Ordre national des chirurgiens-dentistes, Chambre disciplinaire nationale, 29 décembre 2016, n° 2424

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Chronologie de l’affaire

Résumé de la juridiction

Soins défectueux – L’intéressé qui exerçait dans un centre dentaire ne peut utilement se prévaloir de la mauvaise qualité, selon lui, de l’équipement radiologique dont il disposait comme salarié dès lors que s’il estimait ce matériel insuffisant il devait refuser de l’employer – Manque d’aménité et comportement d’intimidation du praticien vis-à-vis de la patiente lors de la tentative de conciliation – Défaut de communication par le praticien des coordonnées de son assurance de responsabilité civile professionnelle – Un praticien n’est pas tenu d’assister à une nouvelle tentative de conciliation après l’échec de la première – Un praticien n’est pas tenu de se rendre à l’expertise judiciaire ni de formuler pour celle-ci des observations – Restitution du dossier médical dans des conditions non critiquables.

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Sur la décision

Référence :
ONCD, ch. disciplinaire nationale, 29 déc. 2016, n° 2424
Numéro(s) : 2424
Dispositif : Réformation de la décision - Interdiction d'exercer pendant deux mois et 2 000 € de frais irrépétibles à la charge du praticien (décision de 1ère instance = Interdiction d'exercer pendant un an et 2000 € de frais irrépétibles à la charge du praticien)
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Sur les parties

Texte intégral

CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES CHIRURGIENS-DENTISTES 16 rue Spontini – 75116 PARIS
JFV/CB/NR
Audience publique du 3 novembre 2016
Décision rendue publique par affichage le 29 décembre 2016
Affaire : Docteur G.L.
Chirurgien-dentiste
Dos. n°2424
LA CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE DE L’ORDRE DES CHIRURGIENS-DENTISTES,
Vu la requête, enregistrée au greffe de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des chirurgiens-dentistes le 15 juillet 2015, présentée pour le Docteur G.L., chirurgien-dentiste, dont l’adresse est (…), et tendant à l’annulation de la décision, en date du 25 juin 2015, par laquelle la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des chirurgiens-dentistes du Centre – Val de
Loire, statuant sur la plainte formée à son encontre par Madame P.L. et transmise, en s’y associant, par le conseil départemental de l’Ordre des chirurgiens-dentistes d’Indre-et-Loire, lui a infligé la sanction de l’interdiction d’exercer la profession de chirurgien-dentiste pendant un an et a mis à sa charge la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article L.761-1 du code de justice administrative, par les motifs que l’on ne peut reprocher au requérant d’avoir fait valoir des moyens de défense lors de la tentative de conciliation ; que Madame P. ne soutient pas que le Docteur L. ait fait preuve, à son égard, d’incorrection pendant l’exercice des soins ; que l’article R.4127-233 concerne la qualité des soins et non le comportement ultérieur avec une ancienne patiente ; que le grief relatif au comportement du Docteur L. lors de la tentative de conciliation du 4 décembre 2013 doit donc être écarté ; qu’il en est de même du grief relatif à l’absence du Docteur L. à la tentative de conciliation du 26 mars 2014 ; qu’en effet dans la mesure où la plaignante demanderesse n’était pas présente à cette tentative de conciliation l’absence du Docteur L. ne saurait lui être reprochée ; que les griefs formulés par Madame P. étaient les mêmes que lors de la première tentative de conciliation qui a abouti à un échec et à laquelle il a assisté ; que le professeur GOGA, chargé de l’expertise judiciaire n’est aucunement affirmatif ; qu’il émet des doutes et non des certitudes ; que l’expert n’indique pas en quoi les actes ne seraient pas conformes aux données acquises de la science et auraient entrainé des douleurs pour la patiente ; que le Docteur L., salarié, n’est pas responsable de la mauvaise qualité des radiographies compte tenu du matériel qui lui est fourni ; qu’il ne peut être reproché au Docteur L.
d’avoir réalisé un traitement incomplet de la dent 16 dans la mesure où il n’a pu terminer les soins puisque Madame P. a changé de chirurgien-dentiste dès le 8 mars 2013 ; que le chirurgien-dentiste intervenant ultérieurement n’a pas non plus réussi à soigner cette dent ; qu’il n’est pas démontré que la perforation de la dent serait intervenue à la suite des traitements médicaux du Docteur L. ; que la reprise de carie de la dent 46 a pu intervenir postérieurement à la dernière consultation de Madame P.
auprès du Docteur L. ; qu’il ne résulte d’aucun rapport médical que les soins du Docteur L. aient été défectueux ;
Vu la décision attaquée ;
Vu le mémoire, enregistré le 14 septembre 2015, présenté pour Madame P.L., dont l’adresse est (…) et tendant, d’une part, au rejet de la requête et, d’autre part, à ce que le Docteur L. soit condamné à payer à Madame P. la somme de 5 000 € au titre des frais exposés par elle par les motifs que le Docteur L. a manifesté lors des tentatives de conciliation un comportement parfaitement méprisant à l’égard de la patiente ; que non seulement le Docteur L. n’a pas donné à sa patiente les soins appropriés mais a endommagé une partie de sa dentition et l’a soumise à des gestes brutaux ; que le Docteur L. n’a eu de cesse de retarder les soins pouvant permettre de réparer les dommages occasionnés à sa patiente, en persistant à se retrancher derrière sa qualité de salarié ; que le Docteur
L. ne s’est pas rendu à l’expertise judiciaire ; que le rapport du Docteur GOGA, expert judiciaire, confirme les manquements commis par le Docteur L. ; que, selon l’expert, il semble que deux des traitements sur trois n’avaient pas de justification thérapeutique ; que l’expert estime que les actes réalisés par le praticien n’ont pas été conformes aux données acquises de la science ; qu’en raison du 1.

