Conseil de prud'hommes de Paris, 7 janvier 2016, n° 14/07601

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
Cons. prud’h. Paris, 7 janv. 2016, n° 14/07601
Juridiction : Conseil de prud'hommes de Paris
Numéro(s) : 14/07601

Sur les parties

Texte intégral

CONSEIL DE PRUD’HOMMES

DE PARIS

[…]

[…]

Tél : 01.40.38.52.00

SECTION

Activités diverses chambre 5

ADC

RG N° F 14/07601

Minute N°AD5 BJ16/0003

NOTIFICATION par LR/AR du :

Délivrée au demandeur le :

au défendeur le :

COPIE EXÉCUTOIRE délivrée à :

Appel 2016 le :

RECOURS n'

fait par :

le :

par L.R. au S.G.

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

JUGEMENT

Contradictoire en premier ressort (Susceptible d’Appel)

Prononcé à l’audience du 07 janvier 2016 par Madame Françoise PONTALIER, Présidente, assistée de Madame Aurélia DEO CAMPO, Greffière

Débats à l’audience du : 10 novembre 2015

Composition du bureau de jugement lors des débats et du délibéré :

Madame Françoise PONTALIER, Président Conseiller (S) Madame Marie-Claire BAUD, Assesseur Conseiller (S)
Madame Marie COTTINET, Assesseur Conseiller (E)
Monsieur Gérard BORGEL, Assesseur Conseiller (E)

Assistés lors des débats de Madame Aurélia DEO CAMPO, Greffière

ENTRE
Monsieur E Y né le […]

Lieu de naissance : X

LE CLOS DES SORBIERS

[…]

[…]

Partie demanderesse, assistée de Maître L-M

N R117 (Avocat au barreau de PARIS)

ET

SA L ARGUS DE LA PRESSE

N° SIRET 582 062 824 00047

[…]

[…]

Partie défenderesse, représentée par Maître J K E1686 (Avocat au barreau de PARIS)



RG F 14/07601

PROCÉDURE

- Saisine du Conseil le 05 juin 2014.

- Convocation de la partie défenderesse, par lettres simple et recommandée reçue le 17 juin 2014, à l’audience de conciliation du 23 juillet 2014.

- Renvois aux audiences de jugement des 17 mars 2015 et 10 novembre 2015.

- Débats à l’audience de jugement du 10 novembre 2015, à l’issue desquels les parties ont été avisées, par émargement au dossier, de la date du prononcé de la décision, fixé au 07 janvier 2016.

Les conseils des parties ont déposé des conclusions.

Chefs de la demande :

- Prononcer la nullité du licenciement

- Rappel de salaires sur la mise à pied 1 460,82 €

- Congés payés afférents 146,00 €

- Indemnité compensatrice de préavis 5 024,86 €

- Congés payés afférents 502,00 €

- Indemnité de licenciement 1 532,58 € 25 000,00 €- Dommages et intérêts du fait du licenciement nul

- Dommages et intérêts pour préjudice moral en application de l’article 1382 Code Civil 20 000,00 €

- Subsidiairement dire que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse

- Indemnité compensatrice de préavis 5 024,86 € 502,00 €- Congés payés afférents Indemnité de licenciement 1 532,58 €

25 000,00 €- Dommages et intérêts du fait du licenciement illicite

- Dommages et intérêts pour préjudice moral en application de l’article 1382 du Code Civil 20 000,00 €

- Article 700 du Code de Procédure Civile 3 000,00 €

Demande reconventionnelle :

- Article 700 du Code de Procédure Civile 3 000,00 €

LES FAITS
Monsieur E Y a été engagé par la société ARGUS DE LA PRESSE S.A. le 20 février 2012 en qualité de chargé de clientèle en contrat à durée indéterminée.

La convention collective applicable est celle du SYNTEC

La supérieure hiérarchique de Monsieur Y est Madame Z.

Il a été adressé au salarié après les entretiens des 17 septembre 2013, 31 janvier, 5 février, 13 mars et 9 avril 2014, deux courriers signés respectivement par Madame A et Monsieur H-I, l’un du 27 septembre 2013 remis en main propre et l’autre du 16 mai 2014 envoyé en recommandé avec accusé de réception, constatant dans les deux cas, des dysfonctionnements professionnels.

