Conseil de l'Ordre national des pharmaciens, rapport du rapporteur, Affaire 174 - Pharmacien inspecteur assermenté, n° 412-D

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
ONPH

Texte intégral

AFFAIRE A
Document n°412-R
LE RAPPORTEUR
Le 20 juin 2007, le directeur régional des affaires sanitaires et sociales de Franche-Comté a déposé plainte à l’encontre de Mme A pour avoir manqué aux obligations fixées aux articles R.
4235-11, R. 4235-14, R. 4235-12, R. 4235-10, R. 4235-2, R. 4235-3, R. 4235-5, R.4235-35, R.
4235-61, R.4235-64 et R.4235-62 du code de la santé publique — ANNEXE I.
Cette plainte a été adressée le jour même, par télécopie, au Conseil régional de l’Ordre des pharmaciens qui enregistra le lendemain, 21 juin 2007, le courrier correspondant.
I — HISTORIQUE Mme A est pharmacien, titulaire de la Pharmacie A sise … depuis le 1er septembre 2003. Le chiffre d’affaires de cette officine nécessite la présence d’un pharmacien adjoint. Depuis sa prise de possession, Mme A a été inspectée deux fois (10 septembre 2004 et 24 mai 2005) sans qu’il ne soit relevé, semble-t-il, de faits susceptibles de justifier une procédure disciplinaire.
Cependant, M. L, pharmacien inspecteur, suite au contrôle effectué le 10 décembre 2004, écrivait dans les conclusions de son rapport :
« Compte tenu de la relative inexpérience du titulaire en matière d’officine et de sa bonne volonté évidente de réparer les écarts constatés, il n’est pas pour l’instant opportun de transmettre les constats du présent rapport pour d’éventuelles suites pénales ou disciplinaires.
Par contre, l’évolution de la tenue de l’officine fera l’objet d’un suivi particulier de la part de l’inspection régionale de la pharmacie. »
ANNEXE II.
Chronologie des faits ayant conduit à l’engagement de la procédure disciplinaire actuelle :
C’est par un courrier du 27 avril 2007 du Dr C, écrivant au nom de son fils, employé par Mme A, en qualité de pharmacien adjoint ANNEXE III- que le conseil régional de l’Ordre des pharmaciens a été saisi. Ce courrier faisait état de comportements de Mme et M. A (magistrat) envers M. B, qui auraient conduit ce dernier à la dépression et à sa mise en arrêt maladie (depuis le 21 avril) et rapportait des manquements déontologiques et professionnels dont Mme A se serait rendue coupable. Ce courrier ayant été transmis par le conseil régional aux services de l’inspection le 2 mai, M. B fut entendu au siège de ceux-ci le 7 mai. Les anomalies dénoncées par M. B, à cette occasion, concernaient la mauvaise gestion des stupéfiants, la délivrance sans ordonnance de médicaments inscrits sur les listes I ou II des substances vénéneuses ainsi que des facturations irrégulières. Afin de déterminer la réalité du problème, deux pharmaciens inspecteurs (M. L et Mme M) se sont rendus sur place les 9 et 14 mai, puis les 4 et 8 juin. Mme A a également été entendue au siège de l’inspection les 5 et 11 juin. M. B l’étant, de son côté, le 15 juin (les procès-verbaux de chacune des auditions ayant été transmis au procureur de la
République en raison des infractions constatées, ne figurent pas dans le dossier disciplinaire).
Les inspecteurs ont noté dans leur rapport que les relations entre Mme A et M. B s’étaient dégradées lorsque celui-ci avait fait part de son souci dans la comptabilité des stupéfiants. Mme A, pour justifier l’éventualité d’une procédure de licenciement à son égard, a reproché à M. B un comportement bizarre, une méconnaissance du stock et de l’emplacement de produits, des erreurs dans la délivrance de Méthadone (délivrance d’un dosage à 10 mg alors que le médecin avait prescrit 2 fois 5 mg afin d’essayer de diminuer la posologie) et, plus généralement, une méconnaissance des médicaments et de leurs génériques.

