Tribunal administratif de Grenoble, 9 février 2023, n° 2300486

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Grenoble, 9 févr. 2023, n° 2300486
Juridiction : Tribunal administratif de Grenoble
Numéro : 2300486
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 15 février 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 26 janvier 2023, M. A, représenté par Me Morlat, demande au juge des référés :

1°) de l’admettre provisoirement au bénéfice de l’aide juridictionnelle ;

2°) d’ordonner, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de la décision orale du 19 avril 2022 par laquelle le préfet de l’Isère a refusé d’enregistrer sa demande de titre de séjour, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de cette décision ;

3°) d’enjoindre au préfet de l’Isère d’enregistrer sa demande de titre de séjour et de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour avec autorisation de travail, dans un délai de deux jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l’État une somme de 1 200 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

— L’urgence est caractérisée dès lors qu’il remplit les conditions pour obtenir un titre de séjour de plein droit, que la décision contestée le maintien en situation irrégulière et qu’il risque une mesure d’éloignement ;

Les moyens de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée sont :

— l’incompétence de l’auteur de l’acte ;

— l’absence de motivation ;

— le défaut de base légale dès lors que la préfecture est tenu d’enregistrer une demande de titre de séjour lorsque le dossier est complet ;

— la méconnaissance de l’article L. 423-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février, le préfet de l’Isère conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu’aucun des moyens n’est fondés.

M. A a été admis à l’aide juridictionnelle totale par décision du 14 juin 2022 notifiée le 20 décembre 2022.

Vu :

— les autres pièces du dossier ;

— la requête enregistrée le 26 janvier 2023 sous le n°2300483 par laquelle M. A demande l’annulation de la décision attaquée.

Vu :

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la loi n°647-1991 du 10 juillet 1991 ;

— le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné Mme B pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Au cours de l’audience publique tenue en présence de Mme Bonino, greffière d’audience, Mme B a lu son rapport et entendu les observations de Mme C, représentant le préfet de l’Isère.

Considérant ce qui suit :

1. M. A, ressortissant tunisien, né en 1995 soutient être entré en France en juin 2018. Il a fait l’objet de deux obligations de quitter le territoire français, la dernière datant du 6 septembre 2020 et étant assortie d’une interdiction de retour pour une durée d’un an. Le 13 février 2021, il s’est marié avec une ressortissante française. Le 19 avril 2022, il s’est présenté à la préfecture pour déposer une demande de titre de séjour « conjoint de français » mais il a fait l’objet d’un refus d’enregistrement en raison d’une interdiction de retour sur le territoire français. M. A demande la suspension de la décision orale de refus d’enregistrement de sa demande et de refus de lui délivrer le récépissé de dépôt de cette demande.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision. () ».

3. Il résulte de ces dispositions que la condition d’urgence à laquelle est subordonné le prononcé d’une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés, saisi d’une demande tendant à la suspension d’une telle décision, d’apprécier concrètement, compte-tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de celle-ci sur la situation de ce dernier ou le cas échéant, des personnes concernées, sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue.

4. M. A justifie avoir entrepris des démarches pour enregistrer sa demande de titre de séjour depuis juillet 2020 et fait valoir qu’il est marié à une ressortissante française depuis le 13 février 2021 et qu’il remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour « vie privée et familiale ». Le refus d’enregistrement opposé a pour effet de maintenir M. A dans une situation administrative et matérielle précaire et ne lui permet pas de subvenir aux besoins de sa famille. Ainsi, la décision de refus d’enregistrer sa demande de titre de séjour préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate aux intérêts du requérant. La condition d’urgence est donc remplie.

5. Aux termes de l’article R. 311-4 repris à l’article R. 431-12 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « L’étranger admis à souscrire une demande de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour se voit remettre un récépissé qui autorise sa présence sur le territoire pour la durée qu’il précise () ». Ainsi, en dehors du cas d’une demande à caractère abusif ou dilatoire, l’autorité administrative chargée d’instruire une demande de titre de séjour ne peut refuser de l’enregistrer que si le dossier présenté à l’appui de cette demande est incomplet. Le caractère abusif ou dilatoire de la demande doit s’apprécier compte tenu d’éléments circonstanciés. Le simple fait que l’étranger soit sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français exécutoire ne suffit pas à le caractériser. Une demande de titre de séjour peut être considérée comme abusive si elle ne présente aucun élément nouveau par rapport à une précédente demande ou si les éléments nouveaux présentés sont purement dilatoires.

6. Pour refuser d’enregistrer la demande de titre de séjour de M. A, le préfet de l’Isère s’est fondé sur la circonstance qu’il avait fait l’objet, le 6 septembre 2020 d’une interdiction de retour sur le territoire français. Or, aucune disposition législative ou réglementaire ne subordonne l’enregistrement d’une demande de titre de séjour déposée par un étranger à l’abrogation préalable de l’interdiction de retour sur le territoire français édictée à son encontre. Par ailleurs, il est constant que le dossier était complet, le préfet de l’Isère ne soutient pas que la nouvelle demande, fondée sur le mariage célébré en 2021, serait abusive ou dilatoire.

7. En l’état de l’instruction, le moyen tiré du défaut de base légale est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision verbale attaquée.

8. Les deux conditions requises par les dispositions précitées de l’article L. 521-1 du code de justice administrative sont remplies en l’espèce. Il y a lieu, dès lors, d’ordonner la suspension de l’exécution de la décision orale par laquelle le préfet de l’Isère a refusé d’enregistrer sa demande de titre de séjour, jusqu’à ce qu’il soit statué sur la requête au fond tendant à son annulation.

Sur l’injonction :

9. La présente ordonnance, eu égard au motif qui fonde la suspension prononcée, implique nécessairement d’enjoindre au préfet de l’Isère d’enregistrer la demande de titre de séjour de M. A et de lui délivrer le récépissé correspondant à cette demande et l’autorisant à travailler dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance. Il n’y a pas lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte.

Sur les conclusions au titre des frais de procès :

10. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions de M. A tendant à l’application combinée de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.

O R D O N N E :

Article 1er : L’exécution de la décision orale du préfet de l’Isère en date du 19 avril 2022 refusant d’enregistrer la demande de titre de séjour de M. A et de lui délivrer un récépissé l’autorisant à travailler est suspendue jusqu’à ce qu’il soit statué sur la requête au fond tendant à leur annulation.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l’Isère d’enregistrer la demande de titre de séjour de M. A et de lui délivrer le récépissé correspondant, l’autorisant à travailler, dans le délai de quinze jours suivant la notification de la présente ordonnance.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à M. D A, à Me Morlat et au préfet de l’Isère.

Fait à Grenoble, le 9 février 2023.

La juge des référés,La greffière,

A. BJ. Bonino

La République mande et ordonne au préfet de l’Isère en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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