Tribunal administratif de Caen, 28 décembre 2012, n° 0800479

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Caen, 28 déc. 2012, n° 0800479
Juridiction : Tribunal administratif de Caen
Numéro : 0800479
Décision précédente : Tribunal administratif de Rouen, 24 avril 2012

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE CAEN

Nos 0800479, 1200326

___________

SOCIÉTÉ CEP-A PORT GUILLAUME

___________

M. X

Rapporteur

___________

M. Rosay

Rapporteur public

___________

Audience du 13 décembre 2012

Lecture du 28 décembre 2012

___________

EB

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Caen

(1re chambre)

39-04-02

39-04-02-03

C

Vu I°), sous le n° 0800479, la requête, enregistrée le 3 mars 2008, présentée pour la société CEP-A Port Guillaume, dont le siège est au Port Guillaume, bureau du port, XXX, à Dives-sur-Mer (14160), représentée par son gérant en exercice, par Me Suarès, avocat ; la société CEP-A Port Guillaume demande au tribunal :

1°) de constater la nullité de l’arrêté du 26 décembre 2007 du président du conseil général du Calvados prononçant la résiliation pour faute à ses torts exclusifs de la concession signée le 29 décembre 1989 ayant pour objet l’établissement et l’exploitation du port dénommé Port Guillaume sur la commune de Dives-sur-Mer ;

2°) de condamner le département du Calvados à lui verser la somme de 23 008 224 euros HT au titre du préjudice qu’elle subit ;

3°) de mettre à la charge du département du Calvados la somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

………………………………………………………………………………………………………

Vu le mémoire, enregistré le 18 avril 2008, présenté pour le département du Calvados, par Me Auger, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société requérante à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

………………………………………………………………………………………………………

Vu le mémoire, enregistré le 21 juin 2012, présenté pour la société CEP-A Port Guillaume qui conclut aux mêmes fins que sa requête et demande, à titre principal, la condamnation du département du Calvados à l’indemniser à hauteur de 11 753 562 euros au titre de l’investissement non amorti et de 9 028 000 euros au titre du manque à gagner et, à titre subsidiaire, la condamnation du département à l’indemniser à hauteur de 11 753 562 euros ;

………………………………………………………………………………………………………

Vu le mémoire, enregistré le 22 juin 2012, présenté pour le département du Calvados, par Me Pareydt, avocat, qui conclut au rejet de la requête et, à titre reconventionnel, demande la condamnation de la société requérante à lui verser la somme de 1 117 890,35 euros hors taxes en application de l’article 55 du traité de concession ainsi que la somme de 1 853 819 euros au titre des provisions constituées par la société requérante, de condamner la société requérante à lui verser la somme de 227 484,04 euros toutes taxes comprises au titre des dépens et la somme de

7 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

………………………………………………………………………………………………………

Vu II°), sous le n° 1200326, la requête, enregistrée le 16 février 2012, présentée pour la société CEP-A Port Guillaume, dont le siège est au Port Guillaume, bureau du port, XXX, à Dives-sur-Mer (14160), représentée par son gérant en exercice, par Me Suarès, avocat ; la société CEP-A Port Guillaume demande au tribunal :

1°) d’annuler le titre exécutoire du 20 décembre 2011 émis à son encontre par le département du Calvados pour un montant de 1 853 819 euros ainsi que la lettre de rappel du 30 janvier 2012 et de la décharger du paiement de cette somme ;

2°) de mettre à la charge du département du Calvados la somme de 3 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

………………………………………………………………………………………………………

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2012, présenté pour le département du Calvados, par Me Pareydt, avocat, qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation de la société requérante à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

………………………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu, enregistrée le 18 décembre 2012, la note en délibéré présentée pour la société CEP-A Port Guillaume ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 portant règlement général sur la comptabilité publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 13 décembre 2012 :

— le rapport de M. X ;

— les conclusions de M. Rosay, rapporteur public ;

— les observations de Me Suarès, avocat au barreau de Nice, pour la société CEP-A Port Guillaume ;

— et les observations de Me Gohon, avocat au barreau de Paris, pour le département du Calvados ;

1. Considérant que les requêtes nos 0800479 et 1200326 présentées pour la société CEP-A Port Guillaume présentent à juger des questions semblables et ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement ;