CHAMBRE DISCIPLINAIRE NATIONALE
DE L’ORDRE DES CHIRURGIENS-DENTISTES 16 rue Spontini – 75116 PARIS comportement hostile et fuyant du Docteur L., Madame P. n’est toujours pas soignée trois ans après les faits et souffre de son état ; que le Docteur L. a fait des difficultés pour adresser à la patiente son dossier médical et a refusé de transmettre les coordonnées de son assurance de responsabilité civile professionnelle ; que le fait que le praticien ait été salarié est sans influence ; qu’il en est de même du fait que Madame P. n’ait plus été sa patiente au moment où elle a agi contre lui ; que le Docteur L. n’a émis aucun dire pendant les opérations d’expertise ; que le Docteur L. soutient à tort qu’il ne serait pas responsable de la perforation du plancher ; qu’il semble avoir été licencié pour faute grave par la mutuelle où il exerçait ; qu’il n’est pas établi que le matériel de radiographie mis à sa disposition ait été défectueux et que si ce matériel avait été défectueux il lui appartenait de ne pas l’utiliser ;
Vu le mémoire, enregistré le 26 octobre 2015, présenté pour le Docteur L. et tendant aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et, en outre, par les motifs qu’aucune instance judiciaire n’a déclaré le Docteur L. responsable du préjudice de Madame P. ; qu’il n’y avait pas d’obligation déontologique pour le Docteur L. à être présent aux réunions d’expertise et devant la chambre disciplinaire ; que Madame P. n’apporte pas la preuve que le Docteur L. aurait fait une quelconque difficulté pour lui remettre son dossier médical qui d’ailleurs était en possession de son nouveau chirurgien-dentiste ; qu’en faisant appel le Docteur L. n’a fait qu’utiliser la voie de droit ouverte ; que les motifs de la perte d’emploi du Docteur L. sont étrangers au présent litige ; que l’on ne peut soutenir que le Docteur L. aurait eu un comportement brutal envers tous ses patients alors qu’il exerce depuis plus de trente ans et qu’il n’a jamais fait l’objet de plaintes de ses patients sauf depuis que ceux-ci ont le même conseil ;
Vu le mémoire, enregistré le 2 décembre 2015, présenté pour Madame P. et par lequel celle-ci demande qu’il soit fait injonction au conseil du Docteur L. de communiquer une copie de la lettre de licenciement que la mutuelle X. a notifiée au Docteur L. ;
Vu les mémoires, enregistrés les 7 décembre 2015 et 18 juillet 2016, présentés par le conseil départemental de l’Ordre des chirurgiens-dentistes d’Indre-et-Loire, dont l’adresse est 83 rue Blaise
Pascal, 37000 Tours et tendant au rejet de la requête par les mêmes motifs que ceux exposés en première instance ;
Vu le mémoire, enregistré le 19 octobre 2016, présenté par le Docteur L. et tendant aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens et, en outre, par le motif qu’il n’a pas refusé, lors de la conciliation, de présenter une attestation de responsabilité professionnelle mais a seulement indiqué qu’il ne l’avait pas en sa possession ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le décret n° 2007-434 du 25 mars 2007 relatif au fonctionnement et à la procédure disciplinaire des conseils de l’Ordre des médecins, des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes, des pharmaciens, des masseurs-kinésithérapeutes et des pédicures-podologues et modifiant le code de la santé publique (dispositions réglementaires) ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu, en audience publique, le rapport du Docteur JOURDES, les observations du
Docteur G.L., chirurgien-dentiste, assisté de Maître Pascal BELLANGER, avocat et les observations de Madame P.L., assistée de Maître Marie-Pierre JAUNAC, avocate ;
- le conseil départemental de l’Ordre d’Indre et Loire, dûment convoqué, ne s’étant pas fait représenter ;
- le conseil départemental de l’Ordre de la Martinique, dûment convoqué, ne s’étant pas fait représenter ;
- le Docteur G.L. ayant pu reprendre la parole en dernier ;
Considérant que le Docteur L., qui exerçait dans le Centre dentaire de X., a dispensé des soins à Madame P. du mois de septembre 2012 au 18 mars 2013 ;
2.

