Juge de l'exécution de Cahors, 18 novembre 2022, n° 19/00001

  • Consommateur·
  • Prêt·
  • Risque·
  • Contrats·
  • Suisse·
  • Monnaie·
  • Taux d'intérêt·
  • Clauses abusives·
  • Taux de change·
  • Indexation

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
JEX Cahors, 18 nov. 2022, n° 19/00001
Numéro(s) : 19/00001

Texte intégral

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE CAHORS

EXTRAIT DES MINUTES

DU GREFFE DU

JUGEMENT DU 18 Novembre 2022 TRIBUNAL JUDICIAIRE

DE CAHORS

N° RG 19/00001 – N° Portalis DBYW-W-B7D-CBQV

N’Minute 48/222

Nous, Isabelle SIX, vice-présidente, juge de l’exécution au tribunal judiciaire de Cahors,

Assistée de Sandra GOBBI, greffière,

Avons rendu par mise à disposition au greffe à compter du 21 octobre 2022, prorogé au 18 novembre 2022, date indiquée à l’issue des débats oraux du 17 juin 2022, le jugement ci-après transcrit

Z A :

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, dont le siège social est sis […] représentée par maître Charlotte LAVIGNE de la SELARL CAD AVOCATS, avocats au barreau du LOT, avocat postulant,

représentée par maître Elodie VALETTE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

B C :
M. D E né le […] à […], demeurant […] représenté par Me Christophe BERNABEU, avocat au barreau du LOT, avocat postulant, représenté par Me Charles CONSTANTIN-VALLET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

Notifié le 24/11/2022 à ne LAVIGNE lexpedition) ne […]

Page 1 de 26


FAITS ET PROCÉDURE

Au début de l’année 2008, la société MONCEAU FINANCE, spécialisée dans le conseil en gestion de patrimoine (l’intermédiaire). a démarché X par téléphone. (Pièce 6 Fiche de l’intermédiaire). Dans un second temps,

l’intermédiaire s’est déplacé au domicile de X afin de lui proposer un ensemble contractuel comprenant l’acquisition d’un appartement, la gestion locative de cet appartement assortie d’une assurance groupe loyers impayés et vacances locatives, ainsi qu’un crédit. [Pièce 7 – Etude fiscale]

Par acte authentique établi par maître F G, notaire à Limours le 3 avril

2009, BNP PPF a consenti à X un prêt pour financer l’acquisition d’un appartement de type T2 situé à GRAMAT (46) pour un prix de vente de 119.950,00 euros, à usage locatif sis à Paris, pour un montant en principal de 180.188,89 francs suisses, outre les intérêts conventionnels au taux variable initial de 4,60% et les accessoires. (cf offre HELVET IMMO n°65086287 datée du 9 mars 2009 pour 121.749,25 euros empruntés avec un TEG affiché de 5,11%.)

X ayant cessé de procéder aux règlements de ses échéances, BNP Paribas Personal Finance a prononcé la déchéance du terme et l’exigibilité du prêt le 10 février 2017 après l’avoir mis en demeure de payer les sommes dont il était redevable (pièces n°5 et 6).

Une saisie-attribution de compte bancaire diligentée le 9 octobre 2017 n’a pas été contestée par X. Le 13 septembre 2018 un commandement de payer valant saisie immobilière a été délivré à X. Le 20 septembre 2018, BNP PPF a ensuite procédé à une saisie-attribution des loyers du bien immobilier entre les mains du locataire. Par lettre du conseil de X en date du 29 octobre 2018], X a contesté tant le principe que le quantum de la créance invoquée à son égard. (pièce 37).

Par acte du 2 janvier 2019, BNP Paribas Personal Finance a fait délivrer une assignation devant le juge de l’exécution près le tribunal de grande instance de Cahors pour une audience d’orientation et sommation de prendre connaissance du cahier des conditions de la vente et d’assister aux audiences d’orientation et

d’adjudication.

Le 04/01/2019, le cahier des conditions a été déposé au greffe du tribunal, fixant la mise à prix à 15 000 € pour un seul lot composé d’un appartement de 40 m2.

L’affaire appelé à l’audience du 15/02/2019 a été renvoyée à plusieurs reprises à la demande des parties.

A l’audience du 17/06/2022, conformément à ses dernières conclusions récapitulatives notifiées le 17/06/2022 et au vu de :

-la Directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ;

- l’ancien article 1254 du code civil (aujourd’hui 1343-1) et les articles 6, 1128 et 2224 du code civil 206 ; les articles L. 111-1, L. 112-2, L. 211-1 et suivants, L. 311-1 et suivants, L. 341-1 et suivants du code monétaire et financier; les articles

31, 73, 377 et 378 du code de procédure civile; les articles L.111-1, L. 132-1, L.312-1 et suivantset L.313-1 et suivants du code

de la consommation

- le jugement de la 13ème chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris le 26 février 2020,

BNP PPF a demandé au juge de l’exécution près du tribunal judiciaire de Cahors de :

Page 2 de 26


Sur le fond :

- débouter X de l’ensemble de ses demandes et contestations :

- juger l’action de la société BNP Paribas Personal Finance recevable :

- juger que la société BNP Paribas Personal Finance est bien titulaire d’une créance liquide et exigible qui agit en vertu d’un titre exécutoire :

- juger que le montant de la créance BNP Paribas Personal Finance en principal. accessoires, intérêts et frais s’élève à la somme globale de 148.873,31 euros (cent quarante-huit mille huit cent soixante-treize euros et trente et un centimes) selon décompte arrêté au 17 juin 2022 avec intérêts au taux contractuel de 2,14%, à parfaire jusqu’à la date effective de paiement outre les dépens sur la présente saisie;

- juger que le quantum de la créance revendiquée par BNP Paribas Personal Finance est bien fondé et justifié; fixer la date de vente judiciaire dans un délai compris entre deux et quatre mois à compter du prononcé de la décision des biens saisis, à savoir un appartement situé dans un immeuble sis à […]

Carré Médicis», cadastré section AS lieu-dit «Les Barthes» n°85 pour 1 hectare 47 ares 45 centiares et 86 pour 2 ares 16 centiares. Les biens et droits immobiliers du B, M. Y, objet du commandement portent sur les lots de copropriété n°35, 99 et 163 décrits comme tel :

- Lot 57: un logement, situé dans le bâtiment D, aile «a», premier étage, première porte gauche, composé d’une entrée, séjour coin cuisine, chambre, salle de bains, toilettes et balcon. Les 82/10000 èmes des parties communes générales, et les 478/10000èmes des parties communes spéciales au bâtiment D;

- Lot 165 dans le bâtiment D, situé au sous-sol, n°165 du plan, un emplacement de parking. Les6/10000èmes des parties communes générales et les 35/10000èmes des parties communes spéciales au bâtiment D;

- Lot 222 dans le bâtiment D, située au sous-sol, n°222 du plan, une cave. Les 2/10000 èmes des parties communes générales et les 12/10000èmes des parties communes spéciales au bâtiment D;

- fixer les modalités de visite de l’immeuble: visite organisée par tel huissier qu’il plaira au juge de l’exécution de désigner: dire qu’en cas de besoin. l’huissier désigné pourra se faire assister par la force publique et un serrurier pour ouvrir les portes à défaut, autoriser l’huissier désigné à pénétrer dans les lieux avec deux témoins, majeurs, qui ne sont au service ni du Z, ni de l’huissier. pour accomplir sa mission dans le cas où il n’aurait pas pu obtenir le concours d’une autorité de police ou de gendarmerie :

- juger que la visite des biens et droits immobiliers saisis aura lieu entre 30 et 15 jours avant la date d’adjudication : dire que la SCP H-I huissiers de justice à Saint-Céré (46), assistée au besoin d’un serrurier et de la force publique s’il y avait des difficultés assistera l’expert choisi pour l’établissement du diagnostic technique des biens requis par l’article L.271-4 du code de la construction et de l’habitation

- autoriser le Z poursuivant à procéder à une publicité complémentaire sur Internet (sites: www.avoventes.fr) dont le coût sera inséré aux frais de poursuite taxés ;

- taxer le montant des frais de poursuite de vente du Z poursuivant en l’état de la procédure ;

- mentionner le montant de la créance du poursuivant en principal, accessoires, intérêts et frais à la somme globale de 148.873,31 euros (cent quarante-huit mille huit cent soixante-treize euros et trente et un centimes) selon décompte arrêté au 17 juin 2022 avec intérêts au taux contractuel de 2,14%, à parfaire jusqu’à la date effective de paiement outre les dépens sur la présente saisie;

- juger que les intérêts continueront à courir jusqu’à la distribution du prix de la vente à intervenir;

- employer les frais de la présence instance en frais privilégiés de vente ;

Page 3 de 26


A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la vente amiable serait accordée par le juge de l’exécution :

- s’assurer que la vente amiable peut être conclue dans des conditions satisfaisantes compte tenu de la situation du bien, des conditions économiques du marché et après justification des diligences éventuelles du B pour y parvenir; fixer le montant du prix en deçà duquel l’immeuble ne pourra être vendu eu égard aux conditions économiques du marché ainsi que, le cas échéant, les conditions particulières de la vente que la société BNP Paribas Personal Finance, Z A, estime à 45.000 euros;

- dire que le prix de vente sera consigné entre les mains du bâtonnier de l’ordre des avocats du Lot désigné en qualité de séquestre ;

- taxer les frais de poursuites de Me Charlotte Lavigne, avocat poursuivant ;

- dire que les émoluments de l’avocat poursuivant seront fixés suivant les dispositions de l’article 37 du décret n°60-323 du 2 avril 1960 modifié et mis à la charge de l’acquéreur en sus des frais taxés ; fixer la date de l’audience à laquelle l’affaire sera appelée dans un délai qui ne pourra excéder 4 mois du jugement d’orientation à intervenir;

Sur les demandes formées par M. Y sur le fondement du droit des clauses abusives :

- A titre principal, juger irrecevable M. Y en ses demandes sur le fondement des clauses abusives pour défaut d’intérêt à agir :

-A titre liminaire, juger que M. Y ne formule aucune demande en restitution;

