Conseil national de l'Ordre des pharmaciens, Affaire AD/05376-2/CN, 30 avril 2021

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
ONPH, 30 avr. 2021
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Texte intégral

CONSEIL NATIONAL DE
L’ORDRE DES PHARMACIENS
Chambre de discipline
N° AD/05376-2/CN __________
Président du conseil régional de l’ordre des pharmaciens de Basse-Normandie (devenu Normandie) c/ M. A M. B __________ Mme Martine Denis-Linton, présidente __________ Mme Anne-Sylvie Brunel-Lefebvre, rapporteur __________
Audience du 30 mars 2021
Lecture du 30 avril 2021
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Le vice-président du conseil régional de l’ordre des pharmaciens de Basse-Normandie (devenu Normandie) a transmis au président de la chambre de discipline de son conseil la plainte du président du conseil régional de l’ordre des pharmaciens de Basse-Normandie, enregistrée à ce conseil le 30 avril 2018. Cette plainte est dirigée contre M. A et M. B, pharmaciens co-titulaires, à la date des faits.
Par une décision du 19 octobre 2018, la chambre de discipline du conseil régional de l’ordre des pharmaciens de Basse-Normandie a prononcé à l’encontre de M. A et de M. B les sanctions de l’interdiction d’exercer la pharmacie pendant une durée de trente jours, dont quinze jours avec sursis.
Procédure devant la chambre de discipline du Conseil national de l’ordre des pharmaciens :
Par une requête et des mémoires enregistrés à la chambre de discipline du Conseil national le 22 novembre 2018, le 23 novembre 2020, le 8 décembre 2020 et régularisé le 5 janvier suivant, et le 25 février 2021, M. A et M. B, représentés par Me C, demandent à la juridiction d’appel :

N° AD/05376-2/CN 2 1°) à titre principal, d’annuler cette décision ;
2°) à titre subsidiaire, de ne pas prononcer de sanction à leur encontre ;
3°) à titre infiniment subsidiaire, de prononcer à leur encontre la sanction de l’avertissement ;
4°) de mettre à la charge du conseil régional de l’ordre des pharmaciens de Normandie la somme de 8 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
Ils soutiennent que :
- la sanction disciplinaire ne peut se fonder que sur des éléments de preuve soumis au contradictoire et l’article du journal « Z » n’a jamais été versé aux débats ;
- M. A n’a pas prêté son concours actif à la rédaction de cet article ; seuls les propos de M. B ont été rapportés et ce dernier apparaît seul sur la photographie ;
- la sanction prononcée contre M. A est contraire au principe de responsabilité personnelle ;
- M. B n’est pas à l’initiative de la publication ;
- les propos tenus par M. B étant généraux et objectifs, les informations ont été données avec tact et mesure ;
- l’article R. 5125-26 du code de la santé publique autorise la diffusion d’information sur l’activité de parapharmacie, les dates de transfert, le nom des pharmaciens et la nouvelle adresse ;
- l’information sur l’existence d’un accès extérieur à la pharmacie participe au service public à l’objectif de continuité des soins ;
- la photographie permet aux lecteurs de mettre un visage sur l’un des deux pharmaciens titulaires ;
- les informations données au journaliste ont été sélectionnées ;
- ils n’ont jamais fait l’objet de poursuite disciplinaire en 34 ans de carrière ;
- la cour de justice de l’Union européenne et le projet de réforme du code de déontologie des pharmaciens tendent vers l’ouverture de la publicité ;
- le décret n° 2020-1662 du 22 décembre 2020 a modifié le code de déontologie des médecins pour lesquels la publicité a été assouplie ;
- la sanction est disproportionnée ;
- ils ont cédé leur officine en juin 2019 et depuis sont radiés du tableau de l’ordre.
Par un mémoire enregistré le 2 novembre 2020, le président du conseil régional de l’ordre des pharmaciens de Normandie conclut au rejet de l’appel.
Il fait valoir que :
- sa plainte n’est pas abusive, sa mission étant d’assurer le respect des devoirs professionnels et la défense de l’honneur et de l’indépendance de la profession ;
- M. A et M. B ont activement participé à la rédaction de l’article dès lors que la photographie de M. B a été prise au sein de l’officine, et que ses propos sont repris ;
- les informations contenues dans l’article ont été recueillies par le journaliste ;
- les pharmaciens poursuivis ont méconnu leur devoir de confraternité en promouvant leur officine ;
- M. A ne pouvait s’exonérer de toute responsabilité dès lors que M. B s’exprimait au nom de tous les associés ;

