Conseil national de l'ordre des médecins, Chambre disciplinaire nationale, 29 octobre 2015, n° 12320

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Exerce dans un centre qu’il dirige et qui se présente comme un cabinet « de médecine esthétique et d’épilation au laser » dénommé centre Murano. Parallèlement, est l’associé majoritaire de la SARL Pure Skin Clinic, dont le gérant est son père, société qui comporte dans son objet social, notamment, la location et la mise à disposition de matériels médicaux et paramédicaux.

A fait passer des annonces de « franchise » portant sur le « format » du centre Murano de Lille, en proposant de céder, moyennant rémunération, le droit, pour la création d’un établissement de médecine esthétique, d’utiliser l’appellation « centre Murano » et de reprendre les principales caractéristiques du centre Murano de Lille. Un de ces contrats a ainsi été souscrit, qui est à l’origine du centre Murano de Marcq-en-Barœul. En proposant de tels contrats de « franchise », portant sur les caractéristiques d’un cabinet médical, et en signant un contrat de cette sorte, a méconnu l’interdiction, prévue par l’article R. 4127–19 CSP de pratiquer la médecine comme un commerce.

Par ailleurs, la SARL Pure Skin Clinic, distincte du cabinet médical qu’est le centre Murano, a pour objet l’acquisition des matériels lasers destinés à ce centre, et la location de ces matériels au praticien. La circonstance qu’il soit l’associé majoritaire de cette société n’est pas constitutive d’un manquement professionnel dès lors que cette participation n’a pas d’influence sur l’exercice de son activité médicale.

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Sur la décision

Référence :
CNOM, ch. disciplinaire nationale, 29 oct. 2015, n° 12320
Numéro(s) : 12320
Dispositif : Interdiction temporaire d'exercer Réformation

Sur les parties

Texte intégral

N° 12320 _______________
Dr Alexandre L _______________
Audience du 9 septembre 2015
Décision rendue publique par affichage le 29 octobre 2015
LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE DE L’ORDRE DES MEDECINS, Vu 1°), enregistrée au greffe de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins le 23 avril 2014, la requête présentée pour le Dr Alexandre L, qualifié spécialiste en médecine générale ; le Dr L demande à la chambre :
- à titre principal, d’une part, d’annuler la décision n° 12-013, en date du 25 mars 2014, par laquelle la chambre disciplinaire de première instance du Nord-Pas-de-Calais, statuant sur la plainte de M. Mehdi B, transmise, sans s’y associer, par le conseil départemental de l’ordre des médecins du Nord, lui a infligé la sanction de l’interdiction d’exercer la médecine pendant un an, d’autre part, de rejeter la plainte de M. B ;
- à titre subsidiaire, de prononcer à son encontre une sanction moins sévère que celle que lui ont infligée les premiers juges ;

Le Dr L soutient que, s’agissant du grief tiré de la méconnaissance de l’article R. 4127-19 du code de la santé publique, les premiers juges ont mal interprété sa défense ; qu’en effet, il n’entendait pas éluder son éventuelle responsabilité déontologique en soulignant le comportement de son ancien associé et ami, mais demander à ce que les reproches qui étaient formulés à son encontre soient appréciés au regard de l’historique de ses liens avec M. B ; qu’il a, pour le centre Murano, appliqué les mêmes choix de communication que M. B pour son centre Dermomed, centre dont il fut, auparavant, l’associé ; qu’il est pour le moins déroutant qu’une personne réclame le respect d’une déontologie qu’il ne respecte pas lui-même et qu’on peut voir, dans l’action de M. B, un dévoiement de la procédure disciplinaire dans le but, non pas de préserver la déontologie médicale, mais de se défendre d’une concurrence ; que M. B profite du fait d’être non médecin pour se départir de la déontologie médicale ; que la chambre disciplinaire nationale doit prendre en considération la situation, et les actions, de M. B, pour statuer sur le litige ; que, si la chambre disciplinaire envisageait de prononcer une peine, celle-ci devrait être limitée au blâme, à l’instar de ce qu’elle a décidé dans sa décision Dr Daniel P du 20 mars 2007 ; que, s’agissant des injections de Dysport, les premiers juges n’ont pas caractérisé en quoi ces injections auraient fait courir aux patients un risque injustifié ; que le principe de liberté de prescription, mentionnée par les articles L. 162–2 du code de la sécurité sociale et R. 4127–8 du code de la santé publique, ainsi que les dispositions de l’article R. 4127–70 du code de la santé publique, l’autorisaient à pratiquer des injections de toxine botulique ; que c’est en ce sens que s’est prononcée la section disciplinaire du conseil national de l’ordre des médecins par sa décision n° 7130 du 25 mai 2010 ; qu’il convient, en effet, pour déterminer s’il était en droit de pratiquer les injections contestées, de prendre en considération sa compétence, sa formation et son expérience ; qu’en tout état cause, si la chambre disciplinaire nationale estimait qu’une sanction doit être prononcée à son encontre, cette sanction, conformément à la jurisprudence de la chambre disciplinaire nationale intervenue dans des cas semblables, devrait être réduite par rapport à celle prononcée en première instance ;

