’oppose-t-il à une DEE visant à transmettre des données déjà rassemblées dans l’État d’exécution ([en l’occurrence la République française]) à la faveur de l’interception de télécommunications, notamment des données relatives au trafic et à la localisation ainsi que des enregistrements de contenus de communication, lorsque l’interception par l’État d’exécution s’est étendue à tous les utilisateurs du raccordement d’un service de télécommunication, [que] la DEE demande de transmettre les données de tous les raccordements utilisés sur le territoire de l’État d’émission et qu’il n’existait pas d’indices concrets de commission d’infractions graves par ces utilisateurs individuels, ni au moment où la mesure d’interception a été ordonnée et exécutée, ni au moment où la DEE a été adoptée ?

b)

L’article 6, paragraphe 1, sous a), de la directive 2014/41 s’oppose-t-il à une telle DEE si l’intégrité des données obtenues par la mesure d’interception ne peut pas être vérifiée par les autorités de l’État d’exécution en raison d’une confidentialité étendue ?

3)

Sur l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la directive2014/41[ :]

a)

L’article 6, paragraphe 1, sous b), de la directive 2014/41 s’oppose-t-il à une DEE visant à transmettre des données de télécommunication déjà rassemblées dans l’État d’exécution ([en l’occurrence la République française]) lorsque la mesure d’interception de l’État d’exécution qui a permis de collecter les données aurait été illégale selon le droit de l’État d’émission ([en l’occurrence la République fédérale d’]Allemagne) dans un cas de figure national comparable ?

b)

À titre subsidiaire : en va-t-il de même en tout cas lorsque l’État d’exécution a procédé à l’interception sur le territoire de l’État d’émission et dans l’intérêt de celui-ci ?

4)

Sur l’interprétation de l’article 31, paragraphes 1 et 3, de la directive 2014/41[ :]

a)

Une mesure liée à l’infiltration des appareils terminaux et visant à extraire des données de trafic, de localisation et de communication d’un service de communication fondé sur l’Internet constitue-t-elle une interception de télécommunications au sens de l’article 31 de la directive 2014/41 ?

b)

La notification visée à l’article 31, paragraphe 1, de la directive 2014/41 doit-elle toujours être adressée à un juge ou à tout le moins lorsque la mesure envisagée par l’État qui effectue l’interception ([en l’occurrence la République française]) ne pourrait être ordonnée selon le droit de l’État notifié ([en l’occurrence la République fédérale d’] Allemagne) que par un juge dans un cas de figure national comparable ?

c)

Dans la mesure où l’article 31 de la directive 2014/41 sert également à la protection individuelle des utilisateurs de télécommunications concernés, celle-ci s’étend-elle également à l’utilisation des données à des fins de poursuite pénale dans l’État notifié ([en l’occurrence la République fédérale d’]Allemagne) et, le cas échéant, cette finalité est-elle équivalente à la finalité supplémentaire de protection de la souveraineté de l’État membre notifié ?

5)

Sur les conséquences juridiques de l’obtention de preuves en violation du droit de l’Union[ :]

a)

Lorsque des preuves ont été obtenues par une [DDE] contraire au droit de l’Union, l’interdiction d’exploiter les preuves peut-elle découler directement du principe d’effectivité du droit de l’Union ?

b)

Lorsque des preuves ont été obtenues par une DEE contraire au droit de l’Union, le principe d’équivalence du droit de l’Union emporte-t-il interdiction d’exploiter les preuves si la mesure qui a permis d’obtenir des preuves dans l’État d’exécution n’aurait pas pu être ordonnée dans un cas de figure national comparable dans l’État d’émission et que les preuves obtenues par une telle mesure nationale illégale ne seraient pas utilisables en vertu du droit de l’État d’émission ?

c)

Est-il contraire au droit de l’Union, en particulier au principe d’effectivité, de justifier, dans une mise en balance des intérêts, par la gravité des faits révélés pour la première fois par l’exploitation des moyens de preuve, l’exploitation dans la procédure pénale de moyens de preuve dont l’obtention était contraire au droit de l’Union précisément en raison de l’absence d’indice de culpabilité ?

d)

À titre subsidiaire : résulte-t-il du droit de l’Union, en particulier du principe d’effectivité, que des violations du droit de l’Union entachant la collecte de preuves dans une procédure pénale nationale ne peuvent pas rester totalement sans conséquence, même en cas d’infractions graves, et doivent donc être prises en compte en faveur de la personne poursuivie au moins au stade de l’appréciation des preuves ou de la fixation de la peine ? »

12.

Le parquet de Berlin, les gouvernements allemand, estonien, français, néerlandais, polonais, suédois, ainsi que l’Irlande et la Commission européenne ont présenté des observations écrites.

13.

Une audience a eu lieu le 4 juillet 2023, lors de laquelle M. N., le parquet de Berlin, les gouvernements tchèque, allemand, espagnol, français, hongrois, néerlandais, suédois, ainsi que l’Irlande et la Commission ont été entendus dans leurs plaidoiries.

III. Analyse

A. Observations liminaires

14.

Les recours formés contre les condamnations pénales fondées sur les données interceptées issues d’EncroChat sont sources d’émoi au sein des cours suprêmes en Europe ( 4 ) ; la Cour ne fait pas exception à cet égard.

15.

La plupart de ces litiges mettent en cause les mesures d’interception que la France a mises en œuvre. Même si cette question est à l’évidence pertinente dans le cadre des procédures pénales qui ont été engagées sur le fondement des éléments de preuve recueillis à la faveur de cette interception, il importe de préciser que le renvoi préjudiciel qui nous occupe ne porte pas sur la question de la validité des mesures d’interception françaises.

16.

En réalité, le cas d’espèce porte sur l’éventuelle non-conformité des DEE émises par le parquet général de Francfort-sur-le-Main à la directive 2014/41 et les conséquences qui en découlent. Ce ne sont pas ces DEE qui sont à l’origine de l’adoption des mesures françaises d’interception des télécommunications entre les utilisateurs d’EncroChat. Les interceptions ont eu lieu indépendamment des DEE en cause. C’est aux juridictions françaises compétentes qu’il appartient de se prononcer sur les recours en justice formés contre ces mesures d’interception.

17.

Les DEE en cause n’avaient pas pour objet la collecte de données en France grâce à l’interception de télécommunications, mais uniquement la transmission des éléments de preuve déjà recueillis en France à la faveur de cette interception.

18.

Il y a lieu de bien qualifier ces faits au regard de la directive 2014/41. En l’occurrence, l’article 1er, paragraphe 1, de cette directive prévoit qu’une DEE peut être émise, d’une part, « afin de faire exécuter une ou plusieurs mesures d’enquête spécifiques dans un autre État membre », et, d’autre part, « pour l’obtention de preuves qui sont déjà en possession des autorités compétentes de l’État d’exécution » ( 5 ).

19.

Pour le dire simplement, une DEE peut être émise soit pour recueillir de nouveaux éléments de preuve, soit pour transmettre des éléments de preuve qui existent déjà. C’est cette terminologie que j’emploierai pour viser les deux types différents de DEE.

20.

Dans la procédure au principal, les DEE ont été émises dans ce second but : le parquet de Berlin a demandé la transmission des éléments de preuve que la France avait déjà en sa possession.

21.

Il ressort toutefois clairement de la décision de renvoi que, tout d’abord, la juridiction de renvoi considère que, en dépit de la distinction qu’établit l’article 1er, paragraphe 1, de la directive 2014/41 entre les deux types de DEE, une DEE ayant pour objet la transmission d’éléments de preuve existants ne saurait être émise sans prise en compte de la manière dont ces éléments ont été recueillis au départ. Ensuite, la juridiction de renvoi s’interroge sur le caractère proportionnel et, de ce fait, licite, des mesures initiales d’obtention des éléments de preuve en France qui ont ultérieurement été transmis à la République fédérale d’Allemagne. Enfin, la juridiction de renvoi ne souscrit pas au constat formulé par le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) ( 6 ) selon lequel les données interceptées issues d’EncroChat sont des éléments de preuve admissibles en Allemagne ( 7 ).

22.

Compte tenu de cet élément, la Cour doit préciser si au rang des conditions requises pour l’émission d’une DEE visant la transmission d’éléments de preuve existants figure celle d’apprécier les mesures ayant permis d’obtenir ces éléments dans l’État d’exécution. Je tiens à préciser d’emblée, et j’y reviendrai par la suite, que, dans ce cas de figure, l’autorité d’émission ne saurait remettre en cause le caractère licite des mesures ayant permis à l’État d’exécution de recueillir les éléments de preuve. Le litige dans la présente affaire ne porte donc pas sur le caractère proportionné de la mesure française ordonnant l’interception des téléphones EncroChat.

B. Sur la réorganisation des questions posées par la juridiction de renvoi et sur le plan des présentes conclusions

23.

La juridiction de renvoi considère que les DEE ont été émises en méconnaissance de la directive 2014/41, du fait que, d’une part, elles ont violé les conditions prévues à l’article 6, paragraphe 1, de cette directive et que, d’autre part, elles ont été émises par un procureur et non par une juridiction. En outre, les autorités françaises auraient dû, conformément à l’article 31 de la directive 2014/41, notifier les mesures d’interception à la juridiction allemande compétente. Enfin, cette juridiction considère qu’il convient d’interpréter le droit de l’Union, et plus précisément les principes d’équivalence et d’effectivité, en ce sens qu’ils interdisent l’exploitation, dans la procédure pénale, de moyens de preuve obtenus en méconnaissance de la directive 2014/41.

24.

La juridiction de renvoi demande ainsi en substance si l’interprétation qu’elle fait de la directive 2014/41 et des conséquences qui en découlent est correcte. Elle a organisé ses questions en cinq groupes, que j’ai réorganisés comme suit pour les besoins de mon analyse.

25.

Les trois premiers groupes de questions portent sur l’interprétation de la notion d’« autorité d’émission compétente » pour émettre une DEE ayant pour objet la transmission d’éléments de preuve existants et des conditions régissant l’émission de cette DEE. Les questions portant sur les conditions énoncées à l’article 6, paragraphe 1, sous a) et b), de la directive 2014/41 sont étroitement liées à celles portant sur l’autorité d’émission compétente. Je les examinerai dès lors ensemble sous le titre C.

26.

Le quatrième groupe de questions, portant sur l’interprétation de l’article 31, paragraphes 1 et 3, de la directive 2014/41, peut être examiné séparément. Je procéderai à cet examen sous le titre D.

