Tribunal administratif d'Amiens, 3ème chambre, 30 décembre 2022, n° 2001049

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Sur la décision

Référence :
TA Amiens, 3e ch., 30 déc. 2022, n° 2001049
Juridiction : Tribunal administratif d'Amiens
Numéro : 2001049
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 20 mars 2020,

10 décembre 2021 et 19 septembre 2022, la SAS Cegelec Nord Tertiaire, représentée par

Me Keller, doit être regardée comme demandant au tribunal de :

1°) condamner le groupe hospitalier public du Sud de l’Oise (GHPSO) à lui verser la somme de 1 951 212, 13 euros hors taxes au titre de la partie restée impayée du solde du marché du lot n° 11 « courants forts et courants faibles » du marché de travaux relatif à la restructuration et l’extension du centre hospitalier Laënnec de Creil, assortie des intérêts moratoires au taux de 2,04 % à compter du 18 novembre 2013 et de leur capitalisation ;

2°) de mettre à la charge du groupe hospitalier public du Sud de l’Oise une somme de 50 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.

Elle soutient que :

— elle a réalisé des prestations supplémentaires en application d’ordres de service à prix provisoires qui n’ont pas été suffisamment rémunérées et a, de ce fait, subi un préjudice à hauteur de 167 998, 93 euros hors taxes ;

— la résiliation unilatérale d’une partie du marché est fautive dès lors que les motifs d’intérêt général ne sont pas établis et qu’elle n’était pas accompagnée d’un préavis et engage la responsabilité sans faute du GHPSO à hauteur de 746 349, 41 euros hors taxes ;

— la résiliation unilatérale pour motif d’intérêt général d’une partie du marché engage la responsabilité sans faute du GHPSO à hauteur de 746 349, 41 euros hors taxes, notamment en application de l’article 16 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) Travaux du 21 janvier 1976 ;

— les sujétions imprévues rencontrées lors du chantier, et notamment la découverte de réseaux inconnus, engagent la responsabilité sans faute du GHPSO dès lors qu’elles ont entrainé un bouleversement de l’économie du contrat ;

— les décisions de la région Picardie et de l’agence régionale de santé ayant conduit à la résiliation partielle du marché sont de nature à entrainer la responsabilité sans faute du GHPSO sur le fondement de la théorie du fait du prince ;

— le GHPSO a commis une faute contractuelle en établissant mal le programme des travaux et en procédant en conséquence, à de nombreuses et importantes modifications de ce programme et demandes de travaux modificatifs et supplémentaires ;

— le GHPSO a commis une faute contractuelle en libérant certains locaux tardivement ;

— le GHPSO a commis une faute contractuelle en donnant au maître d’œuvre des informations erronées ;

— le GHPSO a commis une faute contractuelle en suspendant prématurément le chantier avant la résiliation partielle du marché ;

— le GHPSO a commis une faute contractuelle en procédant tardivement à la réception des travaux ;

— le GHPSO a commis une faute contractuelle en ne faisant pas un bon usage de son pouvoir de contrôle et de direction des travaux ;

— le GHPSO est solidairement responsable des préjudices qu’elle a subis du fait des fautes des maîtres d’œuvre et des autres intervenants au chantier ;

— les retards du chantier lui ont causé un préjudice à hauteur de 2 410 180 euros hors taxes ;

— la retenue pour désordres à hauteur de 95 000 euros hors taxes qui lui a été imputée n’est pas fondée ;

— le GHPSO lui est redevable d’une somme de 58 253, 90 euros hors taxes à raison d’intérêts moratoires dus au paiement tardif et au blocage de situations mensuelles, au remboursement anticipé de l’avance forfaitaire et au blocage de deux situations relatives aux études de la phase 2 ;

— des sommes hors taxes de 390 461,76 euros et 774 664,36 euros lui sont dues au titre respectivement de l’actualisation des prix et de la révision des prix ;

— le montant total des prestations du marché à inscrire au décompte général définitif est de 12 026 163, 52 euros hors taxes et le solde de 2 604 359, 58 euros hors taxes dont 1 951 212, 13 euros n’ont pas été versés ;

