Tribunal administratif de Grenoble, 20 décembre 2011, n° 0901393

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Sur la décision

Référence :
TA Grenoble, 20 déc. 2011, n° 0901393
Juridiction : Tribunal administratif de Grenoble
Numéro : 0901393

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE GRENOBLE

N°s 0901393-0901939-0903676-0905695

___________ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Mme D X

___________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

M. A

Magistrat désigné

___________

Le Tribunal administratif de Grenoble

Mme Z

Rapporteur public Le magistrat désigné

___________

Audience du 13 décembre 2011

Lecture du 20 décembre 2011

___________

36-07-01-01

54-01-01-01

Vu 1°) sous le n° 0901393, la requête, enregistrée le 20 mars 2009, présentée par Mme D X, demeurant L’Achard, Miribel-Lanchâtre (38450) ; Mme X demande l’annulation de la décision du 17 mars 2009 par laquelle le directeur de l’institut universitaire de formation des maîtres a changé son affectation ;

Mme X soutient que cette décision :

— aurait dû être précédée de la consultation du comité technique paritaire (CTP) de l’université, du CTP local de l’IUFM, de la commission paritaire d’établissement, de la commission locale des personnels de l’IUFM,

— a été prise sans qu’elle ait été mise à même de consulter son dossier administratif,

— constitue une sanction déguisée et est entachée de détournement de pouvoir ;

Vu la décision attaquée ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 juin 2010, présenté par l’université F G, qui conclut au rejet de la requête ;

L’université fait valoir que :

— le changement de poste constitue une mesure d’ordre intérieur qui n’est pas susceptible de recours pour excès de pouvoir,

— la consultation de la commission paritaire et du comité technique paritaire n’était pas requise, eu égard à l’objet de la mesure,

— aucun fait ne permet d’établir l’existence d’une sanction déguisée ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 décembre 2011, présenté par Mme X, qui persiste dans ses conclusions ;

Vu 2°) sous le n° 0901939, la requête, enregistrée le 21 avril 2009, présentée par Mme D X, qui demande :

— l’annulation de la décision implicite du président de l’université F G refusant de lui accorder la protection fonctionnelle ;

— la condamnation de l’université F G à lui verser une somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Mme X soutient que :

— elle a été agressée sur son lieu de travail le 5 décembre 2008 par sa supérieure hiérarchique et cette dernière l’a de plus calomniée le 17 mars 2009,

— dès lors, elle bénéficiait du droit à la protection fonctionnelle,

— un détournement de pouvoir a été commis en la privant de ses fonctions au secrétariat général de l’IUFM ;

Vu la décision attaquée ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 avril 2010, présenté par l’université F G, qui conclut au rejet de la requête ;

L’université fait valoir que :

— elle a refusé le bénéfice de la protection fonctionnelle à Mme X comme à la supérieure hiérarchique mise en cause,

— les témoignages produits par la requérante ne prouvent pas l’existence d’agissements justifiant la mise en œuvre de la protection fonctionnelle, ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 décembre 2011, présenté par Mme X, qui persiste dans ses conclusions ;

Vu 3°) sous le n° 0903676, la requête, enregistrée le 30 juillet 2009, présentée par Mme D X, qui demande la condamnation de l’institut universitaire de formation des maîtres à lui verser une somme de 5 000 euros en indemnisation du préjudice moral subi du fait du changement illégal d’affectation décidé le 17 mars 2009 ;

Mme X soutient que l’illégalité de cette décision engage la responsabilité de l’administration ;

Vu la demande préalable ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 octobre 2011, présenté par Me B, pour l’université F G, qui conclut :

— au rejet de la requête ;

— à la condamnation de Mme X à lui verser une somme de 800 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ;

L’université fait valoir que la décision du 17 mars 2009 n’est pas illégale ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 décembre 2011, présenté par Mme X, qui persiste dans ses conclusions ;

Vu 4°) sous le n° 0905695, la requête, enregistrée le 18 décembre 2009, présentée par Mme D X, qui demande la condamnation de l’université F G à lui verser une somme de 30 000 euros en indemnisation du préjudice moral subi du fait du refus de protection fonctionnelle et de 10 000 euros en réparation d’une procédure illégale auprès du comité médical ;

Mme X soutient que :

— l’illégalité du refus de protection fonctionnelle engage la responsabilité de l’université,

— la procédure engagée illégalement par le président de l’université, même si elle a été annulée par le recteur, lui a occasionné un préjudice moral ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 novembre 2011, présenté par Me B, pour l’université F G, qui conclut au rejet de la requête ;

L’université fait valoir que le refus de protection fonctionnelle n’est pas illégale et que Mme X ne communique aucun élément pour attester de son préjudice ;

Elle fait valoir que la procédure engagée devant le comité médical était justifiée et a été annulée après que la commission de réforme se soit prononcée ; qu’elle ne peut être tenue pour responsable des griefs faits au docteur Y ; que le préjudice n’est pas justifié ;