27.

Enfin, j’analyserai le dernier groupe de questions, relatives aux conséquences qu’emporte une éventuelle méconnaissance de la directive 2014/41, sous le titre E. Ces questions peuvent être qualifiées d’« hypothétiques » au cas où aucune méconnaissance de la directive 2014/41 ne découlerait des réponses apportées aux questions précédentes. Toutefois, dès lors que cette conclusion est fonction de l’interprétation faite du droit national applicable, ce qui relève de la juridiction de renvoi, je propose à la Cour de répondre également à ces questions.

C. Sur les conditions d’émission d’une DEE ayant pour objet la transmission d’éléments de preuve et sur la notion d’« autorité d’émission compétente »

28.

Les conditions dont l’autorité d’émission doit vérifier le respect pour émettre une DEE ( 8 ) sont énoncées à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2014/41. Cette disposition énonce :

« L’autorité d’émission ne peut émettre une décision d’enquête européenne que si les conditions suivantes sont réunies :

a)

l’émission de la décision d’enquête européenne est nécessaire et proportionnée aux finalités des procédures visées à l’article 4, compte tenu des droits du suspect ou de la personne poursuivie ; et

b)

la ou les mesures d’enquête indiquées dans la décision d’enquête européenne auraient pu être ordonnées dans les mêmes conditions dans le cadre d’une procédure nationale similaire. »

29.

La directive 2014/41 subordonne ainsi l’émission d’une DEE à deuxconditions. Ces conditions visent à garantir que la DEE n’est pas émise en méconnaissance du droit de l’État d’émission ( 9 ). L’enquête pénale ou la procédure pénale ultérieure se déroulant dans l’État d’émission, ces conditions visent, en définitive, à protéger les droits des personnes poursuivies ou des suspects. Le respect de ces conditions ne peut être contesté, conformément à l’article 14, paragraphe 2, de la directive 2014/41, que dans l’État d’émission.

30.

Afin de réaliser cet objectif, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2014/41 impose à l’autorité d’émission de procéder à une vérification abstraite et à une vérification concrète.

31.

La vérification abstraite est prévue à l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la directive 2014/41 et requiert de l’autorité d’émission qu’elle établisse si la mesure d’enquête qui fera l’objet d’une DEE existe dans son droit national et qu’elle détermine les conditions auxquelles elle peut être ordonnée.

32.

La vérification concrète prévue à l’article 6, paragraphe 1, sous a), de la directive 2014/41 impose à l’autorité d’émission d’établir si une DEE donnée est nécessaire et proportionnée aux finalités d’une procédure pénale particulière.

33.

Ce n’est qu’après avoir établi, en application de l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la directive 2014/41, que son droit national permet en principe une mesure d’enquête donnée que l’autorité d’émission peut ensuite s’intéresser à l’affaire particulière dont elle est saisie et procéder à la vérification du caractère nécessaire et proportionnel en application de l’article 6, paragraphe 1, sous a), de la directive 2014/41. Je considère dès lors qu’il est plus logique d’examiner ces deux conditions dans l’ordre inverse.

34.

Tant la condition abstraite que la condition concrète sont liées à la question de la définition de l’autorité compétente pour émettre une DEE dans une affaire particulière. La juridiction de renvoi considère que le procureur n’avait pas la qualité, dans les circonstances du cas d’espèce, d’autorité compétente pour émettre les DEE ayant pour objet la transmission depuis la France d’éléments de preuve consistant en des données de télécommunication interceptées.

35.

L’article 2, sous c), de la directive 2014/41 énonce les autorités habilitées à émettre une DEE. Cette disposition énonce, dans les passages pertinents pour la présente affaire :

« “autorité d’émission” :

i)

un juge, une juridiction, un juge d’instruction ou un procureur compétent(e) dans l’affaire concernée ; » ( 10 )

36.

L’article 2, sous c), i), de la directive 2014/41 énumère ainsi les autorités qui peuvent, de manière autonome, sans autorisation supplémentaire, émettre une DEE. À la différence de la décision-cadre 2002/584/JAI ( 11 ), la directive 2014/41 cite explicitement les procureurs parmi ces autorités ( 12 ). Partant, contrairement à ce qu’elle a constaté concernant la décision-cadre 2002/584, la Cour a dit pour droit, dans l’arrêt Staatsanwaltschaft Wien (Ordres de virement falsifiés), qu’un procureur peut avoir la qualité d’autorité d’émission d’une DEE même s’il n’est pas tout à fait indépendant du pouvoir exécutif ( 13 ).

37.

Toutefois, ce n’est pas parce que les procureurs sont habilités en principe qu’ils ont la qualité d’autorité d’émission compétente dans chaque cas. Au contraire, la compétence sera fonction des circonstances du cas d’espèce et elle est liée aux conditions requises à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 2014/41. Partant, je ne me contenterai pas d’analyser ce que ces conditions requièrent d’une autorité d’émission, mais j’étudierai également l’incidence qu’elles ont sur la question de savoir quelle peut être cette autorité.

1. Sur l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la directive 2014/41 et sur la notion de « procédure nationale similaire »

38.

Conformément à l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la directive 2014/41, l’émission d’une DEE est subordonnée à la condition que la mesure d’enquête puisse être ordonnée dans les mêmes conditions dans le cadre d’une procédure nationale similaire.

39.

Il y a dès lors lieu d’interpréter ce qu’est une procédure nationale similaire en cas d’émission d’une DEE ayant pour objet la transmission d’éléments de preuve existants.

40.

Il convient de formuler une observation à titre liminaire avant d’interpréter l’expression de « procédure nationale similaire ». Cette question s’est posée et a fait l’objet de débats entre les parties à la procédure qui nous occupe parce que le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) a considéré ( 14 ) que l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la directive 2014/41 ne s’applique en rien à une DEE ayant pour objet la transmission d’éléments de preuve existants. Selon cette juridiction, la transmission d’éléments de preuve n’est pas une mesure d’enquête en tant que telle et elle échappe dès lors au champ d’application de cette disposition.

41.

Je ne souscris pas à cette thèse. L’article 6, paragraphe 1, sous b), de la directive 2014/41 énonce les conditions requises pour l’émission d’une DEE sans faire de distinction entre les deux types de mesures visées à l’article 1er de cette directive. Son libellé n’exclut pas de son champ d’application les mesures d’enquête ayant pour objet la transmission d’éléments de preuve qui existent déjà. Il s’ensuit que l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la directive 2014/41 s’applique également à une DEE émise aux fins de la transmission d’éléments de preuve existants, comme en l’espèce ( 15 ).

42.

La procédure nationale similaire qu’il y a lieu de considérer pour apprécier si une DEE peut être émise n’est pas la même selon qu’une DEE est émise en vue d’obtenir de nouveaux éléments de preuve ou bien de transmettre des éléments de preuve qui existent déjà. Partant, comme le suggèrent la Commission, le parquet de Berlin et le gouvernement allemand, on parlera de procédure nationale similaire lorsque des éléments de preuve sont transmis d’un procès pénal à un autre en Allemagne [par exemple du Staatsanwaltschaft München (parquet de Munich, Allemagne) à son homologue de Berlin].

43.

Cette interprétation est confirmée par le libellé de l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la directive 2014/41, selon lequel « la ou les mesures d’enquête indiquées dans la [DEE] » ( 16 ) sont celles que l’autorité doit pouvoir ordonner en droit national. En l’espèce, la mesure indiquée dans les DEE est la transmission d’éléments de preuve qui sont déjà en la possession des autorités françaises.

44.

Le point de savoir si des éléments de preuve consistant en des communications interceptées qui ont été recueillis aux fins d’une enquête ou d’une procédure pénale peuvent être transmis de cette enquête ou procédure à une autre relève du droit allemand. Ce point n’est pas tranché dans la directive 2014/41 elle-même ; cette directive renvoie en réalité au droit de l’État d’émission.

45.

Les mesures qui ont permis l’obtention des éléments de preuve en France ont-elles une incidence sur cette appréciation ?

46.

Au cas où le droit national prévoirait des conditions quant à la transmission d’éléments de preuve entre des procédures pénales, la mesure initiale pourrait présenter un intérêt. Par exemple, si le droit allemand interdisait une transmission de télécommunications interceptées d’une affaire pénale à une autre dans un cas de figure interne, l’autorité d’émission ne pourrait pas, elle non plus, ordonner une telle transmission dans un cas de figure transfrontalier.

47.

Tel ne semble toutefois pas être le cas en l’espèce. Lors de l’audience, le gouvernement allemand a confirmé que le droit allemand permet la transmission d’éléments de preuve entre deux procédures pénales, dont celle d’éléments obtenus à la faveur de l’interception de communications. Les conditions d’une transmission de cet ordre sont prévues dans la Strafprozessordnung (code de procédure pénale allemand, ci-après la « StPO »). C’est à la juridiction de renvoi qu’il appartient d’interpréter le droit allemand afin d’établir si tel est effectivement le cas ( 17 ).

48.

Toutefois, l’autorité d’émission n’est pas tenue, au titre de la directive 2014/41 – au contraire, il lui est même interdit de le faire –, de vérifier le caractère régulier de la mise en œuvre, dans l’État membre d’exécution, des mesures ayant permis l’obtention des éléments de preuve. Lorsqu’elle émet une DEE ayant pour objet la transmission d’éléments de preuve existants, l’autorité d’émission est liée par le principe de reconnaissance mutuelle, sur lequel repose la coopération en matière pénale dans l’Union. Sauf si l’irrégularité des mesures initiales est constatée à l’occasion d’une procédure juridictionnelle en France, que la personne concernée doit pouvoir entamer ( 18 ), l’autorité d’émission n’est pas habilitée à remettre en cause leur licéité.

49.

M. N. a avancé que la distinction opérée entre la transmission d’éléments de preuve et les mesures ayant permis leur obtention permettait d’éluder la protection que les suspects et les personnes poursuivies tirent du droit de l’État d’émission. Selon lui, les autorités allemandes se sont adressées à leurs homologues français afin d’obtenir des éléments de preuve au mépris du droit allemand.

50.

Les circonstances de l’espèce ne permettent pas de soupçonner que les procédures d’enquêtes transfrontalières ont été dévoyées. La France a obtenu les éléments de preuve concernés dans le cadre de sa propre enquête pénale. Même s’il s’est avéré que ces éléments intéressaient également la République fédérale d’Allemagne, ce n’est pas pour les besoins de l’enquête pénale allemande que la République française a entamé leur collecte. Ainsi, même s’il se révélerait exact qu’un juge allemand n’autoriserait pas cette interception si sa mise en œuvre devait avoir lieu en Allemagne, les autorités françaises ont mis en œuvre ces mesures dans le respect du droit français et avec l’autorisation d’une juridiction française compétente.