— elle a droit au paiement d’une somme de 16 023, 07 euros hors taxes au titre des intérêts moratoires au taux de 2,04 % courant du 18 novembre 2013 au 20 novembre 2014 sur la somme de 653 147, 45 euros qui lui a été payée le 20 novembre 2014 ;

— elle a droit au paiement des intérêts moratoires au taux de 2,04 % sur les sommes qui lui restent dues à compter du 18 novembre 2013 et à leur capitalisation.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 septembre 2020, 10 décembre 2021 et les 17 janvier et 3 juin 2022, le groupe hospitalier public du Sud de l’Oise, représenté par

Me Mauvenu, conclut, dans le dernier état de ses écritures :

1°) à titre principal :

— au rejet de la requête ;

— à ce qu’il soit mis à la charge de la société Cegelec Nord Tertiaire une somme de 50 000 euros majorée de la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens ;

2°) à titre subsidiaire :

— à ce que la société Michel Beauvais, la société Nox Industrie Process, la société Economie 80 et M. A D soient solidairement condamnés à le garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

— à ce qu’il soit mis à la charge solidaire de la société Michel Beauvais, de la société Nox Industrie Process, de la société Economie 80 et de M. A D une somme de 50 000 euros sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.

Il soutient que :

— les moyens de la requête ne sont pas fondés ;

— les fautes de la société Michel Beauvais, de la société Nox Industrie Process, de la société Economie 80 et deM. David D, et notamment les retards du chantier qu’elles ont occasionnés, sont à l’origine des préjudices dont se prévaut la société Cegelec Nord Tertiaire ;

— les fautes de la société Michel Beauvais, de la société Nox Industrie Process, de la société Economie 80 et de M. A D sont à l’origine de l’impossibilité dans laquelle il s’est trouvé d’appliquer à la société Cegelec Nord Tertiaire des pénalités à hauteur de

45 395 euros ;

— la société Michel Beauvais vient au droit de l’agence Michel Beauvais et associés et la société Nox Industrie Process vient aux droits de la société Jacobs France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2022, la société Michel Beauvais et M. A D, représentés par Me Goulet, concluent :

1°) au rejet de l’appel en garantie du groupe hospitalier public du Sud de l’Oise ;

2°) à ce que la société Nox Industrie Process soit condamnée à les garantir de toute condamnation prononcée à leur encontre ;

3°) à ce qu’il soit mis à la charge du groupe hospitalier public du Sud de l’Oise une somme de 6 000 euros à leur verser à part égale sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens.

Ils soutiennent que :

— le tribunal n’est pas compétent pour se prononcer sur l’appel en garantie visant

M. D, sous-traitant de l’agence d’architecture Michel Beauvais ;

— l’appel en garantie est irrecevable dès lors qu’aucun moyen n’est présenté à son soutien ;

— l’appel en garantie est irrecevable dès lors que la réception des travaux a eu lieu ;

— le rapport d’expertise ne leur est pas opposable ;

— le GHPSO n’établit pas que leur responsabilité soit engagée ;

— les fautes de la société Nox Industrie Process sont à l’origine des préjudices dont se prévaut le GHPSO dans son appel en garantie.

La requête a été communiquée à la société Nox Industrie Process et à la société Economie 80 qui n’ont pas produit de mémoire en défense.

Par ordonnance du 21 septembre 2022, la clôture de l’instruction a été fixée en dernier lieu au 7 octobre 2022 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Richard, rapporteur,

