Juge aux affaires familiales de Digne, 28 décembre 2021, n° 21/00656

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
JAF Digne, 28 déc. 2021, n° 21/00656
Numéro(s) : 21/00656

Texte intégral

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TRIBUNAL JUDICIAIRE DE DIGNE LES BAINS

AFFAIRES FAMILIALES

MINUTE NE

AUDIENCE DU 28 DECEMBRE 2021

AFFAIRE N° RG 21/00656 – N° Portalis DBWO-W-B7F-CWIC

JUGEMENT

ENTRE

AFFAIRE : PARTIE DEMANDERESSE :

Z Y Madame Z Y C/ née le […] à BEZONS (95870), demeurant L’Ardrech des Orgues – Route de Puimoisson – 04500 RIEZ D A B comparante en personne assistée de Maître Corinne Y de la SCP BAYETTI-Y-REVAH, avocats au barreau des ALPES DE HAUTE-PROVENCE substituée par Me Eve MAURINO, avocat au barreau des ALPES DE HAUTE-PROVENCE

PARTIE DEFENDERESSE :

Monsieur D A B né le […] à […], demeurant […]

comparant en personne assisté de Me Séverine TAMBURINI-KENDER, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Lors des débats : 12 novembre 2021

Emmanuelle LIBERTINO, Juge, Juge aux Affaires Familiales Laurence BONNEFOIS, Faisant fonction de greffier

Lors du prononcé : 17 décembre prorogé au 28 décembre 2021

Emmanuelle LIBERTINO, Juge, Juge aux Affaires Familiales Angeline PLACERES, Greffier


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Des relations de D A B et Z Y est née X, le […], reconnue par ses deux parents le […].

*

Par requête reçue le 9 juillet 2021, Madame Y a saisi le Juge aux Affaires Familiales du Tribunal Judiciaire de DIGNE LES BAINS afin de voir juger que :

- les deux parents exercent conjointement l’autorité parentale à l’égard de l’enfant commun, sauf en ce qui concerne les décisions médicales,

- sa résidence est fixée à son domicile,

- le père bénéficie d’un droit de visite sans hébergement, un samedi par mois, sur la commune de RIEZ de 14 heures à 17 heures,

- le père s’acquitte d’une contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant de 200 euros par mois, outre la moitié des frais médicaux restant à charge.

Elle réclame également une interdiction de sortie du territoire de l’enfant sans l’autorisation des deux parents.

*

L’affaire a été régulièrement appelée et retenue à l’audience du 12 novembre 2021.

*
Madame Y, assistée de son conseil, maintient ses prétentions initiales s’agissant de l’exercice de l’autorité parentale, l’interdiction de sortie du territoire de l’enfant sans l’autorisation des deux parents et la fixation de sa résidence habituelle à son domicile. S’agissant des droits du père, elle propose qu’il bénéficie d’un droit de visite pendant une période de six mois un samedi par mois, de 14 heures à 17 heures, en sa présence ou en espace de rencontres. Elle sollicite désormais une expertise psychologique de la famille, compte tenu du comportement de Monsieur A B qui la harcèle depuis plusieurs mois et multiplie les procédures judiciaires, et entend également voir enjoindre à Monsieur A B de justifier de sa situation financière. Elle réclame une contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant de 200 euros par mois.

Monsieur A B, également assisté, accepte que la résidence de l’enfant soit fixée au domicile de la mère. Il conclut à l’exercice conjoint de l’autorité parentale, sans réserves tenant aux décisions médicales, et au débouté de Madame Y de sa demande tendant à être seule investie de l’exercice de l’autorité parentale s’agissant des décisions médicales, insuffisamment justifiée. Il conclut également au débouté de Madame Y de sa demande d’interdiction de sortie du territoire de l’enfant sans l’autorisation des deux parents, injustifiée, ce d’autant que X doit pouvoir profiter de sa double culture. S’agissant de ses droits à l’égard de l’enfant, il accepte le principe d’une progressivité et d’un exercice en FRANCE dans un premier temps. Il propose ainsi d’exercer, pendant trois mois à compter de la décision à intervenir, un droit d’accueil de trois jours consécutifs toutes les trois semaines, en FRANCE, à charge pour lui de respecter un délai de prévenance de 15 jours, et à l’issue de cette période, un droit d’accueil, en FRANCE ou en ESPAGNE, en période scolaire, toutes les trois semaines, durant trois jours consécutifs, à charge pour lui de respecter un délai de prévenance de 15 jours, et pendant les vacances scolaires, la totalité des vacances de Toussaint et d’hiver, la moitié des vacances de Noël, de printemps et d’été. Il accepte de participer à l’entretien et l’éducation de X à hauteur de 200 euros par mois, outre la moitié des frais médicaux de l’enfant.