51.

Si les systèmes répressifs des États membres présentent certes des différences importantes ( 19 ), ce n’est pas pour autant qu’un système protégerait les droits fondamentaux des suspects et des personnes poursuivies tandis qu’un autre les violerait. Au contraire, la coopération judiciaire en matière pénale dans l’Union repose sur la présomption que tous les États membres respectent les droits fondamentaux. Si cette présomption peut être réfutée dans une affaire particulière dont est saisie la juridiction compétente, il reste que le principe de confiance mutuelle sur lequel repose la DEE et les autres instruments de coopération en matière pénale ne saurait être remis en cause.

52.

Partant, il incombe à l’autorité d’émission, au titre de l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la directive 2014/41, de vérifier si, en Allemagne, les données recueillies à la faveur de l’interception de télécommunications pour les besoins d’une procédure pénale peuvent être transmises dans le cadre d’une autre procédure pénale. Si tel est le cas, cette autorité d’émission peut émettre une DEE ayant pour objet la transmission d’éléments de preuve obtenus grâce à l’interception de télécommunications à un autre État membre de l’Union. Lorsqu’elle émet une telle DEE, l’autorité d’émission ne peut pas remettre en cause la licéité des mesures ayant permis l’obtention des éléments de preuve dans l’État membre d’exécution.

53.

De plus, dans sa troisième question, sous b), posée à titre subsidiaire, la juridiction de renvoi demande s’il importe que l’interception effectuée par l’État d’exécution portait notamment sur des données de téléphones portables d’utilisateurs en Allemagne, ou que cette interception présentait un intérêt pour des poursuites pénales dans cet État. Je considère que ces circonstances, même si elles étaient établies, n’importent en rien pour l’interprétation de l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la directive 2014/41.

54.

En premier lieu, la circonstance que des téléphones portables d’utilisateurs sur le territoire allemand ont été visés par l’interception n’a pas d’incidence sur le fait que l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la directive 2014/41 s’applique : indépendamment du lieu où les éléments de preuve ont été recueillis, il faut avoir respecté les règles allemandes applicables à une procédure nationale similaire pour qu’ils puissent être transmis de France en Allemagne en application d’une DEE.

55.

En second lieu, l’hypothèse selon laquelle les autorités françaisesont intercepté les communications dans l’intérêt de la République fédérale d’Allemagne est une hypothèse de fait qui n’est pas étayée dans la décision de renvoi et sur laquelle la Cour ne saurait se prononcer ; surtout, rien dans l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la directive 2014/41 ne permet de conclure que l’intérêt de l’État d’émission entre en ligne de compte pour son interprétation.

Conclusion intermédiaire

56.

Lorsqu’une DEE est émise pour la transmission d’éléments de preuve déjà en la possession d’un autre État, la condition relative à une procédure nationale similaire figurant à l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la directive 2014/41 impose à l’autorité d’émission d’établir si, et à quelles conditions, le droit national applicable permet que des éléments de preuve obtenus à la faveur de l’interception de communications soient transmis d’une procédure pénale interne à une autre.

57.

Lorsqu’elle décide si elle peut émettre une DEE tendant à la transmission d’éléments de preuve déjà existants, l’autorité d’émission ne saurait apprécier si ces éléments, dont elle demande la transmission en émettant cette DEE, ont été obtenus au départ de manière régulière dans l’État d’exécution.

58.

La circonstance que les mesures initiales ont été mises en œuvre sur le territoire de l’État d’émission, ou qu’elles étaient dans l’intérêt de cet État, n’affecte en rien cette conclusion.

2. Sur l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la directive 2014/41 et sur la notion d’« autorité d’émission compétente »

59.

La juridiction de renvoi considère que les DEE émises en l’espèce auraient dû l’être par une juridiction et non par un procureur. À cet égard, la juridiction de renvoi demande, en premier lieu, si cette conclusion se dégage de la lecture combinée de l’article 2, sous c), i), et de l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la directive 2014/41 et, en second lieu, si la circonstance que les autorités françaises ont intercepté les communications de téléphones portables sur le territoire allemand a une incidence sur la réponse à donner à cette question.

60.

La Cour a déjà indiqué qu’il y a effectivement lieu de tenir compte de l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la directive 2014/41 pour déterminer l’autorité d’émission compétente dans un cas particulier. Dans l’arrêt Spetsializirana prokuratura (Données relatives au trafic et à la localisation), la Cour a établi un lien entre l’article 2, sous c), i), et l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la directive 2014/41 ( 20 ). Elle a précisé qu’une DEE doit être émise par une juridiction si c’est ce que prévoit le droit de l’État membre d’émission s’agissant de la même mesure dans un cas de figure interne ( 21 ). Dans ce cas de figure, c’est une juridiction qui est l’autorité d’émission compétente, même si le procureur est visé dans l’énumération de l’article 2, sous c), i) de cette directive ( 22 ).

61.

En résumé, s’il est vrai qu’un procureur peut avoir qualité d’autorité d’émission en principe, il reste toutefois que c’est le droit national applicable à une procédure nationale similaire qui détermine l’autorité d’émission compétente dans un cas particulier.

62.

Eu égard à l’analyse que j’ai développée précédemment relative à l’interprétation à faire de la notion de « procédure nationale similaire » figurant à l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la directive 2014/41 lorsqu’une DEE est émise pour la transmission d’éléments de preuve existants, c’est si le droit allemand le prévoit en cas de transmission, dans un cas de figure interne, de données de télécommunication interceptées que la DEE aurait dû être émise par une juridiction.

63.

Dès lors, il est indifférent, aux fins de déterminer l’autorité d’émission compétente, de savoir si, en droit allemand, une juridiction devrait autoriser les mesures d’interception. Il y a uniquement lieu de se demander si une juridiction devrait autoriser cette transmission dans un cas de figure interne similaire. Tel ne semble pas être le cas en droit allemand.

64.

Cela dit, il subsiste un problème important à examiner. Si la transmission des éléments de preuve existants avait eu lieu dans un cas de figure interne, d’un procureur à un autre (par exemple de Munich à Berlin), la mesure initiale d’interception des télécommunications aurait été, en droit allemand, prononcée par une juridiction. Le caractère proportionnel de l’ingérence dans les droits fondamentaux aurait ainsi été contrôlé par une juridiction. C’est ce qui, du point de vue de la protection des droits des suspects et des personnes poursuivies, permet d’accepter que ces éléments de preuve puissent être utilisés dans une autre procédure pénale sans faire intervenir à nouveau une juridiction.

65.

Or, lorsque la mesure initiale est régie par un autre ordre juridique, la règle qui n’impose pas que la transmission d’éléments de preuve existants fasse l’objet d’un contrôle juridictionnel s’inscrit dans un contexte différent et inhabituel ( 23 ).

66.

Toutefois, en l’espèce, l’interception des télécommunications a été autorisée par des juridictions françaises ( 24 ). Le principe de reconnaissance mutuelle, sur lequel repose le mécanisme de la DEE, requiert des autorités allemandes qu’elles attachent à cette étape procédurale la même valeur que celle qu’elles lui accorderaient dans un cas de figure interne. Il en est ainsi même si, dans un cas particulier, un juge allemand en déciderait autrement.

67.

Qu’en serait-il, en revanche, si le droit français ne requérait pas que les mesures d’interception soient autorisées par un juge ? Lors de l’audience, la Commission a indiqué que la situation serait différente dans ce cas, considérant à cet égard que la DEE ayant pour objet la transmission d’éléments de preuve existants pourrait être qualifiée de « contraire au droit de l’Union » si les juridictions françaises n’avaient pas autorisé la mesure initiale. Elle laisserait ainsi entendre que l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la directive 2014/41 n’est pas tout à fait imperméable à la mesure initiale lorsqu’une DEE est émise pour la transmission d’éléments de preuve existants.

68.

Selon moi, lorsque le droit national habilite un procureur à demander la transmission d’éléments de preuve du fait qu’un juge a autorisé la collecte initiale de ces éléments, il y a lieu de tenir compte de cette règle de droit national dans le cadre de l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la directive 2014/41. Il incombe ainsi à l’autorité d’émission de vérifier si la mesure initiale a fait l’objet d’une autorisation par un juge, comme l’exige le droit national. Toutefois, l’autorité d’émission n’aurait pas la faculté de remettre en cause le caractère régulier de cette autorisation, étant au contraire tenue d’accepter l’autorisation judiciaire dans l’État d’exécution de la même manière qu’elle le ferait dans un cas de figure interne.

69.

Cela étant, si l’État d’exécution n’a pas prévu l’intervention d’une juridiction pour autoriser la mesure initiale, alors que l’État d’émission le requiert dans un cas de figure interne similaire, ce dernier État peut prévoir que l’émission d’une DEE ayant pour objet la transmission d’éléments de preuve existants doit être autorisée par un juge. Il en est ainsi même s’il ne requiert pas une telle autorisation en cas de transmission d’éléments de preuve dans un cas de figure interne.

70.

En l’espèce, les juridictions françaises compétentes ont autorisé chacune des étapes entreprises pour recueillir les données à partir du serveur d’EncroChat en France ( 25 ). Je ne vois donc pas pourquoi un procureur allemand ne pourrait pas émettre une DEE ayant pour objet la transmission de ces preuves.

71.

Dans sa première question, la juridiction de renvoi pose, sous b), une question à titre subsidiaire, qui repose sur la prémisse selon laquelle c’est à l’initiative des autorités allemandes que la France a collecté les données dans l’intérêt de l’Allemagne, cette collecte ayant eu lieu sur le territoire allemand ( 26 ).

72.

Cette question est en partie hypothétique, dès lors que ce sont les autorités françaises qui ont pris l’initiative de recueillir des éléments de preuve, et ce aux fins de leur propre enquête. La découverte d’utilisateurs allemands d’EncroChat a été la conséquence et non la raison de l’interception des télécommunications.

73.

La circonstance que certains utilisateurs d’EncroChat se trouvaient sur le territoire allemand n’a, selon moi, aucune incidence sur l’interprétation de la notion d’« autorité d’émission ». Dès lors qu’une DEE ne peut être émise que pour des mesures susceptibles d’être adoptées dans une procédure nationale similaire, les mêmes règles nationales relatives à l’autorité d’émission s’appliquent indépendamment de l’endroit où la mesure d’enquête a été mise en œuvre et de la personne qui l’a mise en œuvre. La seule différence est de savoir si c’est une DEE ou une décision d’enquête nationale qui sera utilisée ( 27 ).