2. Considérant que, par un traité de concession du 29 décembre 1989, la société Sogea Port Normand, qui s’est ultérieurement dénommée CEP-A Port Guillaume, a été chargée de l’établissement et de l’exploitation d’un port de plaisance à Dives-sur-Mer (Calvados) ; que par un courrier du 13 septembre 2007, le département a mis le concessionnaire en demeure de faire part de ses observations sur les dysfonctionnements du port ; que, par un arrêté du 26 décembre 2007, le département a prononcé la résiliation de la concession pour faute aux torts exclusifs du concessionnaire ; que, le 20 décembre 2011, le département a émis un titre exécutoire d’un montant de 1 858 819 euros à l’encontre de la société CEP-A Port Guillaume ; que, par une première requête n° 0800479, la société CEP-A Port Guillaume demande au tribunal de constater la nullité de l’arrêté du 26 décembre 2007 du président du conseil général du Calvados prononçant la résiliation pour faute à ses torts exclusifs de la concession signée le 29 décembre 1989 et demande la condamnation du département du Calvados à l’indemniser à hauteur de

11 753 562 euros au titre de l’investissement non amorti et de 9 028 000 euros au titre du manque à gagner ; que, par une seconde requête n° 1200326, la requérante conteste le titre exécutoire du 20 décembre 2011 émis par le département du Calvados ;

Sur la requête n° 0800479 :

En ce qui concerne la recevabilité de la requête :

3. Considérant que la société CEP-A Port Guillaume a adressé une demande préalable au département du Calvados le 20 février 2008 ; que le fait que la requérante ait déposé sa requête au greffe du tribunal de céans le 3 mars 2008, soit avant le rejet de sa demande, est sans influence sur la recevabilité de la requête ;

4. Considérant que le juge du contrat, saisi par une partie d’un litige relatif à une mesure d’exécution d’un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité ; que, toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d’une telle mesure d’exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles ; qu’elle doit exercer ce recours, y compris si le contrat en cause est relatif à des travaux publics, dans un délai de deux mois à compter de la date à laquelle elle a été informée de la mesure de résiliation ; que le département du Calvados soutient que la requête est irrecevable faute d’avoir été enregistrée devant le tribunal de céans dans le délai de deux mois suivant la notification de la résiliation de la concession en cause ; que, toutefois, la société CEP-A Port Guillaume doit être regardée comme demandant la réparation du préjudice que lui a causé la résiliation illégale de la concession et elle a d’ailleurs adressé une demande préalable dans ce sens au département du Calvados le 20 février 2008 ; que, dès lors, elle n’était pas tenue de saisir le tribunal de céans dans le délai de deux mois suivant la notification de la décision de résiliation ; que, par conséquent, la fin de non recevoir opposée par le département du Calvados doit être écartée ;

5. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la requête n° 0800479 est recevable ;

En ce qui concerne les conclusions à fin de constatation de la nullité de la décision de résiliation du 26 décembre 2007, sans qu’il soit besoin de statuer sur les fins de non recevoir du département du Calvados :

S’agissant de la légalité externe :

6. Considérant qu’aux termes de l’article 55 du traité de concession : « (…) cette mesure (la déchéance) est prononcée après mise en demeure et expiration d’un délai fixé qui ne peut être inférieur à un mois selon la même procédure que pour l’octroi de la concession, le concessionnaire entendu (…) » ; qu’il résulte de ces dispositions que la déchéance est prononcée selon la même procédure que l’octroi de la concession ; qu’il résulte de l’instruction que la décision de déchéance a été arrêtée par le président du conseil général du Calvados suite à une délibération du conseil général du 21 décembre 2007 selon la même procédure que l’octroi de la concession ; que, dès lors, la société CEP-A Port Guillaume n’est pas fondée à soutenir que le département du Calvados ne pouvait prononcer la déchéance de la concession sans saisir le tribunal de céans ;

7. Considérant que selon l’article L. 3221-3 du code général des collectivités territoriales : « (…) Le président du conseil général est le chef des services du département. Il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, donner délégation de signature en toute matière aux responsables desdits services (…) » ; que, contrairement à ce que soutient la société CEP-A Port Guillaume, le président du conseil général n’était pas tenu de signer personnellement les courriers de mise en demeure ; que ces derniers pouvaient être signés par le directeur de l’aménagement du département du Calvados qui avait reçu délégation du président ; qu’en tout état de cause, ce moyen est écarté ;