Enfin, il entend voir rejeter la demande d’expertise psychologique présentée par Madame Y.

A l’issue des débats, les parties acceptent une mesure de médiation familiale.


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En cours de délibéré, Madame Y verse aux débats l’acte de naissance de l’enfant portant mention de la reconnaissance paternelle, le planning médical de X, son traitement et son suivi, et fait part de ses propositions pour l’exercice des droits du père durant la période de Noël.

Cette note, ainsi que les pièces qui l’accompagnent, dont la transmission n’a pas été autorisée, sera écartée des débats.

*

L’existence d’un dossier d’assistance éducative en cours se rapportant au mineur concerné par la présente procédure a été vérifiée conformément aux exigences de l’article 1072-1 du Code de Procédure Civile. Aucun dossier n’est actuellement ouvert devant le Juge des Enfants de la présente juridiction.

SUR CE, LE JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES,

L’article 373-2-11 du Code Civil prévoit que lorsqu’il se prononce sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, le juge prend notamment en considération :

1 – la pratique que les parents avaient précédemment suivie ou les accords qu’ils avaient pu antérieurement conclure,

2 – les sentiments exprimés par l’enfant mineur dans les conditions prévues à l’article 388-1 du Code Civil,

3 – l’aptitude de chacun des parents à assumer ses devoirs et respecter les droits de l’autre,

4 – le résultat des expertises éventuellement effectuées, tenant compte notamment de l’âge de l’enfant,

5 – les renseignements qui ont été recueillis dans les éventuelles enquêtes et contre-enquêtes sociales prévues à l’article 373-2-12 du Code Civil,

6 – les pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l’un des parents sur la personne de l’autre.

Sur l’expertise psychologique,
Madame Y réclame une expertise psychologique de la famille, au motif que depuis plusieurs mois, elle subit le harcèlement de Monsieur A B qui multiplie les procédures judiciaires, les appels, les messages et les intrusions plus ou moins violentes, tout en laissant passer plusieurs jours, voire plusieurs semaines, sans appeler l’enfant ou même demander de ses nouvelles.

Monsieur A B s’oppose à cette demande, au motif qu’une telle mesure, nullement justifiée dans son principe au demeurant, pourrait s’avérer très intrusive et déstabilisante pour l’enfant. Il ajoute qu’il démontre amplement son investissement dans l’éducation de l’enfant et précise que les démarches judiciaires qu’il a pu faire l’ont été pour voir statuer sur l’exercice de l’autorité parentale à l’égard de l’enfant. Il précise s’être désisté de ses demandes devant le juge espagnol.

*
Monsieur A B produit des attestations faisant état de ses aptitudes éducatives et d’un comportement tout à fait adapté à l’intérêt de l’enfant, attestations non contredites par Madame Y.

Les échanges de mails entre les parents témoignent de leurs difficultés relationnelles dans le contexte très particulier de cette séparation.


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Quant aux deux déclarations de main-courantes de Madame Y des 3 et 4 septembre 2021, elles se bornent à relater ses dires.

*

Ainsi, Madame Y ne justifie pas du harcèlement qu’elle prétend subir de la part de Monsieur A B, qui a saisi la justice espagnole dans le contexte de la séparation, alors que Madame Y avait décidé de s’installer en FRANCE avec l’enfant commun, alors que le couple résidait en ESPAGNE, où est née X. Sa démarche ne saurait donc être analysée en un « harcèlement » judiciaire.

Les allégations de Madame Y au soutien de sa demande d’expertise psychologique seront jugées insuffisantes à justifier sa demande d’expertise psychologique, étant rappelé qu’une mesure d’instruction n’a pas vocation à pallier la carence des parties dans l’administration de la preuve.

Sur l’exercice de l’autorité parentale,

L’autorité parentale est un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité d’intérêt de l’enfant. Elle appartient aux père et mère jusqu’à la majorité de l’enfant ou son émancipation, pour le protéger dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, pour assurer son éducation et permettre son développement dans le respect dû à sa personne.