Conclusion intermédiaire

74.

Lorsqu’un juge a autorisé la mesure initiale dans l’État d’exécution, il n’est pas nécessaire qu’une DEE ayant pour objet la transmission de ces éléments de preuve soit émise également par un juge, même si le droit de l’État d’émission prévoit que c’est un juge qui doit décider de la collecte des éléments de preuve initiale.

75.

La circonstance que l’interception a été mise en œuvre sur le territoire d’un autre État membre n’a aucune incidence s’agissant de la détermination de l’autorité d’émission.

3. Sur l’article 6, paragraphe 1, sous a), de la directive 2014/41 et sur la proportionnalité

76.

Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, sous a), de la directive 2014/41, une DEE doit être nécessaire et proportionnée aux finalités des procédures pénales, compte tenu des droits du suspect ou de la personne poursuivie ( 28 ).

77.

Cette appréciation du caractère proportionnel est encadrée tant par le droit de l’Union que par le droit de l’État d’émission ( 29 ).

78.

L’autorité d’émission doit s’assurer que la DEE est nécessaire et proportionnée au regard des circonstances existant au moment de l’émission de cette DEE. À cet égard, M. N. fait valoir à juste titre que, pour l’appréciation du caractère proportionnel d’une DEE, il ne fait aucun doute qu’il est indifférent de savoir si l’enquête pénale a porté ses fruits et a entraîné de nombreuses condamnations pour des infractions graves.

79.

La question qu’il y a lieu de se poser est plutôt celle de savoir si le degré d’ingérence dans la vie privée, qui découle de la consultation par le procureur des éléments de preuve transmis, peut être justifié par l’importance de l’intérêt général que revêt l’enquête pénale ou la procédure pénale concernées, compte tenu des circonstances propres à une affaire particulière.

80.

À cet égard, la Cour a dit pour droit, dans sa jurisprudence relative à la directive « vie privée et communications électroniques » ( 30 ), que l’accès, par des autorités publiques, à des données relatives au trafic et à des données de localisation représente toujours une grave ingérence dans la vie privée des personnes concernées ( 31 ).

81.

Si la directive « vie privée et communications électroniques » ne s’applique pas en tant que telle au cas d’espèce ( 32 ), il reste que les enseignements afférents à la gravité de l’ingérence dans les droits fondamentaux qu’emporte l’accès à des données relatives au trafic et à des données de localisation intéressent également le cas d’espèce : la consultation par les autorités publiques allemandes de données de communication transmises depuis la France peut être qualifiée d’« ingérence grave dans les droits fondamentaux ». Toutefois, même une ingérence grave peut être justifiée par un intérêt général d’importance équivalente ( 33 ).

82.

Seule l’autorité d’émission (ou la juridiction nationale saisie d’un recours au titre de l’article 14, paragraphe 2, de la directive 2014/41) peut apprécier cet intérêt compte tenu de l’ensemble des circonstances de l’espèce, cette appréciation étant régie principalement par le droit national ( 34 ). Comme je l’ai déjà indiqué, le droit national applicable est celui qui régit la transmission d’éléments de preuve d’une procédure pénale à une autre.

83.

La Cour ne saurait se substituer à l’autorité d’émission ou à la juridiction nationale saisie d’un recours s’agissant de l’appréciation du caractère proportionné d’une DEE particulière. Outre qu’elle n’est pas habilitée à ce faire, la Cour n’est pas non plus parfaitement au fait de l’ensemble des éléments de droit et de fait pertinents dans lesquels s’inscrit une enquête pénale donnée. Partant, il n’appartient pas à la Cour de se prononcer sur le caractère éventuellement disproportionné d’une décision ayant pour objet la transmission des données de l’ensemble des utilisateurs d’EncroChat en Allemagne en l’absence d’éléments de preuve concrets des infractions commises.

84.

Par sa deuxième question, sous b), la juridiction de renvoi demande s’il convient de tenir compte du caractère confidentiel de la méthode d’interception des données dans l’appréciation de la proportionnalité lorsque les autorités de l’État d’émission ne peuvent pas vérifier l’intégrité des données recueillies.

85.

Selon moi, le caractère confidentiel peut effectivement avoir une incidence sur la faculté qu’ont les suspects ou les personnes poursuivies de se défendre. Ce point intéresse toutefois la question de l’admissibilité des éléments de preuve, examinée dans le cadre du cinquième groupe de questions posées par la juridiction de renvoi.

Conclusion intermédiaire

86.

Il appartient à l’autorité d’émission d’apprécier le caractère nécessaire et proportionné d’une DEE visant la transmission d’éléments de preuve existants, sa décision étant susceptible de faire l’objet d’un recours devant la juridiction nationale compétente à cet effet. Dans le cadre de cette appréciation, elle doit prendre en compte le fait que l’accès par l’autorité nationale aux données de communication interceptées représente une ingérence grave dans la vie privée des personnes concernées. Cette ingérence doit être compensée par l’importance de l’intérêt général que revêtent la recherche et la poursuite des infractions.

4. Le droit de l’Union exige-t-il que la proportionnalité soit appréciée par une juridiction en cas d’ingérence grave dans les droits fondamentaux ?

87.

Par sa première question, sous c), la juridiction de renvoi demande si le droit de l’Union, indépendamment du droit national applicable, requiert que ce soit une juridiction qui autorise un procureur à consulter des éléments de preuve obtenus à la faveur de l’interception de communications.

88.

La juridiction de renvoi suggère que l’émission d’une DEE ayant pour objet la transmission d’éléments de preuve consistant en des télécommunications interceptées doit toujours être autorisée par un juge. Cette juridiction s’est référée à l’arrêt Prokuratuur (Conditions d’accès aux données relatives aux communications électroniques).

89.

Dans cet arrêt, la Cour a constaté qu’il est nécessaire qu’une juridiction ou une autre entité administrative indépendante autorise au préalable les autorités publiques à consulter les données conservées par des fournisseurs de services de télécommunication ( 35 ). La Cour s’est fondée sur l’argumentation convaincante développée par son avocat général ( 36 ), selon lequel un ministère public, qui est partie à la procédure pénale, ne saurait être qualifié d’« impartial ». C’est pour cette raison que l’on peut se demander si cette autorité peut effectuer l’analyse du caractère proportionnel sans faire passer les intérêts de l’action publique avant ceux de la protection de la vie privée et des données à caractère personnel des suspects et des personnes poursuivies.

90.

Dès lors que l’article 6, paragraphe 1, sous a), de la directive 2014/41 requiert également qu’une DEE soit proportionnée, l’on peut se demander si, eu égard à l’enseignement de l’arrêt Prokuratuur (Conditions d’accès aux données relatives aux communications électroniques), un procureur pourrait être investi de la tâche de procéder à cette analyse du caractère proportionnel.

91.

La directive 2014/41 a laissé aux États membres le soin d’apprécier si un procureur peut émettre une DEE, en réglant la question dans leur droit national. C’est logique, compte tenu des différences existant dans l’organisation des systèmes répressifs des États membres. Cette appréciation régie par les droits nationaux comprend la question de savoir si un procureur peut procéder de manière impartiale à un examen du caractère proportionnel. S’il n’est pas acceptable qu’un procureur émette une DEE du fait qu’il est partie à la procédure pénale, l’article 2, sous c), i), de la directive 2014/41 en perdrait son effet utile.

92.

La juridiction de renvoi a toutefois voulu indiquer qu’il faudrait dégager du droit de l’Union une obligation d’autorisation par un juge uniquement lorsque les mesures concernées emportent une grave ingérence dans les droits fondamentaux. Tel était effectivement le cas dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Prokuratuur (Conditions d’accès aux données relatives aux communications électroniques) et dans d’autres affaires relatives à la directive « vie privée et communications électroniques ».

93.

La version concise de la réponse à donner est que la directive « vie privée et communications électroniques » et la jurisprudence y afférente ne s’appliquent pas en l’espèce. Elles ne s’appliquent que lorsque les fournisseurs de services de télécommunication sont tenus, au titre du droit national, de conserver des données relatives au trafic et des données de localisation liées à des télécommunications et que les autorités publiques demandent à pouvoir consulter les données ainsi conservées. Lorsque les États membres réalisent l’interception directement, sans qu’aucune obligation n’incombe aux fournisseurs de services de télécommunication, ce n’est pas la directive « vie privée et communications électroniques » qui s’applique, mais le droit national ( 37 ).

94.

Toutefois, si l’on approfondit l’examen de l’enseignement de l’arrêt Prokuratuur (Conditions d’accès aux données relatives aux communications électroniques), comme l’a proposé la juridiction de renvoi, il pourrait néanmoins être possible de s’interroger sur les raisons qui ont amené la Cour à considérer que, du fait de la nature de ses fonctions, un procureur n’est pas en mesure de procéder à une appréciation impartiale du caractère proportionné en cas de demande d’accès à des données de télécommunication adressée à des fournisseurs de services de réseau.

95.

Dans le cadre de la directive « vie privée et communications électroniques », les données consultées par un procureur sont toujours celles détenues par des opérateurs de télécommunication qui sont tenus, au titre du droit national, de conserver des données relatives au trafic et des données de localisation de la population en général. Les données conservées ne sont ainsi pas propres à un cas particulier, mais relèvent plutôt d’une surveillance de masse. C’est à l’occasion de la demande formulée par un procureur de pouvoir les consulter pour les besoins d’une enquête pénale bien précise que les circonstances individuelles peuvent pour la première fois être prises en compte. Partant, il est justifié de prévoir qu’une juridiction apprécie le caractère proportionné de cette demande, l’intervention d’une juridiction étant nécessaire pour éviter tout abus dans la consultation de données conservées en masse et de manière indifférenciée.

96.

C’est cet élément qui fait que les constatations de l’arrêt Prokuratuur (Conditions d’accès aux données relatives aux communications électroniques) ne s’appliquent pas en l’espèce. En l’espèce, les données qui doivent être transmises ne sont pas recueillies de manière indiscriminée auprès de l’ensemble de la population, mais aux fins d’une enquête pénale bien précise en France. Cette première étape, qui a permis la collecte des données concernées, s’est déroulée sous le contrôle d’un juge.

97.