8. Considérant que si la société CEP-A Port Guillaume soutient que le courrier du 13 septembre 2007 n’est pas un courrier de mise en demeure tel que le prévoit l’article 55 susvisé du traité de concession mais une simple demande d’information, il résulte de l’instruction que l’objet du courrier est le suivant : « demande d’explication valant mise en demeure dans le cadre de l’article 55 du cahier des charges » ; que ce courrier indique que le concessionnaire risque la déchéance et il contient l’ensemble des faits reprochés ; que, dès lors, le courrier du 13 septembre 2007 constitue une mise en demeure au sens de l’article 55 du traité de concession ;

9. Considérant que la société CEP-A Port Guillaume soutient qu’elle a répondu à la mise en demeure du département du Calvados par un courrier du 5 décembre 2007, contrairement à ce qu’indique la délibération du 21 décembre 2007, et que les droits de la défense ont donc été méconnus ; qu’il résulte toutefois de l’instruction que le concessionnaire a été reçu par le département du Calvados le 7 novembre 2007 ; qu’un compte rendu de cette rencontre lui a été adressé le 14 novembre 2007 pour observation dans un délai 15 jours ; qu’il a adressé un courrier dans ce sens le 5 décembre 2007, reçu le 10 décembre par le département ; que la délibération ne fait pas référence à ce courrier qui est parvenu au département du Calvados tardivement ; qu’en tout état de cause, il résulte de l’instruction que le département a tenu compte de ce courrier ; que dès lors, la requérante n’est pas fondée à soutenir que les droits de la défense ont été méconnus ;

10. Considérant qu’aux termes de l’article L. 3121-19 du code général des collectivités territoriales : « Douze jours au moins avant la réunion du conseil général, le président adresse aux conseillers généraux un rapport, sous quelque forme que ce soit, sur chacune des affaires qui doivent leur être soumises (…) » ; qu’un rapport concernant le projet de résiliation a été adressé aux conseillers généraux le 7 décembre 2007 pour la réunion du 21 décembre 2007 ; que si ce rapport ne fait pas référence au courrier du concessionnaire du 5 décembre 2007, reçu par le département le 10 décembre, c’est en raison de son envoi tardif par la requérante ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut d’information des conseillers généraux doit être écarté ;

11. Considérant que selon l’article L. 3131-1 du code général des collectivités territoriales : « Les actes pris par les autorités départementales sont exécutoires de plein droit dès qu’il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu’à leur transmission au représentant de l’Etat dans le département. Pour les décisions individuelles, cette transmission intervient dans un délai de quinze jours à compter de leur signature (…) » ; que la délibération du 21 décembre 2007 n’avait pas à être notifiée à la requérante afin de devenir exécutoire dès lors qu’il ne s’agit pas d’une décision individuelle ; qu’il n’est pas contesté qu’elle a été transmise au représentant de l’Etat dans le département et affichée ; que, par ailleurs, la société CEP-A Port Guillaume ne conteste pas que l’arrêté du 26 décembre 2007 lui a bien été notifié ; que la requérante n’est donc pas fondée à soutenir que la délibération du 21 décembre 2007 devait lui être notifiée pour être exécutoire ;

S’agissant de la légalité interne :

12. Considérant que si la société CEP-A Port Guillaume soutient que le département du Calvados ne lui a jamais fait de remarque sur la gestion du port avant le courrier du 7 septembre 2012, ce moyen est sans influence sur la légalité de la décision ;

13. Considérant qu’aux termes de l’article 29.1 du cahier des charges de la concession : « Aucune cession partielle ou totale de la concession, aucun changement de concessionnaire ne peuvent avoir lieu, à peine de nullité, qu’en vertu d’une autorisation donnée par l’autorité concédante, le concessionnaire entendu (…) » ; que la société CEP-A Port Guillaume soutient que s’il y a eu des ventes de ses parts sociales et un changement de son statut juridique, il n’y a pas eu de changement de personne morale et son numéro au registre du commerce et des sociétés n’a pas changé, que la cession de parts sociales ne peut s’analyser en cession de concession, qu’il n’y a eu aucune cession partielle ou totale de la concession et que ce motif de la résiliation n’est pas fondé ; que, toutefois, le changement dans les parts sociales et la modification du statut juridique de la société, de société en nom collectif où les associés sont tenus personnellement et solidairement de toutes les dettes sociales, en une société à responsabilité limitée où la responsabilité pécuniaire des associés est limitée au montant de leurs apports, n’offrent pas les mêmes garanties au département du Calvados ; que, dès lors, le concessionnaire ne présentant plus les mêmes garanties au vu desquelles la concession lui avait été attribuée, il n’est pas fondé à soutenir qu’il n’avait pas à informer le département du Calvados des changements dans ses parts sociales et dans son statut juridique ;

