Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 24 septembre 2014, n° 11888

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Aucune disposition légale ou réglementaire n’impose au conseil départemental d’informer les parties de la possibilité de se faire assister d’un avocat lors de la réunion de conciliation préalable au dépot d’une plainte ni aux parties de se faire ainsi assister, le choix de recourir à l’assistance d’un avocat appartenant en propre aux parties au litige. En l’espèce, la circonstance que la plaignante se soit fait assister d’un avocat lors de la séance de conciliation, alors que le praticien a participé à la réunion sans faire de même, n’a entaché d’aucune irrégularité cette procédure.

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Sur la décision

Référence :
CNOM, ch. disciplinaire nationale, 24 sept. 2014, n° 11888
Numéro(s) : 11888
Dispositif : Annulation et évocation Interdiction temporaire d'exercer Régularité de la procédure suivie par le CD

Texte intégral

N° 11888 ___________________
Dr Dominique C ___________________
Audience du 4 juillet 2014
Décision rendue publique par affichage le 24 septembre 2014
LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE DE L’ORDRE DES MEDECINS, Vu, 1°), enregistrés au greffe de la chambre disciplinaire nationale, les 19 février et 19 septembre 2013, la requête, le procès-verbal de sa séance, en date du 12 février 2013, et le mémoire présentés par le conseil départemental de l’ordre des médecins de la Loire, dont le siège est 8 rue de l’Artisanat à Saint-Priest-en-Jarez (42270) ; le conseil départemental de la Loire demande :
1- l’annulation de la décision n° 2012.26, en date du 23 janvier 2013, par laquelle la chambre disciplinaire de première instance de l’ordre des médecins de Rhône-Alpes a rejeté la plainte de Mme Anahita B…, transmise par le requérant qui s’y est associé, formée à l’encontre du Dr Dominique C, qualifié en médecine générale ;
2- la condamnation du Dr C à lui verser 3.000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

Le conseil départemental de la Loire soutient que le rejet par la chambre disciplinaire de première instance de la plainte de Mme B…, à laquelle il s’est associé, est infondé ; que le principe du contradictoire a été respecté lors de la réunion de conciliation ; qu’aucune des parties ne s’est vue refuser l’assistance d’un conseil à cette réunion ; que chaque partie est libre de se présenter soit seule soit assistée du conseil de son choix ; que, si Mme B… a été assistée d’un avocat et le Dr C ne l’a pas été, cela résulte du seul choix de ce dernier ; que l’article 6-1 de la convention européenne des droits de l’homme n’a pas été méconnu ; que la présence ou non d’un conseil a été sans influence sur l’issue de la discussion car ni l’un ni l’autre n’ont souhaité trouver un accord amiable ; que le conseil départemental, lorsqu’il intervient dans un litige, ne le fait pas en tant que juge disciplinaire mais en tant qu’instance administrative de sorte que l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme n’est pas applicable ; que le moyen tiré d’un vice de procédure est donc irrecevable ; que la procédure disciplinaire est indépendante de la procédure pénale et que le classement sans suite de la plainte pénale par le procureur de la République est sans influence sur la procédure disciplinaire ; que le Dr C était tenu en toutes circonstances au secret médical, qu’il soit ou non le praticien ayant détecté la pathologie de Mme B… ; qu’il a reconnu avoir informé M. Hector P… de la pathologie dont Mme B… était atteinte pour lui dicter la conduite à tenir ; que les faits sont établis ; qu’il a violé le secret médical ; que la présence du Dr Jean-Louis A à la fois à la conciliation et comme président du conseil départemental de la Loire, qui a pris la délibération qui s’est associé à la plainte de Mme B…, est sans influence sur la régularité de la procédure suivie ; qu’il ne peut être opposé au Dr A un manque d’impartialité dès lors qu’il n’agit pas en tant que juge disciplinaire et que le principe d’impartialité n’est applicable qu’aux membres des formations de jugement ; que, de plus, le Dr A n’est pas membre de la chambre disciplinaire de première instance ; que le secret médical s’applique à toutes les informations venues à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, « non seulement ce qui lui a été confié mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris », selon l’article R. 4127-4 du code de la santé publique ; qu’ainsi, la circonstance que le Dr C n’était pas le médecin traitant de Mme B… ne le dispense pas du secret médical, pas plus que la circonstance qu’ils avaient des liens amicaux ; qu’il a reçu les confidences de Mme B… parce qu’il était médecin ; qu’il a téléphoné à M. P… en tant que médecin pour lui dicter la conduite à tenir du fait de l’affection dont Mme B… était atteinte ;