N° AD/05376-2/CN 3
- son nom étant cité, M. A ne peut soutenir qu’il n’a pas été mis au courant pour l’article.
Par une ordonnance du 1er février 2021, la clôture de l’instruction a été fixée au 15 mars 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l’ordonnance n° 2020-1402 du 18 novembre 2020 ;
- le décret n°2020-1406 du 18 novembre 2020 ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.
Ont été entendus au cours de l’audience, tenue à huis clos :
- le rapport de Mme Brunel-Lefebvre,
- les explications de M. A et de M. B, à distance par visioconférence,
- les observations du président du conseil régional de l’ordre des pharmaciens de
Normandie, à distance par visioconférence,
- les observations de Me C, à distance par visioconférence, pour M. A et M. B.
Les pharmaciens poursuivis ont eu la parole en dernier.
Considérant ce qui suit :
1. Le président du conseil régional de l’ordre des pharmaciens de Basse-Normandie (devenu Normandie) a formé une plainte contre M. A et M. B, pharmaciens co-titulaires, à la date des faits, de la « Pharmacie B-A » située … à … Cette plainte fait suite à la publication d’un article dans le journal « Y », le 6 février 2018, concernant l’officine des deux pharmaciens. M. A et M. B font appel de la décision du 19 octobre 2018 par laquelle la chambre de discipline du conseil régional de l’ordre des pharmaciens de Basse-Normandie a prononcé à leur encontre les sanctions de l’interdiction temporaire d’exercer la pharmacie pour une durée de trente jours, dont quinze jours avec sursis.
Sur la régularité de la décision de première instance :
2. Les juridictions disciplinaires de l’ordre des pharmaciens, saisies d’une plainte contre un pharmacien, peuvent légalement connaître de l’ensemble du comportement professionnel de l’intéressé, sans se limiter aux faits dénoncés dans la plainte ni aux griefs articulés par le plaignant. En conséquence, les chambres de discipline des conseils de l’ordre des pharmaciens peuvent se fonder, pour infliger une sanction à un pharmacien sur des griefs nouveaux qui n’ont pas été dénoncés dans la plainte soumise à la chambre disciplinaire, à condition toutefois d’avoir mis au préalable les intéressés à même de s’expliquer sur ces griefs.
3. Pour infliger à M. A et M. B les sanctions dont ils demandent l’annulation, la chambre de discipline du conseil régional de l’ordre des pharmaciens de Basse-Normandie a notamment retenu à leur encontre la parution d’un article dans le journal « Z ». Il résulte de l’instruction que cet article n’a pas été versé au dossier de première instance, cet élément étant ressorti des débats à l’audience, et il n’est pas contesté que les pharmaciens poursuivis n’ont pas été mis à N° AD/05376-2/CN 4 même de présenter utilement leur défense. Faute d’y avoir procédé, la chambre de discipline du conseil régional a entaché sa décision d’irrégularité qui doit être annulée pour ce motif. L’affaire étant en l’état, il y a lieu d’évoquer et, par-là, de statuer en qualité de juge de première instance.
Sur le fond :
4. Aux termes de l’article R. 4235-21 du code de la santé publique : « Il est interdit aux pharmaciens de porter atteinte au libre choix du pharmacien par la clientèle. Ils doivent s’abstenir de tout acte de concurrence déloyale ». L’article R. 4235-22 du même code dispose que « Il est interdit aux pharmaciens de solliciter la clientèle par des procédés et moyens contraires à la dignité de la profession ». Aux termes de l’article R. 5125-26 de ce code : « La publicité en faveur des officines de pharmacie n’est autorisée que dans les conditions et sous les réserves ci-après définies : / 1° La création, le transfert, le changement de titulaire d’une officine, ainsi que la création d’un site internet de l’officine peuvent donner lieu à un communiqué dans la presse écrite limité à l’indication du nom du pharmacien, de ses titres universitaires, hospitaliers et scientifiques figurant sur la liste établie par le Conseil national de l’ordre des pharmaciens, mentionnée à l’article R. 4235-52, l’adresse du site internet de l’officine, le nom du prédécesseur, l’adresse de l’officine avec, le cas échéant, la mention d’activités liées au commerce des marchandises figurant sur la liste mentionnée au premier alinéa de l’article L. 5125-24 (…) ; / 2° Outre les moyens d’information sur l’officine mentionnés à l’article R. 4235-57, les pharmaciens peuvent faire paraître dans la presse écrite des annonces en faveur des activités mentionnées au 1° ci-dessus d’une dimension maximale de 100 cm2, comportant leur nom et adresse ainsi que les numéros de téléphone et de télécopie et les heures d’ouverture des officines. ».
5. Le président du conseil régional de l’ordre des pharmaciens de Normandie reproche à M. A et M. B la publication dans le journal « Y », d’un article intitulé « Déménagement. La pharmacie s’agrandit », accompagné d’une photographie de M. B, posant au milieu des rayons de la nouvelle officine.
Sur la responsabilité des deux pharmaciens :
6. Il résulte de l’instruction, et il n’est pas contesté par le président du conseil régional, que M. A n’était pas présent dans l’officine lors de la venue inopinée du journaliste dont il n’a pas été informé, et que seul M. B a répondu aux questions. Dès lors, il ne peut être regardé comme responsable du contenu de l’article reproché. Il y a donc lieu de rejeter la plainte formée par le président du conseil régional à l’encontre de M. A.
Sur les griefs tirés de la publicité :
7. Il ressort de la lecture de l’article litigieux que si certaines informations relèvent de la publicité tels que l’agrandissement de la superficie de la pharmacie et de la gamme de la parapharmacie, ou la photographie présentant les rayons de parapharmacie, l’article porte essentiellement sur le transfert de l’officine vers son nouvel emplacement, dont la publicité est autorisée sur le fondement de l’article R. 5126-26 du code de la santé publique. En outre, les informations portant sur l’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite, l’accès extérieur de la pharmacie ou encore la composition de l’équipe officinale, énoncées avec tact et mesure, ne revêtent pas un caractère publicitaire.