Les articles 372 et 373-2 du Code Civil énoncent que malgré la séparation, les deux parents continuent à exercer ensemble l’autorité parentale à l’égard de l’enfant commun, sauf exception. L’article 373-2-1 du Code Civil prévoit en effet que si l’intérêt de l’enfant le commande, le juge peut confier l’exercice de l’autorité parentale à l’un des deux parents.

*

En l’espèce, Madame Y n’est pas opposée à l’exercice conjoint de l’autorité parentale à l’égard de l’enfant, sauf en ce qui concerne les décisions médicales. Elle rappelle que Monsieur A B n’a pas hésité, en juin 2021, à retenir X en ESPAGNE et à l’empêcher de rejoindre le territoire français où elle était pourtant médicalement suivie. Elle précise surtout que s’il avait jusque-là donné son accord aux interventions chirurgicales de l’enfant, il empêche désormais ses soins et ne cesse de faire obstruction à son traitement. Ainsi, elle fait plaider qu’il a fallu une intervention de son avocat pour qu’il accepte l’intervention de X à l’hôpital ROTSCHILD en septembre 2021 et qu’il a refusé pendant des mois de lui rendre une poussette adaptée aux déplacements médicaux de l’enfant. Elle ne souhaite pas dans ces conditions être contrainte d’obtenir l’autorisation de Monsieur A B pour la prise en charge médicale de l’enfant, alors que, refusant désormais de donner spontanément son autorisation aux soins envisagés, il la place dans une situation angoissante voire violente, étant rappelé que les traitements de X sont vitaux et que sans eux, elle risque de perdre son œil.

Monsieur A B rappelle qu’il est de principe que les deux parents exercent conjointement l’autorité parentale et estime que Madame Y ne justifie d’aucun élément permettant de considérer qu’il serait de l’intérêt de X de l’exclure des décisions à prendre dans le cadre de son suivi médical, dans lequel il s’est impliqué dès l’origine. Il précise qu’il se tient informé et qu’il donne les autorisations nécessaires. Il estime quant à lui que Madame Y bafoue ses droits, et qu’il est donc particulièrement important qu’il reste investi de l’exercice de l’autorité parentale dans le cadre des soins médicaux de l’enfant.

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S’il est constant que Monsieur A B a obtenu au printemps 2021 une décision de la justice espagnole interdisant la sortie du territoire espagnol de X, suivie médicalement en FRANCE à cette période, cette décision visait, non pas à nuire à la prise en charge médicale de l’enfant, mais à tenter de faire obstacle à la décision unilatérale de Madame Y de s’installer en FRANCE avec elle. En outre, il produit une résolution du 8 juillet 2021 qui homologue l’accord des parents pour la sortie du territoire de l’enfant pour se rendre aux rendez-vous médicaux des 16 et 22 juillet 2021.

Si X a effectivement été opérée le 21 septembre 2021, les pièces produites confirment que Monsieur A B y a donné son autorisation le 9 septembre 2021, soit le lendemain d’un courrier officiel adressé par le conseil de Madame Y à celui de Monsieur A B.

De la même façon, les échanges de mails entre les parents au début du mois de septembre 2021, dans la perspective de l’intervention du 21 septembre 2021 et au sujet de la restitution de la poussette de X par Monsieur A B à Madame Y, témoignent des difficultés majeures de communication entre les parents et des conflits entre eux, au sein desquels l’intérêt de l’enfant semble ignoré.

Si cette situation ne doit pas perdurer à l’avenir, en l’état cependant, elle peut encore s’expliquer par les conditions dans lesquelles la séparation s’est déroulée et celles dans lesquelles la résidence de l’enfant a été établie en FRANCE, sans accord préalable de Monsieur A B.

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Au regard de l’ensemble des éléments qui précèdent, il y a lieu de considérer que Madame Y ne justifie pas suffisamment de la nécessité de priver Monsieur A B de l’exercice de l’autorité parentale s’agissant de la prise en charge médicale de X, qui souffre, est-il besoin de le rappeler, d’une pathologie gravissime, qui impose que ses deux parents soient associés dans les décisions à prendre dans son strict intérêt et travaillent désormais à dépasser les conflits issus des conditions de leur séparation.

Madame Y sera déboutée de sa demande tendant à exercer seule l’autorité parentale s’agissant de la prise en charge médicale de X.

Les deux parents exerceront conjointement l’autorité parentale à l’égard de X, dans son intérêt.

Sur l’interdiction de sortie du territoire de l’enfant sans l’autorisation des deux parents,

L’article 373-2-6 du Code Civil énonce que le Juge aux Affaires Familiales peut notamment ordonner l’interdiction de sortie des enfants du territoire français sans l’autorisation des deux parents.