— les conclusions de Mme Minet, rapporteure publique,

— et les observations de Me Keller, représentant la SAS Cegelec Nord Tertiaire, ainsi que celles de Me Yvernault, représentant le groupe hospitalier public du Sud de l’Oise.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d’engagement du 16 juin 2008, le centre hospitalier Laënnec de Creil, fusionné au sein du groupe hospitalier public du Sud de l’Oise (GHPSO) à compter du 1er janvier 2012, a confié à la société Cegelec Nord et Est, devenue SAS Cegelec Nord Tertiaire, l’exécution du lot n° 11 « courants forts et courants faibles » du marché de travaux relatif à la restructuration et l’extension de son emprise qui comportait trois phases, pour un montant de 18 413 434, 21 euros toutes taxes comprises. La maîtrise d’œuvre a été confiée, par un acte d’engagement du 10 juillet 2003, à un groupement de société dont le mandataire est la société Agence Michel Beauvais et associés. Par un ordre de service du 18 mai 2011, le GHPSO a prononcé la résiliation pour motif d’intérêt général des deuxième et troisième phases des travaux et des prestations de la première phase constituées par la création d’un parking de 80 places situé du côté dit « C ». Les travaux demeurant à réaliser ont été réceptionnés le 27 juin 2013 avec une date d’achèvement des travaux fixée au 7 juin 2013, avec des réserves.

2. La SAS Cegelec Nord Tertiaire a établi un projet de décompte final qui a été modifié par le GHPSO pour établir un décompte général le 15 octobre 2014. La SAS Cegelec Nord Tertiaire a contesté ce décompte par un mémoire en réclamation du 20 novembre 2014 adressé au maître d’œuvre. Le GHPSO a versé, le 20 novembre 2014, une somme de 653 147, 45 euros hors taxes au titre du solde du marché litigieux. La SAS Cegelec Nord Tertiaire a saisi, le

7 juillet 2015, le comité consultatif interrégional de règlement amiable des litiges relatifs aux marchés publics de Nancy qui a rendu un avis le 3 octobre 2016. Le 11 mai 2016, la

SAS Cegelec Nord Tertiaire a saisi le tribunal d’une demande d’expertise portant sur les difficultés rencontrées lors de l’exécution du marché qui lui a été confié, sur la résiliation partielle du contrat et sur l’évaluation des préjudices en résultant. Il a été fait droit à cette demande par une ordonnance n° 1601361 du 10 octobre 2016. M. B, désigné en qualité d’expert, a rendu son rapport le 25 janvier 2020. La SAS Cegelec Nord Tertiaire demande au tribunal la condamnation du GHPSO au paiement d’une somme de 1 951 212, 13 euros hors taxes au titre de la partie du solde du marché non réglée.

3. L’ensemble des opérations auxquelles donne lieu l’exécution d’un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l’établissement du décompte définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. L’ensemble des conséquences financières de l’exécution du marché sont retracées dans ce décompte même lorsqu’elles ne correspondent pas aux prévisions initiales. Il revient notamment aux parties d’y mentionner les conséquences financières de retards dans l’exécution du marché ou le coût de réparations imputables à des malfaçons dont est responsable le titulaire. Il appartient au juge du contrat, en l’absence de décompte général devenu définitif, de statuer sur les réclamations des parties et de déterminer ainsi le solde de leurs obligations contractuelles respectives.

Sur l’exception d’incompétence opposée à l’appel en garantie par le groupe hospitalier public du Sud de l’Oise de M. D :

4. Le litige né de l’exécution d’un marché de travaux publics et opposant des participants à l’exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé.

5. M. D, sous-traitant de l’agence d’architecture Michel Beauvais, n’est pas lié au GHPSO par contrat de droit privé. Dès lors, celui-ci et la société Michel Beauvais ne sont pas fondés à soutenir que le tribunal n’est pas compétent pour connaitre de l’appel en garantie du premier par le groupe hospitalier public du Sud de l’Oise.

Sur les prestations supplémentaires :

6. Le titulaire d’un marché à prix global et forfaitaire a droit au paiement, par le maître d’ouvrage, des prestations non prévues par le marché initial qui lui ont été commandées, ainsi qu’à l’indemnisation des travaux supplémentaires réalisés sans ordre de service, à la condition toutefois qu’ils aient été indispensables à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art.

