Tribunal administratif d'Amiens, 12 juin 2012, n° 1100210

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Amiens, 12 juin 2012, n° 1100210
Juridiction : Tribunal administratif d'Amiens
Numéro : 1100210

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

D’AMIENS

N° 1100210

___________

M. B X

___________

Mlle Florent

Rapporteur

___________

Mme de Laporte

Rapporteur public

___________

Audience du 29 mai 2012

Lecture du 12 juin 2012

___________

bp

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif d’Amiens

(4e chambre)

Vu la requête, enregistrée le 24 janvier 2011, présentée par M. B X, demeurant XXX à Lachapelle-aux-Pots (60650) ; M. X doit être regardé comme demandant au Tribunal :

1°) d’annuler les décisions des 8 juin et 29 novembre 2010 par lesquelles l’inspecteur du travail de Beauvais et le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ont autorisé son licenciement pour motif économique ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………….

Vu le mémoire, enregistré le 2 mai 2011, présenté pour la société Z E H, par Me Axelroude, qui conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. X la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………….

Vu le mémoire, enregistré le 12 juillet 2011, présenté pour M. X, par Me Vrillac, qui conclut aux mêmes fins et demande en outre à ce que soit mise à la charge de la société Z E H la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

……………………………………………………………………………………………………….

Vu les décisions attaquées ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu, au cours de l’audience publique du 29 mai 2012 :

— le rapport de Mlle Florent, conseiller,

— les conclusions de Mme de Laporte, rapporteur public,

— et les observations de Me Axelroude, pour la société Z E H ;

Considérant que M. X, membre du comité d’établissement et délégué du personnel, a été recruté en qualité de technicien de maintenance le 1er janvier 2001 par la société E Systèmes de freinage, devenue la société Z E H, appartenant au groupe international E ; que suite à des difficultés économiques, la société Z E H a décidé la fermeture de l’établissement de Beauvais au sein duquel était employé M. X et a sollicité, suite au refus par ce dernier de la proposition de reclassement qui lui avait été faite, l’autorisation de le licencier pour motif économique ; que, par décision du 8 juin 2010, l’inspecteur du travail de Beauvais a autorisé ce licenciement ; que, saisi sur recours hiérarchique, le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique a confirmé cette autorisation par décision du 29 novembre 2010 ; que, par la présente requête, M. X demande l’annulation de ces deux décisions ;

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

Considérant qu’aux termes de l’article L. 1233-3 du code du travail : « Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d’une suppression ou transformation d’emploi ou d’une modification, refusée par le salarié, d’un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. » ; qu’aux termes de l’article L. 1233-4 du même code : « Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré dans l’entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l’entreprise appartient. / Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. » ;

Considérant qu’en vertu des dispositions précitées du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient dans l’intérêt de l’ensemble des travailleurs qu’ils ont vocation à représenter d’une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement de l’un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou briguées, ou l’appartenance syndicale de l’intéressé ; que dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l’inspecteur du travail saisi et, le cas échéant, au ministre compétent de rechercher, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si la situation de l’entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte, notamment, de la nécessité des réductions d’effectifs envisagées et de la possibilité d’assurer le reclassement du salarié dans l’entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; que pour apprécier les possibilités de reclassement, l’autorité administrative est tenue, dans le cas où la société où se trouve l’emploi du salarié protégé concerné par le licenciement pour motif économique relève d’un groupe, et pour ceux des salariés qui ont manifesté à la demande de l’employeur leur intérêt de principe pour un reclassement à l’étranger, de faire porter son examen sur les possibilités de reclassement pouvant exister dans les sociétés du groupe, y compris celles ayant leur siège à l’étranger, dont les activités ou l’organisation offrent à l’intéressé, compte tenu de ses compétences et de la législation du pays d’accueil, la possibilité d’exercer des fonctions comparables ;

Considérant que M. X ne peut être regardé comme ayant manifesté son intérêt de principe pour un reclassement à l’étranger lors de son entretien du 15 juillet 2009 dès lors qu’il a refusé de lire et signer le questionnaire de mobilité qui lui était présenté, lequel ne présente pas un caractère illégal ; qu’ainsi, la société Z E H était déchargée de son obligation de procéder à l’examen des possibilités de reclassement pouvant exister au sein des sociétés du groupe situées à l’étranger ; que, toutefois, l’entreprise restait tenue d’accomplir les efforts nécessaires pour assurer le reclassement de M. X sur le territoire national et de présenter au salarié des propositions concrètes, précises et personnalisées de reclassement sur les postes disponibles en H ;