14. Considérant que l’article 21 du cahier des charges de la concession intitulé « couverture des risques divers » impose au concessionnaire de souscrire des assurances afin de garantir les risques affectant les ouvrages et les outillages concédés, ainsi que son activité ; qu’aux demandes du département tendant à la communication de son contrat d’assurance et des quittances du paiement de ses primes d’assurance, le concessionnaire n’a produit que les conditions générales de son contrat et les appels de primes ; que ces éléments ne suffisaient pas au département pour lui permettre de contrôler ces assurances en l’absence de communication des conditions particulières du contrat d’assurance et de la preuve du paiement des primes ; que, dès lors, la société CEP-A Port Guillaume n’est pas fondée à soutenir qu’elle a transmis les éléments nécessaires au département du Calvados afin qu’il contrôle l’application de l’article 21 du cahier des charges de la concession ;

15. Considérant, ensuite, qu’il résulte de l’instruction que soit le concessionnaire ne produisait pas les documents budgétaires prévus par l’article 43 du cahier des charges, pas plus que le rapport annuel d’activité prévu à l’article L. 1411-3 du code général des collectivités territoriales, soit il produisait des documents incomplets, voire erronés ; qu’ainsi, en 2006, il a présenté au conseil portuaire des comptes 2005 en déficit alors que la déclaration faite aux services fiscaux démontre que l’exercice était bénéficiaire ; que, de plus, l’audit financier réalisé par le département du Calvados en 2007 relève que les refacturations de la société mère du concessionnaire ont augmenté de manière importante à partir de 2005 sans que le concessionnaire n’ait apporté de véritable explication au département sur ce point ; que, par ailleurs, la dotation aux amortissements est insuffisante depuis la présence de la nouvelle gérance, à savoir depuis 2005 ; qu’ainsi, aucune provision pour renouvellement n’a été prévue au titre de cette année ; qu’il y a eu des reprises sur provisions pour dragage et renouvellement, suite à un changement des méthodes comptables non justifié ; que ces reprises ont permis le versement de dividendes par la société concessionnaire ; qu’ainsi, la requérante n’est pas fondée à soutenir que ces motifs de la décision en cause sont erronés ;

16. Considérant, par ailleurs, qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport de l’expert désigné par le tribunal de céans remis en avril 2012, que les travaux d’entretien, tels que le dragage du port, l’entretien des flotteurs, des pieux, des palplanches ou d’autres ouvrages, n’ont pas été réalisés par le concessionnaire, contrairement aux clauses du cahier des charges de la concession ; qu’il est constant que ce défaut d’entretien entrainait des risques pour la sécurité des usagers ; que la société CEP-A Port Guillaume conteste l’état général du port en indiquant que les constatations de l’expert désigné par le tribunal de céans sont intervenues jusqu’au début de l’année 2012, alors qu’elle ne gère plus le port depuis fin 2007 ; que, pour démontrer que le port objet de la concession est en bon état, elle produit un constat d’huissier qui compare port Guillaume à d’autres ports du Calvados ; que, toutefois, cette comparaison est sans influence sur la légalité de la décision ; que, par ailleurs, le département du Calvados a fait procéder à un audit technique du port en 2007 qui a conclut au défaut d’entretien du port ; que le motif est donc fondé ;

17. Considérant que, contrairement à ce qu’indique la société CEP-A Port Guillaume, le département du Calvados n’a commis aucune erreur d’appréciation en procédant à la résiliation de la concession en cause avec effet immédiat, aux torts de la requérante ;

En ce qui concerne la demande indemnitaire de la société CEP-A Port Guillaume :

18. Considérant que l’article 55 du traité de concession indique que « Le concessionnaire n’a droit, comme indemnisation, qu’au paiement d’une somme égale à la valeur des investissements réalisés par lui-même, déduction faite des amortissements industriels et des provisions pour dépréciation figurant au bilan (…) L’autorité concédante peut retenir, s’il y a lieu, sur l’indemnité de retrait, les sommes nécessaires à la remise en état des ouvrages et outillages (…) » ;

