Tribunal administratif d'Amiens, 4ème chambre, 30 décembre 2022, n° 2003408

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Amiens, 4e ch., 30 déc. 2022, n° 2003408
Juridiction : Tribunal administratif d'Amiens
Numéro : 2003408
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 23 octobre 2020, M. A C et la société civile d’exploitation agricole (SCEA) La Folie Brouchy, représentés par Me Legru, doivent être regardés comme demandant au tribunal :

1°) de condamner la commune de Brouchy au versement d’une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice économique causé par l’implantation d’une clôture en bois aux abords des parcelles cadastrées (ANO)section ZD nos 56, 60 et 62(ANO) situées sur le territoire de la commune ;

2°) d’enjoindre à la commune de Brouchy de procéder à la démolition de cette clôture ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Brouchy la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

— l’implantation d’une clôture, qualifiée d’ouvrage public, à l’alignement de leurs parcelles, empêche l’accès à leur exploitation agricole depuis la voie communale n° 5 ;

— la responsabilité sans faute de la commune de Brouchy doit être engagée du fait du dommage permanent causé par la présence de cette clôture, dommage qui leur a causé un préjudice économique spécial et grave qu’il convient de réparer à hauteur de 10 000 euros ;

— l’édification de cette clôture engage également la responsabilité pour faute de la commune dès lors qu’elle est intervenue sans règlement de voirie en méconnaissance de l’article R. 141-14 du code de la voirie routière ainsi que sans arrêté de circulation, ni permission de voirie.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2021, la commune de Brouchy, représentée par Me Decocq, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 4 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 4 mars 2021, la clôture de l’instruction a été fixée au 5 avril 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de la voirie routière ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme D,

— les conclusions de M. Lapaquette, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. A C est propriétaire de parcelles cadastrées section (ANO)ZD n°s 56, 60 et 62(ANO) sur le territoire de la commune de Brouchy, exploitées par la société civile d’exploitation agricole (SCEA) La Folie Brouchy. A la suite d’une délibération du 10 juin 2020 du conseil municipal, le maire de la commune de Brouchy a fait procéder à des travaux d’aménagement consistant, notamment, en la pose de clôtures en bois aux abords de la voie communale n° 5 ainsi qu’en la réfection de sa chaussée. Par un courrier du 23 juin 2020, la SCEA La Folie Brouchy et M. C ont saisi le maire de la commune d’une demande, demeurée sans réponse, tendant au retrait de la clôture installée le long de leurs parcelles et les empêchant d’exercer leur activité agricole dans des conditions normales. Par leur requête, ils doivent être regardés comme demandant au tribunal la condamnation de la commune de Brouchy au versement d’une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice économique causé par cette clôture et à ce qu’il soit enjoint à la commune de Brouchy de procéder à sa démolition.

Sur la responsabilité sans faute de la commune de Brouchy :

2. D’une part, le maître de l’ouvrage est responsable, même en l’absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s’il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d’un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu’ils subissent lorsque le dommage n’est pas inhérent à l’existence même de l’ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel.

3. D’autre part, si, en principe, les modifications apportées à la circulation générale et résultant soit de changements effectués dans l’assiette, la direction ou l’aménagement des voies publiques, soit de la création de voies nouvelles, ne sont pas de nature à ouvrir droit à indemnité, il en va autrement dans le cas où ces modifications ont pour conséquence d’interdire ou de rendre excessivement difficile l’accès des riverains à la voie publique.

4. S’il est vrai, comme le soutiennent la SCEA La Folie Brouchy et M. C, que la clôture, implantée par la commune de Brouchy à l’alignement des parcelles cadastrées section (ANO)ZD nos 56, 60 et 62(ANO), a eu pour effet d’empêcher l’accès aux hangars situés sur leur exploitation agricole par le chemin le plus direct, il résulte de l’instruction que l’édification de cette clôture en bois, accessoire à l’ouvrage public constitué par la voie communale, n’a pas pour conséquence d’en interdire tout accès aux requérants, tiers à cet ouvrage, dès lors que ceux-ci peuvent toujours y accéder par la voie publique, via la rue (ANO)de Chauny(ANO), située à l’ouest de la parcelle cadastrée (ANO)ZD n° 50(ANO) leur appartenant, laquelle dessert les parcelles litigieuses par l’intermédiaire d’une voie interne. Par ailleurs, il résulte de l’instruction que si l’accès aux hangars est rendu certes plus malaisé pour les véhicules les plus imposants, la fermeture de l’accès à la voie communale par la pose de ladite clôture n’a toutefois pas eu pour effet de rendre excessivement difficile l’accès aux terrains en cause, terrains dont il reste également possible de sortir au prix d’une manœuvre aisément réalisable sur la vaste surface située devant les différents hangars et ce, même pour les engins à usage agricole détenus par les requérants.

5. Dans ces conditions, alors que les requérants ne démontrent pas le caractère grave de leur préjudice en lien avec l’ouvrage en cause, ni davantage que les modifications apportées à la voie ont eu pour conséquence d’interdire ou de rendre excessivement difficile l’accès à la voie publique, la responsabilité sans faute de la commune de Brouchy ne saurait être engagée sur le fondement des principes rappelés aux points 2 et 3.

Sur la responsabilité pour faute de la commune de Brouchy :

6. Les requérants ne peuvent utilement soutenir, pour révéler une faute de la commune de Brouchy, de nature à engager sa responsabilité, que la pose de la clôture litigieuse a été réalisée sans permission de voirie, s’agissant de l’utilisation par la commune de son domaine. Ils ne peuvent davantage soutenir que l’absence d’arrêté de circulation ou de délibération du conseil municipal serait constitutive d’une méconnaissance des articles R. 141-14 et suivants du code de la voirie routière dès lors que ces dispositions ne trouvent pas à s’appliquer lorsque les travaux sont réalisés pour la commune. En tout état de cause, il résulte de l’instruction que le conseil municipal a, par une délibération du 3 juin 2020, accepté la proposition du maire de la commune de Brouchy tendant à l’accomplissement des travaux restant à entreprendre sur la voie communale n° 5 et résultant de l’incurie de M. C à les réaliser en dépit du protocole d’accord qu’il avait conclu, le 23 septembre 2011, avec le maire de la commune. Par suite, la responsabilité de la commune ne saurait être engagée sur le fondement de la faute.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions indemnitaires de la SCEA La Folie Brouchy et de M. C doivent être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, des conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint à la commune de procéder à la démolition de la clôture objet du litige.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Brouchy, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme demandée par les requérants au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SCEA La Folie Brouchy et de M. C une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Brouchy et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SCEA La Folie Brouchy et de M. C est rejetée.

Article 2 : La SCEA La Folie Brouchy et M. C verseront à la commune de Brouchy une somme totale de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société civile d’exploitation agricole La Folie Brouchy, à M. A C et à la commune de Brouchy.

Délibéré après l’audience du 20 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

— M. Binand, président,

— Mme B et Mme D, conseillères.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

La rapporteure,

Signé

P. DLe président,

Signé

C. BINAND

La greffière,

Signé

N. DERLY

La République mande et ordonne au préfet de la Somme en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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