Considérant qu’en l’espèce, M. X occupait en dernier lieu les fonctions de technicien interface au sein de l’établissement de Beauvais, emploi classé niveau IV, échelon 3, coefficient 285 par la convention collective de la métallurgie, pour un salaire mensuel brut, hors prime, de 2 785 euros ; qu’il ressort des pièces du dossier qu’une première offre de reclassement avait été proposée au salarié pour un poste de formateur multimarque, de niveau V, échelon 1, coefficient 305 pour un salaire brut mensuel de 2 487 euros ; que M. X, qui avait accepté cette proposition de reclassement, n’a toutefois pas été retenu pour ce poste ; qu’une seconde proposition pour un emploi d’opérateur assemblage, de niveau II, échelon 3, coefficient 190, pour un salaire mensuel brut de 1750 euros, a été présentée au salarié par courrier 29 janvier 2010 et refusée par celui-ci ; que ce poste est d’un niveau inférieur à l’emploi occupé jusqu’alors par M. X et emporte pour celui-ci une baisse de rémunération de plus de 1 000 euros brut mensuel ; que si la société Z E H fait valoir que cette proposition de reclassement était accompagnée d’une liste des emplois de la société disponibles en H et que le salarié ne s’est intéressé à aucun de ces postes, une telle liste, qui n’a d’ailleurs pas été versée au dossier, ne saurait être regardée comme une proposition précise et individuelle de reclassement ; que, par ailleurs, la société Z E H ne saurait utilement soutenir que le salarié a pu réaliser, avec le concours de la société, un projet de création d’entreprise, dès lors que cet élément est indépendant des efforts de reclassement au sein de l’entreprise ou du groupe du salarié entrepris par l’employeur et préalables à toute autorisation de licenciement ; que, dans ces conditions, en se bornant, suite à l’échec de la première tentative de reclassement du salarié, à proposer à M. X une seule offre d’emploi précise pour un poste de niveau inférieur, laquelle emporte une baisse substantielle de la rémunération du salarié, et alors qu’elle n’établit pas, ni même n’allègue qu’elle aurait été dans l’impossibilité d’assurer son reclassement dans de meilleures conditions, notamment, dans des emplois équivalents de ses établissements de Moulins ou Pont-de-l’Arche, la société Z E H ne peut être regardée comme ayant accompli les efforts nécessaires de reclassement lui incombant ; que, par suite, l’inspecteur du travail et le ministre du travail ont commis une erreur d’appréciation en autorisant le licenciement de M. X pour motif économique ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à demander l’annulation des décisions de l’inspecteur du travail de Beauvais et du ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique en date des 8 juin et 29 novembre 2010 autorisant son licenciement pour motif économique ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mis à la charge de M. X, qui n’est pas la partie perdante dans la présente affaire, les frais exposés par la société Z E H et non compris dans les dépens ; qu’en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société Z E H une somme de 750 euros au titre des frais exposés par M. X et non compris dans les dépens ainsi qu’une somme de 750 euros à la charge de l’Etat sur le même fondement ;

D E C I D E :

Article 1er : Les décisions des 8 juin et 29 novembre 2010 par lesquelles l’inspecteur du travail de Beauvais et le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique ont autorisé le licenciement pour motif économique de M. X sont annulées.

Article 2 : L’Etat versera à M. X une somme de 750 (sept cent cinquante) euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : La société Z A H versera à M. X une somme de 750 (sept cent cinquante) euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la société Z E H au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. B X, au ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la société Z E H.

Délibéré après l’audience du 29 mai 2012, à laquelle siégeaient :

M. Boulanger, président,

Mme Ferrand, premier conseiller et Mlle Florent, conseiller,

Lu en audience publique, le 12 juin 2012.

Le rapporteur, Le président,

J. FLORENT Ch. BOULANGER

La greffière,

M. Y

La République mande et ordonne au ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent jugement.

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Textes cités dans la décision

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