Vu le mémoire, enregistré le 7 décembre 2011, présenté par Mme X, qui persiste dans ses conclusions ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 19 décembre 2011, présentée par Mme X dans les instances susvisées ;

Vu la demande préalable ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de l’éducation ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat ;

Vu le décret n°82-451 du 28 mai 1982 relatif aux commissions administratives paritaires ;

Vu le décret n°86-442 du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l’organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d’aptitude physique pour l’admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du 1er septembre 2011 du président du tribunal désignant M. A pour juger les litiges mentionnés à l’article R. 222-13 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir au cours de l’audience publique du 13 décembre 2011, présenté son rapport et entendu :

— les conclusions de Mme Z,

— les observations de Mme X et de Me B pour l’université F G ;

Considérant que les requêtes de Mme X concernent toutes quatre sa situation d’agent public, présentent un lien de connexité et ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu de les joindre pour qu’il y soit statué par un seul jugement ;

Sur le refus d’accorder la protection fonctionnelle à Mme X :

Considérant qu’aux termes de l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 : « Les fonctionnaires bénéficient, à l’occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d’une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire (…) La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l’occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (…) » ; qu’aux termes de l’article 6 quinquiès de la même loi : « Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation ne peut être prise à l’égard d’un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu’il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu’il ait exercé un recours auprès d’un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu’il ait témoigné de tels agissements ou qu’il les ait relatés (…) » ; qu’il résulte de ces dispositions que le collectivité publique est tenue d’accorder la protection fonctionnelle aux agents victimes d’agissements proscrits par l’article 6 quinquiès précité ;

Considérant que, dans des courriers du 16 décembre 2008 et du 12 janvier 2009, Mme X a demandé au directeur de l’IUFM de Grenoble le bénéfice de la protection fonctionnelle prévue à l’article 11 de la loi du 13 juillet 1983 en faisant état de l’agression dont elle avait été victime le 5 décembre 2008 de la part de sa supérieure hiérarchique directe, Mme C, responsable administrative de l’institut, et plus généralement du harcèlement moral que cette dernière lui faisait subir ;

Considérant, d’une part que l’incident du 5 décembre 2008 a fait suite à un grave malaise d’un agent de l’institut survenu la veille et qui a entraîné son décès dans les jours suivants ; que s’il est constant que Mme C est venue dans le bureau de Mme X pour lui reprocher de ne pas l’avoir prévenue du malaise de sa collègue, il ne peut être tenu pour établi qu’elle a proféré des propos violents pouvant être qualifiés d’agression ; qu’à cet égard, le fait que Mme X ait alors perdu connaissance et que cet incident ait été qualifié d’accident de service ne révèle pas, dans ce contexte émotionnel chargé de l’époque, l’existence d’une telle agression qui aurait justifié que soit mise en œuvre la protection fonctionnelle ;

Considérant, d’autre part, que l’oubli de la nouvelle bonification indiciaire de M. X en 2006-2007 a, de son aveu même, été réparé ; que, s’il y a eu pénalisation au niveau des reliquats indemnitaires de l’année, le fait ne paraît s’analyser qu’en une simple erreur administrative commise sans volonté de nuire à la requérante ; que si l’organisation des élections aux conseils de l’université l’a conduite à travailler tard le soir, sans que le surcroît de travail ait été intégralement compensé, cet état de fait regrettable n’a pas concerné qu’elle-même et il ne peut être tenu pour établi qu’il participerait d’une manœuvre pour la décrédibiliser auprès de ses collègues à qui elle avait demandé de participer au dépouillement en leur donnant des assurances quant à une compensation financière ; que la circonstance que Mme X a dû travailler en urgence le soir du 20 octobre 2008 pour composer les listes électorales, sans que sa chef de service ait jugé utile de l’en remercier ne peut être regardé comme participant d’un harcèlement ; que si Mme C a soupçonné Mme X d’avoir, le 13 mars 2009, ouvert un courrier lui étant nominativement destiné, cette accusation a été portée à un moment où l’hostilité entre les deux agents était de notoriété publique et ne peut plus être reprochée à Mme C qui se trouvait elle-même accusée de faits graves ; que les autres griefs faits au comportement de cette dernière ne sont pas établis ;

Considérant ainsi que le litige s’inscrit dans un conflit relationnel entre Mme X et sa responsable exacerbé par l’incident tragique du 4 décembre 2008 et dont il est rendu compte de manière objective et précise par le rapport administratif du directeur de l’institut qui ne laisse apparaître aucun parti pris dans ce conflit, étant précisé qu’il a également refusé la demande de protection fonctionnelle de Mme C ; que la gravité de ce conflit résulte sans doute d’une susceptibilité exacerbée de Mme X devant un comportement de sa supérieure hiérarchique, qui, s’il est contestable d’un point de vue professionnel et relationnel, ne peut être regardé comme ayant eu pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité de la requérante ou d’altérer sa santé physique ou mentale ; que, dès lors, le directeur de l’IUFM a pu à bon droit refuser la protection fonctionnelle à Mme X en l’absence de harcèlement moral ;

