Tribunal administratif de Grenoble, 29 décembre 2017, n° 1507661

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Grenoble, 29 déc. 2017, n° 1507661
Juridiction : Tribunal administratif de Grenoble
Numéro : 1507661
Décision précédente : Tribunal administratif de Grenoble, 3 juin 2015, N° 1302594

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE GRENOBLE

N°1507661 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ___________


M. Z X

___________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


M. D B-C

Rapporteur

___________ Le tribunal administratif de Grenoble
Mme Anne Triolet (2ème Chambre) Rapporteur public

___________

Audience du 14 décembre 2017 Lecture du 29 décembre 2017 _________ 68-03 C

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 16 décembre 2015, M. Z X, représenté par Me Matras, demande au tribunal :

1°) d’annuler pour excès de pouvoir l’arrêté du 26 octobre 2015 par lequel le maire de Beaufort-sur-Gervanne a refusé de lui délivrer un permis de construire en vue de l’édification d’une maison individuelle avec garage ;

2°) d’enjoindre au maire de Beaufort-sur-Gervanne de réexaminer sa demande de permis de construire dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Beaufort-sur-Gervanne une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. X soutient que :

- le plan local d’urbanisme de la commune ayant été annulé par un jugement du 4 juin 2015, le maire était incompétent pour refuser, au nom de la commune, de délivrer un permis de construire ;

- en refusant le permis, sans solliciter l’avis conforme du préfet, le maire a méconnu les dispositions de l’article L. 422-6 du code de l’urbanisme ;

- l’arrêté du maire du 26 octobre 2015 et l’avis conforme du préfet de la Drôme du 24 septembre 2015, par la voie de l’exception, sont entachés d’une erreur de droit en ce qu’ils se fondent sur les dispositions, inapplicables en l’espèce, de l’article L. 111-1-2 du code de l’urbanisme ;



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- l’arrêté du maire du 26 octobre 2015 et l’avis conforme du préfet du 24 septembre 2015, par la voie de l’exception, sont entachés d’une erreur d’appréciation en ce que le projet se situe en continuité d’un groupe d’habitations au sens du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme ; qu’en outre, la parcelle, qui est desservie par les réseaux d’eau, d’électricité et d’assainissement, était classée en zone UB par le plan local d’urbanisme qui a été annulé ;

- l’arrêté du maire du 26 octobre 2015 et l’avis conforme du préfet du 24 septembre 2015, par la voie de l’exception, méconnaissent l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme en ce qu’il a obtenu un certificat d’urbanisme opérationnel positif le 22 janvier 2014.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 novembre 2016, la commune de Beaufort- sur-Gervanne, représentée par Me Delhomme, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. X une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Beaufort-sur-Gervanne fait valoir que :

- le maire était en situation de compétence liée pour refuser le permis en raison de l’avis conforme défavorable du préfet de la Drôme en date du 24 septembre 2015 ; en conséquence, l’ensemble des moyens dirigés contre l’arrêté attaqué sont inopérants ;

- les autres moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une lettre du 13 septembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a informé les parties de ce que la solution du litige était susceptible de donner lieu à une substitution de base légale opérée d’office.

Par un mémoire, enregistré le 9 octobre 2017, M. X a présenté des observations en réponse à la substitution de base légale soulevée d’office.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l’urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de M. B-C,

- les conclusions de Mme Triolet, rapporteur public,

- et les observations de Me Mollion substituant Me Matras, représentant M. X, et de Me Fiat substituant Me Delhomme, représentant la commune de Beaufort-sur-Gervanne.

1. Considérant que M. X a déposé en mairie, le 16 juillet 2015, une demande de permis de construire une maison individuelle avec garage sur la parcelle cadastrée A.819, située sur le territoire de la commune de Beaufort-sur-Gervanne ; que M. X a complété son dossier le 14 septembre 2015 ; que, après avis défavorable du préfet de la Drôme du 24 septembre 2015, le maire de Beaufort-sur-Gervanne, par arrêté du 26 octobre 2015, a rejeté sa demande ; que, par la requête susvisée, M. X demande l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté du 26 octobre 2015 ;



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Sur la légalité de l’avis conforme du préfet de la Drôme du 24 septembre 2015 :

2. Considérant que si, lorsque la délivrance d’une autorisation administrative est subordonnée à l’accord préalable d’une autre autorité, le refus d’un tel accord, qui s’impose à l’autorité compétente pour statuer sur la demande d’autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours, des moyens tirés de sa régularité et de son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l’autorité compétente pour statuer sur la demande d’autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision ;

