Tribunal administratif d'Amiens, 4ème chambre, 30 décembre 2022, n° 2004120

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Amiens, 4e ch., 30 déc. 2022, n° 2004120
Juridiction : Tribunal administratif d'Amiens
Numéro : 2004120
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

I- Par une requête enregistrée sous le numéro 2004120 le 23 décembre 2020, la société civile de construction vente (SCCV) HPL Moulinet, représentée par Me Bornard, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 24 août 2020 par lequel le maire de la commune de Mouy a retiré l’arrêté du 26 juin 2020 par lequel celui-ci lui a délivré un permis de construire une résidence de quarante-trois logements collectifs sur les parcelles 439AH 104, 439 AH 106,

439 AH 108, situées rue Jules Ferry sur le territoire de la commune, ensemble la décision rejetant son recours gracieux ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Mouy la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— la procédure de retrait de l’arrêté du 26 juin 2020 est irrégulière dès lors, d’une part, que la commune ne démontre pas que le caractère contradictoire a été respecté et que le pli adressé pour lui demander de présenter ses observations lui a permis de disposer d’un délai raisonnable, d’autre part, que le principe du contradictoire a été méconnu en ce que le courrier l’informant de l’éventuel retrait indique uniquement que le projet méconnait l’article UF 6 du règlement du plan local d’urbanisme (PLU) de la commune de Mouy alors que l’arrêté attaqué procédant au retrait se fonde également sur la méconnaissance des articles UF 3 et UF 4 du règlement de ce PLU ;

— l’arrêté attaqué méconnait les dispositions des articles UF 3, UF 4 et UF 6 du règlement du PLU de la commune de Mouy.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 juin 2021, la commune de Mouy, représentée par Me Abecassis, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de

3 000 euros soit mise à la charge de la SCCV HPL Moulinet au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que la requête est irrecevable dès lors qu’elle est tardive et que les moyens invoqués par la SCCV HPL Moulinet ne sont pas fondés.

II- Par une requête enregistrée sous le numéro 2102821 le 9 août 2021, la société civile de construction vente (SCCV) HPL Moulinet, représentée par Me Bornard, demande au tribunal :

1°) de condamner la commune de Mouy au paiement de la somme de 1 091 500 euros hors taxe en réparation du préjudice résultant de l’illégalité du retrait du permis de construire délivré le 26 juin 2020 ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Mouy la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que l’illégalité de l’arrêté du 24 août 2020 constitue une faute qui lui a causé un préjudice financier évalué à la somme globale de 1 091 500 euros hors taxe et engage à ce titre la responsabilité de la commune de Mouy.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 octobre 2021, la commune de Mouy, représentée par Me Abecassis, conclut à ce qu’il soit sursis à statuer en attente du jugement de la requête n° 2004120, en tout état de cause, au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SCCV HPL Moulinet au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

— elle n’a commis aucune faute tirée de l’illégalité de l’arrêté du 24 août 2020 ;

— le préjudice financier invoqué n’est pas établi.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

— le code de l’urbanisme ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme A,

— les conclusions de M. Lapaquette, rapporteur public,

— les observations de Me Depenau substituant Me Bornard représentant la SCCV HPL Moulinet ;

— et les observations de Me Abecassis représentant la commune de Mouy.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 26 juin 2020, le maire de la commune de Mouy a délivré un permis de construire d’une résidence de quarante-trois logements collectifs sur les parcelles 439AH 104, 439 AH 106, 439 AH 108, situées rue Jules Ferry sur le territoire de la commune à la société civile de construction vente (SCCV) HPL Moulinet. Par un arrêté du 24 août 2020, le maire de la commune de Mouy a retiré cet arrêté. Par les requêtes enregistrées dans les instances nos 2004120 et 2102821, la SCCV HPL Moulinet demande au tribunal l’annulation de l’arrêté du 24 août 2020 ensemble la décision du maire de Mouy du 29 octobre 2020 rejetant son recours gracieux ainsi que la condamnation de la commune de Mouy au versement de la somme globale de 1 091 500 euros hors taxes en réparation du préjudice résultant selon elle de l’illégalité fautive du retrait du permis de construire délivré le 26 juin 2020.

Sur la jonction des requêtes :

2. Les requêtes enregistrées dans les instances n°s 2004120 et 2102821 qui ont été introduites par la même société requérante, qui sont relatives à l’arrêté du 24 août 2020 du maire de la commune de Mouy et qui présentent à juger des questions semblables, ont fait l’objet d’une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour qu’il soit statué par un même jugement.