Considérant qu’il résulte de ce qui précède que Mme X n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision de refus de protection fonctionnelle, ni, par voie de conséquence, à être indemnisée du préjudice moral résultant pour elle de ce refus ;

Sur la décision du 17 mars 2009 procédant au changement d’affectation de Mme X :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir :

Considérant que cette décision a pour effet de faire perdre à Mme X le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire de 15 points dont elle bénéficiait ; que, dès lors qu’elle se traduit par la perte d’un avantage pécuniaire, elle ne constitue pas une simple mesure d’ordre intérieur mais une décision susceptible de recours pour excès de pouvoir ; que la fin de non-recevoir opposée par l’université F G doit être écartée ;

En ce qui concerne la légalité de la décision du 17 mars 2009 :

Considérant en premier lieu que l’article 60 de la loi du 11 janvier 1984 : « L’autorité compétente procède aux mouvements des fonctionnaires après avis des commissions administratives paritaires. / Dans les administrations ou services où sont dressés des tableaux périodiques de mutations, l’avis des commissions est donné au moment de l’établissement de ces tableaux. / Toutefois, lorsqu’il n’existe pas de tableaux de mutation, seules les mutations comportant changement de résidence ou modification de la situation de l’intéressé sont soumises à l’avis des commissions (…) » ; qu’en l’absence de changement de lieu de travail et de modification des responsabilités de Mme X, la décision en litige, quand bien même elle a pour effet de faire perdre à la requérante le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire, ne constitue pas une mutation devant être soumise à la consultation de la commission administrative paritaire ;

Considérant, en deuxième lieu, qu’au vu des difficultés relationnelles évoquées plus haut, le directeur de l’IUFM était fondé, dans l’intérêt du service, à changer l’affectation de Mme X de sorte qu’elle ne soit plus en contact avec la supérieure hiérarchique avec laquelle elle était en conflit ; qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le directeur n’ait pas agi dans l’intérêt du service et qu’il ait poursuivi en fait le dessein de sanctionner illégalement la requérante ;

Considérant en revanche que la décision, dès lors qu’elle a été prise en considération de la personne de Mme X, ne pouvait intervenir sans que celle-ci ait été mise en mesure de consulter son dossier administratif et de présenter ses observations ; qu’il est constant que la requérante n’a pas été avisée préalablement par le directeur qu’il envisageait de modifier son affectation ; que, par suite, la décision a été prise selon une procédure irrégulière et doit être annulée ;

En ce qui concerne la demande indemnitaire de Mme X :

Considérant que la décision de changement d’affectation étant, ainsi qu’il vient d’être dit, justifiée au regard de l’intérêt du service et ne constituant pas une sanction illégale, le vice de procédure dont elle est entachée n’a été à l’origine d’aucun préjudice moral pour Mme X, et ce, d’autant plus qu’aux dires mêmes de la requérante, la décision en litige n’a jamais été mise en application ; que sa demande indemnitaire doit donc être rejetée ;

Sur la demande indemnitaire formée en conséquence de la mise en œuvre d’une procédure devant le comité médical départemental :

Considérant qu’en mars 2009, le président de l’université F G a décidé de faire procéder à une vérification de l’aptitude de Mme X à ses fonctions, alors qu’elle était en congé pour accident de service ; que la requérante soutient que cette démarche lui a occasionné un préjudice moral et des troubles dans ses conditions d’existence et demande que ce préjudice soit réparé par le versement d’une somme de 10 000 euros ;

Considérant, d’une part, que cette procédure, qui était effectivement dépourvue d’objet, n’a pas été menée à terme et n’a donné lieu à aucune décision administrative préjudiciable à Mme X, le recteur ayant annulé la procédure le 7 juillet 2009 et le dossier ayant été retourné au président de l’université ;

Considérant, d’autre part, que la mise en œuvre de cette procédure par le président de l’université constitue une simple erreur administrative et ne peut être regardée comme un agissement fautif destiné à écarter Mme X de ses fonctions et à porter atteinte à ses perspectives de carrière ;

Considérant ainsi, que la demande indemnitaire formée par Mme X en conséquence de la saisine du comité médical départemental par le président de l’université F G doit être rejetée ;

Sur les frais de procès :

Considérant qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de prononcer de condamnation au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ; que les conclusions présentées en ce sens par Mme X et l’université F G doivent être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 17 mars 2009 par laquelle le directeur de l’institut universitaire de formation des maîtres a

changé l’affectation de Mme X est annulée.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme D X et à l’université F G.

Lu en audience publique le 20 décembre 2011.

Le magistrat désigné, La greffière,

C. A V. Barnier

La République mande et ordonne au ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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