Vu la décision attaquée ;

Vu, 2°), enregistrés comme ci-dessus, les 19 février et 18 avril 2013, la requête et le procès-verbal de sa séance du 11 avril 2013 présentés par le conseil national de l’ordre des médecins, dont le siège est 180 boulevard Haussmann à Paris (75008) ; le conseil national demande l’annulation de la décision susvisée n° 2012.26, en date du 23 janvier 2013, par laquelle la chambre disciplinaire de première instance de Rhône-Alpes a rejeté la plainte de Mme B…, à laquelle s’était associé le conseil départemental de l’ordre des médecins de la Loire, formée à l’encontre du Dr C ;

Le conseil national soutient que la chambre disciplinaire de première instance a fait, quant à la procédure suivie, une interprétation erronée de l’article L. 4123-2 du code de la santé publique ; que le fait que le président du conseil départemental de la Loire ait participé comme conciliateur à la tentative de conciliation, en date du 22 mars 2012, et ait présidé la séance au cours de laquelle ce conseil a décidé de transmettre la plainte, en s’y associant, à la chambre disciplinaire de première instance est sans incidence sur la légalité de la procédure observée par le conseil départemental et sur la recevabilité de la plainte de Mme B… devant la chambre ; que le Dr C, même s’il n’était pas le médecin traitant de l’intéressée, a révélé à des tiers des informations couvertes par le secret professionnel dont il a eu connaissance à l’occasion de son exercice professionnel ; qu’il a méconnu les dispositions des articles R. 4127-4 et -73 du code de la santé publique  ;

Vu, 3°), enregistrée comme ci-dessus, le 22 février 2013, la requête présentée pour Mme B… ; Mme B… demande à la chambre d’annuler la décision susvisée n° 2012.26, en date du 23 janvier 2013, par laquelle la chambre disciplinaire de première instance de Rhône-Alpes a rejeté sa plainte, transmise par le conseil départemental de l’ordre des médecins de la Loire, qui s’y est associé, formée à l’encontre du Dr Dominique C ;
Mme B… soutient que le Dr C a violé le secret médical et a méconnu les dispositions de l’article R. 4127-4 du code de la santé publique ; que le secret médical revêt un caractère général et absolu et s’impose à tout médecin ; que la chambre a rejeté sa plainte en se fondant à tort, d’une part, sur le fait que le Dr C, agissant en tant qu’ami et non en tant que médecin, n’était donc pas tenu au secret professionnel et, d’autre part, sur la circonstance qu’elle n’apportait pas la preuve que les membres de l’association « Les amis d’Anahita » avaient été informés par le Dr C des informations médicales la concernant ; qu’en effet, les informations qu’elle a confiées, le 23 décembre 2011, au Dr C au sujet de l’affection gynécologique dont elle pensait souffrir l’ont été, non pas à un médecin traitant, ce que le Dr C n’était pas pour elle, mais bien à un médecin ; qu’elle venait en effet consulter le Dr Marie-Pierre C et s’est confiée au Dr C, son époux, qui partage le même cabinet, au sujet de cette possible affection, en attendant de rencontrer le Dr Marie-Pierre C ; que l’échange avec le Dr C a eu lieu dans le cabinet médical des époux C ; que, compte tenu de leurs liens amicaux antérieurs, elle a eu cet échange avec lui sur ce sujet personnel et lui a fait part de son inquiétude ; que l’entretien avait une teneur médicale et portait sur des sujets intimes et médicaux ; qu’ils ont évoqué ensemble l’origine et le traitement de la maladie ; qu’a été évoquée également la question d’aviser le compagnon avec lequel elle avait récemment rompu, en raison d’une possible contamination de ce dernier ; qu’elle a toujours demandé que le Dr C et son épouse, qu’elle était venue consulter, gardent le secret sur cette affection possible ; que, malgré cette demande, le Dr C a appelé M. P…, le 3 janvier 2012, pour lui expliquer l’affection gynécologique dont elle aurait souffert et pour lui dire de se faire soigner ; que le Dr C ne conteste pas cet appel ni sa teneur ; que le Dr C ne devait pas transmettre à un tiers sans son accord des informations médicales la concernant, même s’il n’était pas son médecin traitant et dès lors qu’il a reçu ces informations médicales en tant que médecin ; qu’il a de plus diffusé ces informations alors qu’il n’avait pas connaissance des résultats du laboratoire ; qu’en outre, après le dépôt sa plainte, elle a subi des pressions de la part de membres de l’Association qui l’avait jadis aidée à payer ses études médicales pour qu’elle retire sa plainte ; qu’ainsi, elle a pu constater que le Dr C avait diffusé dans la communauté médicale les faits ayant motivé la plainte ;