Vu la décision attaquée ;

Vu 2°), enregistrée comme ci-dessus le 29 avril 2014, la requête présentée pour M. B, dirigée contre la même décision susvisée ; celui-ci demande à la chambre disciplinaire nationale de prononcer à l’encontre du Dr L une peine plus sévère que celle prononcée par les premiers juges ;

M. B soutient que la seule qualité d’associé majoritaire de la société commerciale Pure Skin Clinic suffit à caractériser, de la part du Dr L, un manquement aux dispositions de l’article R. 4127–19 du code de la santé publique ; qu’au travers du centre de soins laser qu’il a mis en place, le Dr L a procédé à la vente de produits cosmétiques ou paramédicaux ; que ceci est établi pour le centre Murano de Lille qui se confond avec la société Pure Skin Clinic, laquelle a son siège à la même adresse que le centre ; que cette société, dont le gérant n’est autre que le père du Dr L, comporte dans son objet social « le commerce de détail d’articles médicaux orthopédiques » et que la comptabilité de ladite société fait apparaître une somme de 118 312 euros au titre de la vente de marchandises ; que le Dr L s’est livré à la même pratique de vente de produits cosmétiques ou paramédicaux au travers des centres Murano de Melun, de Nice et de Marcq-en-Barœul, les sociétés gérant ces centres ayant, dans leur objet social, une telle vente et étant dirigées par des proches du Dr L, ayant la qualité de gérant ; qu’au surplus, le centre Murano de Nice est géré, en réalité, par la société Pure Skin Clinic ; que, si le Dr L a soutenu que la somme de 118 312 euros apparaissant dans les résultats comptables de la société Pure Skin Clinic au titre de « ventes de marchandises », correspondait uniquement à la vente de machines laser dont il n’avait plus l’utilité, demeure une différence de 12 562,20 euros pour laquelle le Dr L ne fournit aucune explication ; que des messages publicitaires, diffusés, notamment sur le réseau Facebook, font clairement apparaître que les centres Murano étaient des points de vente de produits cosmétiques ; que le Dr L n’a pas hésité à franchiser la formule du « centre Murano » comme en témoigne l’annonce de franchise publiée sur le site Internet « www.pointfranchises.com » ; qu’il ressort de cette annonce que les centres Murano de Melun et de Nice sont des succursales du centre de Lille, et que le centre Murano de Marcq-en-Barœul est un centre franchisé ; que le Dr L a diffusé, sur d’autres sites Internet, des annonces de franchise comparables ; qu’ainsi, il n’hésite pas dans l’exercice de sa profession à recourir à la franchise, véritable procédé commercial ; qu’ainsi que l’ont déclaré les premiers juges, le Dr L a eu recours, sur plusieurs sites Internet, à des procédés de publicité prohibés par le code de déontologie médicale ; qu’il a poursuivi cette pratique postérieurement à l’intervention de la décision de la chambre disciplinaire de première instance ; qu’en outre, cette publicité est parfois mensongère ; que c’est, notamment, le cas lorsqu’elle affirme que les centres Murano disposent de laser de dernière génération, alors qu’ils utilisent d’anciennes machines laser qui ne sont pas aux normes CE ; que l’utilisation de telles machines fait courir aux patients un risque injustifié et est contraire aux articles R. 4127–32, R. 4127–33 et R. 4127–40 du code de la santé publique ; que le Dr L se présente indûment comme un chirurgien plasticien ou comme un expert en médecine esthétique ou encore comme un médecin spécialiste en médecine esthétique, alors qu’il est inscrit au conseil de l’ordre en médecine générale ; que c’est à bon droit que les premiers juges ont déclaré que le Dr L, en prescrivant et en utilisant la toxine botulique spécialité Dysport, dont l’autorisation de mise sur le marché la destine uniquement à l’usage hospitalier dans le traitement de différentes affections essentiellement neurologiques, a fait courir à ses patients un risque injustifié ; qu’ainsi que l’a rappelé le conseil national de l’ordre, les injections de toxine botulique, selon les spécialités en cause, soit ne peuvent être pratiquées qu’en milieu hospitalier, soit doivent être pratiquées par des médecins inscrits dans certaines spécialités ; que la jurisprudence de la chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins s’est d’ailleurs, à plusieurs reprises, prononcée en ce sens ; que la liberté de prescription du médecin, rappelée à l’article R. 4127–8 du code de la santé publique, laquelle s’exerce « dans les limites fixées par la loi », n’autorisait pas le Dr L à pratiquer des injections de toxine botulique ; que le Dr L affirme indûment, sur le site Internet du centre Murano de Lille, qu’il possède les qualifications requises pour pratiquer des injonctions de Botox ; qu’il résulte des développements précédents que la chambre disciplinaire de première instance n’a pas retenu à l’encontre du Dr L des griefs qui étaient fondés ; qu’en conséquence, doit être prononcée une sanction plus sévère que celle infligée par les premiers juges ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 5 septembre 2014, le mémoire présenté pour le Dr L ; celui-ci reprend les conclusions de sa requête par les mêmes moyens ;