3. Considérant qu’aux termes de l’article L. 422-6 du code de l’urbanisme : « En cas d’annulation par voie juridictionnelle ou d’abrogation d’une carte communale, d’un plan local d’urbanisme ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu, ou de constatation de leur illégalité par la juridiction administrative ou l’autorité compétente et lorsque cette décision n’a pas pour effet de remettre en vigueur un document d’urbanisme antérieur, le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale recueille l’avis conforme du préfet sur les demandes de permis ou les déclarations préalables postérieures à cette annulation, à cette abrogation ou à cette constatation » ;

4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que, d’une part, par un jugement n°1302594 du 4 juin 2015, le tribunal administratif de Grenoble a annulé le plan local d’urbanisme de la commune Beaufort-sur-Gervanne approuvé le 18 février 2013 et, d’autre part, cette décision juridictionnelle n’a pas eu pour effet de remettre en vigueur un document d’urbanisme antérieur ; que ce jugement a un caractère définitif en l’absence d’appel ; que la commune relève, dès lors, des règles générales d’urbanisme prévues au code de l’urbanisme ; qu’en application de l’article L. 422-6 de ce code, le maire doit alors recueillir l’avis conforme du préfet notamment sur les demandes de permis de construire postérieures à l’annulation du plan local d’urbanisme ;

5. Considérant que, saisi sur le fondement de l’article L. 422-6 du code de l’urbanisme, le préfet de la Drôme a émis, le 24 septembre 2015, un avis défavorable sur la demande de permis de construire du requérant au motif que les dispositions de l’article L. 111-1-2 du code de l’urbanisme faisaient obstacle à ce que le projet, qui est situé en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune de Beaufort-sur-Gervanne, soit autorisé ;

En ce qui concerne le fondement légal de l’avis :

6. Considérant qu’aux termes de l’article L. 111-1-2 du code de l’urbanisme, dans sa rédaction alors en vigueur : « En l’absence de plan local d’urbanisme ou de carte communale opposable aux tiers, ou de tout document d’urbanisme en tenant lieu, seules sont autorisées, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune : / 1° L’adaptation, le changement de destination, la réfection, l’extension des constructions existantes ou la construction de bâtiments nouveaux à usage d’habitation à l’intérieur du périmètre regroupant les bâtiments d’une ancienne exploitation agricole, dans le respect des traditions architecturales locales ; / 2° Les constructions et installations nécessaires à l’exploitation agricole, à des équipements collectifs dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées, à la réalisation d’aires d’accueil ou de terrains de passage des gens du voyage, à la mise en valeur des ressources naturelles et à la réalisation d’opérations d’intérêt national. / 3° Les constructions et installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées et l’extension mesurée des constructions et installations existantes. / 4° Les constructions ou installations, sur délibération motivée du conseil municipal,



N° 1507661 4 si celui-ci considère que l’intérêt de la commune, en particulier pour éviter une diminution de la population communale, le justifie, dès lors qu’elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la salubrité et à la sécurité publique, qu’elles n’entraînent pas un surcroît important de dépenses publiques et que le projet n’est pas contraire aux objectifs visés à l’article L. 110 et aux dispositions des chapitres V et VI du titre IV du livre Ier ou aux directives territoriales d’aménagement précisant leurs modalités d’application. » ; qu’aux termes de l’article L. 145-3 de ce code, alors en vigueur : « III.-Sous réserve de l’adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l’extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d’installations ou d’équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, l’urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants. (…) / Lorsque la commune n’est pas dotée d’un plan local d’urbanisme ou d’une carte communale, les notions de hameaux et de groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants doivent être interprétées en prenant en compte les critères mentionnés à l’alinéa précédent. » ;

7. Considérant qu’il résulte de la combinaison de ces dispositions que le III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme régit entièrement la situation des communes classées en zone de montagne pour l’application de la règle de constructibilité limitée, qu’elles soient ou non dotées de plan d’urbanisme, à l’exclusion des dispositions prévues à l’article L. 111-1-2 précité régissant la situation des communes non dotées d’un plan d’occupation des sols ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu ;

8. Considérant qu’il est constant que la parcelle en litige est située en zone de montagne ; que seules les dispositions de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme lui sont opposables ; qu’en faisant application exclusivement des dispositions de l’article L. 111-1-2 du code de l’urbanisme, le préfet de la Drôme a, dès lors, méconnu le champ d’application de la loi ;