L’interdiction de sortie du territoire sollicitée par un parent suppose que soit démontrée l’existence d’éléments sérieux laissant suspecter une menace de départ à l’étranger, avec l’enfant, à l’insu de l’autre parent, un risque grave de déplacement illicite de l’enfant hors du territoire national. Elle ne peut être accordée du seul fait de la nationalité étrangère d’un parent ou de l’existence d’attaches avec un pays étranger et suppose la démonstration d’éléments concrets et objectifs laissant suspecter une menace de départ de l’enfant à l’étranger à l’insu de l’autre parent.


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Emportant inscription au fichier des personnes recherchées, elle ne peut être prononcée qu’à titre exceptionnel et lorsqu’est établi le risque de distraction définitive de l’enfant à l’exercice conjoint de l’autorité parentale par son installation sur un territoire autre que le territoire français.

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Madame Y sollicite une interdiction de sortie du territoire de l’enfant sans l’autorisation des deux parents afin d’éviter que Monsieur A B ne soustrait l’enfant pour la ramener en ESPAGNE.

Monsieur A B s’y oppose, rappelant qu’une telle demande ne peut prospérer que dans les cas de risque avéré et sérieux d’atteinte à la continuité et à l’effectivité du lien d’un enfant avec chacun de ses parents et ne peut en aucun cas empêcher l’enfant d’appréhender sa double culture. Il rappelle aussi que la famille paternelle de X réside en ESPAGNE.

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Monsieur A B avait effectivement sollicité et obtenu de la justice espagnole une interdiction de sortie du territoire de l’enfant sans autorisation au printemps 2021, lorsque Madame Y a décidé de s’installer en FRANCE avec l’enfant.

Depuis, il a accepté la fixation de la résidence de l’enfant en FRANCE, accord que la présente décision entérine, en fixant judiciairement la résidence de X au domicile de la mère, qui réside en FRANCE. Dès lors, la résidence de X en FRANCE est désormais protégée par les conventions internationales.

Madame Y verse aux débats une déclaration de main-courante du 4 septembre 2021 au terme de laquelle elle fait part de ses craintes d’un enlèvement de l’enfant au motif que le père s’est présenté le 1er septembre 2021 à la crèche de l’enfant en demandant à voir X, sa mère garée devant la crèche. Cette déclaration, unilatérale, ne caractérise pas un risque d’enlèvement de X par son père, qui acquiesce, dans le cadre de la présente procédure, à la fixation de sa résidence au domicile maternel, en FRANCE.

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Madame Y ne justifie pas d’un motif suffisant à l’appui de sa demande d’interdiction de sortie du territoire de l’enfant sans l’autorisation des deux parents, la seule nationalité espagnole du père et sa résidence en ESPAGNE étant insuffisantes.

Madame Y sera déboutée de sa demande d’interdiction de sortie de l’enfant du territoire sans l’autorisation des deux parents.

Sur la médiation familiale,

L’article 373-2-10 du Code civil dispose qu’en cas de désaccord, le Juge s’efforce de concilier les parties. A l’effet de faciliter la recherche par les parents d’un exercice consensuel de l’autorité parentale, le Juge peut leur proposer une mesure de médiation sauf si des violences sont alléguées par l’un des parents sur l’autre parent ou sur l’enfant ou sauf emprise manifeste de l’un des parents sur l’autre parent et, après avoir recueilli leur accord, désigner un médiateur pour y procéder.


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Il peut de même leur enjoindre, sauf si des violences sont alléguées par l’un des parents sur l’autre parent ou sur l’enfant, de rencontrer un médiateur familial qui les informera sur l’objet et le déroulement de cette mesure.

La médiation familiale permet d’aider les personnes en situation de séparation, à rétablir une communication afin de trouver des accords tenant compte des attentes et des besoins de chacun, et particulièrement ceux des enfants, dans un esprit de co-responsabilité parentale. Elle constitue un lieu de parole privilégié pour comprendre et apaiser le conflit, instaurer une compréhension et une confiance mutuelle et dès lors, trouver des solutions concrètes, tant sur le plan de l’organisation familiale que sur le plan financier. Elle permet l’établissement d’un climat de coopération et de respect, par chaque parent, de la place de l’autre auprès de l’enfant.