Le Dr L soutient, en outre, qu’il ne s’est jamais présenté auprès de M. B comme un chirurgien esthétique ; que la circonstance qu’il détienne des parts dans la SARL Pure Skin Clinic n’est en rien contraire aux règles déontologiques ; qu’en effet, cette société est propriétaire du « plateau technique » du centre Murano, notamment des appareils laser, le matériel ainsi détenu étant mis à sa disposition, en sa qualité de médecin exerçant au centre, et ce, moyennant une redevance ; qu’un contrat de mise à disposition a été établi à cette fin, suivant le modèle annexé ; que, contrairement à ce que soutient M. B, la SARL n’a jamais procédé à la vente de produits cosmétiques ainsi qu’en fait foi l’attestation, en date du 23 mai 2014, de l’expert-comptable de la société ; que le montant des ventes, figurant dans les comptes sociaux de la société Pure Skin Clinic, correspond à la vente de matériels laser, frappés d’obsolescence ; que les matériels lasers détenus par la société, s’ils ont fait l’objet d’un retour après une première vente, sont des matériels quasi neufs et de haute qualité ; que ces matériels, fournis par la société Candela, bénéficient du marquage CE, ainsi qu’en attestent les documents joints ; que, s’il a effectivement passé une annonce de franchise pour le format « centre Murano », il a, durant l’été 2011, demandé le retrait de cette annonce ; que, dans le même esprit, il a été mis fin à l’activité du centre Murano de Marcq-en-Barœul, la société Calm, société de mise à disposition des matériels, n’exerçant plus aucune activité, ainsi qu’il ressort de l’attestation en date du 24 avril 2014 ; que M. B s’est rendu coupable d’exercice illégal de la médecine ; que, s’agissant des griefs tirés du caractère publicitaire de certaines de ses annonces, la chambre disciplinaire doit tenir compte de la situation factuelle dans laquelle des médecins comme lui sont en situation de faiblesse face à des concurrents non médecins tels que M. B, avec son centre Dermomed ; que la décision attaquée n’a pas caractérisé en quoi les injections de toxine botulique auraient fait courir à ses patients un risque injustifié ; que ces injections, relevant de la liberté de prescription du médecin, entraient dans le cadre de ses compétences, de sa formation et de son expérience ; qu’en tout état cause, si devaient être retenues contre lui des injections de Dysport, ce manquement devrait être sanctionné par une peine sensiblement inférieure à celle prononcée par les premiers juges, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la chambre disciplinaire nationale, notamment des décisions en date du 9 avril 2013, 6 juillet 2010 et 4 octobre 2000 ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 8 juin 2015, le mémoire présenté pour M. B ; celui-ci reprend les conclusions de sa requête par les mêmes moyens ;