Le dernier courrier a été contesté par le salarié en mettant en cause Madame Z pour harcèlement moral.

Il a cessé son travail pour raisons de santé médicalement constatées du 19 mai au 4 juillet

2014.

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RG F 14/07601

Le 9 juillet 2014, le médecin du travail indiquait « apte avec aménagement de poste : changement N+1 ».

Monsieur Y a été convoqué à un entretien préalable prévu le 28 juillet 2014 par courrier du 10 juillet 2014 remis en main propre assorti d’une mise à pied conservatoire. Lors de l’entretien, le salarié a été assisté par une déléguée du personnel.

Il a été licencié pour faute grave le 31 juillet 2014.

DIRES ET MOYENS DES PARTIES
Monsieur E Y, représenté par Maître L-M N, demande au Conseil à titre principal de dire son licenciement nul en raison, du harcèlement moral qu’il a subi, de l’impossibilité pour l’employeur de le sanctionner pour avoir dénoncé de tels faits et du non respect de l’avis du médecin du travail à l’occasion de sa reprise de travail.

Malgré ses demandes, sa hiérarchie n’a pas pris en compte ni réagi aux faits de harcèlement dont s’est rendu coupable sa responsable directe.

En effet, après avoir fait preuve de complicité et de séduction avec des propos déplacés, dès qu’elle a eu connaissance de son homosexualité, elle a modifié complètement son comportement envers lui en lui reprochant sans discontinuité des fautes professionnelles infondées. Cette situation a provoqué un syndrome dépressif qui a entraîné un arrêt de travail.

En réponse, la société ARGUS DE LA PRESSE S.A., représentée par Maître J K, précise que suite aux accusations répétées de Monsieur Y d’harcèlement et d’homophobie, une enquête interne a été diligentée auprès de dix collègues travaillant à proximité des deux protagonistes de cette affaire. De manière unanime, ils ont témoigné sur le professionnalisme et l’impartialité de Madame Z et de l’absence de différence de traitement à l’encontre de Monsieur

Y. Ce dernier n’a d’ailleurs remis aucun écrit laissant présumer le contraire.

Les propos du salarié relevant de la pure diffamation mettant en danger Madame Z ont contraint l’employeur d’écarter Monsieur Y de l’entreprise y compris pendant le préavis en le licenciant pour faute grave.

EN DROIT

Le Conseil après en avoir délibéré conformément à la loi a prononcé, le 07 janvier 2016, le jugement suivant :

Sur la demande à titre principal de prononcer la nullité du licenciement d’en indemniser le préjudice ainsi que l’attribution de dommages et intérêts supplémentaire en réparation du préjudice moral subi

Ces demandes s’appuient sur un licenciement lié à un harcèlement moral qu’a subi le salarié dans l’entreprise et du non respect par l’employeur des préconisations du médecin du travail lors de la visite de sa reprise après un arrêt lié à son état de santé :

Le harcèlement moral

Le Code du Travail (article L. 1152-1) prévoit qu’aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

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RG F 14/07601

En conséquence selon l’article L1152-3 du Code du Travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

Pour motiver sa demande l’article L. 1154-1 du Code du Travail prévoit que le salarié établit les faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement moral. Il incombe ensuite à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement.

En l’espèce, selon Monsieur Y, sa responsable directe Madame Z a fait preuve à son encontre de harcèlement moral, après avoir appris début 2013, son homosexualité, en modifiant son attitude envers lui et en l’inondant de reproches oraux ou écrits infondés.

Pour rechercher l’existence de faits, le Conseil a lu tous les messages électroniques échangés entre ces deux personnes, tous les écrits, ainsi que les comptes-rendus des interviews de deux des dix salariés travaillant à proximité de Monsieur Y et interrogés pendant l’enquête initiée par l’employeur. En effet le juge a pu en tenir compte, les intéressées les ayant par messages électroniques approuvés voire modifiés.

Il est avéré que de septembre 2012 à janvier 2013, Madame Z adressait des messages électroniques à Monsieur Y sur un ton amical voire complice en faisant usage du tutoiement pour évoquer par exemple leurs vacances, les chats ou en s’encourageant mutuellement pour travailler. Cependant contrairement aux dires à la barre du salarié et à son courrier du 20 mai 2014, aucune connotation sexuelle ou même de séduction n’est relevée.

