Tribunal administratif d'Amiens, 29 décembre 2017, n° 1501837

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Amiens, 29 déc. 2017, n° 1501837
Juridiction : Tribunal administratif d'Amiens
Numéro : 1501837

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

D’AMIENS

N° 1501837 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ___________


Mme D M


M. N T AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS ___________


M. X

Rapporteur Le tribunal administratif d’Amiens ___________

(2ème Chambre) Mme Y

Rapporteur public ___________

Audience du 21 décembre 2017 Lecture du 29 décembre 2017 ___________

60-02-01-01-02-01 C+

Vu la procédure suivante :

Par un jugement du 27 avril 2017, le tribunal, avant de statuer sur les conclusions de la requête de Mme D M et de M. N T, représentés par Me Le Bonnois, tendant à voir condamnés solidairement le centre hospitalier X (CH) et la société hospitalière d’assurances mutuelles (SHAM), a ordonné une expertise médicale afin d’évaluer l’existence d’un deuil pathologique consécutif au décès de leur fille M et les préjudices en lien direct qu’ils ont subis à ce titre.

Par une ordonnance du 2 mai 2017, le vice-président du tribunal a désigné en qualité d’expert le docteur A Z.

Le rapport de l’expert a été déposé le 2 octobre 2017.

Par des mémoires, enregistrés le 24 octobre 2017 et le 12 décembre 2017, Mme M et M. T, représentés par Me Le Bonnois concluent aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et demandent en outre au tribunal :

1°) de sursoir à statuer sur leurs demandes réservées par le jugement du 27 avril 2017 dans l’attente de la décision d’appel à intervenir sur celui-ci ;

2°) d’indemniser les préjudices pour lesquels les droits ont été réservés sur la base d’une perte de chance de 90 % ou subsidiairement de 80 % ;



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3°) de condamner le centre hospitalier X à rembourser à hauteur de la fraction de la chance perdue les honoraires du médecin conseil qui s’élèvent à 3 320 euros ;

4°) de rendre le jugement à intervenir commun à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Aisne et à la mutuelle nationale territoriale.

Par un mémoire enregistré le 14 décembre 2017, le CH et la SHAM concluent au rejet de la requête.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. X,

- les conclusions de Mme Y, rapporteur public

- et les observations de Me Mazhoum, substituant Me Le Bonnois, pour Mme D M et M. N T et de Me Denys pour le CH.

Sur les conclusions indemnitaires :

1. Considérant, d’une part, que, par jugement susvisé rendu le 27 avril 2017 le tribunal a estimé que le centre hospitalier X (CH) avait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en procédant à une lecture erronée de l’image obtenue par examen au scanner du 19 mars 2012 ne permettant pas la mise en place des soins nécessaires aux pathologies cérébrales dont souffrait Mme M T, fille des requérants, et que cette faute avait emporté pour Mme M T la perte de chance à un taux de 60 % d’échapper à l’évolution fatale de la méningite à pneumocoque qui a causé son décès ; que le tribunal a fixé par ce jugement les droits à réparation de certains chefs de préjudices subis par Mme M T, et notamment, comme cela est énoncé en son point 8., le préjudice inhérent à la douleur morale que la victime d’un dommage a éprouvé du fait de la conscience d’une espérance de vie réduite en raison d’une faute du service public hospitalier dans la mise en œuvre des soins qui lui ont été donnés ; que dès lors, les requérants ne sont plus fondés à demander la réparation de ce chef de préjudice, ni la liquidation des préjudices imputables à la faute du CH, qui restaient réservés par ce jugement, en retenant une fraction de perte de chance de s’y soustraire supérieure à 60 %, le tribunal ayant épuisé sa compétence sur ces deux points ; que l’affaire étant en état, il y a lieu de statuer sur les conclusions et moyens réservés par le jugement du 27 avril 2017 ;

2. Considérant, d’autre part, qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise non contredit, que Mme M et M. T souffrent d’un syndrome dépressif réactionnel au décès de leur fille, qui est d’évolution chronique ; que ce syndrome, qui a donné lieu à une prise en charge par psychotropes, encore en cours pour M. T, est caractérisé par des rituels quotidiens consacrés à la mémoire de leur enfant, des ruminations suicidaires et une anhédonie générale ;



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que, pour Mme M, s’ajoutent à ce tableau clinique commun, des troubles de l’humeur à connotation mélancoliforme avec un sentiment d’autodépréciation ; que l’expert relève l’absence d’un état antérieur et impute explicitement ce syndrome dépressif à un contexte de deuil pathologique, dont il fixe la date de consolidation respectivement au 30 avril 2015 pour Mme M et au 9 septembre 2017 pour M. T ; que, dans ces circonstances, compte tenu de la nature et de la persistance des troubles réactionnels, cinq années après le décès de leur fille, Mme M et M. T établissent que celui-ci leur a causé directement un préjudice spécifique distinct du préjudice d’affection causé par le décès ; qu’il sont dès lors fondés à demander l’indemnisation de ce préjudice en appliquant le taux de perte de chance de survie de leur fille que le tribunal a évalué à 60 % comme il a été dit ci-dessus ;

En ce qui concerne les préjudices avant consolidation :

3. Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport de l’expert, que Mme M et M. T ont chacun subi un déficit fonctionnel temporaire de 10 % pour la période courant du décès de leur fille à la consolidation de leur état de santé ; qu’il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en le fixant à 1 100 euros pour Mme M et à 2 000 euros pour M. T ; que, compte tenu de l’application d’un taux de perte de chance de 60 %, il doit être mis à la charge du CH et de la SHAM le paiement à Mme M, en son nom personnel, de la somme de 660 euros et à M. T, en son nom personnel, de la somme de 1 200 euros, son état étant consolidé au 9 septembre 2017 ;