19. Considérant que si la requérante demande l’indemnisation de son préjudice lié au manque à gagner du fait de la résiliation de la concession, il résulte de ce qui précède et de l’article 55 du traité de concession susvisé que la société CEP-A Port Guillaume ne peut prétendre à l’indemnisation de ce préjudice ;

20. Considérant que la société CEP-A Port Guillaume demande, par ailleurs, à être indemnisée à hauteur de 11 753 562 euros au titre de l’investissement non amorti ; que, toutefois, elle ne produit aucun élément sur ce point et elle n’a pas produit les factures de travaux de la construction du port aux experts désignés par ordonnance du 15 avril 2008 du président du tribunal de céans malgré leurs demandes répétées ; qu’il résulte de l’instruction, et notamment du rapport des experts désignés par le tribunal de céans, qu’il convient de retenir le montant des investissements nets inscrit au bilan de la concession au 31 décembre 2006, à savoir 552 546 euros ; que, dès lors, la requérante est fondée à demander la condamnation du département du Calvados à lui verser la somme de 552 546 euros ;

En ce qui concerne les conclusions reconventionnelles du département du Calvados :

21. Considérant que le département du Calvados demande la condamnation de la société CEP-A Port Guillaume à lui verser la somme de 1 670 336,35 euros hors taxes au titre de la remise en état des ouvrages et des outillages en vertu de l’article 55 du cahier des charges de la concession susvisé ; qu’il résulte de l’instruction et de ce qui précède que l’état du port nécessite des travaux de remise en état ; que, toutefois, le montant fixé par les experts désignés par le tribunal de céans pour la remise en état du port se monte à 1 231 852,61 euros hors taxes ; que si le département conteste ce montant au motif que les experts avaient retenu un montant supérieur lors de leur pré-rapport, il n’apporte pas d’éléments démontrant que l’ensemble des coûts de la remise en état du port n’aurait pas été pris en compte par les experts ;

22. Considérant qu’aux termes de l’article 1.4 du traité de concession : « le concessionnaire peut assurer la mise en place et le fonctionnement des équipements et installations en rapport avec l’utilisation du port, à savoir, limitativement : / 1.4.1 (…) des équipements collectifs de caractère touristique relatifs aux écoles de voiles (…) » ; que la société CEP-A Port Guillaume soutient que les travaux d’entretien concernant l’école de voile ne peuvent être mis à sa charge car elle ne fait pas partie de la concession ; que, toutefois, il résulte de la rédaction même de l’article 1.4 susvisé du cahier des charges de la concession que l’école de voile fait partie de la concession ; que, dès lors, les travaux d’entretien de cette école doivent être pris en charge par la requérante ;

23. Considérant que le département du Calvados demande également le reversement des provisions qui ont été constituées au cours de la concession par la société CEP-A Port Guillaume pour un montant de 1 853 819 euros ; que, toutefois, il a émis un titre exécutoire à l’encontre de la requérante le 20 décembre 2011 d’un montant de 1 853 819 euros qui est contesté par la société CEP-A Port Guillaume devant le tribunal de céans dans l’instance n° 1200326 ; que, dès lors, ces conclusions reconventionnelles sont devenues sans objet ;

24. Considérant que le département du Calvados est fondé à demander la condamnation de la société CEP-A Port Guillaume a lui verser la somme de 1 231 852,61 euros hors taxes ; que, toutefois, il résulte de ce qui précède que le département du Calvados est condamné à verser la somme de 552 446 euros à la requérante en application de l’article 55 susvisé du cahier des charges de la concession ; que, dès lors, la société CEP-A Port Guillaume doit être condamnée à verser la somme de 679 406,61 euros au département du Calvados ;

Sur la requête n° 1200326 et les conclusions à fin d’annulation du titre exécutoire du 20 décembre 2011 émis par le département du Calvados pour un montant de 1 853 819 euros :