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Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article R.4127-233 du code de la santé publique : « Le chirurgien-dentiste qui a accepté de donner des soins à un patient s’oblige (…) à lui assurer des soins éclairés et conformes aux données acquises de la science (…) » ; qu’il résulte du rapport d’expertise établi part le Professeur Dominique GOGA, expert principal, et par le Docteur Marc SAPEK, sapiteur, à la demande du Tribunal de grande instance de Tours et qui a un caractère probant, que le Docteur L. a méconnu l’obligation déontologique rappelée par ces dispositions ; qu’en effet, selon l’expert, la nécessité de dévitaliser la dent 17 et de déposer l’amalgame des dents 16 et 17 n’est pas établie, que le traitement de la dent 16 a été incomplet, toutes les racines n’ayant pas été traitées et, que les bilans radiographiques qui ont été réalisés ont été défectueux ; que l’intéressé ne peut utilement se prévaloir à cet égard de la mauvaise qualité, selon lui, de l’équipement radiologique dont il disposait comme salarié dès lors qu’il lui appartenait s’il estimait ce matériel insuffisant médicalement de se refuser à l’employer ; que les appréciations formulées dans le rapport d’expertise judiciaire ont été confirmées par le rapport d’expertise du Docteur Hugues AUBERT, agissant pour le compte de la société de protection juridique de la patiente, rapport qui a également un caractère probant et selon lequel « les traitements canalaires initiaux des dents 16 et 17 réalisés par le Docteur L. sont incontestablement de mauvaise qualité et ne correspondent pas aux données actuelles de la science.
Cela ne peut en aucun cas être considéré comme un aléa » ; que selon le Professeur GOGA « dans la mesure où cette dent 16 paraît perdue et qu’elle était à la base une dent vivante, il y a lieu d’en prévoir le remplacement par un implant » ; que, s’agissant de la dent 17, le Docteur AUBERT préconise le démontage de la prothèse, la reprise correcte de l’endodontie, la reconstruction de la dent et la réalisation à nouveau de son couronnement avec un bon ajustage ;
Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article précité du code de la santé publique : « Le chirurgien-dentiste qui a accepté de donner des soins à un patient s’oblige (…) / 2° A agir toujours avec correction et aménité envers le patient et à se montrer compatissant envers lui ; / 3° A se prêter à une tentative de conciliation qui lui serait demandée par le président du conseil départemental en cas de difficultés avec un patient » ; qu’il résulte du témoignage des deux conseillers ordinaux qui ont organisé la tentative de conciliation qui a eu lieu le 4 décembre 2013 entre le Docteur L. et Madame P.
que le Docteur L. a eu lors de cette séance une attitude inacceptable à l’égard de Madame P., caractérisée par un manque d’aménité et un comportement d’intimidation ; que la circonstance qu’à la date à laquelle cette tentative de conciliation a eu lieu le Docteur L. n’était plus le chirurgiendentiste traitant de Madame P. ne le dispensait pas de son devoir d’aménité à l’égard de celle-ci ;
qu’en ne s’y conformant pas, le Docteur L. a manqué à ses obligations déontologiques ;
Considérant, en troisième lieu, que le Docteur L. a également manqué à ses obligations en ne fournissant pas à Madame P., en réponse à ses demandes, les coordonnées de son assurance de responsabilité civile professionnelle ;
Considérant, en revanche, qu’il ne peut être reproché au Docteur L. de ne pas s’être prêté à la nouvelle tentative de conciliation organisée le 26 mars 2014 dès lors qu’ainsi qu’il vient d’être dit il avait déjà participé à la tentative de conciliation qui s’est tenue le 4 décembre 2013 ; que, de même, le Docteur L. n’était pas tenu de se rendre à l’expertise judiciaire ni de formuler pour celle-ci des observations ; qu’il n’est pas établi qu’il ait restitué à la patiente son dossier médical dans des conditions critiquables ; qu’enfin il n’y a pas lieu de donner suite à la demande d’injonction présentée par Madame P. et tendant à obtenir la lettre par laquelle la Mutuelle X. a licencié le Docteur L. ;
Considérant que les fautes déontologiques commises par le Docteur L. à l’occasion des soins dispensés à Madame P. justifient d’être sanctionnées disciplinairement ; qu’il sera fait cependant une plus juste appréciation de leur gravité en ramenant à deux mois la durée de la sanction d’interdiction temporaire d’exercer la profession de chirurgien-dentiste décidée par les premiers juges ;
- Sur les frais exposés par Madame P. :
Considérant qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de condamner le Docteur L. à payer à Madame P. la somme de 2 000 € au titre des frais exposés par elle ;
3.