7. Si la SAS Cegelec Nord Tertiaire soutient qu’elle a réalisé des prestations supplémentaires qui n’ont pas été rémunérées ou l’ont été insuffisamment, il ne résulte pas de l’instruction que les prestations liées aux études, à la modification des puissances au sous-sol du bâtiment, au câblage et aux travaux sur les postes dont elle se prévaut aient été commandées par le maître d’ouvrage ou le maître d’œuvre ni qu’elles aient été indispensables à la réalisation de l’ouvrage dans les règles de l’art. Dès lors, il n’y a pas lieu de mettre les sommes demandées à ce titre au crédit de la SAS Cegelec Nord Tertiaire.

Sur l’indemnité due au titre de la résiliation partielle du marché :

8. En cas de résiliation d’un contrat pour un motif d’intérêt général, le cocontractant de la personne publique a droit à la réparation intégrale du préjudice résultant pour lui de cette résiliation. Il n’en va différemment que dans le cas où il est établi que le cocontractant a concouru par son attitude à la survenance du préjudice dont il demande réparation.

9. Par un courrier du 18 mai 2011, le GHPSO a prononcé la résiliation partielle du marché qui a abouti à réduire le montant du marché de 7 348 215, 83 euros hors taxes, en raison de l’inadéquation du projet au regard de la stratégie de rapprochement entre les centres hospitaliers de Senlis et de Creil et de difficultés financières. Si cette résiliation a été prononcée pour des motifs d’intérêt général et n’avait pas à être accompagnée d’un délai particulier, et n’est dès lors pas fautive contrairement à ce que soutient la SAS Cegelec Nord Tertiaire, elle est de nature à engager la responsabilité du GHPSO à hauteur des préjudices qu’elle a causés à cette société.

10. En premier lieu, à supposer même que les préjudices liés à l’ajournement des travaux qui s’est avéré nécessaire au GHPSO pour statuer sur la résiliation partielle du marché puisse être considérés comme ayant été causés par cette résiliation, il ne résulte pas de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise, en tout état de cause, que cet ajournement ait entrainé un préjudice à la SAS Cegelec Nord Tertiaire pour un montant supérieur à la somme de 15 548 euros inscrite au décompte du marché par le maître d’ouvrage au titre des prestations supplémentaires exécutées à ce titre.

11. En deuxième lieu, si le GHPSO a inscrit au décompte du marché une somme de 240 000 euros au titre des frais d’études supplémentaires relatives aux travaux affectés par la résiliation, il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise, que cette somme ne correspond que partiellement à la valeur de ces prestations. Il sera fait une juste appréciation de leur coût en fixant le surplus de rémunération à 107 102, 91 euros hors taxes qu’il convient de mettre au crédit de la SAS Cegelec Nord Tertiaire.

12. En troisième lieu, il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise, que des travaux relatifs à un câblage de détection affectés par la résiliation ont été partiellement réalisés pour un montant de 2 170 euros. Il convient dès lors de mettre cette somme au crédit de la SAS Cegelec Nord Tertiaire.

13. En quatrième lieu, il ne résulte pas de l’instruction que la SAS Cegelec Nord Tertiaire n’ait pu utiliser des installations de chantier qu’elle avait acquises en vue de réaliser le marché en litige sur d’autres chantiers. Elle n’est, dès lors, pas fondée à soutenir qu’elle a subi un préjudice à ce titre en raison de la résiliation du marché.

14. En cinquième lieu, il ne résulte pas de l’instruction que la SAS Cegelec Nord Tertiaire ait exposé de frais particuliers en raison du temps passé dans les réunions de préparation des travaux durant lesquels les travaux ayant été affectés par la résiliation ont été évoqués alors que les frais d’études de ces travaux, qui n’avait été que très minoritairement initiés, ont été rémunérés.

15. En sixième lieu, il résulte de l’instruction, et notamment du rapport d’expertise, que la SAS Cegelec Nord Tertiaire a exposé une somme de 2 500 euros en raison de l’annulation de commandes relatives aux travaux ayant été affectés par la résiliation, somme qu’il convient de mettre au crédit de cette société.