25. Considérant que la société CEP-A Port Guillaume se prévaut de l’article L. 1617-5 4° du code général des collectivités territoriales qui dispose que : « 4° Une ampliation du titre de recettes individuel ou de l’extrait du titre de recettes collectif est adressée au redevable sous pli simple. Lorsque le redevable n’a pas effectué le versement qui lui était demandé à la date limite de paiement, le comptable public compétent lui adresse une mise en demeure de payer avant la notification du premier acte d’exécution forcée devant donner lieu à des frais. / En application de l’article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, le titre de recettes individuel ou l’extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l’a émis ainsi que les voies et délais de recours. / Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation. » ; qu’il ne résulte pas de ces dispositions que les titres de recette devraient comporter une date limite de paiement à peine d’illégalité ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du 4° de l’article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales doit être écarté ;

26. Considérant qu’un état exécutoire doit indiquer les bases de liquidation de la dette, alors même qu’il est émis par une personne publique autre que l’Etat pour lequel cette obligation est expressément prévue par l’article 81 du décret du 29 décembre 1962 susvisé ; que les bases de liquidations du titre exécutoire contesté sont explicitées dans le certificat administratif qui lui est annexé ; que, dès lors, la requérante n’est pas fondée à soutenir que le titre exécutoire en cause n’indique pas les bases de la liquidation ;

27. Considérant que la société CEP-A Port Guillaume soutient que le titre exécutoire du 20 décembre 2011 méconnaît l’instruction ministérielle 05-50-MO du 13 décembre 2005 relative au recouvrement des recettes des collectivités territoriales et des établissements publics locaux ; que, toutefois et en tout état de cause, cette instruction a été abrogée le 16 décembre 2011 ; que le moyen doit donc être écarté ;

28. Considérant qu’aux termes de l’article R. 3342-8-1 du code général des collectivités territoriales : « Les produits des départements, des établissements publics départementaux et interdépartementaux et de tout organisme public résultant d’une entente entre départements ou entre départements et toute autre collectivité publique ou établissement public, qui ne sont pas assis et liquidés par les services fiscaux de l’Etat en exécution des lois et règlements en vigueur, sont recouvrés : (…) / 2° Soit en vertu de titres de recettes ou de rôles émis et rendus exécutoires en ce qui concerne le département par le président du conseil général et en ce qui concerne les établissements publics par l’ordonnateur de ces établissements. » ;

29. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article 4 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : « (…) Toute décision prise par l’une des autorités administratives mentionnées à l’article 1er comporte, outre la signature de son auteur, la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci » ;

30. Considérant, d’autre part, que tout titre de recette exécutoire comprend quatre volets dont le premier, formant bulletin de perception permettant de suivre le recouvrement de la créance, est adressé au comptable public, le deuxième est annexé au compte de gestion de la collectivité locale, le troisième, formant avis des sommes à payer, est adressé au débiteur, et le quatrième, formant bulletin de liquidation, est conservé par l’ordonnateur ; que pour l’application de l’article 4 précité de la loi du 12 avril 2000, il appartient à la personne publique qui a émis un titre exécutoire, dans le cas où l’avis des sommes à payer reçu par son destinataire n’est pas signé et n’indique pas le nom, le prénom et la qualité de son auteur, d’établir que l’un des trois autres volets du titre en cause comporte ces mentions ainsi que la signature de l’ordonnateur ou de son délégué ;

31. Considérant que la société CEP-A Port Guillaume soutient que le titre exécutoire n’a pas été rendu exécutoire par le président du conseil général et n’a pas été signé ; que, toutefois, elle a été rendue destinataire d’un avis des sommes à payer comportant l’indication de l’identité de l’autorité l’ayant émis, à savoir le président du conseil général du Calvados ; que, par ailleurs, le bordereau journalier resté en possession de l’administration, par lequel, le jour même de l’émission du titre de perception, l’ordonnateur a rendu ce dernier exécutoire, comportait de manière lisible les prénom et nom de son auteur, M. Z A, chef de service du budget, qui a bien reçu délégation du président du conseil général du Calvados à l’effet de signer cet acte ; que, dès lors, ce moyen manque en fait ;