Vu, enregistrés comme ci-dessus les 18 avril et 16 mai 2013, les mémoires présentés pour le Dr C, tendant au rejet des requêtes ;

Le Dr C soutient que la procédure initiale a été irrégulière pour violation de l’article 6 de la convention européenne des droits de l’homme ; que, lors de la procédure de conciliation, Mme B… a été assistée d’un avocat alors que lui-même n’a pas été invité à faire de même ; que la procédure n’a pas été impartiale ; qu’en effet, le Dr A, qui a instruit la plainte, a siégé au conseil départemental qui a décidé de saisir la juridiction ; qu’il a ainsi siégé à la fois dans une instance d’instruction et dans une instance de poursuite ; que, s’agissant de la divulgation alléguée par Mme B… d’informations auprès de membres de l’association « Les amis d’Anahita » et de la communauté médicale, ces faits n’étant pas mentionnés dans sa plainte ne sont pas recevables ; que le procureur de la République de Roanne a classé, le 21 mars 2012, la plainte déposée devant lui par Mme B…, estimant que l’infraction n’était pas suffisamment caractérisée ; que la juridiction disciplinaire doit en tenir compte ; que le contexte relationnel entre Mme B… et lui est ancien et fondé sur l’initiative prise de créer une association « Les Amis d’Anahita » pour aider la jeune fille à financer ses études de médecine ; que Mme B… a obtenu grâce à lui la nationalité française, ce qui explique les liens d’amitié forts entre eux et que Mme B… renie dans ce contentieux, en formulant des inexactitudes et des mensonges ; qu’il n’a pas méconnu le secret médical ; qu’il n’a pas donné de soins ni pris en charge Mme B… ; que la conversation qu’ils ont eue ensemble s’est déroulée en dehors de la salle de consultation, dans l’entrée de son cabinet ; que seule le Dr Marie-Pierre C est intervenue en tant que médecin ; que Mme B… n’était pas sa patiente ; qu’il n’était donc pas dans l’exercice de sa profession ; qu’il s’agissait d’une jeune femme inquiète livrant des confidences à des proches ; qu’il n’était pas dans une relation médecin/patient mais plutôt dans une relation quasi filiale ; qu’il s’agissait de relations amicales, comme l’a jugé la chambre ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 25 juin 2013, le mémoire présenté par le conseil national, tendant aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Le conseil national soutient, en outre, que le Dr C a reçu de Mme B… des informations à caractère médical la concernant au cabinet où celui-ci exerce son activité ; qu’il en a eu connaissance à l’occasion de son exercice professionnel ; que ces informations étaient couvertes par le secret médical ; que la divulgation à l’ancien compagnon de Mme B… de ces informations est d’autant plus contestable que le diagnostic d’une infection sexuellement transmissible n’était pas confirmé et qu’il a été infirmé par la suite ; que Mme B… a insisté pour que le diagnostic reste secret et que le Dr C reconnaît avoir passé outre sciemment à la demande d’attendre le résultat des examens ;

Vu, enregistrés comme ci-dessus les 28 août, 21 octobre et 14 novembre 2013, les mémoires présentés pour le Dr C, tendant aux mêmes fins que ses précédentes écritures ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 4 octobre 2013, le mémoire présenté pour Mme B…, tendant aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Mme B… soutient, en outre, que la phase de conciliation est une phase administrative et non juridictionnelle à laquelle l’article 6-1 de la convention européenne des droits de l’homme ne s’applique pas ; que le Dr C défend une interprétation très restrictive du secret médical qui ne repose sur aucune jurisprudence ni doctrine et n’a pour référence que son seul point de vue personnel ;