9. Considérant toutefois, que lorsqu’il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d’appréciation, sur le fondement d’un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l’excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l’intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l’application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée ; qu’une telle substitution relevant de l’office du juge, celui-ci peut y procéder de sa propre initiative, au vu des pièces du dossier, mais sous réserve, dans ce cas, d’avoir au préalable mis les parties à même de présenter des observations sur ce point ;

10. Considérant que le terrain de M. Y se situe au sein d’un espace boisé ; que s’il est distant de 10 mètres, de 20 mètres et de 80 mètres de trois constructions, celles-ci ne peuvent être assimilées, à un hameau, ou un groupe de constructions traditionnelles ou d’habitations existants au sens du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme ; qu’en outre, les circonstances tenant, d’une part, à ce que le plan local d’urbanisme de la commune de Beaufort- sur-Gervanne, annulé par le jugement du tribunal précité au point 4, classait ce terrain en zone UB et, d’autre part, à ce que le terrain pourrait être desservi par les réseaux publics existants, sont sans incidence sur l’application du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme ;

11. Considérant que la décision attaquée, motivée par l’inconstructibilité du terrain de M. X, qui se situe hors des parties actuellement urbanisées de la commune, trouve alors son fondement légal dans les dispositions du III de l’article L. 145-3 du code de l’urbanisme, qui peuvent être substituées à l’article L. 111-1-2 de ce code, dès lors, en premier lieu, que, comme il vient d’être dit au point précédent, le terrain en litige n’est pas situé en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d’habitations existants de la commune de Beaufort-sur-Gervanne au sens des dispositions du III de l’article L. 145-3



N° 1507661 5 précité, en deuxième lieu, que cette substitution de base légale n’a pour effet de priver l’intéressé d’aucune garantie et, en troisième lieu, que l’administration dispose du même pouvoir d’appréciation pour appliquer l’une ou l’autre de ces deux dispositions ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme :

12. Considérant qu’aux termes de l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme : « Lorsqu’une demande d’autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d’un certificat d’urbanisme, les dispositions d’urbanisme, le régime des taxes et participations d’urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu’ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l’exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. » ; que si la règle ainsi fixée confère à la personne à laquelle un certificat d’urbanisme a été délivré un droit à voir sa demande de permis de construire, lorsque celle-ci a été déposée dans le délai de dix-huit mois qui suit, examinée au regard des dispositions d’urbanisme mentionnées dans ledit certificat, elle n’a ni pour objet ni pour effet de justifier légalement la délivrance d’un permis de construire fondé sur lesdites dispositions dans le cas où celles-ci sont illégales ;

13. Considérant que, comme il a été dit au point 4, le tribunal a annulé, par un jugement devenu définitif, le plan local d’urbanisme de la commune de Beaufort-sur-Gervanne ; que, par suite, le requérant n’est pas fondé à soutenir que le certificat d’urbanisme opérationnel positif, obtenu le 22 janvier 2014 sur le fondement de dispositions jugées illégales, impliquerait nécessairement la délivrance du permis de construire sollicité ;

14. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que le préfet de la Drôme a pu légalement s’opposer au projet de M. X dans son avis du 24 septembre 2015 ;

Sur la légalité de l’arrêté du maire du 26 octobre 2015 :

15. Considérant que, comme il a été dit aux points 4 et 5, le maire était tenu, en application des dispositions de l’article L. 422-6 du code de l’urbanisme, de suivre l’avis conforme du préfet ; que, par suite, l’ensemble des moyens dirigés contre l’arrêté du 26 octobre 2015 sont inopérants ;

16. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation dirigées contre l’arrêté du 26 octobre 2015 par lequel le maire de Beaufort-sur- Gervanne a refusé de délivrer à M. X un permis de construire doivent être rejetées ; que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d’injonction doivent également être rejetées ;

Sur les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : 17. Considérant que les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Beaufort-sur- Gervanne, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. X demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu’il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Beaufort- sur-Gervanne au même titre ;



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D E C I D E :

Article 1 : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Beaufort-sur-Gervanne tendant au versement d’une somme au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. Z X, à la commune de Beaufort-sur-Gervanne et au ministre de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l’audience du 14 décembre 2017, à laquelle siégeaient : M. Dufour, président, Mme Bril, premier conseiller, M. B-C, conseiller.

Lu en audience publique le 29 décembre 2017.

Le rapporteur, Le président,

T. B-C P. Dufour

Le greffier,

C. Jasserand

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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