Par conséquent, le degré d’ingérence dans les droits fondamentaux à la vie privée et à la protection des données, qui était à l’origine de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Prokuratuur (Conditions d’accès aux données relatives aux communications électroniques), était différent de celui qu’emporte le dispositif mis en œuvre en l’espèce. Les données, dont le parquet général de Francfort-sur-le-Main a demandé la transmission dans les trois DEE qu’il a émises, ne concernaient que des utilisateurs d’EncroChat en Allemagne, étant entendu qu’il y avait des éléments indiquant que ce service était principalement utilisé pour commettre des infractions pénales.

98.

Je ne dis pas que l’ingérence dans la vie privée de ces personnes est sans importance. Celle-ci n’est toutefois toujours pas comparable à la surveillance de masse de la population en général.

99.

Outre qu’elle oblige l’autorité d’émission à procéder à l’appréciation du caractère proportionné et à justifier celle-ci, la directive 2014/41 prévoit d’autres garanties. En cas de violation de droits fondamentaux par les procureurs, l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2014/41 impose aux États membres de prévoir des voies de recours équivalentes à celles ouvertes dans le cadre d’une procédure nationale similaire. Dès lors, le suspect ou la personne poursuivie doit pouvoir contester l’appréciation du caractère proportionné réalisée par le procureur lorsqu’il émet une DEE ayant pour objet la transmission d’éléments de preuve ( 38 ). Tel n’est pas le cas dans le cadre de la directive « vie privée et communications électroniques ».

100.

Enfin, il convient que j’examine succinctement s’il y a lieu de tenir compte de la directive 2016/680 ( 39 ) pour déterminer l’autorité d’émission. Cette question s’est posée parce que la Cour, dans son arrêt La Quadrature du Net e.a., a indiqué que la directive « vie privée et communications électroniques » ne s’applique pas à l’interception directe de données ; au contraire, c’est le droit national qui s’applique « sous réserve de l’application de la [directive 2016/680] » ( 40 ). La question qui se pose est dès lors de savoir si l’obligation qu’une DEE ayant pour objet la transmission d’éléments de preuve existants soit émise par une juridiction, lorsque ces éléments consistent en des données interceptées, découle de la directive 2016/680.

101.

La directive 2016/680, qui protège les données à caractère personnel dans le cadre des enquêtes pénales, peut effectivement s’appliquer aux circonstances de l’espèce ( 41 ). Toutefois, cette directive n’énonce, selon moi, aucune règle qui permettrait à la Cour de considérer qu’il incombe aux États membres, au titre du droit de l’Union, de prévoir que, pour pouvoir consulter directement des données obtenues à la faveur de l’interception de communications, un procureur doit y être autorisé préalablement par un juge.

102.

Cette directive régit les obligations incombant aux autorités publiques qui agissent en tant que responsables du traitement, lesquelles sont notamment tenues de procéder à une appréciation du caractère proportionné ( 42 ), sans pour autant déterminer de quelles autorités il peut s’agir.

Conclusion intermédiaire

103.

Le droit de l’Union n’impose pas que ce soit une juridiction qui émette une DEE ayant pour objet la transmission d’éléments de preuve existants obtenus à la faveur de l’interception de télécommunications, si le droit national prévoit qu’un procureur peut décider d’une telle transmission dans une procédure nationale similaire.

D. Sur l’article 31 de la directive 2014/41 et sur l’obligation de notification

104.

Par son quatrième groupe de questions, la juridiction de renvoi demande si l’obligation de notification prévue à l’article 31 de la directive 2014/41 aurait dû s’appliquer à l’interception des communications effectuée par les autorités françaises. Dans l’affirmative, la juridiction de renvoi demande également si cette notification aurait dû être adressée à un juge, dès lors que seul un juge aurait pu autoriser l’interception de communications en droit allemand.

105.

Les passages de l’article 31 de la directive 2014/41 pertinents en l’espèce énoncent :

« 1. Lorsque l’autorité compétente d’un État membre qui effectue l’interception (ci-après dénommé “État membre interceptant”) a autorisé, aux fins de l’exécution d’une mesure d’enquête, l’interception de télécommunications et que l’adresse de communication de la cible de l’interception précisée dans l’ordre d’interception est utilisée sur le territoire d’un autre État membre (ci-après dénommé “État membre notifié”) dont l’assistance technique n’est pas nécessaire pour effectuer cette interception, l’État membre interceptant notifie l’interception à l’autorité compétente de l’État membre notifié :

a)

avant l’interception dans les cas où l’autorité compétente de l’État membre interceptant sait déjà, au moment d’ordonner l’interception, que la cible de l’interception se trouve ou se trouvera sur le territoire de l’État membre notifié ;

b)

au cours de l’interception ou après sa réalisation, dès qu’elle s’aperçoit que la cible de l’interception se trouve ou s’est trouvée sur le territoire de l’État membre notifié au moment de l’interception.

2. La notification visée au paragraphe 1 se fait au moyen du formulaire figurant à l’annexe C.

[…] »

106.

L’article 31 de la directive 2014/41 porte sur des cas dans lesquels un État membre procède à l’interception de télécommunications sur le territoire d’un autre État membre, sans avoir besoin de la moindre assistance technique de la part de ce dernier ( 43 ).

107.

Cette disposition poursuit deux objectifs. En premier lieu, dans le prolongement de la courtoisie internationale découlant d’accords antérieurs en matière d’entraide judiciaire ( 44 ), l’obligation de notification a pour vocation de renforcer la confiance mutuelle entre les États participant à l’espace de liberté, de sécurité et de justice ( 45 ). En second lieu, la notification vise à permettre à l’État membre notifié de protéger les droits fondamentaux des justiciables sur son territoire ( 46 ).

108.

L’article 31 de la directive 2014/41 s’applique lorsqu’une mesure transfrontalière est en cours d’exécution, quoique sans DEE, dès lors qu’elle est mise en œuvre unilatéralement par un État membre ( 47 ).

109.

Cette interprétation découle du libellé de l’article 31 de la directive 2014/41, qui n’évoque nullement l’émission d’une DEE, à la différence de l’article 30 de cette directive. De même, l’article 31 emploie non pas les expressions d’États membres « d’émission » et « d’exécution », mais celles d’États membres « interceptant » et « notifié » ( 48 ).

110.

Selon moi, cette disposition vise précisément les cas de figure tels que l’interception par la France de données de télécommunication sur des téléphones portables en Allemagne dans le cadre d’une enquête pénale française. Par conséquent, la France aurait dû informer les autorités allemandes dès qu’elle s’est aperçue qu’une partie des données interceptées provenait de téléphones portables en Allemagne ( 49 ).

111.

Quelle est l’autorité allemande à laquelle la France aurait dû adresser la notification ? La directive 2014/41 n’impose pas aux États membres de désigner l’autorité nationale compétente pour recevoir ces notifications, comme elle le fait dans certains autres cas ( 50 ). Partant, l’État interceptant ne saurait savoir quelle entité est compétente pour recevoir cette notification dans l’État membre notifié.

112.

Ainsi, la France n’était pas tenue d’adresser la notification à une juridiction compétente allemande, mais aurait pu également l’adresser, par exemple, à un procureur. Il relève de la responsabilité des États membres notifiés de recevoir ces notifications et de les transmettre à l’autorité compétente en droit national.

Conclusion intermédiaire

113.

Un État membre qui, dans le cadre de l’enquête ou de la procédure pénales qu’il mène de manière unilatérale, intercepte des télécommunications sur le territoire d’un autre État membre doit notifier l’interception à cet autre État.

114.

Cette notification peut être adressée à toute autorité que l’État membre juge apte à cet effet, dès lors que ce dernier ne saurait savoir quelle autorité est compétente en la matière dans une procédure nationale similaire.

115.

L’article 31 de la directive 2014/41 vise tant la protection individuelle des utilisateurs de télécommunications concernés que celle de la souveraineté de l’État membre notifié.

E. Sur le caractère admissible des éléments de preuve

116.

Par son cinquième groupe de questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, lorsqu’il s’avère qu’une DEE a été émise en méconnaissance des conditions requises par la directive 2014/41, il en découle que les éléments de preuve concernés sont inadmissibles dans la procédure pénale dans l’État membre d’émission. Cette juridiction s’appuie sur les principes d’équivalence et d’effectivité. Elle invoque ce dernier principe en ce sens que si les éléments de preuve obtenus en méconnaissance de la directive 2014/41 étaient malgré tout exploités dans l’État d’émission, il serait porté atteinte à l’effectivité de cette directive.

117.

La réponse à ce groupe de questions peut être concise : le droit de l’Union ne régit pas l’admissibilité des preuves dans les procédures pénales.

118.

Si l’Union est certes habilitée, en vertu de l’article 82, paragraphe 2, sous a), TFUE, à instaurer une harmonisation minimale en matière d’admissibilité mutuelle des preuves, elle n’a pas encore exercé cette compétence ( 51 ).

119.

Seul l’article 14, paragraphe 7, seconde phrase, de la directive 2014/41 évoque l’évaluation d’éléments de preuve obtenus au moyen d’une DEE : « Sans préjudice des règles de procédure nationales, les États membres veillent à ce que, dans une procédure pénale dans l’État d’émission, les droits de la défense et l’équité de la procédure soient respectés dans le cadre de l’évaluation des éléments de preuve obtenus au moyen de la [DEE] » ( 52 ).

120.

Lors de l’audience, la Commission, interrogée à ce sujet, a indiqué qu’il serait excessif de considérer que cette disposition a la moindre incidence sur les règles régissant l’admissibilité des preuves dans les États membres. Elle a précisé que cette phrase vise uniquement à rappeler qu’il y a lieu de respecter les droits consacrés aux articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Je suis encline à souscrire à cette interprétation, qui reconnaît que, en matière de réglementation de l’admissibilité des preuves, l’Union ne connaît pour l’instant aucune avancée sur le plan politique.

121.

À ma connaissance, l’article 37, paragraphe 1, du règlement (UE) 2017/1939 ( 53 ) est ce qui se rapproche le plus d’une réglementation en droit de l’Union de l’admissibilité des preuves : « Les éléments de preuve présentés à une juridiction par les procureurs du Parquet européen ou par la partie défenderesse ne peuvent être déclarés inadmissibles au seul motif qu’ils ont été recueillis dans un autre État membre ou conformément au droit d’un autre État membre ».

122.