Vu les autres pièces produites et jointes au dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, notamment son article 6 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code de la santé publique, notamment le code de déontologie médicale figurant aux articles R. 4127-1 à R. 4127-112 ;

Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, notamment le I de son article 75 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 4 juillet 2014 :

 – Le rapport du Dr Dacquigny ;

 – Les observations du Dr Vorhauer pour le conseil national de l’ordre des médecins ;

 – Les observations du Dr A pour le conseil départemental de l’ordre des médecins de la Loire ;

 – Les observations de Me Devers pour Mme B… et celle-ci en ses explications ;

 – Les observations de Me Buffard pour le Dr C, absent ;

Me Buffard ayant été invité à reprendre la parole en dernier ;

APRES EN AVOIR DELIBERE,
Sur la régularité de la procédure suivie par le conseil départemental de la Loire :

En ce qui concerne la réunion de conciliation :

1. Considérant que l’organisation par le conseil départemental d’une réunion de conciliation est une procédure dépourvue de caractère juridictionnel ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la réunion de la commission de conciliation organisée par le conseil départemental de la Loire après réception de la plainte de Mme B… contre le Dr C se serait déroulée en violation des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme relatives à l’impartialité des procès est, en tout état de cause, inopérant ;

2. Considérant que, si l’organisation par le conseil départemental d’une réunion de conciliation est, en vertu de l’article L. 4123-2 du code de la santé publique, un préalable obligatoire à la transmission d’une plainte à la chambre disciplinaire de première instance, aucune disposition légale ou réglementaire n’impose au conseil départemental de l’ordre des médecins d’informer les parties de la possibilité de se faire assister d’un avocat lors de cette réunion ni aux parties de se faire ainsi assister, le choix de recourir à l’assistance d’un avocat appartenant en propre aux parties au litige ; que, dès lors, la circonstance que Mme B… se soit, quant à elle, fait assister d’un avocat lors de la séance de conciliation organisée par le conseil départemental de la Loire, alors que le Dr C a participé à la réunion sans faire de même, n’a entaché d’aucune irrégularité cette procédure ;

3. Considérant qu’il n’est pas établi que les conditions dans lesquelles s’est déroulée la réunion de conciliation, en raison de son report à la demande de Mme B… et de la remise par cette dernière de documents aux conciliateurs, auraient méconnu l’exigence d’impartialité qui s’impose à toute autorité administrative ni porté atteinte aux droits de la défense ; que, par suite, ces moyens ne peuvent qu’être rejetés ;

En ce qui concerne la recevabilité de la plainte du conseil départemental de la Loire :

4. Considérant que la décision par laquelle, après la tenue de la réunion de conciliation, un conseil départemental décide de transmettre la plainte d’un plaignant à la chambre disciplinaire, y compris en s’y associant, ne constitue pas l’instruction d’une plainte et n’est pas un acte juridictionnel ; que le conseil départemental n’est pas une juridiction et que les dispositions de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme ne lui sont, par suite, pas applicables ; que, dès lors, le moyen tiré d’une prétendue méconnaissance par le conseil départemental des règles du procès impartial prévues par cet article est inopérant ;

5. Considérant qu’aucune disposition législative ni aucun principe n’interdit qu’un même conseiller départemental qui a été conciliateur pour l’examen d’une plainte dirigée contre un médecin participe à la délibération au cours de laquelle le conseil départemental décide de transmettre cette plainte en s’y associant à la chambre disciplinaire de première instance ; que, d’une part, le Dr A n’était pas mis en cause personnellement par la plainte de Mme B… et, d’autre part, il n’est pas membre de la chambre disciplinaire de première instance ; que, par suite, la circonstance que celui-ci était l’un des conciliateurs et a délibéré, en tant que président du conseil départemental de la Loire, sur la transmission à la chambre disciplinaire de la plainte de Mme B… en s’y associant est sans influence sur la régularité de la délibération dudit conseil ; que, dès lors, cette délibération était régulière et la plainte du conseil départemental de la Loire recevable devant la chambre disciplinaire de première instance de Rhône-Alpes ; que c’est ainsi à tort que, comme le soutiennent tant le conseil national que le conseil départemental de la Loire dans leur appel respectif, la chambre disciplinaire de première instance a jugé cette plainte irrecevable ; que sa décision doit être annulée ;