- A titre subsidiaire :

o Juger que les stipulations prévoyant que les remboursements s’imputent en priorité sur les intérêts sont le reflet de l’ancien article 1254 du code civil (aujourd’hui 1343-1) qui est une règle supplétive au sens de l’article 1 paragraphe 2 de la Directive 93/13 et en conséquence, juger que ces stipulations sont exclues du champ d’application de la Directive 93/13 :

o Juger que les clauses relatives au risque de change et les clauses relatives à la variation du taux d’intérêt relèvent de l’objet principal et qu’elles sont rédigées de manière claire et compréhensible; En conséquence, juger que les clauses relatives au risque de change et les clauses relatives à la variation du taux d’intérêt ne relèvent pas du contrôle des clauses abusives et débouter M. Y de ses demandes sur le fondement des clauses

o Juger que la «clause de reconnaissance d’acceptation du bordereau abusives;

d’acceptation» n’est pas abusive: En conséquence, débouter M. Y de ses demandes sur le fondement des

clauses abusives ;

A titre infiniment subsidiaire, juger que les clauses relatives au risque de change et les clauses relatives à la variation du taux d’intérêt ne créent pas de déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties et en conséquence, débouter M. Y de ses demandes sur le fondement des clauses abusives ;

-A titre encore plus subsidiaire,

o Si par extraordinaire le juge de l’exécution jugeait que le prêt Helvet Immo ne comporte pas de plafond, juger que seules les stipulations relatives à l’augmentation sans plafond du montant des échéances pourraient créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties; En conséquence, ordonner la suppression des seules stipulations relatives à l’augmentation sans plafond du montant des échéances et juger que les autres stipulations peuvent être maintenues, le contrat de prêt pouvant continuer

d’être exécutées :

Page 4 de 26


o Si par extraordinaire. le juge de l’exécution jugeait les clauses relatives à la variation du taux d’intérêt abusives. juger que le taux d’intérêt conventionnel initial devra s’appliquer rétroactivement

A titre encore plus subsidiaire,

o Si par extraordinaire le juge de l’exécution jugeait que la suppression des stipulations relatives à l’augmentation du montant des échéances ne suffit pas à rétablir l’équilibre entre les droits et les obligations des parties, juger que les stipulations relatives à l’augmentation des échéances. d’une part. et celles relatives à l’allongement de la durée d’amortissement, d’autre part, pourraient créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties ; En conséquence, ordonner la suppression des stipulations relatives à l’augmentation du montant des échéances et de celles relatives à

l’allongement de la durée d’amortissement, les autres stipulations peuvent être maintenues. le contrat de prêt pouvant continuer d’être exécuté :

A titre infiniment subsidiaire, sur les sanctions sollicitées par M. Y sur le fondement des clauses abusives :

Si par extraordinaire le juge de l’exécution jugeait abusives les clauses

-

litigieuses, il devra se limiter à prononcer le réputé non écrit de ces clauses, les textes ne lui permettant pas de se prononcer sur l’annulation du prêt et sur d’éventuelles restitutions :

- A titre infiniment subsidiaire, si le juge de l’exécution s’estimait compétent pour se prononcer sur l’annulation du contrat de prêt sollicitée par M. Y et faisait droit à une telle demande, il appartiendra aux parties de mieux se pourvoir ;

Sur la demande de sursis à statuer dans l’attente d’une décision définitive à intervenir sur la procédure pénale, donner acte à BNP PPF de ce qu’elle s’en remet à la sagesse du juge de l’exécution concernant la demande de sursis à statuer dans l’attente de l’issue d’une décision définitive de la cour d’appel de Paris à intervenir sur la procédure pénale ;

Sur les demandes formées par M. Y sur le fondement des pratiques commerciales trompeuses et du dol : A titre liminaire, juger que M. Y ne formule aucune demande en restitution;

A titre principal, juger que l’action tendant à ce que BNP PPF soit condamnée en raison :

- d’une faute délictuelle caractérisée par une pratique commerciale trompeuse est prescrite;

- d’une faute délictuelle caractérisée par un dol est prescrite : En conséquence, juger irrecevable M. Y en son action sur le fondement d’un prétendu dol tiré de pratiques commerciales trompeuses;

A titre subsidiaire, juger que BNP PPF n’a pas commis de pratiques trompeuses, déloyales et dolosives à l’égard de M. Y et en conséquence, le débouter de ses demandes sur le fondement du dol et des pratiques commerciales trompeuses:

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire, il est fait droit à la demande de M. Y de la nullité du contrat de prêt Helvet Immo. il appartiendra aux parties de mieux se pourvoir;

Sur la demande à titre infiniment subsidiaire tenant à la diminution du quantum de la créance de BNP PPF en raison de l’indemnité consécutive à la défaillance de cette dernière dans l’exécution de ses obligations, débouter M. Y de sa demande tendant à la réduction du montant de créance justifiée dans le décompte et résultant de l’indemnité consécutive à la déchéance du terme

Page 5 de 26


du prêt;

En tout état de cause, débouter M. Y de l’intégralité de ses demandes. le condamner au paiement de la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et le condamner aux entiers dépens.

BNP PPF soutient notamment que la clause d’indexation du contrat ne créerait pas de déséquilibre significatif pour trois raisons :

- le consommateur ne supporterait pas exclusivement le risque de change puisque sa réalisation pourrait hypothétiquement lui être favorable ;

- le risque de change serait limité par les mécanismes contractuels de l’option et du remboursement par anticipation alors que la CJUE exigerait, selon elle, que le risque supporté par le consommateur soit illimité pour caractériser un déséquilibre

- le risque de change supporté par le consommateur serait compensé par un avantage de taux d’intérêt procuré par le prêt.

*

Par conclusions récapitulatives n° 7 réitérées à l’audience, notifiées par RPVA le 29/04/2022, au vu :

- des articles 377 et suivants du code de procédure civile; la directive 93/13/CEE du 5 avril 1993; la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005;

- des articles L.120-1 et suivants alors en vigueur (devenus L. 121-1 et suivants), L. 132-1 et suivants alors en vigueur (devenus les articles L.212-1 et suivants), les articles 1116. 1304 et 2224 du code civil alors en vigueur. l’article L.311-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution :

- des arrêts de la CJUE du 10 juin 2021 relatifs au prêt HELVET IMMO (aff. C 609/19 et aff. jointes C-776/19 à C-782/19) et ses ordonnances du 24 mars 2022

(aff. C-82/20 et C-288/20); des arrêts de la première chambre civile du 30 mars 2022 (n°19-17.996, n°19 12.947, n°19-18.997, n°19-18.998, n°19-20.717 5 arrêts) et du 20 avril 2022

(n°20-16.941, n°19-11.600, n°20-16.940, n°19-11.599 et n°20-16.942);

- du jugement de la 13 ème chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris relatif au prêt HELVET IMMO;

X a demandé au juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Cahors, de :

À titre principal, sur les clauses abusives: lui donner acte que BNP PPF a renoncé à sa fin de non-recevoir tirée de la prescription de ses moyens de défense sur le fondement des clauses abusives;

- juger que le moyen de défense soulevé par X sur le fondement des clauses abusives est recevable;

- juger que la fin de non-recevoir soulevée par BNP PPF sur le fondement de

l’article 31 du code de procédure civile est tardive et condamner BNP PPF à lui verser la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article 123 du code de procédure civile;

- juger que les clauses n°là 5 du contrat HELVET IMMO forment ensemble le mécanisme implicite d’indexation du contrat sur le franc suisse;

- juger que les clauses n°1 à 5 (clause implicite d’indexation) du contrat HELVET IMMO sont abusives en ce qu’elles créent un déséquilibre significatif entre les parties au détriment de X; juger que les clauses n°6 à 8 (clauses de variation du taux d’intérêt) sont abusives en ce qu’elles ne sont ni claires ni intelligibles pour le consommateur moyen :

- juger que la clause n°9 (clause de reconnaissance d’information) est abusive en ce qu’elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au détriment de X;

- juger que les clauses n°1 à 9 sont réputées non écrites ;

Page 6 de 26


 – juger que le contrat HELVET IMMO ne peut subsister sans ces clauses abusives:

En conséquence,

- anéantir rétroactivement le contrat HELVET IMMO souscrit par M. Bert in;

- juger que les conditions de mise en œuvre de la procédure de saisie immobilière initiée par BNP PPF ne sont pas remplies en raison de l’annulation du titre exécutoire ;

- ordonner la mainlevée de la saisie immobilière initiée par BNP PPF :

- ordonner la radiation du commandement de payer valant saisie immobilière signifiée par BNP PPF à X;

À titre subsidiaire, ordonner le sursis à statuer sur l’ensemble sur la procédure de saisie immobilière initiée par BNP PPF dans l’attente d’une décision définitive à intervenir dans le cadre de la procédure pénale pendante devant la cour d’appel de Paris ;

À titre plus subsidiaire, sur la pratique commerciale déloyale et trompeuse, juger que le moyen de défense soulevé par X sur le fondement de la pratique commerciale trompeuse et du dol est recevable et que la BNP PPF s’est rendue coupable d’une pratique commerciale trompeuse, déloyale et dolosive ayant induit X en erreur et, ainsi, vicié son consentement lors de la conclusion du contrat HELVET IMMO;

En conséquence, annuler le contrat HELVET IMMO souscrit par M. Y: juger que les conditions de mise en oeuvre de la procédure de saisie immobilière initiée par BNP PPF ne sont pas remplies en raison de la nullité du titre exécutoire : ordonner la mainlevée de la saisie immobilière initiée par BNP PPF; ordonner la radiation du commandement de payer valant saisie immobilière signifiée par BNP PPF:

À titre infiniment subsidiaire, sur le caractère excessif de la clause pénale et les autres demandes,

- juger que la clause pénale stipulée dans le contrat de prêt HELVET IMMO manifestement excessive et qu’elle doit être réduite à un euro : en est conséquence, ordonner la réduction de la créance invoquée par BNP PPF à proportion du montant de la réduction de la clause pénale : autoriser M. Y à procéder à la vente amiable du bien immobilier ou, à défaut, fixer le montant de la mise à prix du bien immobilier à 60.000 euros;

En tout état de cause, débouter BNP PPF de l’ensemble de ses demandes, moyens, fins, prétentions et exceptions ; la condamner à lui payer la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamner BNP PPF aux entiers dépens.