Toutefois, cette disposition indique simplement que des éléments de preuve ne sauraient être écartés au motif qu’ils ont été recueillis à l’étranger ou en application du droit d’un autre État membre ; elle ne prévoit pas d’autres conditions que le juge national devrait respecter lorsqu’il apprécie l’admissibilité des preuves.

123.

Il ressort de sa jurisprudence que la Cour EDH suit la même approche. Cette juridiction a indiqué clairement que l’admissibilité des preuves relève du droit interne ( 54 ), étant entendu que, lorsqu’elle apprécie le manquement éventuel à l’article 6 de la CEDH, « la Cour envisage la procédure dans son ensemble, y compris la manière dont les éléments de preuve ont été recueillis, et vérifie le respect non seulement des droits de la défense, mais aussi de l’intérêt du public et des victimes à ce que les auteurs de l’infraction soient dûment poursuivis ainsi que, si nécessaire, des droits des témoins » ( 55 ).

124.

Si la doctrine juge insuffisants ces principes, compte tenu en particulier des différences existant entre les droits de la procédure des États membres ( 56 ), il n’en reste pas moins que l’admissibilité des preuves n’est pas réglementée pour le moment en droit de l’Union.

125.

En résumé, dans l’état actuel du développement du droit de l’Union, la question de savoir si les preuves obtenues en méconnaissance du droit national ou du droit de l’Union sont admissibles est régie par le droit des États membres.

126.

Les conséquences prévues dans la directive 2014/41 d’une éventuelle méconnaissance des conditions d’émission d’une DEE sont très peu nombreuses : l’article 6, paragraphe 3, de la directive 2014/41 prévoit que, si l’autorité d’exécution considère que l’article 6, paragraphe 1, de celle-ci n’a pas été respecté, elle peut consulter l’autorité d’émission sur l’importance d’exécuter une DEE et que, après cette consultation, l’autorité d’émission peut décider de retirer la DEE.

127.

En conclusion, la question de l’admissibilité des preuves relève, pour l’instant, du droit national. Cela étant, dans les cas où le droit de l’Union s’applique, les dispositions de droit national concernées ne sauraient méconnaître les articles 47 et 48 de la Charte ( 57 ).

128.

Les principes d’équivalence et d’effectivité en matière de procédure s’appliquent lorsque le droit de l’Union confère des droits aux justiciables sans prévoir de recours. Les États membres doivent s’assurer qu’un justiciable doit pouvoir faire valoir un droit qu’il tire du droit de l’Union dans les mêmes conditions qu’un droit similaire qu’il tire du droit national, et que les règles de procédure applicables ne rendent pas pratiquement impossible la mise en œuvre de ces droits ( 58 ).

129.

Toutefois, le droit de l’Union ne confère aucun droit aux justiciables s’agissant du caractère (in)admissible des preuves. Les principes d’équivalence et d’effectivité ne trouvent pas à s’appliquer.

130.

Enfin, même s’il se peut que l’effet utile de la directive 2014/41 serait renforcé si la méconnaissance de celle-ci emportait l’inadmissibilité des preuves, la Cour n’en est pas pour autant habilitée à ériger un telle règle.

Conclusion intermédiaire

131.

Dans l’état actuel de son développement, le droit de l’Union ne régit pas l’admissibilité des preuves recueillies en application d’une DEE émise en méconnaissance des conditions prévues à cet effet par la directive 2014/41. L’admissibilité des preuves relève du droit national, qui doit toutefois respecter les exigences prévues aux articles 47 et 48 de la Charte en matière de droits de la défense.

IV. Conclusion

132.

Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par le Landgericht Berlin (tribunal régional de Berlin, Allemagne) de la manière suivante :

1)

En réponse au premier groupe de questions préjudicielles :

Lorsqu’un juge a autorisé la mesure initiale dans l’État d’exécution, il n’est pas nécessaire qu’une décision d’enquête européenne ayant pour objet la transmission des éléments de preuve concernés soit également émise par un juge, même si le droit de l’État d’émission prévoit que c’est un juge qui devrait décider de la collecte des éléments de preuve initiale.

La circonstance que l’interception a été mise en œuvre sur le territoire d’un autre État membre n’a aucune incidence s’agissant de la détermination de l’autorité d’émission.

Le droit de l’Union n’impose pas que ce soit une juridiction qui émette une décision d’enquête européenne ayant pour objet la transmission d’éléments de preuve existants obtenus à la faveur de l’interception de télécommunications si le droit national prévoit qu’un procureur peut décider d’une telle transmission dans une procédure nationale similaire.

2)

En réponse au deuxième groupe de questions préjudicielles :

Il appartient à l’autorité d’émission d’apprécier le caractère nécessaire et proportionné d’une décision d’enquête européenne visant la transmission d’éléments de preuve existants, sa décision étant susceptible de faire l’objet d’un recours devant la juridiction nationale compétente à cet effet. Dans le cadre de cette appréciation, elle doit prendre en compte le fait que l’accès par l’autorité nationale aux données de communication interceptées représente une ingérence grave dans la vie privée des personnes concernées. Cette ingérence doit être compensée par l’importance de l’intérêt général que revêtent la recherche et la poursuite des infractions.

3)

En réponse au troisième groupe de questions préjudicielles :

Lorsqu’une décision d’enquête européenne est émise pour la transmission d’éléments de preuve qui sont déjà en la possession d’un autre État, la condition relative à une procédure nationale similaire figurant à l’article 6, paragraphe 1, sous b), de la directive 2014/41/UE du Parlement européen et du Conseil, du 3 avril 2014, concernant la décision d’enquête européenne en matière pénale impose à l’autorité d’émission d’établir si, et à quelles conditions, le droit national applicable permet que des éléments de preuve, obtenus à la faveur de l’interception de communications, soient transmis d’une procédure pénale interne à une autre.

Lorsqu’elle décide si elle peut émettre une décision d’enquête européenne tendant à la transmission d’éléments de preuve déjà existants, l’autorité d’émission ne saurait apprécier si ces éléments, dont elle demande la transmission en émettant cette décision d’enquête européenne, ont été obtenus initialement de manière régulière dans l’État d’exécution.

La circonstance que les mesures initiales ont été mises en œuvre sur le territoire de l’État d’émission, ou qu’elles étaient dans l’intérêt de cet État, n’affecte en rien cette conclusion.

4)

En réponse au quatrième groupe de questions préjudicielles :

Un État membre qui, dans le cadre de l’enquête ou de la procédure pénales qu’il mène de manière unilatérale, intercepte des télécommunications sur le territoire d’un autre État membre doit notifier l’interception à cet autre État.

Cette notification peut être adressée à toute autorité que l’État membre juge apte à cet effet, dès lors que ce dernier ne saurait savoir quelle autorité est compétente en la matière dans une procédure nationale similaire.

L’article 31 de la directive 2014/41 vise tant la protection individuelle des utilisateurs de télécommunications concernés que celle de la souveraineté de l’État membre notifié.

5)

En réponse au cinquième groupe de questions préjudicielles :

Dans l’état actuel de son développement, le droit de l’Union ne régit pas l’admissibilité des preuves recueillies en application d’une décision d’enquête européenne émise en méconnaissance des conditions prévues à cet effet par la directive 2014/41. L’admissibilité des preuves relève du droit national, qui doit toutefois respecter les exigences prévues en matière de droits de la défense aux articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.


( 1 ) Langue originale : l’anglais.

( 2 ) Directive du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 concernant la décision d’enquête européenne en matière pénale (JO 2014, L 130, p. 1).

( 3 ) Ce service comprenait un double système d’exploitation (avec une interface cryptée indétectable), l’appareil n’étant équipé d’aucune caméra, aucun microphone, GPS ou port USB. Les messages pouvaient être supprimés automatiquement et, consécutivement à la saisie d’un code PIN spécial ou d’un mot de passe erroné plusieurs fois de suite par les utilisateurs, toutes les données de l’appareil pouvaient être immédiatement effacées. Enfin, un service d’assistance à distance ou un revendeur pouvait également supprimer toutes les données de l’appareil au besoin. Pour davantage d’informations, voir l’adresse Internet suivante : https://www.europol.europa.eu/media-press/newsroom/news/dismantling-of-encrypted-network-sends-shockwaves-through-organised-crime-groups-across-europe.

( 4 ) Ainsi, le Conseil constitutionnel (France) a constaté, dans sa décision no 2022-987 QPC du 8 avril 2022, que la législation française, en application de laquelle la mesure originaire d’interception des communications a été ordonnée en l’espèce, est conforme à la Constitution française ; le Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice, Allemagne) a jugé que l’interception était licite en droit allemand dans son arrêt 5 StR 457/21 du 2 mars 2022 ; enfin, un recours formé devant les juridictions du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord contre l’utilisation de données issues d’EncroChat originaires de France fait actuellement l’objet d’une procédure devant la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH ») dans les affaires no 44715/20 (A.L. c. France) et no 47930/21 (E.J. c. France). Le 3 janvier 2022, la Cour EDH a transmis des questions aux parties, les invitant à indiquer, notamment, si elles avaient eu l’occasion (mais n’en avaient pas fait usage) de contester les mesures d’interception devant les juridictions françaises compétentes.

( 5 ) Avant l’adoption de la directive 2014/41, la transmission des éléments de preuve déjà en la possession d’un autre État membre était régie par la décision-cadre 2008/978/JAI du Conseil, du 18 décembre 2008, relative au mandat européen d’obtention de preuves visant à recueillir des objets, des documents et des données en vue de leur utilisation dans le cadre de procédures pénales (JO 2008, L 350, p. 72). D’après les considérants 4 à 7 de la directive 2014/41, le mécanisme antérieur était trop fragmenté et trop complexe, la DEE ayant de ce fait été pensée comme un instrument unique visant à obtenir des preuves nouvelles et des preuves qui existent déjà.

( 6 ) Voir décision de cette Cour citée à la note en bas de page 4 des présentes conclusions.

( 7 ) Partant, le renvoi dans la présente affaire illustre le phénomène classique des juridictions nationales ordinaires qui, grâce à la procédure du renvoi préjudiciel, s’émancipent sur le plan judiciaire des juridictions de rang supérieur, phénomène dont l’analyse la plus connue est exposée par Alter, K. J., « The European Court’s Political Power », West European Politics, vol. 19(3), 1996, p. 452. Pour la démonstration empirique du mécanisme inverse, où les juridictions nationales de rang supérieur pose des questions à la Cour afin d’empêcher de manière anticipée leurs homologues de rang inférieur d’en faire de même, voir Pavone, T., et Kelemen, D. R., « The Evolving Judicial Politics of European Integration : The European Court of Justice and national courts revisited », European Law Journal, vol. 25(4), 2019, p. 352.