6. Considérant que l’affaire est en l’état ; qu’il appartient à la chambre disciplinaire nationale de se prononcer immédiatement sur la plainte de Mme B… et sur celle du conseil départemental de la Loire ;

Sur la compétence de la chambre disciplinaire nationale :

7. Considérant que, si le procureur de la République de Roanne a classé sans suite la plainte déposée entre ses mains par Mme B…, cette circonstance est sans incidence sur la procédure disciplinaire et sur la compétence de la chambre disciplinaire nationale qui n’est pas liée par cette décision ; qu’en effet, les procédures pénale et disciplinaire sont indépendantes l’une de l’autre ; qu’il appartient à la juridiction disciplinaire d’apprécier les manquements commis par le praticien au regard du code de déontologie médicale ;

Sur la violation du secret médical :

8. Considérant que Mme B… soutient que le Dr C a méconnu le secret professionnel en divulguant des informations médicales la concernant auprès de membres de l’association « Les amis d’Anahita » et de la communauté médicale de Roanne qui sont intervenus auprès d’elle pour lui demander de retirer sa plainte pénale contre le Dr C ; que, toutefois, il n’est pas établi par les pièces du dossier que le Dr C ait donné des informations médicales concernant Mme B… aux membres de ladite association ou à des membres de la communauté médicale ; qu’ainsi, et sans qu’il soit besoin d’examiner l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Dr C, le moyen tiré de la violation du secret médical par le Dr C présenté par Mme B… sur ce point doit être rejeté ; 9. Considérant qu’aux termes de l’article L. 1110-4 du code de la santé publique : « Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant/. Excepté dans les cas de dérogation, expressément prévus par la loi, ce secret couvre l’ensemble des informations concernant la personne venues à la connaissance du professionnel de santé, de tout membre du personnel de ces établissements ou organismes et de toute autre personne en relation, de par ses activités, avec ces établissements ou organismes. Il s’impose à tout professionnel de santé, ainsi qu’à tous les professionnels intervenant dans le système de santé » ; qu’aux termes de l’article R. 4127-4 du même code : « Le secret professionnel, institué dans l’intérêt des patients, s’impose à tout médecin dans les conditions établies par la loi. Le secret couvre tout ce qui est venu à la connaissance du médecin dans l’exercice de sa profession, c’est-à-dire non seulement ce qui lui a été confié, mais aussi ce qu’il a vu, entendu ou compris. » ; que le secret institué par ces dispositions ne couvre pas seulement les données à caractère médical d’un patient mais couvre également toute information de caractère personnel relative à ce dernier, qu’elle ait été confiée au praticien par le patient ou que le praticien l’ait vue, entendue ou comprise dans le cadre de son exercice ; que, dès lors qu’un médecin a reçu de telles informations de la part d’une personne qui s’est adressée à lui en tant que médecin, même s’il ne s’agit pas de son médecin traitant et quel que soit le lieu dans lequel ces confidences ont été faites, elles sont réputées l’avoir été dans le cadre de son exercice professionnel.

10. Considérant qu’il n’est pas contesté que Mme B… a pris rendez-vous avec le Dr Marie-Pierre C, le 22 décembre 2011, la joignant à son domicile, en faisant état d’un problème gynécologique pour lequel elle voulait la consulter en urgence ; qu’au cours de la consultation qui a eu lieu le lendemain 23 décembre, avant l’heure d’ouverture prévue de son cabinet, le Dr Marie-Pierre C a prescrit à sa patiente d’aller consulter un gynécologue, ce que celle-ci a fait dans la matinée ; que ce praticien a constaté la présence de condylomes, évoquant un herpès à papillomavirus et a pratiqué des prélèvements pour analyse ; qu’il n’est pas non plus contesté que, le 23 décembre 2011, vers 13h00, Mme B…, inquiète de ce diagnostic, est revenue au cabinet du Dr Marie-Pierre C, pour en parler avec elle ; qu’elle s’est trouvée en présence du Dr Dominique C dans le secrétariat qu’il partage avec le Dr Marie-Pierre C, son épouse ; que Mme B… connaissait de longue date le Dr C qui avait créé une association dont l’objet était de lui apporter une aide financière pendant ses études de médecine, « Les amis d’Anahita » ; qu’en attendant de revoir le Dr Marie-Pierre C, la plaignante a exposé sa situation au Dr C qui l’a invitée à prévenir le partenaire, dont elle lui a dévoilé le nom, qui l’avait, selon elle, contaminée, ce qu’elle s’est refusée à faire ; que la plaignante s’est ensuite entretenue avec le Dr Marie-Pierre C ; qu’elle a demandé aux deux médecins que le secret médical soit observé ; que, quelques jours après les faits ci-dessus mentionnés, le Dr C, après avoir téléphoné au sujet de sa pathologie à la plaignante, qui n’a pas voulu lui répondre, a pris l’initiative d’appeler l’ex-partenaire de celle-ci pour l’inviter à se faire soigner ;