32. Considérant qu’aux termes de l’article 44 du cahier des charges de la concession : « Pendant toute la durée de la concession, le concessionnaire constitue chaque année les amortissements industriels et les provisions nécessaires pour mener à bien, en temps utile, les travaux de gros entretien et de remise en état indispensables aux ouvrages concédés et le renouvellement des outillages, ainsi que pour la réparation des dommages subis ou causés. / Elles doivent lui permettre d’assurer dans des conditions normales l’entretien des ouvrages et outillages portuaires de telle sorte qu’à l’issue de la concession, ces ouvrages et outillages soient remis à l’autorité concédante en parfait état de fonctionnement. Le montant et l’emploi de ces provisions sont vérifiés par l’autorité concédante. » et de l’article 55 du même cahier des charges : « Le concessionnaire n’a droit, comme indemnisation, qu’au paiement d’une somme égale à la valeur des investissements réalisés par lui-même, déduction faite des amortissements industriels et des provisions pour dépréciation figurant au bilan (…) L’autorité concédante peut retenir, s’il y a lieu, sur l’indemnité de retrait, les sommes nécessaires à la remise en état des ouvrages et outillages (…) » ;

33. Considérant que le titre exécutoire en cause, d’un montant de 1 853 819 euros, a pour base de liquidation les provisions pour renouvellement des immobilisations pour un montant de 1 293 281 euros, les provisions pour gros entretien et grandes révisions pour un montant de 214 720 euros et les provisions réglementées pour un montant de 345 818 euros ; que la société CEP-A Port Guillaume indique que ces provisions lui appartiennent et qu’elle n’a pas à les verser au département du Calvados ;

34. Considérant qu’en ce qui concerne les provisions pour renouvellement des immobilisations et les provisions pour gros entretien et grandes révisions, il résulte de la rédaction même des articles 44 et 55 du cahier des charges que ces provisions ont pour but d’assurer le renouvellement de l’outillage portuaire et le gros entretien des ouvrages du port ; que, dès lors, ces sommes ne peuvent revenir qu’au département du Calvados afin qu’il finance le renouvellement de l’outillage portuaire et le gros entretien des ouvrages du port comme le prévoit l’article 55 du cahier des charges de la concession ; que, par ailleurs, si la société CEP-A Port Guillaume soutient que les provisions réglementées correspondent à des amortissements dits de caducité pratiqués par le délégataire depuis le début du contrat de concession afin de tenir compte de l’investissement initial du délégataire, il ne soutient pas qu’il ne s’agit pas des provisions pour dépréciation figurant au bilan prévu par l’article 55 du traité de concession ; que, dès lors, la requérante n’est pas fondée à soutenir que le montant des provisions de la concession lui appartient et qu’elle n’a pas à les verser au département du Calvados ;

35. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la société CEP-A Port Guillaume n’est pas fondée à demander l’annulation du titre exécutoire émis par le département du Calvados le 20 décembre 2011 ;

Sur les frais et honoraires de l’expertise :

36. Considérant qu’aux termes de l’article R. 761-1 du code de justice administrative applicable au litige : « Les dépens comprennent les frais d’expertise, d’enquête et de toute autre mesure d’instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l’Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l’affaire justifient qu’ils soient mis à la charge d’une autre partie ou partagés entre les parties » ;

37. Considérant que, dans les circonstances de l’espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société CEP-A Port Guillaume les frais d’expertise tels que taxés par l’ordonnance du 25 avril 2012 et tels qu’ils seront fixés par le jugement du tribunal administratif de Rouen à intervenir ;

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

38. Considérant qu’aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation » ;

39. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que demande la société CEP-A Port Guillaume au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens soit mise à la charge du département du Calvados, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance ; qu’en revanche, il y a lieu de condamner la société CEP-A Port Guillaume à verser la somme de 4 000 euros au département du Calvados au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La société CEP-A Port Guillaume est condamnée à verser la somme de 679 406,61 euros au département du Calvados.

Article 2 : La requête n° 1200326 présentée pour la société CEP-A Port Guillaume est rejetée.

Article 3 : La société CEP-A Port Guillaume est condamnée à verser au département du Calvados le montant des frais d’expertise.

Article 4 : La société CEP-A Port Guillaume est condamnée à verser au département du Calvados la somme de 4 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la société CEP-A Port Guillaume et au département du Calvados. Copie du présent jugement sera adressée pour information aux experts.

Délibéré après l’audience du 13 décembre 2012, à laquelle siégeaient :

M. Mondésert, président,

M. X, premier conseiller,

M. Revel, conseiller,

Lu en audience publique le 28 décembre 2012.

Le rapporteur, Le président,

C. X X. MONDÉSERT

Le greffier,

M. Y

La République mande et ordonne au PRÉFET DU CALVADOS en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent jugement.

Pour expédition conforme,

le greffier,

M. Y

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Tribunal administratif de Caen, 28 décembre 2012, n° 0800479