Par ailleurs, la partie demanderesse n’a remis aucun reflet de télécopie adressée par Madame Z à Monsieur Y sur une messagerie personnelle ou un téléphone portable.

Le Conseil constate que tous les écrits entre les parties à partir d’avril 2013 sont d’ordre professionnel.

Par télécopie Madame Z écrivait à Monsieur Y :

Le 23 avril 2013 < … Bir

Merci de consigner ce rdv dans SF dès demain et préparer le doc client et me le soumettre dès que possible pour validation Gracias… »> Le 25 avril 2013 « … Après observation de plusieurs cas sur plusieurs semaines et retours internes de différents services :

1- J’apprécierais que tu ne dises pas à voix haute que telle cliente est mécontente et que intel (je en l’occurrence) ne lui répond pas sachant que si tu avais eu le nom du contact tu avais tout en visibilité sur ce que j’ai fait (ou pas d’ailleurs) sur SF

Que ce soit pour mes comptes ou pour ceux des autres, ou même les tiens, soyons tous dans la modération des propos stp Nous sommes dans un open space, je ne voudrais pas qu’on passe pour des imbéciles sur la gestion des comptes suite à des propos malheureux alors que c’est loin d’être le cas.

j 2- Je te demande de faire attention au ton que tu emploies par email et/ou par téléphone avec tes ; interlocuteurs Argus et/ou clients i J’ai des plaintes concernant ton manque de souplesse, ton agressivité parfois-; il en va de ta crédibilité et de celle de notre équipe.

3- pour tes demandes de gestes commerciaux, merci de présenter des cas cadrés et de ne pas être trop rigide pour des demandes simples et à l’inverse trop souple pour des cas tordus où le client prend l’aval sur toi. L’ADV et moi perdrons trop de temps à checker tes demandes et à les mettre en conformité pour éviter les impacts néfastes en cas de litiges merci d’avance… »>.



RG F 14/07601

Le 26 avril 2013 < c’est à moi de te faire un point suite à mes remarques, à la suite de ça si tu veux faire une demande d’entretien à B et C tu verras ça sera à ton initiative, sachant que je ne pense pas que ce soit nécessaire. Y a rien d’officiel dans le fait qu’on se voit, c’est juste pour toi… » puis à la réponse de Monsieur Y qui conteste le message de la veille qu’il considère comme officiel, elle écrit « … on en parle tout à l’heure vers 10h30 Je te fais un point en tant que responsable, si j’estime à la suite de ça que ça doit remonter plus haut je le ferai… »

Lors de l’entretien annuel en décembre 2013, elle concluait par ces mots « … J’ai le sentiment que ce fut une année difficile pour E mais que malgré cela il a réussi à rester concentré et motivé sur son travail.

Je souhaite que les dysfonctionnements, incompréhensions du passé nous servent de leçon et nous permettent d’engager une meilleure année 2014 basée sur la communication et la confiance renouvelée.

C’est une personne avec une forte capacité de travail et je souhaite pouvoir compter sur son appui et son investissement dans la vie de l’équipe, notamment sur le partage des bonnes pratiques Salesforce… »

Si ces écrits ne reflètent plus aucune complicité, ils restent courtois et se rapportent strictement aux consignes de travail. Pour cette raison, le Conseil retient l’explication de Madame Z répondant à la question de la responsable des ressources humaines, « Y a-t-il eu une distance entre vous et E Y depuis 2013 ? Pourquoi ? »,

< Suite à son tout premier entretien de recadrage, E l’a mal pris. Ensuite, il m’a accusé de harcèlement moral alors j’ai mis de la distance. Il n’y avait plus de photos de chats et de trait d’humour. Nos relations étaient uniquement professionnelles. Il n’écoutait pas mes recommandations professionnelles. Ca a jeté un froid entre nous… »
Monsieur Y n’ayant remis aucun témoignage contradictoire de personne travaillant avec lui et Madame Z, le Conseil retient le rapport d’enquête auprès de dix salariés établi par la responsable des ressources humaines et les deux reflets d’interview des deux salariées par ailleurs déléguées du personnel et élues du comité d’entreprise.

Unanimement, il est précisé que Madame Z n’agit pas différemment avec Monsieur Y, aucune remarque déplacée à son encontre n’a été relevée et que cette cadre reste très professionnelle. Elle n’a jamais tenu des propos homophobes. Au contraire, elle était amie avec un ancien salarié dont l’homosexualité était connue tout comme une autre collègue dont elle a permis l’intégration à l’équipe qu’elle encadre.