16. En septième lieu, il ne résulte pas de l’instruction que la SAS Cegelec Nord Tertiaire ait exposé de dépenses supplémentaires à celles des frais d’études en raison du temps de travail de son chef de projet et de son acheteur passé pour préparer les travaux ayant été affectés par la résiliation ou de ses frais d’encadrement.

17. En huitième lieu, si la SAS Cegelec Nord Tertiaire, qui ne demande pas l’indemnisation de son manque à gagner à raison de la résiliation du marché, soutient qu’elle a exposé des frais de chiffrage de sa réponse au dossier de consultation des entreprises qui n’ont pas été rémunérés dès lors que seule une partie des travaux a été réalisée, son offre a été sélectionnée et les frais de son élaboration n’ont donc pas été exposés en pure perte. Elle n’est, par suite, pas fondée à soutenir que la résiliation partielle du marché en litige est à l’origine de ces frais ni, par suite, à demander qu’ils soient inscrits à son crédit dans le solde du marché.

18. Il résulte de ce qui précède qu’une somme de 111 772, 91 euros, non soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, doit être mise au crédit de la SAS Cegelec Nord Tertiaire au titre de l’indemnité qui lui est due en raison de la résiliation partielle du marché.

Sur la responsabilité du GHPSO sur les fondements des sujétions imprévues et du fait du prince :

19. En premier lieu, les difficultés rencontrées dans l’exécution d’un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l’entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat, soit qu’elles sont imputables à une faute de la personne publique, commise notamment dans l’exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l’estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

20. Si le marché a été partiellement résilié et si le chantier a connu d’importantes intempéries tandis que des réseaux inconnus ont été mis en évidence dans le sous-sol sans que ceux-ci soient, aux dires de l’expert, d’une ampleur inhabituelle, il ne résulte pas de l’instruction que ces difficultés aient présenté un caractère exceptionnel, imprévisible lors de la conclusion du contrat et dont la cause est extérieure aux parties, ni qu’elles aient entrainé un bouleversement de l’économie du contrat. Dès lors, la SAS Cegelec Nord Tertiaire n’est pas fondée à demander qu’une indemnité au titre des sujétions imprévues soit mise à son crédit.

21. En second lieu, la SAS Cegelec Nord Tertiaire n’est pas fondée à demander qu’une indemnité en application de la théorie du fait du prince soit mise à son crédit dès lors que les décisions de la région Picardie et de l’agence régionale de santé dont elle se prévaut n’ont pas été prises par l’autorité avec laquelle elle a contracté.

Sur l’indemnisation des préjudices nés des retards du chantier :

22. Ces difficultés ouvrent également droit à indemnité dans les conditions décrites ci-dessus au point 19.

23. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le GHPSO ne peut être tenu solidairement responsable des éventuelles fautes imputables aux autre intervenants du chantier ayant abouti à des retards des travaux.

24. En second lieu, il est constant que la durée d’exécution de la première phase du marché avait été fixée à 20 mois à compter du 1er avril 2010 par un ordre de service n° 1 du

10 mars 2010 mais que la réception des travaux a eu lieu le 27 juin 2013 avec une date d’achèvement des travaux fixée au 7 juin 2013, soit 39 mois après leur début. Toutefois, il résulte de l’instruction que des travaux ne relevant de la première phase ont été effectués durant cette période et que le calendrier d’exécution des travaux a été revu pour prendre en compte l’avancée du chantier, comme il était loisible au maître d’ouvrage de le faire dans la limite de

52 mois ainsi que le stipulait l’article 3 de l’acte d’engagement du marché en litige. Dans ces conditions, la SAS Cegelec Nord Tertiaire n’est pas fondée à soutenir que des fautes du GHPSO, au demeurant non établies, sont à l’origine de retards dans l’exécution du chantier.

Sur les retenues pour désordre et les pénalités :

25. En premier lieu, il ne résulte pas de l’instruction qu’une retenue pour désordre de 95 000 euros ait été mise au débit de la SAS Cegelec Nord Tertiaire aux termes du décompte en litige. Dès lors, cette dernière n’est pas fondée à demander que cette retenue ne lui soit pas appliquée alors qu’au demeurant, la retenue de 95 euros qui lui a été appliquée est justifiée par une reprise de peinture qui n’est pas utilement contestée.