X expose que lors de la conclusion du contrat et encore aujourd’hui. il est employé par une centrale d’achats alimentaires au sein de laquelle il prépare les commandes et qu’alors qu’il payait normalement ses mensualités, il n’a pas pu prendre conscience immédiatement du fonctionnement réel de ce crédit conduisant aujourd’hui à une très importante augmentation du capital restant à rembourser par rapport au capital emprunté.

Il fait valoir que le contrat HELVET IMMO a été proposé aux consommateurs par les mandataires de BNP PPF dans le cadre d’un démarchage. généralement téléphonique ou sur leur lieu de travail. dont l’objectif était de proposer un investissement locatif défiscalisant ; que le prêt HELVET IMMO était alors le seul contrat de prêt proposé, après la signature du contrat de réservation, de sorte que les consommateurs étaient déjà très engagés dans le processus d’acquisition.

Page 7 de 26


Il soutient qu’à aucun moment lors de la phase précontractuelle. il n’a reçu une information précisant que ce crédit était en réalité un contrat extrêmement spéculatif comportant un double risque de change et de taux d’intérêt variable et qu’il s’agit donc d’un contrat complexe et spéculatif, dont toutes les composantes sont variables, qui expose les emprunteurs à un risque financier illimité et hors de leur contrôle qui résulte du cumul du risque de change et du risque de variabilité du taux d’intérêt qu’ils supportent seuls ; qu’il en résulte pour lui une situation ruineuse.

Il fait observer que le contrat HELVET IMMO a été créé par BNP PPF comme un relais de croissance de son activité dans un contexte économique de crise des subprimes puis commercialisé de manière déloyale et trompeuse auprès des consommateurs ce qui a entraîné une enquête pénale : le 29 août 2017, après 4 ans d’instruction et plusieurs dizaines d’auditions, notamment de cadres de BNP PPF, une information judiciaire a été clôturée et BNP PPF a été renvoyée devant le tribunal correctionnel de Paris pour pratique commerciale trompeuse. (pièce 47

- ORTC du 29 août 2017).

Il précise que BNP PPF a ainsi comparu du 12 au 28/11/2019 devant la 13e chambre du tribunal correctionnel de Paris qui l’a condamnée le 26/02/2020 pour pratique commerciale trompeuse et recel de pratique commerciale trompeuse : que plus de 2300 consommateurs se sont constitués parties civiles ainsi que trois associations de consommateurs agréées (la CLCV, UFC QUE CHOISIR et FAFOC).(pièce 97- jugement du tribunal correctionnel du 26 février 2020).

Il souligne qu’il ressort de ce jugement que « 4655 crédits Helvet Immo ont été contractés en France entre mars 2008 et décembre 2009 dont 70% signés à compter du 1er octobre 2008 et la mise en application de la loi Chatel pour un montant de 1,090 milliard de CHF ». que BNP PPF a interjeté appel de ce jugement par déclaration du 6 mars 2020 et a C le premier président de la cour d’appel de Paris afin de contester l’exécution provisoire ordonnée par le tribunal correctionnel qu’elle a été déboutée de l’ensemble de ses demandes par ordonnance du 25 septembre 2020.

Il expose également: «En parallèle de cette procédure pénale, un contentieux civil de masse relatif au prêt HELVET IMMO s’est développé, opposant les emprunteurs individuellement à BNP PPF. Ces décisions défavorables aux emprunteurs, manifestement contraires à la Directive 93/13/CEE, ont toutefois donné lieu, en 2019 et 2020, à de nombreux renvois préjudiciels devant la CJUE (3), ce qui a contraint la Cour de cassation, en dépit de sa jurisprudence alors établie, à surseoir à statuer sur les pourvois formés par les emprunteurs HELVET IMMO. Dans ce contexte, la CJUE a rendu plusieurs décisions favorables aux emprunteurs, désavouant les solutions retenues jusqu’alors par les juridictions civiles dans cette affaire. En application de ces décisions de la CJUE, la jurisprudence a ensuite évolué en faveur des emprunteurs, notamment à l’occasion d’un revirement de jurisprudence de la Cour de cassation, considérant désormais que le prêt HELVET IMMO doit faire l’objet d’un anéantissement rétroactif. (…) plus de 1.700 procédures individuelles sont pendantes devant différentes juridictions sur l’ensemble du territoire français, tels que les tribunaux de proximité, les tribunaux judiciaires, les tribunaux de commerce, les juges de l’exécution, les cours d’appel ou encore la Cour de cassation. Parmi les nombreux griefs qui sont soulevés par les consommateurs à l’encontre de BNP PPF se trouvent la pratique commerciale trompeuse commise par la Banque, le dol, les manquements à ses obligations d’information et devoir de conseil et de mise en garde, ainsi que le caractère abusif de nombreuses clauses stipulées au contrat de prêt HELVET IMMO. La quasi-totalité de ces procédures initiées devant les juridictions civiles font

Page 8 de 26


aujourd’hui l’objet d’un sursis à statuer dans l’attente d’une décision définitive

à intervenir dans le cadre de la procédure pénale. »

Il précise que BNP PPF a conçu et commercialisé le prêt litigieux en pleine crise économique des subprimes, ce dont elle avait parfaitement conscience ; qu’elle anticipait alors une importante dépréciation de l’euro par rapport au franc suisse sur les années à venir, ce dont elle s’est bien gardée d’informer les emprunteurs lors de la commercialisation du prêt.

Il demande que le discours commercial, manifestement déloyal et trompeur, élaboré par BNP PPF et utilisé par ses mandataires, soit pris en compte par le juge de l’exécution, conformément aux exigences posées par la CJUE, pour apprécier le caractère abusif des clauses du contrat.

Enfin, M. Y précise que la créance de BNP PPF a été diminuée par BNP PPF à la suite de sa condamnation par la 13 ème chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Paris assortie de l’exécution provisoire, qui s’est exécutée par compensation vis-à-vis JEX du TJ de Cahors (RG n°19/00001) et qu’elle est aujourd’hui chiffrée à la somme totale de 105.584,95 euros (pièce BNP PPF 100).

MOTIFS DE LA DECISION

Selon l’article L 311-2 du code des procédures civiles d’exécution tout Z muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut procéder à une saisie immobilière dans les conditions prévues au livre III. Le juge de l’exécution doit donc vérifier si BNP PPF justifie de l’existence d’un tel titre.

Selon l’article L213-6 alinéa 1 du code de l’organisation judiciaire "Le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée. même si elles portent sur le fond du droit à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.(…)“

I. Sur l’intérêt à agir de D Y sur le fondement des clauses abusives

Par conclusions récapitulatives n°6, notifiées le 13/12/2021, invoquant l’article 31 du code de procédure civile et la déchéance du terme le 10 février 2017, BNP PPF a soulevé pour la première fois l’irrecevabilité du moyen de défense de X sur le fondement des clauses abusives; soulignant que l’intégralité de la dette de X est devenue exigible par anticipation et a fait l’objet d’une conversion en euros par application du taux de change euros contre francs suisses applicable deux jours ouvrés avant la date de conversion, conformément aux stipulations contractuelles. Il en résulte. selon BNP PPF, que l’emprunteur n’est dès lors plus soumis aux clauses litigieuses.

Or la banque soutient que la défaillance des emprunteurs n’a pas été provoquée par la variation du taux de change et la modification de leurs mensualités avant la déchéance du terme et D Y fait valoir l’existence de clauses abusives lors de la souscription du contrat. clauses qui constituent l’objet principal du contrat. Les clauses abusives dont X se prévaut constituent donc un moyen de défense au fond qu’il convient d’examiner. X a donc un intérêt à agir.

II. Sur la fin de non-recevoir et la demande de D Y de dommages intérêts

Page 9 de 26


Sur le fondement de l’article 123 du code de procédure civile, D Y sollicite la condamnation de BNP PPF à lui verser la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en faisant valoir que BNP PPF a soulevé la fin de non recevoir de manière manifestement tardive et dans un but dilatoire. BNP PPF s’y

oppose.

Selon l’article 123 du code de procédure civile, «les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu’il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt »>.

En l’espèce, il convient de constater que BNP PPF a renoncé à sa fin de non recevoir fondée sur la prétendue prescription du moyen de défense soulevé par D Y sur le fondement des clauses abusives mais que toutefois BNP PPF a fait délivrer une assignation à X le 14 décembre 2018 dans le cadre d’une procédure de saisie-immobilière et n’a soulevé cette fin de non recevoir que dans ses conclusions n° 6, obligeant ainsi X à répliquer par de nouvelles conclusions et retardant ainsi la solution du litige. Le très long délai écoulé entre l’assignation et les conclusions n°6 suffit pour caractériser une intention dilatoire

BNP PPF.

Il convient de condamner BNP PPF à payer à D Y la somme de 1500 € à titre de dommages-intérêts.

III. Sur l’existence de clauses abusives

Selon l’article L 132-1 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, dans les contrats conclus entre professionnels et consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat. L’appréciation du caractère abusif des clauses au sens du premier alinéa ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation du prix ou de la rémunération au bien vendu ou au service offert pour autant que les clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible.

Le caractère abusif d’une clause s’apprécie « en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat ».

Le juge national a l’obligation de relever d’office le caractère abusif d’une clause au regard des critères posés par les décisions de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) lorsqu’il dispose des éléments de fait et de droit à cet effet (Civ. 1 ère, 20 avril 2022, n°20-16.942). Il doit vérifier si la clause

d’indexation du prêt est claire et intelligible pour au consommateur moyen, et notamment si :

- l’emprunteur a reçu des informations suffisantes et exactes lui permettant d’évaluer le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, de cette clause sur ses obligations financières ;

- s’il était informé de l’existence de ce risque pendant toute la durée du contrat :

- s’il a été averti du contexte économique susceptible d’avoir des répercussions sur la variation des taux de change

Le déséquilibre significatif induit par une clause d’indexation ou une clause de remboursement en devise étrangère est caractérisé par l’absence de transparence de cette clause (Civ. 1 ère. 20 avril 2022. n°20-16.316. FS+B – Pièce n°111).

Page 10 de 26


Selon l’article 3 § 1 de la directive européenne 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993. une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque. en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat. Les clauses d’un contrat de prêt qui stipulent que les paiements à échéances fixes sont imputés prioritairement sur les intérêts et qui prévoient, afin de payer le solde du compte, lequel peut augmenter de manière significative à la suite des variations de la parité entre la monnaie de compte et la monnaie de paiement, l’allongement de la durée de ce contrat et l’augmentation du montant des mensualités, sont susceptibles de créer un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties découlant dudit contrat au détriment du consommateur.