Dans ce contexte, n’ayant pas constaté le moindre fait laissant présumer un harcèlement moral, le Conseil rejette ce premier argument du demandeur justifiant sa demande de nullité du licenciement.

La non prise en compte des préconisations de la médecine du travail

Le Code du Travail prévoit que les décisions du médecin du travail s’imposent à toutes les parties.

Cependant en l’espèce, la partie demanderesse n’indique ni à la barre ni dans ses écritures le lien entre la décision d’aptitude et le licenciement pour faute grave ni les moyens juridiques.

Le médecin du travail a écrit le 9 juillet 2014 sur le certificat médical de reprise de travail,

< apte avec aménagement de poste – changement N+1 ». Ce certificat aurait été reçu par l’employeur après que la procédure de licenciement engagée le 10 juillet par l’envoi de la convocation à l’entretien préalable.

Dans ce contexte, le Conseil ne retient pas cet argument par défaut de moyens juridiques.

Aussi, n’ayant pas suivi l’argumentation du salarié, le Conseil dit le licenciement licite.

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RG F 14/07601

Demande à titre subsidiaire de dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse d’en dédommager le préjudice y compris le préjudice moral subi.

Monsieur Y a été licencié par lettre du 31 juillet 2014 motivée comme suit :

Vos observations, au cours de cet entretien ne nous ont pas permis d’envisager votre maintien dans nos effectifs ; aussi nous sommes contraints de vous licencier, et ce pour faute grave.

Dans un courrier daté du 20 mai 2014, que vous avez adressé à notre Entreprise, vous portez à rencontre de votre responsable hiérarchique directe Madame F Z de nombreuses accusations d’une extrême gravité, notamment : des agissements néfastes et répétés ayant pour conséquence une dégradation de vos

conditions de travail, des agissements, un comportement et un ton agressifs à votre égard,

.

le manque de communication,

le refus de sa part d’échanges oraux,

l’absence de soutien lors d’inconfort ou de conflits avec vos collègues, de la familiarité s’apparentant à un jeu de séduction, des propos déplacés,

distante, froide dans votre collaboration,

et une discrimination homophobe et un harcèlement.

Ce courrier faisait suite à un courrier d’avertissement de notre part, dans lequel les négligences professionnelles que vous avez commises sont avérées. Aussi, devant la gravité des faits que vous avez exposés, j’ai pris l’initiative de mener une enquête interne; 10 personnes avec lesquelles vous travaillez en proximité et vous-même ont été entendus.

Aucune des 10 personnes n’a confirmé les accusations proférées à rencontre de F

Z. Aucune n’a fait état d’agissements, d’agressivité de la part de F Z, de différence de traitement de sa part entre vous et vos collègues.

Vous n’avez pas apporté d’élément nous permettant de considérer que vos accusations sont vraies.

Nous n’avons trouvé aucune preuve de vos dires, à commencer par les mails que vous a envoyés F Z.

Les accusations que vous portez contre une femme sont graves ; elles peuvent avoir de nombreuses conséquences morales et psychologiques, sur la carrière de l’intéressée, voire des répercussions pénales.

Or, elles sont infondées et ne sont pas prouvées.

L’enquête a révélé en outre que vous avez commis des fautes dans l’exercice de votre activité professionnelle et ce à plusieurs reprises, notamment: des tons déplorables utilisés au téléphone avec des clients, des difficultés pour vos collègues pour vous transférer l’appel téléphonique d’un client, des emportements vis-à-vis de vos collègues de travail, et votre propension à rejeter toute responsabilité quand il y a un problème. Nous avons relevé ici une certaine similitude avec les faits reprochés dans les deux avertissements qui vous été donnés précédemment. Nous comprenons qu’en réalité vous avez monté de fausses accusations dans le but de vous protéger de manière abusive et sans jamais vous préoccuper des conséquences de ces accusations, ni de l’impact qu’elles ont eu sur la santé de F Z qui a été déstabilisée et qui a peur de vos réactions. Notre enquête a mis en exergue des fautes dans l’exécution de votre contrat de travail ainsi qu’une volonté de votre part de nuire à votre responsable hiérarchique avec des accusations maladroites, violentes et abusives. Vous n’hésitez pas à attaquer une jeune femme et ce comportement est celui de quelqu’un qui agit de mauvaise foi. Aujourd’hui nous considérons que votre collaboration dans la société devient même dangereuse et ne peut perdurer même pendant une période de préavis. Par conséquent, nous avons décidé de procéder à votre licenciement pour faute grave, privative de tout préavis, de toute indemnité de licenciement et de tout paiement de salaire pendant la période de mise à pied conservatoire. Vous cessez de ce fait de faire partie des effectifs de notre entreprise… ».