M. B soutient, en outre, qu’à l’appui de ses assertions relatives à la mise à disposition par la société Pure Skin Clinic de matériels lasers, le Dr L ne produit qu’un modèle de contrat de mise à disposition ; que les documents produits par le Dr L à l’appui de ses affirmations relatives au marquage CE des matériels lasers, ne sont pas probants ; que les juges de première instance ont omis de statuer sur la publicité via « Google Adwords », publicité à laquelle le Dr L a toujours recours aujourd’hui ; que cette publicité, bénéficiant, à titre payant, d’un référencement privilégié, caractérise un véritable procédé commercial ; que le Dr L n’a pas hésité à ouvrir un nouveau centre, le centre « Epilia », situé désormais en Belgique, où il persiste à pratiquer des injections de toxine botulique et à exercer la médecine comme un véritable commerce ; qu’il se livre, pour ce centre, aux mêmes procédés de publicité que pour les centres Murano ;

Vu, enregistré comme ci-dessus le 9 juin 2015, le mémoire présenté pour le Dr L ; celui-ci reprend les conclusions de ses précédents mémoires, par les mêmes moyens ;

Le Dr L soutient, en outre, qu’il exerce régulièrement en Belgique, en se conformant aux règles juridiques et déontologiques applicables ; qu’il est inscrit auprès de l’ordre des médecins belge, comme de nombreux médecins frontaliers ;

Vu les autres pièces produites au dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu le code de la santé publique, notamment le code de déontologie médicale figurant aux articles R. 4127-1 à R. 4127-112 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 9 septembre 2015, les parties ayant été informées de la modification intervenue dans la composition de la formation de jugement :

 – Le rapport du Dr Cerruti :

 – Les observations de Me Poisvert pour le Dr L et celui-ci en ses explications ;

 – Les observations de Me Cros pour M. B et celui-ci en ses explications ;

Le Dr L ayant été invité à reprendre la parole en dernier ;

APRES EN AVOIR DELIBERE, 1. Considérant que le Dr L, médecin généraliste, exerce au centre Murano, à Lille, centre qu’il dirige et qui se présente comme un cabinet « de médecine esthétique et d’épilation au laser » ; que, parallèlement, le Dr L est l’associé majoritaire de la SARL Pure Skin Clinic, dont le gérant est son père, M. Jean-Jacques L, société qui comporte dans son objet social, notamment, la location et la mise à disposition de matériels médicaux et paramédicaux ;

Sur les griefs tirés de la pratique de la médecine comme un commerce :

Sur les griefs tirés de la méconnaissance des articles R. 4127–19 et R. 4127–20 du code de la santé publique :

2. Considérant qu’aux termes de l’article R. 4127–19 du code de la santé publique : « La médecine ne doit pas être pratiquée comme un commerce. / Sont interdits tous procédés directs ou indirects de publicité et notamment tout aménagement ou signalisation donnant aux locaux une apparence commerciale. » ; qu’aux termes de l’article R. 4127–20 du même code : « Le médecin doit veiller à l’usage qui est fait de son nom, de sa qualité ou de ses déclarations. » ;

3. Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que le Dr L a créé, sur Internet, plusieurs sites consacrés au cabinet Murano de Lille ; que ces sites comportent la photographie du Dr L ainsi que son curriculum vitae ; qu’ils présentent le Dr L comme le « spécialiste du rajeunissement et de l’épilation laser à Lille », ayant « reçu l’ensemble des formations nécessaires à la pratique des injections de Botox » ; qu’ils décrivent de manière particulièrement laudative les soins pratiqués ; qu’ainsi, et entre autres exemples d’une telle présentation, l’un des sites comporte l’indication suivante : « Voici comment les injections de Radiesse peuvent changer votre vie ! » ; que, parfois, le site comporte des photographies de patients prises avant, et après, les soins prodigués, de façon à faire apparaître les effets positifs des traitements ; qu’à plusieurs reprises, il est indiqué que la première consultation est, soit gratuite, soit consentie à un tarif très réduit ; qu’il est encore indiqué que, lors de la première séance, sera remise « une carte de parrainage » permettant une réduction de 30 % au profit de la personne à qui cette carte sera offerte ; que l’ensemble des éléments qui viennent d’être indiqués, qui excèdent largement les besoins d’information du public, conduisent à regarder le Dr L comme ayant, par leur diffusion, laquelle s’est poursuivie après l’intervention de la décision de première instance, méconnu, ainsi que l’ont estimé les premiers juges, les obligations prévues par les articles précités R. 4127–19 et R. 4127–20 ;

Sur le grief tiré du caractère mensonger de la publicité diffusée par le Dr L :

4. Considérant, en revanche, que, si M. B soutient que la publicité à laquelle s’est livré le Dr L, revêtirait, en outre, un caractère mensonger en ce qu’elle affirmait que les appareils laser utilisés étaient de la « dernière génération » et bénéficiaient du marquage « CE », le bien-fondé de ce grief ne ressort pas des pièces du dossier ; qu’en particulier, la circonstance que les matériels en cause n’ont pas été acquis neufs, et auraient fait l’objet d’une première utilisation, ne suffit pas à conférer un caractère mensonger à l’affirmation relative à la modernité desdits matériels ; que, par ailleurs, rien ne vient établir que les matériels dont s’agit, fournis par la société Candela, ne répondraient pas aux normes communautaires et ne présenteraient pas le marquage « CE » ;

Sur le grief tiré des opérations de « franchise » du « format » du centre Murano de Lille :

5. Considérant, en deuxième lieu, qu’il résulte de l’instruction que le Dr L a fait passer des annonces de « franchise » portant sur le « format » du centre Murano de Lille, en proposant de céder, moyennant rémunération, le droit, pour la création d’un établissement de médecine esthétique, d’utiliser l’appellation « centre Murano » et de reprendre les principales caractéristiques du centre Murano de Lille ; qu’au reste, un de ces contrats a été souscrit, qui est à l’origine du centre Murano de Marcq-en-Barœul ; qu’en proposant de tels contrats de « franchise », portant sur les caractéristiques d’un cabinet médical, et en signant un contrat de cette sorte, le Dr L a méconnu l’interdiction, prévue par l’article R. 4127–19 précité, de pratiquer la médecine comme un commerce ; qu’est, à cet égard, sans incidence la circonstance que le Dr L a, depuis, renoncé à cette pratique de « franchise » ; que le grief tiré de cette pratique doit, ainsi, contrairement à ce qu’ont estimé les premiers juges, être retenu à l’encontre du Dr L ;

Sur le grief tiré de la participation majoritaire du Dr L à la SARL Pure Skin Clinic :

6. Considérant, en troisième lieu, qu’il résulte de l’instruction que la SARL Pure Skin Clinic, distincte du cabinet médical qu’est le centre Murano de Lille, a principalement, sinon exclusivement, pour objet l’acquisition des matériels lasers destinés à ce centre, et la location de ces matériels à leur utilisateur principal, à savoir le Dr L ; que la circonstance que le Dr L soit l’associé majoritaire de cette société n’est pas, par elle-même, constitutive d’un manquement professionnel dès lors qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que cette participation aurait eu une influence sur l’exercice, par le Dr L, de son activité médicale ;

Sur le grief tiré de la vente de produits cosmétiques ou paramédicaux :