Selon l’article 4 de la directive. sans préjudice de l’article 7. le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes circonstances qui entourent sa conclusion de même qu’à toutes les autres clauses du contrat. En cas de doute sur le sens d’une clause.

l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut.

Selon l’article 5 de la même directive, dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours à être rédigées de façon claire et compréhensible.

La CJUE s’est prononcée au regard de la clause d’indexation implicite du prêt HELVET IMMO, par deux arrêts du 10 juin 2021 (CJUE, 10 juin 2021, aff. C 609/19 et aff. jointes C-776/19 à C-782/19) La CJUE précise en outre les différents critères qui doivent être appliqués par les juges nationaux pour déterminer si la clause d’indexation du prêt HELVET IMMO, compte tenu des spécificités et du fonctionnement singulier de ce contrat, est abusive. Ces arrêts de la CJUE du 10 juin 2021 ont ensuite été entièrement confirmés par deux ordonnances de la CJUE le 24 mars 2022 (aff. C-288/20 et aff. C-82/20).

La CJUE rappelle que : la demande en constatation du caractère abusif d’une clause n’est pas soumise à un délai de prescription; la demande en restitution des sommes versées en exécution d’une clause abusive ne saurait courir à compter de la conclusion du contrat, mais seulement à compter du moment où le consommateur a eu connaissance du caractère abusif de la clause et de l’étendue de ses droits découlant de la directive 93/13/CEE.

- s’agissant de l’exigence de transparence, la clause d’indexation d’un contrat de prêt ne peut être considérée comme claire et intelligible si les consommateurs, lors de la conclusion du contrat. ont reçu des informations fondées sur l’hypothèse selon laquelle la parité entre la monnaie de compte et la monnaie de paiement est stable, sans aucune information relative au contexte économique susceptible d’avoir des répercussions sur le cours de change.

- l’absence de termes ou d’explications avertissant le consommateur de manière explicite de l’existence de risques particuliers liés aux contrats de prêt en devise étrangère permet de caractériser l’absence de clarté et d’intelligibilité d’une clause d’indexation.

Elle relève que le prêt HELVET IMMO ne contient pas les termes « risque de change », ni aucun autre avertissement explicite relatif aux risques inhérents aux prêts libellés sur une devise étrangère. Elle estime également que compte tenu des connaissances du professionnel relatives au contexte économique prévisible et des moyens dont il dispose pour anticiper l’évolution d’un cours de change. une clause d’indexation faisant

Page 11 de 26


supporter le risque de change inhérent au contrat par le consommateur est une clause qui crée un déséquilibre significatif au détriment de celui-ci et qui, partant,

est abusive.

Selon la CJUE, une obligation d’information générale pèse sur le professionnel, concernant le fonctionnement concret du mécanisme auquel la clause litigieuse fait référence, afin que le consommateur soit mis en mesure d’évaluer, sur le fondement de critères précis et intelligibles, les conséquences économiques qui en découlent pour lui.

La cour de cassation a également considéré que l’obligation d’information du banquier en présence d’un prêt en devise étrangère est une obligation d’information renforcée «en ce qu’elle ne consiste pas seulement à décrire le mécanisme d’un prêt qui expose l’emprunteur au risque important de l’évolution des taux de change, mais aussi à lui expliquer son fonctionnement concret, de telle sorte qu’il puisse réellement en mesure les conséquences pendant toute la durée

du contrat

La cour de cassation écrit « sous peine d’être abusives, les clauses d’un contrai de prêt libellé en devise étrangère doivent être intelligibles non seulement sur un plan formel et grammatical, mais aussi sur un plan matériel, afin que l’emprunteur puisse apprécier les différentes perspectives d’évolution de ses obligations financières ». [Pièce n°109 – Lettre de la Première chambre civile de la Cour de cassation d’avril 2022]

Sur le fondement de l’ancien article L. 132-1 du code de la consommation, le juge doit rechercher si la banque avait informé concrètement le consommateur des risques pris et des conséquences potentielles de la réalisation possible de ces risques. pendant toute la durée du contrat. exemples chiffrés à l’appui.

Le contrat HELVET IMMO se matérialise par (Pièce 8): une offre de crédit d’environ 28 pages : un « plan d’amortissement prévisionnel » uniquement en francs suisses :

-

un accusé de réception; une notice de 4 pages, relative aux « conditions et modalités de variation du taux

d’intérêt » : une notice de 2 pages d'«informations relatives aux opérations de change qui seront réalisées dans le cadre de la gestion » du crédit.

X soutient que le prêt comporte deux risques dissimulés qui pèsent exclusivement sur les consommateurs et qui consistent :

1/ dans l’indexation implicite de la dette de l’emprunteur sur le taux de change EUR/CHF, lui faisant supporter seul un risque de change illimité :

2/ dans la stipulation d’un taux d’intérêt variable non capé faisant supporter par le seul consommateur un risque de taux d’intérêt illimité.

1/ Le contrat de prêt HELVET IMMO soumet l’ emprunteur à un risque de

change illimité

La spécificité du crédit HELVET IMMO est de prévoir un amortissement avec des mensualités en euros qui ne peuvent augmenter que dans la limite de l’indice INSEE sur la durée initiale, comprise entre 15 et 25 ans, et totalement déplafonnées sur une période supplémentaire de 5 ans pour permettre le remboursement de la totalité de la dette. Or, si le taux de change EUR/CHF est fixé par le contrat (durant 40 jours) lors de la libération des fonds prêtés, c’est le taux de change en vigueur au moment de chaque remboursement qui est appliqué par la Banque. Ainsi. en cas de variation de change défavorable à l’euro. le capital à rembourser en euro par l’emprunteur augmente puisqu’il résulte de la

Page 12 de 26


conversion du capital à rembourser en francs suisses au taux de change du moment.

Dans le même temps, les mensualités que l’emprunteur verse à BNP PPF en euros, qui sont fixes, ne permettent pas de respecter le tableau d’amortissement une fois qu’elles ont été converties en franc suisse. Compte tenu de la règle d’imputation des paiements prévue au contrat, qui stipule que les intérêts sont payés en priorité, la variation de change défavorable à l’euro peut donner lieu à une absence totale de remboursement de la dette en franc suisse, voire à une augmentation de celle-ci.

Ces hypothèses de variations de change démontrent qu’une baisse du taux de change est préjudiciable à l’emprunteur à deux titres : sa dette en euros augmente ; ses remboursements mensuels amortissent moins ou pas de capital et éteignent moins d’intérêts qui peuvent demeurer impayés, augmentant encore la dette de l’emprunteur.

La dette réelle des emprunteurs augmente suivant l’évolution du cours de change EUR/CHF. Plus le taux de change diminue, plus la valeur du franc suisse s’apprécie par rapport à l’euro. Dès lors, les remboursements effectués par les emprunteurs ne permettent plus de rembourser la dette, qui s’accroît par ailleurs.

Le prêt comporte donc un risque qui pèse exclusivement sur les consommateurs et qui consiste dans l’indexation implicite de la dette de l’emprunteur sur le taux de change EUR/CHF, lui faisant supporter seul un risque de change illimité. L’emprunteur qui souhaite procéder à un remboursement par anticipation devra s’acquitter de l’intégralité de la dette invoquée par la Banque à son encontre. ce qui implique qu’il supporte l’intégralité de la réalisation du risque de change qui n’aura en rien été limité. Le même raisonnement s’applique lorsque le prêt est converti, ou lorsque la déchéance du terme est prononcée comme c’est le cas pour X.

Ce risque de change illimité a pour effet possible une augmentation du capital restant à rembourser en euros malgré les remboursements effectués.

Les simulations annexées aux offres de prêt postérieures au 1 er octobre 2008. telles que celle de X ne portent que sur une variation de 5% du cours de change. X souligne, sans être contredit valablement par BNP PPF

, qu’à cet égard. le tribunal correctionnel a relevé qu’il s’agit d’une variation inférieure à celle déjà intervenue entre le début de la commercialisation du prêt et l’introduction de cette simulation (Pièce n°97, p.240). X fait valoir qu’en réalité, une telle variation de 5% était de nature à faire croire au consommateur que le taux de change était stable.

X soutient qu’à la fin de l’année 2008, période d’introduction par BNP PPF de notices annexées au contrat, la variation déjà constatée du aux du change Euro/CHF était de 12%, très éloignée des hypothèses de stabilités constituées par une variation de 5% et que la Banque anticipait en interne une dépréciation de l’euro par rapport au franc suisse allant jusqu’à 22% à court et moyen terme (Pièce n°84).

Au vu de ces éléments, comme le fait valoir X à juste titre, l’exigence de transparence n’est pas satisfaite car les simulations annexées à l’offre de prêt HELVET IMMO nuisent manifestement à l’information du consommateur sur les risques encourus. En outre, ce risque n’est pas clairement énoncé et n’est pas perceptible pour un emprunteur non averti. Enfin, BNP PPF ne justifie pas avoir informé X de ce risque de change illimité.

Page 13 de 26


2/ Le contrat de prêt HELVET IMMO soumet l’emprunteur à un risque de taux d’intérêt illimité

Vu les clauses n°6 à 8 sur la variation du taux d’intérêt en pages 6.7.8.9 10 de

l’offre:

Le contrat prévoit que le taux d’intérêt est variable par période de trois ou cinq ans suivant trois formules contractuelles complexes de révision en fonction du changement ou non de monnaie de compte (page 8 à 10 du Contrat). Tant que le contrat de prêt a pour monnaie de compte le franc suisse, le taux d’intérêt variable est indexé sur le taux swap francs suisse. Il s’agit d’un indice auquel l’emprunteur n’a pas librement accès, de sorte qu’il n’est pas en mesure de connaître son évolution passée ni même sa valeur à un instant donné. Le contrat impose en outre, tous les trois ou cinq ans, une révision du taux d’intérêt. A cette occasion. les emprunteurs pourront opter, dans des conditions restrictives et peu favorables, pour un changement de la monnaie de compte : soit ils ne font rien et le prêt est maintenu en franc suisse mais avec un nouveau taux d’intérêt variable par période de 3 ou 5 ans ;

- soit il décide d’opter pour une conversion du prêt par l’abandon de la référence au franc suisse avec un nouveau taux d’intérêt fixe : soit il décide d’opter pour une conversion du prêt par l’abandon de la référence au franc suisse avec un taux d’intérêt variable non capé.