Sur les conclusions à fin d’annulation de l’arrêté du 24 août 2020 :

3. En premier lieu, par son arrêté du 24 août 2020, le maire de la commune de Mouy a rappelé les dispositions de l’article UF 6 du règlement du plan local d’urbanisme (PLU) de sa commune et a indiqué que l’implantation du bâtiment projeté n’est pas conforme et présente une double irrégularité puisque d’une part, celui-ci dépasse la bande de vingt-cinq mètres de constructibilité mesurée à partir de l’alignement lorsque celle-ci est calculée point par point et que d’autre part, en certains points, l’immeuble est implanté avec un retrait supérieur à cinq mètres, mesuré à partir de l’alignement. En faisant valoir ces considérations, le maire de Mouy a, par l’arrêté attaqué, suffisamment motivé le retrait de l’arrêté du 26 juin 2020.

4. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 424-5 du code de l’urbanisme : « La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d’aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s’ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire. ». Aux termes de l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration : « Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l’article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d’une procédure contradictoire préalable ». Aux termes de l’article L. 122-1 du même code : « Les décisions mentionnées à l’article L. 211-2 n’interviennent qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. (). ». Et aux termes de l’article L. 211-2 du même code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent.

A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : // () / 4° Retirent ou abrogent une décision créatrice de droits ; / () ". Le respect, par l’autorité administrative compétente, de la procédure prévue par les dispositions de l’article L. 122-1 du code des relations entre le public et l’administration, constitue une garantie pour le titulaire du permis que le maire envisage de retirer. La décision de retrait prise par le maire est ainsi illégale s’il ressort de l’ensemble des circonstances de l’espèce que le titulaire du permis a été effectivement privé de cette garantie.

5. La société requérante soutient que la procédure de retrait de l’arrêté du 26 juin 2020 est irrégulière dès lors que la commune de Mouy ne démontre pas que le caractère contradictoire a été respecté en ce que le pli adressé pour lui demander de présenter ses observations lui a permis de disposer d’un délai raisonnable. En l’espèce, par courrier du 6 juillet 2020, le maire de Mouy a informé la SCCV Moulinet qu’il envisageait de retirer le permis de construire délivré le 26 juin 2020 pour méconnaissance de l’article UF 6 du règlement du PLU de la commune de Mouy et l’a invitée à présenter ses observations dans un délai de quinze jours. Si la commune de Mouy ne produit pas la preuve de la notification de ce courrier du 6 juillet 2020, elle fait valoir que la SCCV Moulinet a présenté ses observations en réponse par un courrier du 24 juillet 2020, ce que la société requérante ne dément pas, en soutenant dans sa requête que le maire de Mouy a sollicité ses observations sur la méconnaissance de l’article UF 6 du PLU et que l’arrêté attaqué du 24 août 2020 comporte deux motifs supplémentaires non soumis à ses observations. En outre, il ressort des pièces du dossier, notamment du courrier de notification de l’arrêté attaqué, qu’une réunion entre le maire de Mouy et des collaborateurs de la société pétitionnaire a eu lieu dès le 31 juillet 2020. Par suite, il ressort de l’ensemble de ces éléments, que le moyen tiré du vice de procédure en ce qu’il n’est pas démontré que le pli adressé à celle-ci pour lui demander de présenter ses observations lui a permis de disposer d’un délai raisonnable, doit être écarté.

6. En troisième lieu, aux termes des dispositions de l’article UF6 du règlement du PLU de la commune de Mouy : « Les constructions, à l’exception des abris de jardin, doivent être implantées, soit à l’alignement de la voie par leur mur pignon ou par leur façade principale, soit avec un retrait maximal de 5 mètres par rapport à l’alignement. Aucune construction ne pourra être édifiée au-delà d’une bande de 25 mètres mesurée à partir de l’alignement. () ».

7. En l’espèce, il est constant que le projet de construction ne respecte pas les dispositions citées au point précédent dès lors qu’il s’étend jusqu’à 38,10 mètres à partir de l’alignement et que plusieurs points sont en retrait de plus de 5 mètres par rapport à l’alignement.

8. D’une part, la société pétitionnaire soutient que le maire de Mouy devait assortir son arrêté accordant le permis de construire de prescriptions spéciales par une modification du tracé des voies.

9. L’administration ne peut assortir une autorisation d’urbanisme de prescriptions qu’à la condition que celles-ci, entraînant des modifications sur des points précis et limités et ne nécessitant pas la présentation d’un nouveau projet, aient pour effet d’assurer la conformité des travaux projetés aux dispositions législatives et réglementaires dont l’administration est chargée d’assurer le respect.

10. En l’espèce, le projet vise la construction de quarante-trois logements collectifs sur une surface totale créée de 2 752 m² implantée sur plusieurs parcelles. Aussi, eu égard à son importance et son impact sur les constructions avoisinantes, la modification évoquée par requérante, qui ne repose pas sur un point limité, nécessitait la présentation d’un nouveau projet, de sorte que l’arrêté accordant le projet de construction ne pouvait être assorti de prescriptions spéciales.