La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

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RG F 14/07601

La faute grave résulte d’un fait ou un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant la période de préavis.

La charge de la preuve de la faute grave incombe dans tous les cas à l’employeur qui dans le cadre du doit disciplinaire, a deux mois pour la sanctionner après en avoir eu connaissance.

Toutefois, l’article L1152-2 du Code du Travail prévoit qu’aucune personne ne peut être sanctionnée pour avoir relaté des agissements relatifs à un harcèlement moral. Dans ce cadre, un licenciement serait illicite. Cependant, le salarié proférant de fausses accusations de harcèlement moral dans le but de nuire à la personne concernée est fautif.

En l’espèce, au regard des pièces remises à la barre, comme indiqué précédemment, l’accusation d’harcèlement moral et sexuel proférée par le salarié à l’encontre de sa supérieure hiérarchique directe est infondée.

Au vu de des messages électroniques adressés à sa hiérarchie et au compte rendu de son entretien avec la responsable des ressources humaines, Madame Z a fait part de sa crainte d’affronter de nouveau Monsieur Y après son arrêt de travail, d’hésiter à lui faire la moindre remarque professionnelle de peur de sa réaction. Elle a fini par porté plainte pour diffamation le 7 juillet 2014 qui a fait l’objet d’un classement sans suite le 4 décembre 2014.

Par ailleurs, au vu de ses prescriptions médicales d’anxiolytiques, il est avéré que cette personne était déstabilisée moralement et physiquement. En effet, les accusations du salarié ont été proférées plusieurs fois, par télécopie du 2 août 2013, par courrier du 20 mai 2014 et lors de l’entretien du 17 mai 2014 avec le directeur des ventes. Au vu du témoignage de Madame D, déléguée du personnel qui ne travaille pas dans la même salle que le salarié et du certificat de la médecine du travail préconisant l’éviction de Madame Z, il est avéré que ces écrits dirigés contre cette dernière sont le reflet des propos émis par Monsieur Y.

Par ailleurs, Madame B A, responsable Marché Annonceurs, en réponse à son message du 2 août 2013 rappelait que lors de leur rencontre du 17 septembre, il avait reconnu que ses accusations ne correspondaient pas « au fond de sa pensée ».

Dans ce contexte, qu’elles aient été proférées pour justifier ses erreurs professionnelles et comportementales comme l’indique la lettre de licenciement ou par dépit pour ne plus avoir de rapports de complicité avec Madame Z, cette dernière ayant préféré les contenir dans un cadre strictement professionnel, les accusations répétées de Monsieur. Y, infondées, ont été sciemment émises pour porter atteinte à l’intégrité de sa collègue et non pas uniquement pour se protéger d’un harcèlement avéré ou même ressenti.

Aussi, l’employeur était dans son droit en l’écartant de l’entreprise même pendant le préavis afin de garantir la sécurité de Madame Z.

Le Conseil dit le licenciement pour faute grave justifié et déboute Monsieur Y de toutes ses demandes afférentes.

Sur les demandes au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile, tant principale que reconventionnelle :

Il n’apparaît pas inéquitable au Conseil de laisser à la charge de chaque partie les frais irrépétibles qu’elles ont dû exposer à l’occasion de cette procédure.

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RG F 14/07601

PAR CES MOTIFS

Le Conseil statuant publiquement, par jugement contradictoire en premier ressort :

Déboute Monsieur E Y de l’intégralité de ses demandes.

Déboute la SA L’ARGUS DE LA PRESSE de sa demande au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

Laisse les dépens à la charge de Monsieur E Y.

e rm fo n o c

LA PRÉSIDENTE, LA GREFFIERE, U Copie P

à la PARIS C

[…]

- ਘlouco es, do eldo

2018-070

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