Il ressort des débats en l’espèce que les père et mère rencontrent de sérieuses difficultés de communication. La confiance et le dialogue sont rompus. Ils acceptent à l’issue des débats une médiation laquelle sera ordonnée dans la mesure où elle peut être de nature à leur permettre de rétablir une communication constructive et trouver ensuite des solutions ensemble, dans l’intérêt de l’enfant, première victime de leurs conflits.

Sur les modalités de résidence de l’enfant,

L’article 373-2 du Code Civil prévoit qu’en cas de séparation des parents, chacun des père et mère doit maintenir des relations personnelles avec l’enfant et respecter les liens de celui-ci avec l’autre parent.

L’article 373-2-9 du Code Civil précise que lorsque la résidence de l’enfant est fixée au domicile de l’un des parents, le Juge aux Affaires Familiales statue sur les modalités du droit de visite de l’autre parent. Ce droit de visite, lorsque l’intérêt de l’enfant le commande, peut être exercé dans un espace de rencontres désigné par le juge. Lorsque l’intérêt de l’enfant le commande ou lorsque la remise directe de l’enfant à l’autre parent présente un danger pour l’un d’eux, le juge organise les modalités pour qu’elle présente toutes les garanties nécessaires. Il peut prévoir qu’elle s’effectue dans un espace de rencontres qu’il désigne, ou avec l’assistance d’un tiers de confiance ou d’un représentant d’une personne morale qualifiée.

*

A l’issue des débats, les parents s’entendent pour que la résidence de l’enfant soit fixée au domicile de la mère. L’accord des parties sera homologué, dans l’intérêt de l’enfant.

En ce qui concerne les droits du père, plusieurs contraintes sont à prendre en compte : le jeune âge de l’enfant, sa pathologie et les soins qu’elle nécessite, les domiciles respectifs des parents, la rupture du lien père-enfant depuis plusieurs mois.

Madame Y propose que le père bénéficie d’un droit de visite en sa présence ou en lieu neutre. À l’appui de cette demande restrictive des droits du père, elle expose craindre que Monsieur A B n’enlève l’enfant et prétend qu’il a essayé de le faire les 18 juin et 1er septembre 2021. Elle explique également que X ne peut pas passer plusieurs jours à distance de l’hôpital NORD où elle est suivie, mais ne justifie pas des termes concrets du suivi médical de l’enfant.


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Elle produit une déclaration de main-courante du 3 septembre 2021 pour signaler des messages WHATSAPP que lui a adressés le père. Elle dit y craindre pour elle, pour ses parents, pour l’enfant, avoir peur qu’il essaie de les tuer. Elle précise qu’il lui dit qu’ils vont « avoir honte de sortir de chez eux », qu’elle ne sait pas ce qu’il a derrière la tête et qu’il « est tellement malade ». Sur question des gendarmes, elle précise que les messages ne contiennent pas de menaces ou de menaces de mort. Elle produit aussi une autre déclaration de main-courante du 4 septembre 2021 au terme de laquelle elle expose ses craintes d’un enlèvement de l’enfant aux motifs que le père s’est présenté le 1er septembre 2021 à la crèche de l’enfant en demandant à voir X et que sa mère était garée devant la crèche.

Monsieur A B produit quant à lui des attestations faisant état de ses aptitudes éducatives, de son attention aux soins de l’enfant, et du lien qui l’unissait à X jusqu’à la rupture. Il met également en avant la nécessité de permettre à X de conserver des liens avec chacun de ses parents, ce d’autant qu’elle a une double culture et une famille en ESPAGNE. Il accepte la mise en œuvre d’un droit progressif, mais hors la présence de la mère et demande à pouvoir accueillir X en ESPAGNE, à terme.

*

Force est de constater qu’au-delà de ses allégations, Madame Y ne justifie pas de ce que les réserves qu’elle souhaite voir apporter aux droits du père sont justifiées par l’intérêt de l’enfant. En particulier, la résidence de l’enfant est fixée au domicile maternel. L’effectivité de cette décision est garantie par les conventions internationales. Quant à ses réserves liées aux soins médicaux nécessités par l’état de santé de l’enfant, Madame Y, d’une part, n’en justifie pas, et d’autre part, ne démontre pas que Monsieur A B ne serait pas en mesure de les respecter. Elle n’établit pas plus que l’état de santé de l’enfant ne lui permettrait pas de séjourner en ESPAGNE, dès lors que Monsieur A B sera informé des soins à prodiguer et muni du traitement ad hoc, et de ce que durant la période considérée, aucun rendez-vous médical d’importance n’est prévu, ce qui suppose que les parents se concertent sur les périodes les plus appropriées aux séjours de l’enfant au domicile paternel.