11. Considérant qu’il résulte de l’instruction et qu’il n’est pas contesté par le Dr C, que ce dernier a reçu de la part de Mme B… des informations personnelles de caractère médical relative à une pathologie dont elle pensait souffrir et qu’il a divulgué auprès de son ancien compagnon la contamination de cette dernière  ; que Mme B… s’est adressée à lui en tant que médecin ; que ni les relations amicales anciennes nouées par le passé entre Mme B… et le Dr C, ni les circonstances dans lesquelles il a été amené à recueillir ses confidences avant la consultation de son épouse dans leur cabinet médical commun, ne sont détachables de l’exercice de sa part de la profession médicale ; que, même s’il n’a procédé à aucun examen de la patiente et n’assurait pas son suivi médical comme médecin traitant, les faits qui lui ont été confiés lors de cet entretien étaient couverts par le secret professionnel et ne devaient, alors même qu’il ne justifiait d’aucune dérogation légale en la matière, être divulgués à un tiers ; qu’au surplus, il connaissait le désaccord de Mme B… pour cette transmission et n’avait pas connaissance des résultats d’analyse qui, in fine, ont démontré l’absence d’affection  ; que le Dr C a ainsi méconnu ses obligations déontologiques tirées de l’article R. 4127-4 précité relatives au secret médical ;

12. Considérant qu’eu égard à ce grave manquement commis par le Dr C qui, de plus, n’a manifesté aucun regret de s’être ainsi comporté, la chambre disciplinaire nationale juge qu’il sera fait une juste appréciation du manquement ainsi commis en prononçant à son encontre, sur l’appel du conseil national, du conseil départemental de la Loire et de Mme B…, la peine de trois mois d’interdiction d’exercer la médecine ;

Sur les conclusions du conseil départemental de la Loire tendant à l’application du I de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991 :

13. Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit à la demande du conseil départemental de la Loire de mettre à la charge du Dr C la somme de 1.500 euros au titre des frais qu’il a exposés en appel et non compris dans les dépens ;

PAR CES MOTIFS,
D E C I D E :

Article 1er : La décision de la chambre disciplinaire de première instance de Rhône-Alpes, en date du 23 janvier 2013, est annulée.

Article 2 : La peine de l’interdiction d’exercer la médecine pendant trois mois est infligée au Dr C.

Article 3 : Le Dr C exécutera la peine de l’interdiction d’exercer la médecine pendant trois mois du 1er janvier 2015 au 31 mars 2015.

Article 4 : Le Dr C versera la somme de 1.500 euros au conseil départemental de la Loire au titre des frais exposés par lui en appel et non compris dans les dépens.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au Dr Dominique C, à Mme Anahita B…, au conseil départemental de l’ordre des médecins de la Loire, à la chambre disciplinaire de première instance de Rhône-Alpes, au préfet de la Loire, au directeur général de l’agence régionale de santé de Rhône-Alpes, au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Roanne, au conseil national de l’ordre des médecins, au ministre chargé de la santé et à tous les conseils départementaux.

Ainsi fait et délibéré par : Mme Laurent, conseiller d’Etat, président ; MM. les Drs Dacquigny, Emmery, Kennel, Mornat, membres.

Le conseiller d’Etat, président de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins

Dominique Laurent
Le greffier en chef


Isabelle Levard

La République mande et ordonne au ministre de la santé en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 24 septembre 2014, n° 11888