Les infractions relevées dans le rapport d’inspection sont les suivantes :
− emploi d’un étudiant non thésé (M. B) à la place d’un pharmacien adjoint ;
− absence d’écrit définissant de façon précise les attributions ou les délégations de M. B ;
− non respect à l’égard de M. B du devoir de confidentialité et d’indépendance vis-à-vis d’un tiers : « En sollicitant une tierce personne pour intervenir dans le fonctionnement de l’officine, Mme A a aliéné son indépendance professionnelle ; elle est susceptible d’avoir essayé d’influencer son salarié en utilisant le prestige lié à la fonction de son époux (magistrat), ce qui n’est pas une attitude confraternelle vis-à-vis de son salarié ; en communiquant à son époux des informations relatives au fonctionnement de son officine et au travail de ses salariés, Mme A est susceptible d’avoir manqué à son devoir de confidentialité » ;
− dernier contrôle de la balance électronique datant de juillet 2005 − non inscription sur le registre spécial des produits dérivés du sang humain, d’un médicament acheté et délivré le 5 octobre 2006 (la première inscription du registre date du 8 octobre 2005 et la dernière du 7 juin 2007) ;
− mauvaise gestion des produits stupéfiants :
• produits destinés à des patients, stockés en attente de délivrance en dehors du coffre (Méthadone — Skénan) ;
• pas d’inventaire annuel ;
• totalité de traitement inscrit en une seule fois en cas de délivrance fractionnée ;
− cession irrégulière de Propofan ® (au moins 201 boîtes). Mme A a reconnu « avoir vendu ce médicament à raison de 3 ou 4 boîtes 2 ou 3 fois par semaine depuis 2 ou 3 ans à une seule et même personne ;
− suspicion de délivrance sans prescription à un patient fictif (inscription à l’ordonnancier de Viagra à une femme) ;
− non inscription des adresses des patients (il est seulement fait mention dans certains cas de la commune) ;
− pas de formation continue depuis la reprise de l’officine.
La procédure disciplinaire a été engagée par le directeur régional des affaires sanitaires et sociales de Franche-Comté le jour même où lui fut transmis le rapport d’inspection. La procédure habituelle, bien que non obligatoire, des inspections pharmaceutiques, à savoir l’établissement d’un pré rapport permettant au pharmacien de faire des observations et d’apporter des corrections dans son exercice n’a pas, ici, été appliquée.
II – APPLICATION DE LA PROCEDURE D’URGENCE PRÉVUE PAR L’ARTICLE L.
4221-18 DU CODE DE LA SANTÉ PUBLIQUE :
Parallèlement à la procédure disciplinaire, le préfet du …, préfet de région, a pris le 20 juillet 2007, un arrêté suspendant Mme A du droit d’exercer pour une durée maximale de 5 mois —
ANNEXE IV.
En application de l’art. L. 4221-18 du code de la santé publique, Mme A ayant été entendue à la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, sans que sa situation ne soit modifiée, a introduit une procédure de référé au tribunal administratif. Cette procédure donna lieu à une ordonnance de rejet le 9 août 2007 — ANNEXE V – motivée par le fait que Mme A pouvant faire procéder à son remplacement, la décision attaquée ne portait pas atteinte, de manière générale, à ses intérêts, et que donc, les conditions d’urgence n’étaient pas réunies pour que le juge des référés suspende l’arrêté préfectoral pris à son encontre. Cette décision fut confirmée par la suite par le Conseil d’Etat. Saisi d’une seconde requête en référé à l’encontre de l’arrêté préfectoral du 20 juillet 2007, pour absence de motivation suffisante, le juge rejeta, le 15 novembre 2007, cette nouvelle requête — ANNEXE VI.

De son côté, le Conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de Franche-Comté avait décidé, dès le 6 septembre 2007, que c’était, à juste titre, que le préfet du … avait pris, à l’égard de Mme A, cette mesure de suspension temporaire — ANNEXE VII.