Madame Y sera déboutée de sa demande tendant à voir juger que les droits du père seront provisoirement organisés en sa présence ou en espace de rencontres, insuffisamment justifiée.

X a la nationalité française et espagnole. Elle a vécu en ESPAGNE jusqu’au printemps 2021 et sa famille paternelle y réside. Il est de son intérêt qu’elle garde avec ce pays des liens réguliers, afin de conserver sa double culture.

Pour rétablir le lien père-enfant, mis à mal ces derniers mois, les droits du père seront organisés de manière progressive.

Ainsi, pendant une période de trois mois à compter de la présente décision, le père bénéficiera d’un droit d’accueil de trois jours consécutifs toutes les trois semaines et il sera pris acte de ce qu’il propose de l’exercer en FRANCE, à charge pour lui de prévenir la mère au moins 15 jours à l’avance de la période considérée.

À l’issue de cette période de trois mois, le père bénéficiera d’un droit d’accueil :

- en période scolaire, trois jours consécutifs, toutes les trois semaines, à charge pour lui de prévenir la mère au moins 15 jours à l’avance de la période considérée,

- pendant les vacances scolaires, l’intégralité des vacances de Toussaint et d’hiver et la moitié des autres vacances scolaires, première moitié les années paires, seconde moitié les années impaires.


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Sur la contribution à l’entretien et l’éducation de l’enfant commun,

L’article 371-2 du Code Civil énonce que chacun des parents contribue à l’entretien et l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent ainsi que des besoins de l’enfant.

L’article 373-2-2 du Code Civil prévoit qu’en cas de séparation entre les parents, ou entre ceux-ci et l’enfant, la contribution à son entretien et son éducation prend la forme d’une pension alimentaire versée, selon le cas, par l’un des parents à l’autre, ou à la personne à laquelle l’enfant a été confié.

Il peut être notamment prévu le versement de la pension alimentaire par virement bancaire ou par tout autre moyen de paiement.

Elle peut être révisée en cas de survenance d’un fait nouveau modifiant de manière sensible et durable la situation financière de l’une et /ou l’autre des parties et/ou les besoins de l’enfant.

En vertu de l’article 373-2-5 du Code Civil, cette obligation ne cesse de plein droit ni lorsque l’autorité parentale ou son exercice est retiré, ni lorsque l’enfant est majeur. Le juge peut décider ou les parents convenir que cette contribution sera versée en tout ou partie entre les mains de l’enfant.

Il résulte de ces dispositions que la contribution à l’entretien et l’éducation d’un enfant varie en fonction de son âge, mais aussi des ressources de ses deux parents, auxquels il appartient d’adapter leurs charges non seulement à leurs revenus, mais aussi aux besoins des enfants, qui doivent rester prioritaires dans l’organisation de leur budget respectif.

Il convient de rappeler à ce titre que de par leur caractère prioritaire, les obligations alimentaires sont dues en priorité avant l’exécution de toute autre obligation de nature différente, et notamment contractuelle, qu’il s’agisse des crédits contractés pour la constitution d’un patrimoine immobilier ou l’acquisition de biens de consommation non indispensables, surtout si ces crédits génèrent des charges excessives au regard des facultés contributives du débiteur.

Il ressort des débats et des pièces communiquées que la situation respective des parties s’établit comme suit :

Le père : il ne justifie pas de sa situation.

Madame Y demande à ce qu’il soit fait injonction à Monsieur C B de justifier de sa situation financière. Cette demande, de nature à retarder l’issue du litige, sera rejetée, ce d’autant que Monsieur C B accepte de contribuer à l’entretien et à l’éducation de l’enfant dans les termes réclamés par Madame Y et adaptés aux besoins de l’enfant, âgée de 3 ans.

La mère : elle déclare :

- percevoir des revenus fonciers de 520 euros, le RSA à hauteur de 338 euros et 540 euros d’ARE,

- percevoir, pour mémoire l’AEEH pour l’enfant : 132 euros,

- s’acquitter notamment d’un prêt immobilier : 700 euros et d’un prêt travaux : 238 euros.


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Eu égard à l’ensemble des éléments qui précèdent, et compte tenu de l’âge de l’enfant et de ses besoins, il convient d’homologuer l’accord des parties et de fixer à la somme de 200 euros par mois le montant de la contribution qui sera mise à la charge du père au titre de l’entretien et l’éducation de l’enfant et de dire que les parents partageront par moitié l’ensemble des frais médicaux de l’enfant restant à charge.