11. D’autre part, la société pétitionnaire soutient que l’arrêté accordant le permis de de construire pouvait faire l’objet d’adaptations mineures.

12. Aux termes de l’articles L. 152-3 du code de l’urbanisme : " Les règles et servitudes définies par un plan local d’urbanisme : / 1° Peuvent faire l’objet d’adaptations mineures rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes ; / 2° Ne peuvent faire l’objet d’aucune autre dérogation que celles prévues par les dispositions de la présente sous-section ".

13. Aux termes de l’article IV des dispositions générales du PLU, « des adaptations mineures, rendues nécessaires par la nature du sol, la configuration des parcelles ou le caractère des constructions avoisinantes (article 3 à 13), peuvent être accordées par l’autorité compétente. () ».

14. Il appartient à l’autorité administrative, saisie d’une demande de permis de construire, de déterminer si le projet qui lui est soumis ne méconnaît pas les dispositions du plan local d’urbanisme applicables, y compris telles qu’elles résultent le cas échéant d’adaptations mineures lorsque la nature particulière du sol, la configuration des parcelles d’assiette du projet ou le caractère des constructions avoisinantes l’exige. Le pétitionnaire peut, à l’appui de sa contestation, devant le juge de l’excès de pouvoir, du refus opposé à sa demande se prévaloir de la conformité de son projet aux règles d’urbanisme applicables, le cas échéant assorties d’adaptations mineures dans les conditions précisées ci-dessus, alors même qu’il n’a pas fait état, dans sa demande à l’autorité administrative, de l’exigence de telles adaptations.

15. Lorsque l’autorité administrative compétente, se prononçant sur une demande d’autorisation d’urbanisme, ne fait pas usage d’une faculté qui lui est ouverte par le règlement d’un plan local d’urbanisme d’accorder ou d’imposer l’application d’une règle particulière, dérogeant à une règle générale de ce règlement, il incombe au juge de l’excès de pouvoir, saisi d’un moyen en ce sens au soutien de la contestation de la décision prise, de s’assurer que l’autorité administrative n’a pas, en ne faisant pas usage de cette faculté, commis d’erreur manifeste d’appréciation.

16. L’adaptation sollicitée consistant en l’implantation de la construction litigieuse dans une bande de 38,1 mètres ne peut être regardée, par son ampleur, comme présentant un caractère mineur au sens des dispositions de l’article UF 6 du règlement du PLU de la commune de Mouy. Par suite, le refus du maire de Mouy d’assortir l’arrêté accordant le permis de construire d’adaptations mineures n’est pas entaché d’une erreur manifeste d’appréciation.

17. Il résulte des points 7 à 16 que l’arrêté attaqué ne méconnaît pas les dispositions de l’article UF 6 du règlement du PLU de la commune de Mouy. Par suite, le moyen doit être écarté.

18. En quatrième lieu, il résulte de ce qui vient d’être dit que l’arrêté attaqué pouvait légalement se fonder sur la méconnaissance par le projet de construction des dispositions de l’article UF 6 du règlement du PLU de la commune de Mouy. Ainsi, dès lors, que la SCCV HPL Moulinet a pu utilement présenter ses observations sur ce motif de retrait ainsi qu’il a été dit au point 5, l’irrégularité tenant à ce qu’elle n’a pas été mise à même de présenter ses observations sur les motifs tirés de la méconnaissance des articles UF 3 et UF 4 du règlement du PLU, sur lesquels l’arrêté litigieux est également fondé, ne l’a pas privée de la garantie attachée au caractère contradictoire de la procédure de retrait, et n’a pas davantage influé sur le sens de la décision du maire de la commune de Mouy. Par suite, le moyen soulevé à ce titre doit être écarté.

19. Il résulte de tout ce qu’il précède, sans qu’il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Mouy, que les conclusions à fin d’annulation de l’arrêté attaqué doivent être rejetées.

Sur les conclusions indemnitaires :

20. Il résulte de ce qu’il a été dit au point précédent que les conclusions indemnitaires que la SCCV HPL Moulinet rapporte à l’illégalité fautive de l’arrêté du 24 août 2020 doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

21. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Mouy qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SCCV HPL Moulinet demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SCCV HPL Moulinet, une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Mouy et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes nos 2004120 et 2102821 de la SCCV HPL Moulinet sont rejetées.

Article 2 : La SCCV HPL Moulinet versera à la commune de Mouy une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la SCCV HPL Moulinet et à la commune de Mouy.

Délibéré après l’audience du 20 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Binand, président,

Mme A et Mme B, conseillères.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

Le rapporteur,

Signé

D. A

Le président,

Signé

C. BinandLa greffière,

Signé

N. Derly

La République mande et ordonne à la préfète de l’Oise en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

N°s 2004120 et 2102821

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Tribunal administratif d'Amiens, 4ème chambre, 30 décembre 2022, n° 2004120