7. Considérant, en quatrième lieu, que le grief, invoqué par M. B et tiré de ce que le Dr L aurait, en méconnaissance de l’article R. 4127–21 du code de la santé publique, procédé à la vente de produits cosmétiques ou paramédicaux, n’est pas corroboré par les pièces du dossier ; qu’en particulier, la somme de 118 312 euros apparaissant dans les résultats comptables de la SARL au titre de « ventes de marchandises » correspond, pour l’essentiel, et ainsi qu’en justifie le Dr L, à la revente de matériels lasers devenus obsolètes ; que si, sur ce montant global, subsiste une différence, de 12 562,20 euros, dont il n’est pas justifié, cette différence ne suffit pas à établir la réalité du grief tiré de la vente de produits cosmétiques ou paramédicaux ;

Sur les autres griefs :

Sur le grief tiré des injections de Dysport :

8. Considérant que le Dysport, spécialité contenant de la toxine botulique, est un médicament réservé à l’usage hospitalier dont la prescription et l’administration sont régies par les dispositions de l’article R. 512183 du code de la santé publique ; qu’il est constant, et d’ailleurs non contesté, que le Dr L a pratiqué régulièrement des injections de Dysport au centre Murano de Lille, en méconnaissance des dispositions de l’article R. 512183 susmentionné ; que la liberté de prescription du médecin, reconnue par l’article R. 4127–8 du code de la santé publique, n’a, ni pour objet, ni pour effet, de dispenser le médecin du respect des dispositions de l’article R. 512183 du même code ; qu’ainsi c’est à bon droit que les premiers juges ont retenu, par une motivation suffisante, à l’encontre du Dr L le grief tiré de la méconnaissance des dispositions de ce dernier article ;

Sur le grief tiré de ce que le Dr L exercerait la médecine de façon illégale :

9. Considérant qu’à l’appui du grief tiré de ce que le Dr L exercerait la médecine de façon illégale, M. B se borne à soutenir que le Dr L, au début de leur relation, se serait présenté à lui comme un « chirurgien esthétique » ; qu’une telle assertion, au demeurant non corroborée par les pièces du dossier, n’est pas de nature à faire regarder le grief comme fondé ;

10. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que doivent être retenus, à l’encontre du Dr L, les deux griefs retenus par les premiers juges, tirés du recours à des procédés publicitaires et des injections de Dysport, ainsi que le grief tiré de la « franchise » des caractéristiques principales du cabinet de Lille ; que, compte tenu, notamment, de l’ampleur des procédés publicitaires auxquels le Dr L a eu recours, et du fait qu’il a continué d’y recourir après l’intervention de la décision de première instance les ayant condamnés, il sera fait une juste appréciation de la gravité des manquements commis en les sanctionnant par la peine de l’interdiction d’exercer la médecine pendant deux ans, dont un an assorti du sursis ;

PAR CES MOTIFS,
D E C I D E :

Article 1er : Il est infligé au Docteur L la sanction de l’interdiction d’exercer la médecine pendant deux ans, dont un an assorti du sursis.

Article 2 : La partie ferme de la sanction de l’interdiction d’exercer la médecine prendra effet le 1er février 2016 et cessera de porter effet le 31 janvier 2017 à minuit.

Article 3 : La décision du 25 mars 2014 de la chambre disciplinaire de première instance du Nord-Pas-de-Calais est réformée en ce qu’elle a contraire à la présente décision.

Article 4 : La requête du Dr L est rejetée.

Article 5 : La présente décision sera notifiée au Dr Alexandre L, à M. Mehdi B, au conseil départemental de l’ordre des médecins du Nord, à la chambre disciplinaire de première instance du Nord-Pas-de-Calais, au préfet du Nord, au directeur général de l’agence régionale de santé du Nord-Pas-de-Calais, au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lille, au conseil national de l’ordre des médecins, au ministre chargé de la santé, à tous les conseils départementaux et au conseil national de l’ordre des médecins de Belgique.

Ainsi fait et délibéré par : M. Lévis, conseiller d’Etat, président ; Mme le Dr Kahn-Bensaude, MM. les Drs Cerruti, Ducrohet, Fillol, Mornat, Munier, membres.

Le conseiller d’Etat, président de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des médecins

Daniel Lévis
Le greffier en chef
François-Patrice Battais

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