Sur les dépens,

Eu égard à l’intérêt familial du litige, il y a lieu de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens qui seront recouvrés s’il y a lieu conformément à la législation sur l’aide juridictionnelle.

PAR CES MOTIFS
Madame Emmanuelle LIBERTINO, Juge aux Affaires Familiales du Tribunal Judiciaire de DIGNE LES BAINS, statuant en Chambre du Conseil, par jugement contradictoire, en premier ressort et exécutoire de droit à titre provisoire,

DEBOUTE Madame Y de sa demande d’expertise psychologique familiale,

DIT que les deux parents exercent conjointement l’autorité parentale à l’égard de l’enfant commun X, née le […],

DEBOUTE Madame Y de sa demande tendant à exercer seule l’autorité parentale l’égard de l’enfant s’agissant de sa prise en charge médicale,

RAPPELLE que l’exercice de l’autorité parentale conjointe impose notamment aux deux parents de :

- prendre ensemble les décisions importantes concernant l’enfant (notamment s’agissant de sa santé, son orientation scolaire, son éducation religieuse, son changement de résidence…),

- se tenir informé, réciproquement, au travers d’une indispensable communication entre parents, de l’organisation de la vie de l’enfant (vie scolaire, sportive et culturelle, traitements médicaux, loisirs, vacances…),

- permettre la libre communication de l’enfant avec son autre parent, dans le respect du cadre de vie de chacun,

RAPPELLE que tout changement de résidence de l’un ou l’autre des parents, dès lors qu’il modifie les modalités d’exercice de l’autorité parentale, doit faire l’objet d’une information préalable et en temps utile de l’autre parent (déménagement notamment),

DEBOUTE Madame Y de sa demande d’interdiction de sortie du territoire de l’enfant sans l’autorisation des deux parents,

FIXE la résidence de l’enfant commun au domicile de la mère,

DIT que le père bénéficie d’un droit d’accueil qui s’exercera selon des modalités librement définies par les parties et à défaut de meilleur accord :

* pendant une période de trois mois à compter de la présente décision, durant trois jours consécutifs toutes les trois semaines, étant pris acte de ce qu’il propose de l’exercer en FRANCE, à charge pour lui de prévenir la mère au moins 15 jours à l’avance de la période considérée,


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* à l’issue de cette période de trois mois :

- en période scolaire, durant trois jours consécutifs, toutes les trois semaines, à charge pour lui de prévenir la mère au moins 15 jours à l’avance de la période considérée, en ce compris le jour de la fête des pères et à l’exclusion de celui de la fête des mères,

- pendant les vacances scolaires, l’intégralité des vacances de Toussaint et d’hiver et la moitié des autres vacances scolaires, première moitié les années paires, seconde moitié les années impaires,

DIT que le parent qui exerce son droit d’accueil, ou une personne de confiance, assumera la charge des trajets rendus nécessaires par l’exercice de ses droits,

Avec les précisions suivantes:

- tout jour férié qui précède ou qui suit immédiatement une période normale d’exercice du droit de visite et d’hébergement s’ajoute automatiquement à cette période,

- concernant les périodes de vacances scolaires uniquement, le droit d’accueil s’exercera à partir de 10 heures le lendemain du dernier jour de scolarité, l’enfant étant ramené au domicile du parent gardien le dernier jour de la période de vacances accordée à 18 heures,

- durant les vacances scolaires, le passage de l’enfant entre les périodes d’accueil chez chacun des parents se fera, sauf meilleur accord, le samedi à 14 heures,

- à défaut d’accord amiable, si le titulaire du droit d’accueil ne l’a pas exercé dans la première heure s’agissant des fins de semaine et dans la première journée s’agissant des périodes de vacances, il sera présumé avoir renoncé à la totalité de la période,

- les périodes de vacances à prendre en compte sont celles de l’académie de scolarisation de l’enfant,

DEBOUTE Madame Y de sa demande tendant à voir enjoindre à Monsieur C B de justifier de sa situation financière,

FIXE à la somme de 200 euros par mois la part contributive à l’entretien et à l’éducation de l’enfant commun, X, mise à la charge de Monsieur A B et le CONDAMNE en tant que de besoin à payer cette somme à Madame Y,