26. En deuxième lieu, il résulte de l’article 4.3.6 du cahier des clauses administratives particulières du marché que peuvent être appliquées des pénalités de 150 euros hors taxes par jour de retard dans la fourniture de devis de travaux modificatifs par rapport à la date fixée par le maître d’œuvre. Il résulte de l’instruction, et notamment de la note du 2 juillet 2014 de la maitrise d’œuvre et du rapport d’expertise, que la SAS Cegelec Nord Tertiaire a présenté un retard cumulé de 186 jours pour la production de tels devis à l’issue du délai de quinze jours fixé par le maître d’œuvre lors des réunions de chantier. Dans ces conditions, le GHPSO est fondé à soutenir qu’il pouvait appliquer à ce titre, à la société intéressée, une pénalité de 27 900 euros qu’il convient de mettre à son débit.

27. En troisième lieu, il résulte de l’article 4.5 du cahier des clauses administratives particulières du marché que peuvent être appliquées des pénalités de 300 euros hors taxes par jour de retard dans la fourniture des documents constituant le dossier des ouvrages exécutés à présenter le jour de la réception des travaux. Il résulte de l’instruction, et notamment de la note du 2 juillet 2014 de la maitrise d’œuvre, que la SAS Cegelec Nord Tertiaire a présenté un retard de 27 jours pour la production de ces documents. Dans ces conditions, le GHPSO est fondé à soutenir qu’il pouvait appliquer à ce titre, à cette dernière, une pénalité de 8 100 euros qu’il convient de mettre à son débit.

28. Il résulte de ce qui précède que seule une somme de 36 000 euros hors taxes doit être mise au débit de la SAS Cegelec Nord Tertiaire au titre des retenues pour désordre et des pénalités de retard.

Sur les autres demandes de la SAS Cegelec Nord Tertiaire :

29. En premier lieu, la SAS Cegelec Nord Tertiaire n’établit pas que des acomptes mensuels auraient été payés tardivement ni que des situations mensuelles n’auraient pas donné lieu à paiement ou y aurait donné lieu tardivement. Elle n’est donc pas fondée à demander que des intérêts moratoires soient mis à son crédit à ce titre.

30. En deuxième lieu, il ne résulte pas de l’instruction que le GHPSO ait commis une faute de nature à engager sa responsabilité en ne modifiant pas, suite à la résiliation partielle du marché, le montant et le rythme de remboursement de l’avance forfaitaire dont le montant est calculé sur la base du montant initial du marché en application de l’article 5.2 du cahier des clauses administratives particulières. Dès lors, la SAS Cegelec Nord Tertiaire, qui au demeurant n’établit pas avoir subi un préjudice de ce fait, n’est pas fondée à demander qu’une somme soit mise à son crédit à ce titre.

31. En troisième lieu, en se bornant à demander 390 461, 76 euros hors taxes au titre de l’actualisation des prix et 774 664, 36 euros hors taxes au titre de la révision des prix, la SAS Cegelec Nord Tertiaire n’établit pas que les montants retenus à ce titre par le GHPSO devraient être corrigés.

Sur le solde du marché :

32. Il est constant que le montant de la part du marché initial à exécuter par la

SAS Cegelec Nord Tertiaire était de 15 065 848,55 euros hors taxes, diminué de

7 348 215,83 euros à la suite de la résiliation partielle du marché et auquel une actualisation des prix de 258 110, 43 euros et une révision des prix de 636 565, 92 euros doivent être appliquées. Par ailleurs, il est constant, d’une part, que des prestations supplémentaires pour un montant de

1 500 598, 01 euros hors taxes ont été réalisées et qu’un accord a été trouvé sur leur prix et, d’autre part, qu’un montant de 4 centimes est dû à un sous-traitant. De surcroit, la SAS Cegelec Nord Tertiaire peut prétendre à une indemnité pour la résiliation partielle du marché à hauteur de 111 772, 91 euros hors taxes et doit se voir appliquer des pénalités à hauteur de 36 000 euros hors taxes et une retenue pour désordre de 95 euros.