X soutient que ces trois options s’analysent de la façon suivante : Dans l’hypothèse du maintien du crédit en francs suisses, le taux d’intérêt est révisé pour une nouvelle période de 3 ou 5 ans suivant une formule de calcul particulièrement complexe prenant en compte la « moyenne mensuelle du taux SWAP francs suisses ». à laquelle s’ajoute une partie fixée par le contrat. À cet égard, il convient de préciser que le taux SWAP francs suisses 3 ans ou 5 ans est un indice auquel l’emprunteur n’a pas librement accès, de sorte qu’il n’est pas en mesure de connaître son évolution passée ni même sa valeur à un instant donné.

Dans l’hypothèse d’une démarche volontaire de l’emprunteur pour une conversion du prêt en euros à taux fixe, le taux d’intérêt est révisé en fonction du

< taux moyen mensuel des emprunts d’État à long terme (TME) » augmenté d’une partie fixée par le contrat et pouvant s’accroître de 0,20 à 0,30 selon la durée résiduelle de remboursement. D Y souligne que si le taux de change EUR/CHF connaît une évolution défavorable à l’emprunteur, l’exercice de cette option donnera lieu à une augmentation substantielle du montant de la mensualité, sans discussion possible des emprunteurs et nonobstant leur capacité de remboursement. Dans l’hypothèse de la conversion du prêt en euros à taux d’intérêt variable non capé, le taux d’intérêt est révisé en fonction du « taux interbancaire à 3 mois offert en euros (TIBEUR à 3 mois) auquel s’ajoute une partie fixe déterminée par le contrat. Les emprunteurs demeureront en outre exposés au risque de variation illimité du taux d’intérêt.

Le second risque du contrat HELVET IMMO est ainsi constitué par la présence d’un taux d’intérêt variable sans limitation. Ces prétentions ne sont pas utilement combattues par BNP PPF.

3/ Les caractéristiques du contrat de prêt HELVET IMMO sont variables sans limite et hors de contrôle de l’emprunteur

La combinaison du risque de change, qui entraîne une augmentation du capital à rembourser en euros et une baisse de l’amortissement en francs suisses, et de la variabilité du taux d’intérêt du crédit HELVET IMMO. entraîne une augmentation

Page 14 de 26


de la durée du crédit et des mensualités de remboursement.

En cas de maintien du crédit en francs suisses ou de conversion en euros à taux variable non capé, les mensualités de remboursement augmentent dans la limite de l’indice INSEE de la consommation tout au long de la durée initiale du crédit. qui peut alors être allongée de 5 ans au maximum. C’est ensuite sur ces 5 dernières années que les emprunteurs devront intégralement rembourser leur crédit, faisant augmenter leurs mensualités sans aucune limite sur cette période. Durant cette période supplémentaire de remboursement, les mensualités ne peuvent qu’augmenter – et non diminuer – en fonction de la variation du taux de change ou du taux d’intérêt.

X fait valoir sans être utilement combattu par BNP PPF que cette augmentation est totalement décorrélée de la capacité de remboursement de l’emprunteur et soumise à un «effet cliquet» de non-retour interdisant toute diminution du montant de ces remboursements, quelle que soit par la suite l’évolution du change ou du taux d’intérêt.

En cas de conversion du crédit en euros à taux fixe. par le mécanisme d’option. la durée du contrat de prêt demeure la durée initiale. En conséquence, afin d’absorber le surcoût du crédit, les mensualités de remboursement augmentent à proportion du montant du capital en euros au jour de la conversion pour permettre son remboursement sur la durée initiale.

En cas d’évolution défavorable du cours de change EUR/ CHF, la conversion du crédit en euros à taux fixe s’avère done particulièrement onéreuse pour les emprunteurs, aboutissant à une augmentation de leurs mensualités de plusieurs centaines d’euros qui peut aller au-delà de leur capacité d’endettement.

Aussi, dans ce contrat de prêt :

- le capital à rembourser par les emprunteurs est variable sans limite;

- le taux d’intérêt est variable sans limite : la durée du crédit peut être augmentée de 5 années au cours desquelles le montant des mensualités pourra être augmenté sans limite pour permettre le remboursement du capital restant dû;

- les mensualités payées par les emprunteurs sont fixes seulement sur la durée initiale et sont sans limite sur ces 5 années de variation.

4/Sur la clause implicite d’indexation relevant de l’objet principal du contrat

L’article L. 111-1 du Code monétaire et financier (CMF) dispose ainsi que « La monnaie de la France est l’euro ». Par ailleurs. l’article L.112-1 du CMF prohibe de façon générale le principe d’indexation et l’article L. 112-2 du CMF interdit : «toute clause prévoyant des indexations fondées sur le salaire minimum de croissance, sur le niveau général des prix ou des salaires ou sur les prix des biens, produits ou services n’ayant pas de relation directe avec l’objet du statut ou de la convention ou avec l’activité de l’une des parties ».

Il résulte de ces textes que pour être licite une indexation doit reposer sur un indice en lien avec l’objet du contrat ou l’activité d’une des parties.

Sur le fondement de ces textes, la doctrine et la jurisprudence distinguent : d’une part. « la monnaie de compte » qui est utilisée dans les comptes. mais qui n’est pas matérialisée sous forme d’espèce» et qui fixe la valeur d’une obligation;

- et d’autre part. "la monnaie de paiement qui est définie comme « la monnaie nationale choisie par les contractants pour l’exécution du contrat », et qui permet aux parties de se libérer de leurs obligations.

Page 15 de 26


En principe, dans un contrat interne, les monnaies de compte et de paiement doivent être stipulées en euros. Toutefois, les clauses instituant une monnaie étrangère comme monnaie de compte sont assimilées à des clauses d’indexation régies par l’article L.112-2 du CMF. Elles sont en conséquence autorisées par exception lorsque l’indexation a une relation directe avec l’objet de la convention ou l’activité de l’une des parties

Le contrat HELVET IMMO est présenté par BNP PPF comme un « prêt libellé en francs suisses et dont les échéances sont remboursées en euros». Il prévoit que la dette que doit payer le consommateur, impérativement en euro (monnaie de paiement impérative) dérive suivant le taux de change EUR/CHF. Toutefois, le contrat HELVET IMMO ne prévoit pas de clause d’indexation explicite.

Comme le fait valoir M. Y, en l’espèce, une clause implicite d’indexation du prêt se matérialise par cinq clauses différentes, sur six pages du contrat: « Elle est rédigée de manière descriptive et aborde.pêle-mêle, de nombreuses notions complexes (emprunt sous-jacent, frais de change, opération de change, taux d’intérêt, taux de change, mécanisme d’option, monnaie de compte, monnaie de paiement, durée initiale et complémentaire du contrat, amortissement, fixité et augmentation des mensualités etc.). Elle opère de nombreux renvois entre ces différents sujets de sorte que le consommateur est contraint à une lecture croisée complexe et source de nombreuses confusions ». (cf conclusions et contrat). Pour faciliter la compréhension de ses prétentions, M. Y a attribué un numéro 1,2, etc aux clauses suivantes :

Clause n°1 : la clause < DESCRIPTION DE VOTRE CRÉDIT selon laquelle

-

le contrat a pour objet la mise à disposition d’une somme d’argent pour le financement d’un bien immobilier. à charge pour l’emprunteur d’en rembourser le capital. Cette clause prévoit alors que la monnaie de compte sera le franc suisse et que la dette comprend le montant du financement et des frais de change; Clause n°2: la clause < FINANCEMENT DE VOTRE CRÉDIT », qui prévoit

-

que le crédit en franc suisse est financé par un emprunt de la Banque souscrit en francs suisses et que la somme libérée sera en euros; Clause n°3 : la clause « OUVERTURE D’UN COMPTE INTERNE EN

EUROS ET COMPTE INTERNE EN FRANCS SUISSES POUR GÉRER

VOTRE CRÉDIT », qui précise que la monnaie de compte est le franc suisse et la monnaie de paiement est l’euro: Clause n°4: la clause «OPÉRATION DE CHANGE», qui prévoit que

-

le montant du financement en euros est définitivement arrêté à la date de

l’acceptation de l’offre et que des opérations de change auront lieu au cours de la.. vie du crédit;

- Clause n°5: la clause < REMBOURSEMENT DE VOTRE CRÉDIT » qui prévoit les remboursements en euros et l’amortissement du capital emprunté en franc suisse. [Pièce n°8 – Offre de prêt]

Cet ensemble de stipulations du contrat de prêt HELVET IMMO a déjà été qualifié par la Cour de cassation de «clause d’indexation » (Civ. 1 ère, 29 mars

2017, n°16-13.050 et n°15-27.231, publié).

En effet, ces clauses reposent sur le mécanisme de déplafonnement total des mensualités sur les cinq années complémentaires du crédit en cas de dépréciation de la monnaie de paiement, mécanisme dont la compréhension par le consommateur est essentielle afin qu’il s’engage en connaissance de cause. Ce mécanisme est décrit par la Banque en trois paragraphes particulièrement inintelligibles et obscure, en se référant à de nombreuses expressions décrites au sein de clauses différentes. En revanche, le terme « déplafonnement » n’est jamais utilisé (p. 5 du prêt).

Page 16 de 26


Ces clauses reposent également sur le mécanisme de l’augmentation du capital restant dû par l’emprunteur, en euros, en cas d’évolution défavorable du cours de change. Ce mécanisme. également essentiel à la compréhension par l’emprunteur de la portée de son engagement. n’est pas évoqué par le contrat. La Banque le reconnaît d’ailleurs lorsqu’elle relève qu’il s’agit d’un mécanisme «implicitement'> prévu par le contrat. ce qui est loin d’être suffisant pour informer le consommateur.

BNP PPF ne conteste pas que le prêt HELVET IMMO est un prêt en francs suisses, remboursable en euros, et dont le cours EUR/CHF n’a qu’une fonction virtuelle (l’emprunteur ne fait aucun usage réel du franc suisse) et ne sert qu’au calcul des remboursements du prêt et de son amortissement.