III — PROCEDURE DISCIPLINAIRE DE PREMIERE INSTANCE :
Le conseiller rapporteur désigné a entendu M. B le 7 août 2007 et Mme A le 1er octobre 2007.
Son rapport figure en ANNEXE VIII.
Dans un mémoire en défense daté du 2 octobre 2007 — ANNEXE IX — Me FALLOURD, conseil de Mme A, fait observer, à titre liminaire, que la plainte contre sa cliente repose, d’une part, sur les constatations faites par l’inspecteur au sein de l’officine, et d’autre part, sur l’ensemble des « accusations » portées par M. B, résultant soit de courriers, soit de procèsverbaux qui n’ont pas été portés à la connaissance de Mme A, et, a fortiori, ne lui ont pas été notifiés en annexes de la plainte. Dans ces conditions, Me FALLOURD estime que les droits de la défense n’ont pas été respectés. Sur les griefs proprement dit, Me FALLOURD a soutenu qu’aucune conséquence déontologique ne pouvait être tirée des conditions dans lesquelles Mme A avait été amenée à formuler un avertissement à M. B ; que celui-ci avait fait une relation des faits inexacte. Que, notamment, Mme A n’avait à aucun moment sollicité l’intervention de son mari ; que les conditions de l’intervention de celui-ci, qui ne l’avaient à aucun moment amené à connaître de données personnelles des clients de l’officine, n’avaient en rien conduit à la violation des dispositions de l’art. R. 4235-5 du code de la santé publique relatives au secret professionnel, non plus qu’à la méconnaissance du devoir de confidentialité ;
- que l’infraction à l’obligation d’employer un adjoint à plein temps, ne pouvait être regardée comme constituée, eu égard, d’une part, au paradoxe qui caractérise le statut des étudiants en pharmacie préparant leur thèse, qui était celui de M. B, et d’autre part, à la circonstance que, sauf pour une période de 5 jours, la pharmacie disposait d’un autre pharmacien adjoint ;
- que le grief de ne pas avoir procédé à la définition écrite des attributions du pharmacien adjoint, était véniel, et qu’il y avait été remédié à la suite de l’inspection ;
- que les anomalies de tenue du registre des stupéfiants étaient largement imputables aux négligences de M. B ;
- que le relevé d’une seule omission sur le registre des médicaments dérivés du sang ne suffit pas à caractériser une infraction
- que si des quantités anormales de délivrances de Propofan ® sans ordonnance avaient été constatées, il convenait (le relever qu’un seul patient était concerné ;
- que dans un premier temps, les doses avaient pu être recoupées avec les prescriptions du médecin traitant
- que ce patient était très suivi médicalement et que, notamment, ses analyses n’avaient jamais révélé de troubles métaboliques.