DIT que ladite pension sera payable chaque mois avant le cinq et d’avance au domicile du parent gardien et sans frais pour celui-ci, même pendant les périodes ou le parent non gardien exercera le cas échéant son droit d’hébergement,

PRÉCISE que cette pension alimentaire sera due jusqu’à l’âge de 18 ans, et même au delà, sur justification par le parent qui en assume la charge de ce qu’il ne peut normalement subvenir lui-même à ses besoins, notamment en raison de la poursuite d’études sérieuses,

DIT que cette pension sera indexée sur l’indice mensuel des prix à la consommation des ménages urbains, hors tabac, dont les chef est ouvrier ou employé (poste de dépense: 295, série France Entière, publié par l’INSEE – par internet, http:// www.insee.fr par téléphone 08 92 68 07 60), la revalorisation devant intervenir à la diligence du débiteur le 1er janvier de chaque année, en fonction de l’indice du mois de novembre précédent, l’indice de référence étant celui en cours au jour de la présente décision, selon la formule suivante :

(montant initial de la pension) x (nouvel indice) indice initial


12

RAPPELLE aux parties qu’en cas de défaillance dans le règlement des pensions alimentaires le créancier peut obtenir le paiement forcé en utilisant à son choix une ou plusieurs des voies d’exécution suivantes :

- saisie attribution entre les mains d’une tierce personne qui doit une somme d’argent au débiteur alimentaire,

- autres saisies,

- paiement direct par l’employeur,

- recouvrement public par l’intermédiaire du Procureur de la République,

Le débiteur défaillant encourt les peines prévues par les articles 227-3 et 227-9 du Code Pénal, à savoir deux ans de prison, amende, interdiction des droits civils, civiques et de famille, suspension ou annulation du permis de conduire, interdiction éventuelle de quitter le territoire national,

DIT qu’en sus de sa contribution mensuelle, Monsieur A B assumera la moitié des dépenses de santé de l’enfant restant à charge, sur présentation des justificatifs afférents, et l’y CONDAMNE en tant que de besoin,

Vu l’accord des parties recueilli à l’audience,

ORDONNE une mesure de médiation familiale,

DÉSIGNE pour y procéder l’association ADSEA 04 SERVICE TRAIT D’UNION

- […], tel. : 04.92.78.66.47, le représentant légal de l’association nous ayant fait connaître, par application des dispositions de l’art 131-4 du Code de Procédure Civile le nom des personnes physiques chargées d’assurer l’exécution de ces mesures,

DIT que l’association, à l’issue de sa mission, informera la présente juridiction de la réussite ou de l’échec de la mesure et si les parties sont parvenues ou non à trouver une solution aux conflits qui les opposent, conformément aux dispositions des articles 131-2 et suivants du Code de Procédure Civile,

PRÉCISE que l’entretien d’information est gratuit,

DIT que si la médiation de met en place, chacune des parties participera financièrement à la mesure, en fonction de ses revenus, et versera directement à l’organe de médiation le montant de la rémunération pour chaque entretien,

PRÉCISE qu’en application des dispositions de l’article 22 al 3 de la Loi du 8 février 1995, la ou les parties qui bénéficient de l’aide juridictionnelle sont dispensées du versement de la rémunération,

DIT que le médiateur devra faire connaître aux parties dès la première réunion le montant prévisible de ses honoraires, en fonction du nombre d’entretiens prévisibles,

DIT que si le médiateur constate que les parties sont parvenues à se concilier, il lui appartient d’en aviser le juge qui l’a désigné,

DIT qu’en cas d’empêchement ou de refus le médiateur désigné pourra être remplacé par ordonnance à la demande de la partie la plus diligente,

DIT que la durée de la mission est fixée à trois mois à compter de la mise en oeuvre de la mesure, soit le premier rendez-vous honoré par les deux parties, trois mois éventuellement renouvelables, à l’initiative du médiateur et avec l’accord des parties,


13

RAPPELLE aux parties qu’il leur appartient de se communiquer tout changement d’adresse, sous peine d’encourir des poursuites pénales,

LAISSE à chaque partie la charge de ses propres dépens qui seront recouvrés s’il y a lieu conformément à la législation sur l’aide juridictionnelle.

Le présent jugement a été rendu le 28 décembre 2021 et a été signé par Emmanuelle LIBERTINO, Juge, Juge aux Affaires Familiales et Angeline PLACERES, Greffier.

LE GREFFIER LE JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES

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Juge aux affaires familiales de Digne, 28 décembre 2021, n° 21/00656