En l’espèce, la clause implicite d’indexation du prêt HELVET IMMO constitue uniquement une modalité de détermination de la dette de l’emprunteur et ne saurait être confondue ou assimilée à la clause d’intérêts qui détermine la rémunération du prêteur. La clause fixant les frais de change, quant à elle. détermine la rémunération du service de change et ne saurait être confondue ou assimilée à la clause d’indexation.

Compte tenu de tous ces éléments. il convient de juger que la clause implicite d’indexation du contrat litigieux ne porte pas sur l’adéquation du prix au service rendu mais est une clause qui se rapporte au risque de change et qu’elle conduit l’emprunteur à supporter l’entier risque de change. et ce de manière illimitée. Cette clause d’indexation implicite relève donc de l’objet principal du contrat.

5/ Sur le défaut d’informations claires et compréhensibles et le défaut de transparence

Vu la clause relative à « l’information » correspondant au borderau d’acceptation dite clause n°9; la clause « description du crédit » la clause « opérations de change»; la clause « remboursement de votre crédit »>

Selon la CJUE le professionnel doit permettre au consommateur de prendre toute la mesure de son engagement. Dans le cas d’un prêt en devise étrangère, cela implique quatre informations distinctes dont le juge doit vérifier l’existence : une information claire sur l’existence du risque de change : la possibilité d’une dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal : le fait que les conséquences de la réalisation du risque de change lui seront économiquement difficile à assumer: le fait que le risque auquel le consommateur s’expose peut se réaliser durant toute la durée du contrat.

Selon la Cour de cassation. «Lorsqu’elle consent un prêt libellé en devise étrangère, stipulant que celle-ci est la monnaie de compte et que l’euro et la monnaie de paiement et ayant pour effet de faire peser le risque de change sur l’emprunteur, la banque est tenue de fournir à celui-ci des informations suffisantes et exactes lui permettant de comprendre le fonctionnement concret du mécanisme financier en cause et d’évaluer ainsi le risque des conséquences économiques négatives, potentiellement significatives, d’une telle clause sur ses obligations financières pendant toute la durée de ce même contrat, notamment en cas de dépréciation importante de la monnaie ayant cours légal dans l’État où celui-ci est domicilié et d’une hausse du taux d’intérêt » (Civ. 1 ère, 30 mars 2022, n°19-17.996, n°19-20.717- Pièce n°108). (Civ. 1 ère, 20 avril 2022, n°20

16.942)

BNP PPF soutient que M. Y étaitsuffisammentinformé par les dispositions

Page 17 de 26


du prêt et que la commercialisation du prêt s’est faite via un réseau d’apporteurs d’affaires professionnels qui avaient les compétences nécessaires pour appréhender et expliquer les caractéristiques du prêt HELVET IMMO et que, par conséquent, c’est la responsabilité de ces intermédiaires qui doit être engagée si un discours trompeur a été tenu aux consommateurs.

Or, c’est bien le banquier dispensateur du crédit qui doit éclairer l’emprunteur sur les caractéristiques du prêt accordé. La CJUE, après avoir réaffirmé la nécessité de prendre en considération le discours précontractuel tenu aux consommateurs pour apprécier la clarté et l’intelligibilité d’une clause contractuelle, précise qu’il appartient à BNP PPF de rapporter la preuve de la bonne exécution de ses obligations d’information (Pièce n°100, CJUE, 10 juin 2021, aff. jointes C-776/19 à C-782/19, n°87). La CJUE ajoute que BNP PPF, en sa qualité de professionnel, doit «maîtriser les canaux de distribution de ses produits, qu’il s’agisse du choix des intermédiaires ou de la communication commerciale vis-à-vis du consommateur» (CJUE, 10 juin 2021, aff. jointes C

776/19 à C-782/19, n°88).

En l’espèce. D Y rapporte la preuve de la méthode de commercialisation élaborée et mise en oeuvre par BNP PPF tant en ce qui concerne les supports internes (Pièces n°51, 53 et 57 Power Point) que ceux destinés à son réseau commercial d’IOB (Pièces n°55, 20, 5 et 58). Enfin, les documents publicitaires qui étaient destinés aux consommateurs démontrent que BNP PPF. lorsqu’elle était directement en contact avec ses clients, utilisait cette même méthode (Pièce

n°21 Plaquette Crédi francs suisses). BNP PPF ne peut donc pas valablement invoquer la responsabilité de ses mandataires pour s’exonérer du défaut d’information et des fautes qu’elle a commises elle-même à l’égard de ses clients.

Comme le souligne X, la banque n’emploie jamais les expressions «risque de change», «augmentation du capital restant dû » et «déplafonnement total des mensualités », qui sont pourtant les plus compréhensibles pour le consommateur moyen et indispensables à la clarté et à l’intelligibilité de l’offre et des risques qu’elle comporte. La lecture du contrat est en outre complexifiée par de nombreux renvois.

La variation du taux de change est mentionné dans l’offre de prêt en page 3 pour seulement préciser que « le taux de change (…) est garanti durant 40 jours à dater de la réception de la présente offre (…) ». M. Y fait remarquer sans être utilement combattu, qu’au sein des supports précités, BNP, PPF met en avant des avantages, liés à son prêt, tels que la «SÉRCURITÉ», «L’EFFORT D’ÉPARGNE RÉDUIT AU MAXIMUM». Ces prétendues qualités sont systématiquement présentées en majuscule, en gras et dans une police importante et sans être assorties d’une réserve que des promesses similaires se retrouvent dans la plaquette publicitaire à destination des consommateurs, qui affirme que «EN TOUTE CIRCONSTANCE, VOTRE BUDGET EST SÉCURISÉ ». [Pièce n°21 – Plaquette publicitaire « CRÉDIT

[…] »]

L’offre de prêt procède à de multiples renvois, sur 5 pages de l’offre. et l’information utile aux consommateurs est éclatée dans une dizaine de « clauses ». étant observé que ce terme de « clause » est utilisé par M. Y dans ses conclusions mais ne sont pas intitulées comme telles dans le contrat. Elles traitent de sujet différents et particulièrement complexes (frais de change, taux de change, exercice de l’option, etc.).

Comme le soutient M. Y, les différentes clauses du crédit qui devraient contenir une mise en garde et une information claire et précise sur le risque de

Page 18 de 26


change n’en font jamais état. Par exemple :

- la clause « description du crédit » se contente d’indiquer que le prêt est libellé en francs suisses et permet de libérer des euros, mais n’est pas explicite sur l’existence d’un risque de change illimité à la charge des emprunteurs :

- la clause « opérations de change » indique que des opérations de change seront effectuées dans le cadre de l’exécution du prêt. En revanche, il n’est jamais expliqué ce qu’est une opération de change, ni quel est son lien avec l’amortissement du crédit, de sorte que les emprunteurs ne peuvent comprendre le fonctionnement réel du prêt ; la clause « remboursement de votre crédit » établit un lien entre l’amortissement du capital, les variations de change et la durée du crédit. Toutefois, l’ensemble de ces termes techniques ne sont pas définis et la clause procède par de nombreux renvois à d’autres notions très techniques. Surtout.l’hypothèse d’une variation défavorable à l’emprunteur du cours de change lui est expliqué d’une manière inintelligible, par référence au compte interne en francs suisses.

L’information spécifique relative aux effets de la variation du taux de change sur l’amortissement du prêt est éclatée, M. Y devant se reporter à 4 clauses différentes pour obtenir les informations relatives au mécanisme concret du contrat.

La Banque utilise à la place des expressions «risque de change » ou « variation de change » les expressions «opération de change » et «compte interne en francs suisses» sans évoquer le risque de variation. De même. au lieu de mention l’appréciation ou la dépréciation de l’euro. le contrat fait référence aux notions de «règlement mensuel en euros précédemment payé» et de «règlement mensuel théorique en euros ».

L’information relative au déplafonnement total des mensualités sur les cinq dernières années n’est pas rédigée de manière claire et compréhensible pour un consommateur moyen : les termes « déplafonnement » ou « sans plafond '> ne sont jamais utilisés ; une confusion est entretenue entre « la durée résiduelle initiale du crédit majorée de 5 année » (cf pge 10 de l’offre) et « les 5 dernières années précédant la révision du taux d’intérêt » pour lesquelles il est précisé qu’il existe une limitation.. Il est nécessaire de se reporter à différentes pages de l’offre (Cf pages 5. 6.7. 8 et 10 notamment de l’offre)

En outre, le tribunal constate, comme le souligne D Y. l’absnece d’information par BNP PPF sur différents risques :

- sur le risque de ne pas pouvoir revendre le bien au cours de l’exécution du contrat compte tenu de l’augmentation du capital restant dù :

- sur le risque de ne pas pouvoir souscrire d’autres engagements durant l’exécution du contrat en raison de l’augmentation de l’état d’endettement initial résultant de la variation du taux de change;

- sur le risque de se trouver dans l’impossibilité de se faire racheter son crédit par un autre établissement financier en raison de l’augmentation de l’état d’endettement initial résultant de la variation du taux de change :

- sur le risque d’être dans l’impossibilité d’exercer les options de conversion prévues par le contrat et d’être soumis durant toute l’exécution du contrat aux variations du taux de change;

- sur le risque d’une possible augmentation du capital restant à rembourser en euros malgré les remboursements effectués liée à la réalisation du risque de change et donc l’augmentation de l’endettement de l’emprunteur.

* le bordereau d’acceptation (dite clause n°9)

Selon BNP PPF, M. Y et les consommateurs étaient parfaitement informés qu’ils s’exposaient à un risque de financier illimité en signant le contrat HELVET

Page 19 de 26


IMMO dès lors que son bordereau d’acceptation contenait la formule selon laquelle l’emprunteur déclare avoir « été informé que le présent crédit comporte des opérations de change pouvant avoir un impact sur son plan de remboursement (cf. paragraphe « Opérations de change » et « Remboursement de. votre crédit » de l’offre de crédit)»>.

Or une telle clause constitue un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents.

En l’espèce. ce bordereau d’acceptation n’est pas de nature à informer le consommateur sur l’existence d’un risque de change illimité car il se contente de faire référence à des «opérations de change » et au plan de remboursement» tout en renvoyant aux paragraphes, vus ci-dessus, également complexes et inintelligibles.