( 8 ) Voir article 6, paragraphe 2, de la directive 2014/41.

( 9 ) Voir, à cet égard, arrêt du 16 décembre 2021, Spetsializirana prokuratura (Données relatives au trafic et à la localisation) (C-724/19, EU:C:2021:1020, point 44). Voir, également, Csúri, A., « Towards an Inconsistent European Regime of Cross-Border Evidence : The EPPO and the European Investigation Order », dans Geelhoed, W., e.a., Shifting Perspectives on the European Public Prosecutor’s Office, T.M. C. Asser Press, La Haye, 2018, p. 146.

( 10 ) En application de l’article 2, sous c), ii), de la directive 2014/41, une autre autorité compétente en vertu du droit national peut également émettre une DEE, lorsque cette DEE est ensuite validée par une des autorités énumérées à l’article 2, sous c), i), de cette directive.

( 11 ) Décision-cadre du Conseil du 13 juin 2002 relative au mandat d’arrêt européen et aux procédures de remise entre États membres (JO 2002, L 190, p. 1), telle que modifiée par la décision-cadre 2009/299/JAI du Conseil, du 26 février 2009, portant modification des décisions-cadres 2002/584/JAI, 2005/214/JAI, 2006/783/JAI, 2008/909/JAI et 2008/947/JAI, renforçant les droits procéduraux des personnes et favorisant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux décisions rendues en l’absence de la personne concernée lors du procès (JO 2009, L 81, p. 24, ci-après la « décision-cadre 2002/584 »).

( 12 ) Dans l’arrêt du 2 mars 2023, Staatsanwaltschaft Graz (Service des affaires fiscales pénales de Düsseldorf) (C-16/22, EU:C:2023:148, points 33 à 36), la Cour a dit pour droit que les points i) et ii) de l’article 2, sous c), de la directive 2014/41 sont exclusifs l’un de l’autre.

( 13 ) Arrêt du 8 décembre 2020, Staatsanwaltschaft Wien (Ordres de virement falsifiés) (C-584/19, EU:C:2020:1002, points 57 à 63). En revanche, dans l’arrêt du 27 mai 2019, OG et PI (Parquets de Lübeck et de Zwickau) (C-508/18 et C-82/19 PPU, EU:C:2019:456, points 88 à 90), la Cour a constaté que les procureurs allemands en cause dans cette affaire ne répondaient pas à la condition d’indépendance requise pour émettre un mandat d’arrêt européen (ci-après un « MAE »). Il s’ensuivrait qu’un procureur qui n’est pas tout à fait indépendant du pouvoir exécutif n’est pas habilité à émettre un MAE, mais il peut néanmoins émettre une DEE. Il convient de souligner que, dans ces deux arrêts, la Cour a jugé que, dans le cadre de l’émission d’une DEE, il était suffisant que la décision du procureur soit susceptible de faire l’objet d’une voie de recours juridictionnelle, mais que tel n’était pas le cas dans le cadre de l’émission d’un MAE.

( 14 ) Voir décision du Bundesgerichtshof (Cour fédérale de justice) citée à la note en bas de page 4 des présentes conclusions.

( 15 ) Il y a lieu de préciser que, lors de l’audience, la question s’est posée de savoir si, du fait qu’elle a pu consulter en temps réel, par l’intermédiaire d’Europol, les communications interceptées (au moins à partir du 3 avril 2020), la République fédérale d’Allemagne devait émettre une DEE tendant à l’obtention de ces données. Comme indiqué par le parquet de Berlin et le gouvernement allemand, c’est non pas aux fins de poursuites pénales qu’elle a pu consulter directement ces données, mais uniquement à des fins de police préventive. Ils ont fait valoir que les DEE étaient ultérieurement requises pour l’utilisation de ces éléments de preuve dans le cadre de la procédure pénale allemande. Au contraire, il n’était pas nécessaire (ni même possible) d’émettre une DEE tendant à l’obtention des données qui ont pu être consultées en temps réel par l’intermédiaire d’Europol, dès lors que cette faculté de consulter des données n’a pas été octroyée dans le cadre d’une procédure énumérée à l’article 4 de la directive 2014/41. Cette directive ne s’appliquait dès lors pas à la consultation des données en temps réel par la police.

( 16 ) C’est moi qui souligne.

( 17 ) D’après les recherches, forcément superficielles, relatives à la StPO que j’ai moi-même effectuées, l’article 477, paragraphe 2, de ce code prévoit une transmission d’office de données à caractère personnel d’une procédure pénale à une autre, et l’article 480, paragraphe 1, prévoit que c’est à un procureur qu’il appartient de décider de cette transmission lors de la phase préliminaire de la procédure et après la clôture définitive de cette procédure ; dans les autres cas, c’est au président du tribunal saisi de l’affaire qu’il appartient de la prononcer. L’on peut dégager une obligation de transmettre des éléments de preuve du principe de l’obligation d’entamer des poursuites énoncé à l’article 152, paragraphe 2. En principe, la transmission ne peut avoir lieu que si les éléments de preuve visés portent sur une infraction pénale dont la poursuite aurait pu justifier le prononcé de cette mesure ; dans les autres cas, il faut obtenir le consentement de la personne concernée. Voir Vogel, B., Köppen, P., et Wahl, T., « Access to Telecommunication Data in Criminal Justice: Germany », dans Sieber, U., et von zur Mühlen, N. (éd.), Access to Telecommunication Data in Criminal Justice. A Comparative Analysis of European Legal Orders, Duncker & Humblot, Berlin, 2016, p. 518 ; et Gieg, G., dans Barthe, C., et Gericke, J. (éd.), Karlsruher Kommentar zur Strafprozessordnung, article 477, paragraphe 1, article 479, paragraphe 3, C.H. Beck, Munich, 2023.

( 18 ) La Cour EDH est actuellement saisie de la question de savoir si les personnes concernées par les interceptions des données issues d’EncroChat ont pu former un recours en France à cet égard. Voir note en bas de page 4 des présentes conclusions.

( 19 ) Les procédures pénales nationales varient considérablement d’un État membre à l’autre, non seulement sur le plan des mesures d’enquêtes susceptibles d’être mises en œuvre [Armada, I., « The European Investigation Order and the Lack of European Standards for Gathering Evidence : Is a Fundamental Rights-Based Refusal the Solution ? », New Journal of European Criminal Law, vol. 6(1), 2015, p. 9], mais également sur le plan des conditions auxquelles cette mise en œuvre est subordonnée [Bachmaier, L., « Mutual Recognition and Cross-Border Interception of Communications : The Way Ahead for the European Investigation Order », dans Brière, C., et Weyembergh, A. (éd.), The Needed Balances in EU Criminal Law : Past, Present and Future, Hart Publishing, Oxford, 2018, p. 317]. Ainsi, s’agissant de l’interception de communications, certains États membres prévoient une énumération d’infractions pénales dont l’instruction peut justifier le prononcé d’une mesure de cet ordre (comme la République fédérale d’Allemagne), d’autres s’intéressent à la peine minimale requise (comme la République française), d’autres encore prévoient une combinaison des deux approches. De plus, plusieurs droits nationaux autorisent une mesure d’enquête de cet ordre à condition qu’il existe des indices de culpabilité d’une certain gravité ou qu’une vérification du caractère nécessaire de la mesure ait lieu (visant à établir si une mesure moins attentatoire permettrait d’atteindre le même résultat). Enfin, des différences existent entre États membres sur le plan de la durée maximale de la mesure d’interception et sur la possibilité qu’elle soit prolongée [voir Tropina, T., « Comparative Analysis », dans Sieber, U., et von zur Mühlen, N. (éd.), Access to Telecommunication Data in Criminal Justice. A Comparative Analysis of European Legal Orders, Duncker & Humblot, Berlin, 2016, p. 67 à 72 et 77 à 79].

( 20 ) Arrêt du 16 décembre 2021, Spetsializirana prokuratura (Données relatives au trafic et à la localisation) (C-724/19, EU:C:2021:1020, points 35 et 44). Voir, également, arrêt du 8 décembre 2020, Staatsanwaltschaft Wien (Ordres de virement falsifiés) (C-584/19, EU:C:2020:1002, point 52).

( 21 ) Arrêt du 16 décembre 2021, Spetsializirana prokuratura (Données relatives au trafic et à la localisation) (C-724/19, EU:C:2021:1020, points 35 et 45).

( 22 ) C’est également justifié au regard de l’objectif visant la prévention du forum shopping : si le droit national impose l’intervention d’une juridiction dans un cas de figure interne, on ne devrait pas pouvoir échapper à cette exigence en passant par une DEE. Voir Mangiaracina, A., « A New and Controversial Scenario in the Gathering of Evidence at the European Level: The Proposal for a Directive on the European Investigation Order », Utrecht Law Review, vol. 10(1), 2014, p. 126.

( 23 ) Il y a toutefois lieu d’indiquer que les efforts déployés pour assurer une harmonisation minimale en matière de droit de la procédure pénale participent considérablement à rendre « plus familiers » les différents ordres juridiques des États membres. Je songe ici à des actes tels que la directive (UE) 2016/343 du Parlement européen et du Conseil, du 9 mars 2016, portant renforcement de certains aspects de la présomption d’innocence et du droit d’assister à son procès dans le cadre des procédures pénales (JO 2016, L 65, p. 1), ou la directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l’information dans le cadre des procédures pénales (JO 2012, L 142, p. 1).

( 24 ) Dans ce cadre, j’ai déjà indiqué que le Conseil constitutionnel (France) a constaté, au mois d’avril 2022, que la législation française, en application de laquelle l’interception des communications issues d’EncroChat a été ordonnée, est conforme à la Constitution française. Voir note en bas de page 4 des présentes conclusions.

( 25 ) Il ressort de la décision de renvoi que c’est le tribunal correctionnel de Lille qui les a autorisées.

( 26 ) Dès lors que les téléphones portables des utilisateurs allemands sur lesquels étaient conservées les données se trouvaient en Allemagne.

( 27 ) C’est dans le cadre du quatrième groupe de questions relatives à l’interprétation de l’article 31 de la directive 2014/41 que l’on s’intéressera à l’importance que revêt le fait que l’interception a été mise en œuvre sur le territoire de l’État d’émission. Voir titre D des présentes conclusions.