Me FALLOURD affirmait que c’était sous l’égide de M. B que des doses manifestement excessives avaient, par la suite, été délivrées, et fournissait un témoignage en ce sens de la personne concernée — ANNEXE X.
Me FALLOURD concluait en demandant au conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de
Franche-Comté la plus grande indulgence à l’égard de sa cliente. Dans sa séance du 18 octobre 2007, ledit conseil décida la traduction de Mme A en chambre de discipline — ANNEXE XI.
Lors de son audience du 26 novembre 2007, la chambre de discipline du conseil régional de l’Ordre des pharmaciens de Franche-Comté a jugé qu’il serait fait une juste appréciation des circonstances de cette affaire, en prononçant à l’encontre de Mme A, une interdiction d’exercer la pharmacie pour une durée de 3 ans – ANNEXE XII.
IV — APPEL
Cette décision lui ayant été notifiée le 21 décembre 2007, Mme A en a interjeté appel le 14 janvier 2008. Sa requête, transmise par télécopie, fut enregistrée le jour même au greffe du
Conseil national de l’Ordre des pharmaciens, le courrier recommandé correspondant l’étant le 17 janvier suivant — ANNEXE XIII.
Me FALLOURD souligne à nouveau la violation des droits de la défense, en raison de l’absence de communication de certaines pièces entachant incontestablement de nullité la décision de première instance. Il précise que sa cliente n’a été convoquée, ni par les services de police, ni par un juge d’instruction, ni même, n’a été citée directement devant le tribunal correctionnel. Au sens strict de la loi, aucune procédure pénale n’est donc en cours, et rien ne s’opposait à ce que les procès- verbaux d’audition de M. B ne soient communiqués et joints au dossier disciplinaire.
De plus, le déroulement de l’audience elle-même, est critiqué par Me FALLOURD selon lequel, en ayant accepté d’entendre en qualité de témoin Mme D, l’un des deux pharmaciens inspecteurs, partie à la procédure, la chambre de discipline aurait également entaché sa décision de nullité. Sur le fond du dossier, il est pris acte du fait que les premiers juges ont relaxé Mme A du grief d’atteinte à l’indépendance d’un collaborateur aux obligations de la confraternité et au secret professionnel, et ont relativisé, en fonction des explications fournies, un certain nombre d’autres griefs, tels ceux concernant l’absence de pharmacien assistant, l’absence d’attribution écrite, l’absence de contrôle annuel de la balance du préparatoire ou le défaut de l’inscription d’une délivrance au registre des médicaments dérivés du sang. Concernant la gestion des stupéfiants, Me FALLOURD indique que le seul reproche qu’on puisse, à ce titre, formuler à l’encontre de Mme A, relève, non pas de la tenue et de la gestion du stock, mais de l’inscription comptable de celui-ci, infraction qu’il qualifie de vénielle, dans la mesure où aucun déficit n’a été constaté entre les entrées et les sorties des produits stupéfiants. Concernant les délivrances anormales de Propofan ®, Me FALLOURD s’étonne que la décision querellée soit muette sur les explications fournies par sa cliente :
« Or, Mme A ne s’est pas contentée de proférer des affirmations péremptoires au soutien de ses déclarations, mais a versé au débat le témoignage du patient en cause, lequel, vient confirmer l’intégralité des explications fournies par la concluante et ce, dans des termes particulièrement explicites «… connaissant Mme A, je m’étais permis de lui demander de bien vouloir me dépanner de Propofan ®, du fait de douleurs dues à une ostéonécrose, et handicapé par une prothèse totale de la hanche gauche. Mme A ayant vu une ordonnance prescrite par le Dr E, mon médecin de famille, qui prescrivait la prise de Propofan ® plusieurs fois par jour. Mme A a téléphoné à mon médecin et ils se sont mis d’accord pour que je puisse avoir 2 à 3 boîtes par semaine… Quand je venais chercher ce médicament, je m’adressais à Mme A, qui me délivrait des quantités prévues.
A l’arrivée de M. B, avec qui, nous avons tout de suite sympathisé, j’ai pu obtenir du Propofan ® au-delà de ce qui était prévu avec Mme A. Il m’a dit que je pouvais passer les prendre après 12 h car Mme A quittait la pharmacie à 12 h, cela m’arrangeait car je quittais mon travail à 12 h. M. B me délivrait autant de boîtes que je voulais, en général, 2 à 3 boîtes par jour et jusqu’à une douzaine quand je lui disais que je partais en vacances et qu’il en commandait des tonnes.
Prenant 2 à 3 boîtes par jour, sans que cela altère ma vie sociale et familiale, je pensais être libre de me médicaliser. De plus, j’arrive à me fournir dans d’autres pharmacies sans autre problème… ».
Me FALLOURD souligne que la décision de première instance a été totalement silencieuse sur cette attestation dont elle s’est gardée d’évoquer, ne serait-ce, que l’existence. Sur la suspicion de délivrance au nom d’un patient fictif, Mme A a reconnu qu’en fait, il s’agissait du dépannage pour des clients réguliers de l’officine, sans facturation à la sécurité sociale, les médicaments étant réglés directement par les patients et, qu’à cette occasion, des erreurs avaient pu être faites concernant l’identité des prescripteurs habituels. Enfin, concernant la délivrance de prescriptions présentant des quantités excessives aux yeux des inspecteurs, il serait agi d’un traitement concernant un seul malade souffrant d’une dépression majeure. Me FALLOURD déplore que les pharmaciens inspecteurs n’aient pas pris contact avec le prescripteur, la lecture des prescriptions laissant présager qu’il s’agissait un patient présentant une pathologie particulière. Me FALLOURD observe qu’il n’a été répondu ni aux observations faites, relatives à la liberté de prescription accordée au médecin, ni à la démarche responsable de Mme A, l’ayant amenée à contacter celui-ci avant toute délivrance. En conclusion, la sévérité de la sanction est soulignée, d’autant, qu’il n’a, semble-t-il, pas été tenu compte de la suspension de 5 mois prononcée par l’autorité administrative.
Par courrier enregistré le 5 février 2008, le plaignant a fait savoir qu’il s’en tenait à ses premiers écrits produits en première instance (rapport d’inspection et plainte). Néanmoins, afin d’éclairer plus complètement la chambre de discipline, il joignait copie des mémoires produits par le préfet du … dans le cadre des deux référés et du recours présenté par Mme A devant le tribunal administratif de … — ANNEXE XIV.
J’ai reçu, le 3 avril 2008, Mme A, assistée de Me SAPONE, au siège du Conseil national de l’Ordre des pharmaciens. Mme A a déclaré s’en remette aux précédentes écritures de son avocat, Me FALLOURD, déjà versées au dossier. Elle a précisé que l’arrêté du préfet du … en date du 20 juillet 2007, l’ayant suspendue du droit d’exercer pendant 5 mois, venait d’être annulé le 20 mars 2008 par le tribunal administratif de … pour insuffisance de motivation —
ANNEXE XV.
Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, il vous appartient de dire la suite qu’il échet de donner à l’appel interjeté par Mme A.

4 avril 2008
Le rapporteur
Signé

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