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DE L’ORDRE DES CHIRURGIENS-DENTISTES 16 rue Spontini – 75116 PARIS
DECIDE :
Article 1er :

La durée de l’interdiction temporaire d’exercer la profession de chirurgien-dentiste pendant un an qui a été infligée au Docteur G.L. par la décision, en date du 25 juin 2015, de la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des chirurgiensdentistes du Centre – Val de Loire est fixée à deux mois. Cette sanction sera exécutée pendant la période du 1er avril 2017 au 31 mai 2017 inclus.

Article 2 :

La décision, en date du 25 juin 2015, mentionnée à l’article 1er ci-dessus est réformée en ce qu’elle a de contraire à la présente décision.

Article 3 :

Le Docteur G.L. est condamné à payer à Madame P.L. la somme de 2 000 €, sur le fondement de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 :

La présente décision sera notifiée :
- au Docteur G.L., chirurgien-dentiste,
- à Maître Pascal BELLANGER, avocat,
- à Madame P.L., patiente, auteur de la plainte,
- à Maître Marie-Pierre JAUNAC, avocate,
- au conseil départemental de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de l’Indre et Loire,
- au conseil départemental de l’Ordre des chirurgiens-dentistes de la Martinique,
- à la chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre du Centre – Val de Loire,
- au conseil national de l’Ordre,
- au ministre chargé de la santé,
- au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Tours,
- au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Fort de France,
- au directeur de l’ARS du Centre – Val de Loire.
- au directeur de l’ARS Antilles-Guyane.

Délibéré en son audience du 3 novembre 2016, où siégeaient Monsieur de VULPILLIÈRES, conseiller d’Etat honoraire, président, les Docteurs BIAS, FOURNIER, JOURDES, LUGUET, MOLLA et
VOLPELIÈRE, chirurgiens-dentistes, membres de la chambre disciplinaire nationale.
Décision rendue publique par affichage le 29 décembre 2016.

LA GREFFIERE de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des chirurgiens-dentistes
LE CONSEILLER D’ETAT (H)
Président de la chambre disciplinaire nationale de l’Ordre des chirurgiens-dentistes
J.F. de VULPILLIERES
C. BOURGOUIN
La République mande et ordonne au ministre chargé de la santé en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

4.

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Ordre national des chirurgiens-dentistes, Chambre disciplinaire nationale, 29 décembre 2016, n° 2424