( 28 ) Le considérant 11 de la directive 2014/41 précise au reste cette disposition en indiquant que l’« autorité d’émission devrait par conséquent vérifier si la preuve recherchée est nécessaire et proportionnée aux fins de la procédure, si la mesure d’enquête choisie est nécessaire et proportionnée aux fins de l’obtention de la preuve concernée, et si une [DEE] devrait être émise aux fins d’associer un autre État membre à l’obtention de cette preuve ». Comme il ressort de son libellé, ce considérant porte principalement sur le premier type de DEE, à savoir celle visant à recueillir de nouveaux éléments de preuve.

( 29 ) Le formulaire par lequel une DEE est émise prévoit un champ dans lequel l’autorité d’émission indique en détail pourquoi la DEE est nécessaire compte tenu des circonstances d’une affaire donnée (annexe A à la directive 2014/41, section G). Sur l’intérêt que présente ce formulaire pour l’appréciation du caractère proportionnel, voir Bachmaier Winter, L., « The Role of the Proportionality Principle in Cross-Border Investigations Involving Fundamental Rights », dans Ruggeri, S. (éd.), Transnational Inquiries and the Protection of Fundamental Rights in Criminal Proceedings: A Study in Memory of Vittorio Grevi and Giovanni Tranchina, Springer, Berlin, 2013, p. 318.

( 30 ) Directive 2002/58/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 juillet 2002, concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (directive vie privée et communications électroniques) (JO 2002, L 201, p. 37, ci-après la « directive “vie privée et communications électroniques” »).

( 31 ) Voir, notamment, arrêts du 2 mars 2021, Prokuratuur (Conditions d’accès aux données relatives aux communications électroniques) [C-746/18, ci-après l’ arrêt Prokuratuur (Conditions d’accès aux données relatives aux communications électroniques) , EU:C:2021:152, point 39], et du 5 avril 2022, Commissioner of An Garda Síochána e.a. (C-140/20, EU:C:2022:258, point 44).

( 32 ) Cette directive ne s’applique qu’en cas de consultation, par les autorités d’un État, des données relatives au trafic et des données de localisation conservées par les opérateurs de télécommunication. Au contraire, elle ne s’applique pas lorsque ces autorités interceptent directement des données de télécommunication. Voir, à cet égard, arrêt du 6 octobre 2020, La Quadrature du Net e.a. (C-511/18, C-512/18 et C-520/18, EU:C:2020:791, point 103).

( 33 ) Voir, par analogie, arrêt du 21 juin 2022, Ligue des droits humains (C-817/19, EU:C:2022:491, point 122).

( 34 ) S’agissant notamment de la gravité des indices de culpabilité nécessaires pour prononcer une mesure d’enquête donnée.

( 35 ) Arrêt Prokuratuur (Conditions d’accès aux données relatives aux communications électroniques), points 51, 53 et 54.

( 36 ) Conclusions de l’avocat général Pitruzzella dans l’affaire Prokuratuur (Conditions d’accès aux données relatives aux communications électroniques) (C-746/18, EU:C:2020:18, points 103 à 123).

( 37 ) Arrêt du 6 octobre 2020, La Quadrature du Net e.a. (C-511/18, C-512/18 et C-520/18, EU:C:2020:791, point 103).

( 38 ) Dans la jurisprudence qu’elle a développée concernant l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), qui consacre le droit à la vie privée, la Cour EDH a constaté que ce droit était violé lorsque la réglementation ne prévoyait pas une appréciation du caractère proportionnel ni la faculté de former un recours à cet égard. Voir, notamment, Cour EDH, 12 janvier 2016, Szabó et Vissy c. Hongrie (CE:ECHR:2016:0112JUD003713814, point 89).

( 39 ) Directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, d’enquêtes et de poursuites en la matière ou d’exécution de sanctions pénales, et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la décision-cadre 2008/977/JAI du Conseil (JO 2016, L 119, p. 89).

( 40 ) Arrêt du 6 octobre 2020 (C-511/18, C-512/18 et C-520/18, EU:C:2020:791, point 103).

( 41 ) Si l’on examine le cas d’espèce au regard de la directive 2016/680, l’on peut y identifier deux cas de traitement de données à caractère personnel : d’une part, les autorités compétentes françaises avaient la qualité de responsable du traitement lorsqu’elles ont intercepté et recueilli des données de communication électroniques à des fins de prévention et de détection des infractions pénales, ou d’enquêtes et de poursuites en la matière ; et, d’autre part, lorsqu’elles ont transmis ces données au parquet de Berlin, qui les a demandées en application des DEE émises pour les besoins d’une enquête pénale en Allemagne, ce parquet est devenu responsable du traitement.

( 42 ) La Cour a indiqué qu’à chaque fois que des données font l’objet d’un traitement pour une finalité autre que celle initialement prévue, cas de figure visé à l’article 4, paragraphe 2, de la directive 2016/680, il y avait lieu de vérifier le respect des principes régissant le traitement des données dans le cadre de cette directive en tenant chacune des finalités pour spécifique et distincte [voir arrêt du 8 décembre 2022, Inspektor v Inspektorata kam Visshia sadeben savet (Finalités du traitement de données à caractère personnel – Enquête pénale) (C-180/21, EU:C:2022:967, point 56)].

( 43 ) Lorsqu’une assistance technique est nécessaire de la part de l’État membre sur le territoire duquel l’interception est effectuée, c’est l’article 30 de la directive 2014/41 qui s’applique.

( 44 ) Le libellé de l’article 31 de la directive 2014/41 correspond en grande partie à celui de l’article 20 de la convention établie par le Conseil conformément à l’article 34 du traité sur l’Union européenne, relative à l’entraide judiciaire en matière pénale entre les États membres de l’Union européenne (JO 2000, C 197, p. 3).

( 45 ) Bachmaier, L., « Mutual Recognition and Cross-Border Interception of Communications : The Way Ahead for the European Investigation Order », dans Brière, C., et Weyembergh, A. (éd.), The Needed Balances in EU Criminal Law : Past, Present and Future, Hart Publishing, Oxford, 2018, cité à la note en bas de page 19 des présentes conclusions, p. 330.

( 46 ) Plus précisément, l’article 31, paragraphe 3, de la directive 2014/41 permet à l’autorité compétente de l’État notifié de vérifier si l’interception en cause serait autorisée dans une procédure nationale similaire, et de notifier, dans les 96 heures suivant la réception de la notification, à l’État membre interceptant que l’interception ne peut pas être effectuée ou doit être interrompue, ou que les données obtenues ne peuvent pas être utilisées ou ne peuvent être utilisées que dans certaines conditions.

( 47 ) Partant, je ne souscris pas à l’argument avancé par le gouvernement français selon lequel, dès lors que l’interception des communications n’est pas effectuée aux fins de l’exécution d’une DEE, mais a lieu au contraire avant l’émission d’une DEE, l’article 31 de la directive 2014/41 ne s’appliquerait pas en l’espèce.

( 48 ) Bachmaier, L., « Mutual Recognition and Cross-Border Interception of Communications : The Way Ahead for the European Investigation Order », dans Brière, C., et Weyembergh, A. (éd.), The Needed Balances in EU Criminal Law : Past, Present and Future, Hart Publishing, Oxford, 2018, cité à la note en bas de page 19 des présentes conclusions, p. 331.

( 49 ) Pour se conformer à l’obligation de notification imposée par l’article 31 de la directive 2014/41, la France aurait dû utiliser le formulaire figurant à l’annexe C de cette directive.

( 50 ) Voir article 33, paragraphe 1, de la directive 2014/41.

( 51 ) Ligeti, K., e.a., indiquent que les États membres refusent d’agir en la matière pour des raisons tenant à la subsidiarité et à la proportionnalité, et parce qu’ils porteraient ce faisant atteinte aux mécanismes d’équilibre des pouvoirs dans leur ordre interne (Ligeti, K., Garamvölgy, B., Ondrejová, A., et von Galen, M., « Admissibility of Evidence in Criminal Proceedings in the EU », eucrim, vol. 3, 2020, p. 202, note en bas de page 14).

( 52 ) Le considérant 34 de la directive 2014/41 indique de surcroît : « En outre, pour la même raison, le fait de déterminer si un élément doit être utilisé comme preuve, et donc faire l’objet d’une [DEE], est une question qui devrait être laissée à l’appréciation de l’autorité d’émission ».

( 53 ) Règlement du Conseil du 12 octobre 2017 mettant en œuvre une coopération renforcée concernant la création du Parquet européen (JO 2017, L 283, p. 1).

( 54 ) Arrêts de la Cour EDH du 12 juillet 1988, Schenk c. Suisse (CE:ECHR:1988:0712JUD001086284, points 45 et 46) ; du 11 juillet 2017, Moreira Ferreira c. Portugal (no 2) (CE:ECHR:2017:0711JUD001986712, point 83), et du 1er mars 2007, Heglas c. République tchèque (CE:ECHR:2007:0301JUD000593502, point 84).

( 55 ) Voir arrêt de la Cour EDH du 17 janvier 2017, Habran et Dalem c. Belgique (CE:ECHR:2017:0117JUD004300011, point 96).

( 56 ) Hecker, B., « Mutual Recognition and Transfer of Evidence. The European Evidence Warrant », dans Ruggeri, S. (éd.), Transnational Inquiries and the Protection of Fundamental Rights in Criminal Proceedings : A Study in Memory of Vittorio Grevi and Giovanni Tranchina, Springer, Berlin, 2013, p. 277 ; Armada, I., « The European Investigation Order and the Lack of European Standards for Gathering Evidence : Is a Fundamental Rights-Based Refusal the Solution ? », New Journal of European Criminal Law, vol. 6(1), 2015, cité à la note en bas de page 19 des présentes conclusions, p. 30.

( 57 ) Arrêt du 7 septembre 2023, Rayonna prokuratura Lovech, teritorialno otdelenie Lukovit (Fouille corporelle) (C-209/22, EU:C:2023:634, points 58 et 61).

( 58 ) Ainsi que la Cour l’a établi dans ses arrêts du 16 décembre 1976, Rewe-Zentralfinanz et Rewe-Zentral (33/76, EU:C:1976:188, point 5), et du 16 décembre 1976, Comet (45/76, EU:C:1976:191, point 13). Pour un exemple plus récent, voir, notamment, arrêt du 13 juillet 2023, CAJASUR Banco (C-35/22, EU:C:2023:569, point 23).

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CJUE, n° C-670/22, Conclusions de l'avocat général de la Cour, Procédure pénale contre M.N, 26 octobre 2023