Il en découle que BNP PPF, qui ne fait même pas figurer les termes «risque de change» dans son offre de prêt, manque manifestement aux exigences de la diligence professionnelle qui s’imposent à elle.

Comme le fait observer M. Y, BNP PPF attire explicitement l’attention du consommateur sur le risque de change qu’il subira uniquement s’il déménage hors de la zone euro, dans le paragraphe «OPÉRATION DE CHANGE»>, alors même qu’il s’agit d’un risque inhérent à tous les prêts en euros. Il est ainsi écrit : «Nous attirons particulièrement votre attention sur le fait que si au cours de la vie de votre crédit, vous résidez dans un pays dont la monnaie nationale n’est pas l’euro et que de ce fait, vous ne disposez pas des euros nécessaires à la réalisation de vos versements dans cette devise, il vous appartient de vous procurer ces euros par tous moyens à votre convenance, sans intervention du Prêteur. Dans le cas où vous réalisez à cette occasion une ou des opérations de change, les risques et frais y afférents seront entièrement à votre charge ». [Pièce n°8 – Offre de prêt] Or ce risque qui existe dans tous les contrats de prêt, n’a aucun rapport avec les risques spécifiques inhérents à un prêt en devise, à propos desquels la CJUE pose une obligation d’information renforcée.

D Y, consommateur moyen n’avait pas les connaissances nécessaires pour déduire l’existence de ce risque des mécanismes, également très complexes, de conversion de la mensualité en franc suisse, d’amortissement du capital en monnaie de compte, de la modification de la durée du contrat et de l’impact sur la contrevaleur en euros du capital en franc suisse.

Au vu des éléments précités il est suffisamment démontré par D Y qu’aucune de ces informations ne lui ont été fournies..

Par conséquent et en raison également du discours commercial. de l’absence de simulation précontractuelle et du caractère inintelligible de l’offre, la clause de reconnaissance d’information contenue par le bordereau d’acceptation du contrat de prêt HELVET IMMO stipulant que les « emprunteurs déclarent (…) avoir été informés que le présent crédit comporte des opérations de change pouvant avoir un impact sur son plan de remboursement (cf. paragraphes « Opérations de change » et « Remboursement de votre crédit » de l’offre de crédit) » (clause n°9) ne peut exonérer BNP PPF de sa responsabilité et ne peut valoir, par le consommateur, reconnaissance de la bonne exécution par le professionnel de ses obligations

d’information, de conseil et de mise en garde.

Il convient de constater que cette clause crée même un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat, au détriment du consommateur. Cette clause est également abusive et doit donc être réputée non écrite conformément à l’article L.241-1 du code de la consommation.

Page 20 de 26


6/ Sur l’exigence de transparence et l’information d’emprunteur sur les circonstances économiques susceptibles d’avoir des répercussions sur les variations de change

Le prêteur a l’obligation pour satisfaire à l’exigence de transparence d’avertir le consommateur de l’ensemble des circonstances qui entourent la conclusion du contrat et qui peuvent impacter la portée de son engagement. Il s’agit particulièrement, dans un prêt en devise étrangère, des circonstances économiques susceptibles d’avoir des répercussions sur les variations de change.

Pour satisfaire à cette obligation, le prêteur peut annexer à son contrat de prêt des simulations du cours de change. Celles-ci doivent impérativement:

- reposer sur des données exactes et suffisantes ;

- comporter des appréciations objectives; attirer l’attention du consommateur sur le risque des conséquences économiques négatives de l’indexation sur la devise étrangère. En toute hypothèse, si le prêteur délivre au consommateur ces informations, mais qu’elles sont fondées sur l’hypothèse que le cours de change restera stable. l’exigence de transparence ne saurait être satisfaite.

En l’espèce. le contrat HELVET IMMO a été commercialisé par les mandataires de BNP PPF qui répliquaient le discours commercial élaboré par la Banque, dont les arguments principaux étaient la sécurité du prêt et son absence de risque et la stabilité du cours de change EUR/CHF. (Cf l’ensemble des supports de commercialisation et notamment pièces n°50 à 58).

Or la Banque, lors de la commercialisation du prêt litigieux, était parfaitement informée du contexte économique des subprimes qui était susceptible d’avoir des répercussions sur le cours de change. BNP PPF disposait à cette période, a minima

d’anticipations à la baisse du cours de change EUR/CHF provenant notamment de rapports publics de la BNS et de l’OCDE. de l’ordre de 12%:

- d’anticipations internes. provenant de BNPP, prévoyant une dépréciation de l’euro par rapport au franc suisse allant jusqu’à 22% à l’horizon 2010 ( Pièce 8+). En outre, le cours de change EUR/CHF avait déjà baissé de près de 10% entre octobre 2007 et décembre 2008.

Il n’est pas démontré que ces informations ont été communiquées par BNP PPF à X. Au regard de l’obligation d’information du professionnel s’agissant du contexte économique prévisible, l’exigence de transparence n’est manifestement pas satisfaite non plus.

Les simulations annexées à l’offre de prêt.sont insuffisantes car elles prennent en compte uniquement deux hypothèses de variation à 5%, à la hausse et à la baisse qui sont de nature à rassurer à tort l’emprunteur alors que le risque de dépréciation de la monnaie de paiement peut être beaucoup plus important et que la banque ne pouvait pas l’ignorer compte tenu des outils dont elle dispose.

Ces simulations et les informations données par la banque n’illustrent ni la possibilité de déplafonnement total de la mensualité en cas de dépréciation importante de la monnaie de paiement et ni l’augmentation important du capital restant dû en euros, en dépit des remboursements effectués, en cas de dépréciation importante de la monnaie de paiement.
M. Y soutient donc valablement que son atttention n’a pas été attirée sur les risques réels auxquels il s’exposait. et leurs conséquences concrètes et potentiellement défavorables.

Page 21 de 26


En conséquence, il convient de juger que la banque n’a pas suffisamment informé M. Y des circonstances économiques susceptibles d’avoir des répercussions sur les variations de change et que la clause implicite d’indexation du prêt HELVET IMMO n’est ni claire ni intelligible dès lors que l’exigence de transparence qui s’impose à la banque n’a manifestement pas été respectée.

7/ Sur le déséquilibre significatif créée par la clause implicite d’indexation

La clause implicite d’indexation crée un déséquilibre significatif au sens de l’article 3 de la Directive 93/13/CEE, entre les droits et les obligations des parties découlant du contrat de prêt concerné au détriment du consommateur, caractérisé par le fonctionnement du contrat qui implique un risque de change illimité qui se manifeste pendant toute la durée du contrat et qui est exclusivement supporté par le consommateur, partie faible au contrat..

En l’espèce. BNP PPF prête à l’emprunteur des francs suisses et est remboursée en francs suisses. Ainsi, le risque de change n’est pas plafonné et pèse exclusivement sur l’emprunteur. alors que la banque ne supporte aucun risque de perte en capital. Dans toutes les hypothèses de variation du cours du change, la banque sera remboursée en francs suisses du montant exact qu’elle a prêté en francs suisses. Le seul aléa que supporte la banque consiste dans la variation de sa rémunération qui résulte des modalités de fonctionnement du taux d’intérêt qu’elle a choisies lors de

l’élaboration de contrat.

Le risque de change supporté par l’emprunteur n’est pas limité, comme le soutient BNP PPF par les mécanismes contractuels de l’option et du remboursement par anticipation car l’exercice de l’option par l’emprunteur est tellement onéreuse qu’elle s’avère en pratique, dans la plupart des cas, inenvisageable car au delà des frais de conversion et des frais de change que l’emprunteur doit payer, qui se chiffrent à plusieurs milliers d’euros. l’option entraîne une augmentation très importante de sa mensualité pour l’avenir en raison du risque de change déjà réalisé qu’il continuera ainsi à supporter. Il en va de même du mécanisme du remboursement par anticipation, qui implique que le consommateur puisse s’acquitter du montant de la dette. supérieur au montant emprunté, mais également d’une indemnité de remboursement par anticipation très élevée ainsi que de frais de change.

Il y a lieu dès lors de juger que la clause implicite d’indexation du prêt HELVET IMMO est abusive en ce qu’elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties, au détriment de M. Y et au profit de BNP PPF, avec en l’occurrence un risque de change non plafonné.

La CJUE (cf CJUE, 10 juin 2021, C-776/19 à C-782/19, n°100 et 101 ; CJUE, 24 mars 2022, C-82/20, n°46 et 47; CJUE, 24 mars 2022, C-288/20, n°72 et 73) et la

Cour de cassation saisie de l’affaire HELVET IMMO (Cf Civ. 1 ère, 20 avril 2022,

n° n°19-11.600, n° 19-11.599 – Pièce n°110) ont d’ailleurs statué en ce sens. Saisie de l’affaire HELVET IMMO, la Cour de cassation a repris à son compte la jurisprudence constante de la CJUE en rappelant notamment, par un attendu de principe citant in extenso les arrêts rendus par celle-ci le 10 juin 2021, que: «les clauses d’un contrat de prêt qui prévoient que la devise étrangère est la monnaie de compte et que l’euro est la monnaie de paiement et qui ont pour effet de faire porter le risque de change, sans qu’il soit plafonné, sur l’emprunteur, dès lors que le professionnel ne pouvait raisonnablement s’attendre. en respectant l’exigence de transparence à l’égard du consommateur. à ce que ce dernier accepte, à la suite d’une négociation individuelle, un risque disproportionné de change qui résulte de telles clauses ». L’eensemble de ces observations, totalement transposables au contrat signé par M.

Page 22 de 26


Y. ne sont pas utilement combattues par BNP PPF en l’espèce.

8/les clauses n°6 à 8 de révision des indices de variation du t aux d’intérêt

Dans le prêt HELVET IMMO, trois clauses sont relatives à la variation du taux d’intérêt. et utilisent trois indices différents selon l’hypothèse : le SWAP francs suisses 5 ans, le TME ou le TIBEUR.

Or, comme le fait valoir M. Y, ces indices sont peu compréhensibles pour un consommateur moyen et ce d’autant que BNP PPF n’a pas mis à sa disposition les historiques de variation de ces indices et n’a pas explicité les effets concrets que ces indices auront sur ses obligations financières. En conséquence, ces trois clauses relatives à la révision du taux d’intérêt ne sont pas conformes aux exigences de transparence fixées par la CJUE dès lors que les consommateurs ne peuvent pas comprendre les effets concrets qu’elles auront sur leurs obligations financières. Il en résulte que ces clauses d’intérêt ne sont ni claires ni intelligibles et, en conséquence, doivent être déclarées abusives et réputées non écrites conformément à l’article L.241-1 du code de la consommation.