N° AD/05376-2/CN 5
Sur les griefs tirés de la concurrence déloyale et l’atteinte au libre choix du patient de sa pharmacie :
8. Il n’est pas établi par le président plaignant que l’article litigieux a constitué un acte de concurrence déloyale pour les pharmacies situées à proximité ou a porté atteinte au libre choix de la pharmacie par la clientèle. Dès lors, ces griefs sont écartés.
9. Il résulte de tout ce qui précède, au regard des informations publiées dans la presse, qu’il sera fait une juste application des sanctions prévues par la loi en prononçant à l’encontre de M. B la sanction de l’avertissement.
Sur l’application des dispositions de l’article 75 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique :
10. Aux termes de l’article 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 applicable aux juridictions disciplinaires : « I. – Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation ».
11. Dans les circonstances de l’espèce, il n’y a pas lieu de mettre à la charge du conseil régional de l’ordre des pharmaciens de Normandie la somme de 8 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :
Article 1er : La décision du 19 octobre 2019 par laquelle la chambre de discipline du conseil régional de l’ordre des pharmaciens de Basse-Normandie a prononcé à l’encontre de M. A et de M. B les sanctions de l’interdiction d’exercer la pharmacie pour une durée de trente jours dont quinze jours avec sursis est annulée.
Article 2 : Il est prononcé à l’encontre de M. B la sanction de l’avertissement.
Article 3 : La plainte formée par le président du conseil régional de l’ordre des pharmaciens de Normandie contre M. A est rejetée.
Article 4 : Le surplus des conclusions formées par M. A et M. B est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à :
- M. A ;
- M. B ;
- M. le président du conseil régional de l’ordre des pharmaciens de Normandie ;
- M. le président de la chambre de discipline du conseil régional de l’ordre des pharmaciens de
Normandie ;
- M. le directeur général de l’agence régionale de santé de Normandie ;
- Mmes et MM. les présidents des conseils centraux de l’ordre des pharmaciens ;
- M. le ministre des solidarités et de la santé.

N° AD/05376-2/CN 6
Et transmise à Me C.
Délibéré après l’audience du 30 mars 2021, tenue à huis-clos, où siégeaient : Mme Denis-Linton, présidente, M. Bonnemain – Mme Brunel-Lefebvre – M. Caillier – M. Delgutte – M. Desmas – Mme Goudable – Mme Haro-Brunet – Mme Jourdain-Scheuer – M. Leblanc – M. Libaud – Mme Bordes – Mme Pansiot – Mme Wolf-Thal.

Lu par affichage public le 30 avril 2021.

Signé
La Conseillère d’Etat
Présidente de la chambre de discipline du
Conseil national de l’Ordre des pharmaciens
Martine Denis-Linton
La présente décision peut faire l’objet d’un recours en cassation devant le Conseil d’Etat dans un délai de deux mois à compter de sa notification, en application de l’article L. 4234-8 du code de la santé publique. Le ministère d’un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation est obligatoire.

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Conseil national de l'Ordre des pharmaciens, Affaire AD/05376-2/CN, 30 avril 2021