33. Compte tenu des paiements déjà effectués par le GHPSO, soit 9 421 803, 94 euros hors taxes au titre des acomptes et 653 147, 45 euros hors taxes au titre du solde, le solde du marché s’établit à la somme de 113 633, 64 euros hors taxes dont le GHPSO est débiteur à l’égard de la SAS Cegelec Nord Tertiaire. Il convient d’assortir cette somme que le GHPSO est condamné à payer à la SAS Cegelec Nord Tertiaire, des intérêts au taux légal, faute de précision par cette dernière du fondement sur lequel elle demande l’application d’un taux plus élevé, et à compter du 20 novembre 2014, date de présentation de son mémoire en réclamation.

Sur les appels en garantie :

34. Il résulte de ce qui précède que la somme due par le GHPSO à la SAS Cegelec Nord Tertiaire ne présente aucun lien de causalité avec des fautes des maîtres d’œuvre et des autres intervenants au chantier, à les supposer même établies. Dès lors, les appels en garantie du GHPSO doivent être rejetés, sans qu’il soit besoin de statuer les fins de non-recevoir qui leur sont opposées. Par suite, l’appel en garantie de la société Michel Beauvais et de M. A D doit être également rejeté.

Sur les frais de l’instance :

35. En premier lieu, aux termes de l’article R. 761-1 du code de justice administrative : « Les dépens comprennent les frais d’expertise, d’enquête et de toute autre mesure d’instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l’Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l’affaire justifient qu’ils soient mis à la charge d’une autre partie ou partagés entre les parties () ».

36. En application de ces dispositions, il y a lieu, de mettre les frais et honoraires d’expertise, liquidés et taxés, par l’ordonnance du président du tribunal administratif du 12 mars 2020 à la somme totale de 22 552, 37 euros toutes taxes comprises pour les opérations confiées à M. B à la charge définitive du GHPSO.

37. En second lieu, il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge du GHPSO une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SAS Cegelec Nord Tertiaire et non compris dans les dépens et une somme de 750 euros chacune au titre de ces mêmes frais exposés par la société Michel Beauvais et de M. D.

38. En revanche, les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu’il soit mis à la charge de la SAS Cegelec Nord Tertiaire, qui n’est pas la partie perdante, la somme demandée par le GHPSO au titre des frais engagés par elle et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Le GHPSO est condamné à verser à la SAS Cegelec Nord Tertiaire une somme 113 633, 64 euros hors taxes, assortie de la taxe sur la valeur ajoutée pour la partie qui y est assujettie et des intérêts au taux légal à compter du 20 novembre 2014.

Article 2 : Les frais d’expertise, taxés et liquidés à la somme de 22 552, 37 euros toutes taxes comprises sont mis à la charge définitive du GHPSO.

Article 3 : Le GHPSO versera à la SAS Cegelec Nord Tertiaire une somme de

1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le GHPSO versera à la société Michel Beauvais une somme de 750 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le GHPSO versera à M. D une somme de 750 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 7 : Le présent jugement sera notifié à la SAS Cegelec Nord Tertiaire, au groupe hospitalier public du Sud de l’Oise, à la société Michel Beauvais, à M. A D, à SELAFA MJA, liquidateur judiciaire de la société Nox Industrie Process et à la société Economie 80.

Délibéré après l’audience du 23 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

— M. Thérain, président,

— Mme Rondepierre, première conseillère,

— M. Richard, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

Le rapporteur,

signé

J. Richard

Le président,

signé

S. Thérain

La greffière,

signé

S. Chatellain

La République mande et ordonne à la préfète de l’Oise en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent jugement.

No 2001049

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Textes cités dans la décision

  1. Code de justice administrative
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Tribunal administratif d'Amiens, 3ème chambre, 30 décembre 2022, n° 2001049