IV. Sur la sanction du caractère abusif de la clause implicite d’indexation et de la clause de révision du taux d’intérêt

1/ Les clauses abusives sont réputées non écrites

Selon l’article L.241-1 du code de la consommation. «Les clauses abusives sont réputées non écrites. (…) Les dispositions du présent article sont d’ordre public ».

En l’espèce. la clause implicite d’indexation, les clauses de révision du taux d’intérêt et la clause de reconnaissance d’information doivent être jugées abusives et donc sont réputées non écrites.

En effet, le fonctionnement du prêt HELVET IMMO implique que le consommateur, à tout moment, supporte l’intégralité du risque de change dès lors que sa dette correspond à la contre-valeur en euros du capital restant dû en francs suisses, après conversion au cours de change en vigueur. Cela résulte de l’ensemble des stipulations de la clause d’indexation, relatives à la monnaie de paiement, à la monnaie de compte, à l’imputation des paiements ou encore à l’amortissement du prêt et aux modalités de son remboursement. La suppression des seules stipulations relatives au déplafonnement des mensualités n’aurait donc pas pour effet de faire perdre à la clause d’indexation son caractère abusif puisque l’emprunteur demeurerait soumis à un risque de change illimité.

L’emprunteur subit le risque de change illimité à chaque instant de l’exécution du contrat par l’augmentation du capital restant à rembourser en euros, ce qui caractérise le déséquilibre significatif. Or, le prêt HELVET IMMO a été commercialisé uniquement pour financer des investissements locatifs adossés à une loi fiscale, de sorte que la revente du bien immobilier était prévue à 9 ou 12 ans, impliquant un remboursement du prêt par anticipation à ces échéances.

BNP PPF n’explique pas en quoi, selon elle, la suppression du mécanisme de déplafonnement des mensualités sur les cinq années complémentaires aurait pour effet de limiter la possibilité d’augmentation du montant du capital restant dû en euros tout au long de l’exécution du contrat.

La clause implicite d’indexation du prêt HELVET IMMO constitue un ensemble indivisible de stipulations qui doit être, en son entier, réputée non écrite.

Page 23 de 26


2- L’anéantissement rétroactif du contrat de prêt

La constatation du caractère abusif d’une clause, qui est donc réputée non écrite, implique que le consommateur soit replacé dans la situation de droit et de fait dans laquelle il se serait trouvé en son absence. Si le contrat peut subsister sans ladite clause, celle-ci est simplement privée de tout effet ab initio. Si, au contraire, le contrat ne peut pas subsister sans cette clause, il doit être anéanti dans son entier. La Directive 93/13/CEE, interdit au juge national qui constate le caractère abusif d’une clause de le compléter ou d’en réviser le contenu pour que celui-ci puisse subsister sans ladite clause.

Lorsqu’une clause d’intérêt est abusive et, donc réputée non écrite, la CJUE considère que : soit le contrat peut subsister sans cette clause et un indice légal de substitution doit remplacer le taux d’intérêt conventionnel : soit le contrat ne peut pas subsister sans cette clause et doit être annulé dans son ensemble (CJUE, 3 mars 2020, C-125/18, §67).

En ce sens l’article L.241-1 du code de la consommation précise, en conséquence du réputé non écrit d’une clause abusive, que « Le contrat reste applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s’il peut subsister sans ces clauses » Les alinéas 6 et 8 de l’article L. 132-1 ancien du code de la consommation disposent que « les clauses abusives sont réputées non écrites » et que « le contrat restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s’il peut subsister sans lesdites clauses ».

Les stipulations de la clause implicite d’indexation nécessitent une lecture croisée et globale en ce qu’elles sont éclatées dans de nombreux paragraphes du contrat. Elles constituent un ensemble indivisible, de sorte que le contrat dépourvu de l’ensemble de ces stipulations n’a plus aucun sens. Le juge n’a pas la possibilité de le réécrire pour lui permettre de fonctionner. Il convient dès lors de juger que le contrat de prêt HELVET IMMO ne peut pas subsister sans cette clause implicite

d’indexation. Les clauses de révision du taux d’intérêt sont également essentielles au fonctionnement du contrat et celui-ci ne peut subsister sans elles. En conséquence, il y a lieu de juger que le contrat HELVET IMMO proposé par BNP PPF et souscrit par D Y doit être annulé dans son ensemble.

V. La nullité de la procédure de saisie immobilière initiée par BNP PPF

Selon l’article L.311-2 du code des procédures civiles d’exécution. «tout Z muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut procéder

à une saisie immobilière ».

La validité du titre exécutoire, ainsi que l’existence d’une créance liquide et exigible, constituent donc des conditions de fond de la saisie immobilière. Si l’une des conditions de fond de la saisie immobilière fait défaut, le commandement de payer valant saisie immobilière se trouve également affecté de nullité et il convient par conséquent de prononcer la mainlevée de la saisie immobilière et d’ordonner la radiation du commandement de payer valant saisie signifié à M. Y.

En l’espèce, BNP PPF a initié à l’encontre M. Y une procédure de saisie immobilière sur le fondement de l’acte notarié de prêt annulé par le présent jugement. BNP PPF ne dispose donc ni d’un titre exécutoire ni d’une créance liquide et exigible permettant la mise en œuvre de la saisie immobilière qu’elle initie. En conséquence, il convient de prononcer la mainlevée de la saisie

Page 24 de 26


immobilière initiée par BNP PPF. M. Y ne forme pas de demande de restitution pouvant découler de l’annulation rétroactive du contrat. Il lui appartiendra donc de mieux se pourvoir sur ce point.

VI. Sur les demandes subsidiaires

Le tribunal faisant droit à la demande principale de M. Y il n’y a pas lieu de statuer sur ses demandes subsidiaires et sur celles formulées par BNP PPF à titre subsidiaires.

VII. Sur les frais irrépétibles

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. Y les frais qu’il a dû exposer pour se défendre dans le cadre de la présente procédure. (90 pages de conclusions et 113 pièces dont une consultation du professuer Aubert de Vincelles en date du 03/05/2019 en pièce 92). Il convient de condamner BNP PPF à lui payer la somme de 12.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort,

Constate que BNP PPF a renoncé à la fin de non-recevoir tirée de la prescription des moyens de défense de D Y sur le fondement des clauses abusives;

Juge que le moyen de défense soulevé par D Y sur le fondement des clauses abusives est recevable;

Juge que la fin de non-recevoir soulevée par BNP PPF sur le fondement de l’article 31 du code de procédure civile est tardive et condamne BNP PPF à payer à M. Y la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts ;

Juge que les clauses n°1 à 5 du contrat HELVET IMMO souscrit par D Y le 3 avril 2009 relatives à la « description de votre crédit, à »ouverture d’un compte interne en euros et compte interne en francs suisses pour gérer votre crédit« , au »remboursement de votre crédit au « financement de votre crédit » au "opération de change forment ensemble le mécanisme implicite d’indexation du contrat sur le franc suisse;

Juge que les clauses n°1 à 5 (clause implicite d’indexation) du contrat HELVET IMMO sont abusives en ce qu’elles créent un déséquilibre significatif entre les parties au détriment de D Y ;

Juge que les clauses n°6 à 8 (clauses de variation du taux d’intérêt en pages 6,7,8,9 10) sont abusives en ce qu’elles ne sont ni claires ni intelligibles pour le consommateur moyen;

Juge que la clause n°9 (clause de reconnaissance d’information) est abusive en ce qu’elle crée un déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au détriment de D Y;

Juge que les clauses n°1 à 9 sont réputées non écrites ;

Juge que le contrat HELVET IMMO ne peut subsister sans ces clauses abusives et annule rétroactivement le contrat HELVET IMMO souscrit par D Y;

Juge que BNP PPF ne dispose donc ni d’un titre exécutoire valable ni d’une créance liquide et exigible permettant la mise en œuvre de la saisie immobilière :

Page 25 de 26


Ordonne la mainlevée de la saisie immobilière initiée par BNP PPF ;

Ordonne la radiation du commandement de payer valant saisie immobilière signifiée par BNP PPF à X le 13 septembre 2018 et portant sur le bien immobilier suivant : un appartement situé dans un immeuble sis à […]». cadastré section AS lieu-dit «Les Barthes'>

n°85 pour 1 hectare 47 ares 45 centiares et 86 pour 2 ares 16 centiares.

- les biens et droits immobiliers du B, M. Y, objet du commandement portent sur les lots de copropriété n°35, 99 et 163 décrits comme tel : Lot 57 un logement, situé dans le bâtiment D, aile «a»>, premier étage, première porte gauche. composé d’une entrée, séjour coin cuisine, chambre, salle de bains. toilettes et balcon. Les 82/10000èmes des parties communes générales, et les 478/10000èmes des parties communes spéciales au bâtiment D:

*Lot 165 dans le bâtiment D, situé au sous-sol, n° 165 du plan, un emplacement de parking. Les 6/10000èmes des parties communes générales et les 35/10000èmes des parties communes spéciales au bâtiment D; Lot 222 dans le bâtiment D, située au sous-sol, n°222 du plan, une cave. Les 2/10000 èmes des parties communes générales et les 12/10000èmes des parties communes spéciales au bâtiment D ;

Constate que D Y ne forme aucune demande concernant le montant de la créance et dit qu’il lui appartiendra donc de mieux se pourvoir sur ce point:

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Ordonne l’exécution provoire du présent jugement ;

Condamne BNP PPF aux dépens;

Condamne BNP PPF à payer à X la somme de 12 000 € au titre de

l’article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le juge de l’exécution

d

POUR EXPÉDITION CERTIFIÉE CONFORME

CAHORS, le 24/11/2022 PILE DIRECTEUR DE GREFFE JUDICIAIRE

B

I

R

T

4

0

[…]

2

0

0

[…]

2

/

*

9

3

Page 26 de 26

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires
Extraits similaires à la sélection
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Juge de l'exécution de Cahors, 18 novembre 2022, n° 19/00001