4. Considérant qu’il sera fait une juste appréciation des souffrances endurées par Mme M et M. T, évaluées par l’expert à 2 sur une échelle de 7, en fixant à 1 850 euros l’indemnisation de ce chef de préjudice pour chacun d’eux ; que, compte tenu de l’application d’un taux de perte de chance de 60 %, il doit être mis à la charge du CH et de la SHAM le paiement à Mme M et à M. T, en leur nom personnel, de la somme de 1 110 euros chacun en réparation de ce préjudices ;

En ce qui concerne les préjudices personnels permanents :

5. Considérant qu’il résulte de l’instruction, et notamment des conclusions de l’expert, que le déficit fonctionnel permanent de Mme M, âgée de 46 ans, est évalué à 12 % et celui de M. T, âgé de 44 ans, à 8 % ; qu’il y a lieu de fixer leur indemnisation respectivement à 16 500 euros et 10 000 euros ; que, compte tenu de l’application d’un taux de perte de chance de 60 %, il doit être mis à la charge du CH et de la SHAM le paiement à Mme M, en son nom personnel, de la somme de 9 900 euros et à M. T, en son nom personnel, de la somme de 6 000 euros en réparation de ces préjudices ;

6. Considérant qu’il sera fait une juste appréciation du préjudice d’agrément consistant en l’interruption par les requérants de toutes leurs activités sportives et de loisirs, après le décès de leur fille, et du préjudice sexuel en relation directe avec celui-ci, en l’évaluant à 2 500 euros pour chacun des parents ; que, compte tenu de l’application d’un taux de perte de chance de 60 %, il doit être mis à la charge du CH et de la SHAM le paiement à Mme M et à M. T en leur nom personnel, de la somme de 1 500 euros chacun en réparation de ces préjudices ;

En ce qui concerne les frais divers :

7. Considérant qu’il résulte de l’instruction que les requérants ont conservé à leur charge les frais et honoraires de consultation du médecin conseil afin d’évaluer leurs préjudices et celui de leur fils mineur, pour un montant de 1 560 euros ; que, compte tenu de l’application d’un taux de perte de chance de 60 %, il doit être mis à la charge du CH et de la SHAM le paiement à



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Mme M et à M. T, conjointement, de la somme de 936 euros à ce titre ; que, en revanche, il ne résulte pas de l’instruction que l’assistance que leur a apportée ce médecin dans le cadre de l’expertise diligentée pour apprécier l’existence d’un deuil pathologique, sans que cela ne soit requis par l’expert désigné par le tribunal, présente une utilité pour la solution du litige ; qu’il s’ensuit que les requérants ne sont pas fondé à demander la condamnation du CH et de la SHAM à supporter les honoraires supplémentaires d’un montant de 1 760 euros exposés à ce titre ;

8. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que le CH et de la SHAM doivent être condamnés solidairement à verser à Mme M la somme de 13 170 euros en son nom personnel et à M. T la somme de 9 810 euros ainsi que conjointement la somme de 936 euros ; que les requérants sont fondés à demander l’application des intérêts au taux légal sur ces condamnations à compter du 9 juin 2015, date de réception de leur demande préalable par le CH, et la capitalisation de ces intérêts à compter du 9 juin 2016 ainsi qu’à chaque échéance annuelle ultérieure ;

Sur les dépens et sur les frais non compris dans les dépens :

9. Considérant qu’il y a lieu en application de l’article R. 761-1 du code de justice administrative de mettre les frais de l’expertise susmentionnée confiée au Dr Z, à la charge du CH et de la SHAM, parties perdantes ; qu’il y a lieu, de mettre solidairement à la charge du CH et de la SHAM, tenues aux dépens, le versement d’une somme de 1 500 euros conjointement à Mme M et à M. T au titre de l’article L. 761-1 du même code ;

D E C I D E :

Article 1er : Le présent jugement est déclaré commun à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Aisne et à la mutuelle nationale territoriale.

Article 2 : Le centre hospitalier X et la société hospitalière d’assurances mutuelles sont condamnés à verser solidairement à Mme M la somme de 13 170 euros.

Article 3 : Le centre hospitalier X et la société hospitalière d’assurances mutuelles sont condamnés à verser solidairement à M. T la somme de 9 810 euros.

Article 4 : Le centre hospitalier X et la société hospitalière d’assurances mutuelles sont condamnés à verser à Mme M et à M. T conjointement la somme de 936 euros.

Article 5 : Les condamnations prononcées sont majorées des intérêts au taux légal à compter du 9 juin 2015. Ces intérêts seront capitalisés au 9 juin 2016 et à chaque échéance annuelle ultérieure.

Article 6 : Les dépens de l’instance sont mis à la charge du centre hospitalier X et de la société hospitalière d’assurances mutuelles.

Article 7 : Le centre hospitalier X et la société d’assurances mutuelles verseront solidairement à Mme M et à M. T la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.



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Article 8 : Le présent jugement sera notifié à Mme D M, à M. N T, au centre hospitalier X, à la société hospitalière d’assurances mutuelles, à la caisse primaire d’assurance maladie de l’Aisne et à la mutuelle nationale territoriale.

Délibéré après l’audience du 21 décembre 2017, à laquelle siégeaient :

M. Gaspon, président, M. X, premier conseiller, Mme Lambert, premier conseiller.

Lu en audience publique le 29 décembre 2017.

Le rapporteur,

Le président,

signé signé

C. X O. GASPON La greffière,

signé

C. B C

La République mande et ordonne au préfet en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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  1. Code de justice administrative
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