Tribunal administratif de Guyane, 1ère chambre, 28 décembre 2023, n° 2300050

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Guyane, 1re ch., 28 déc. 2023, n° 2300050
Juridiction : Tribunal administratif de Guyane
Numéro : 2300050
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 5 janvier 2024

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 2201872 le 26 décembre 2022, et un mémoire, enregistré le 26 janvier 2023, M. C A, représenté par Me Aurel, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 26 octobre 2022 par lequel le directeur des ressources humaines et affaires médicales du centre hospitalier de l’Ouest guyanais l’a licencié pour faute grave dans l’exercice de ses fonctions ;

2°) de condamner le centre hospitalier de l’Ouest guyanais à lui verser les sommes de 1 006,40 euros au titre de l’indemnité de préavis, 7 044,80 euros au titre de l’indemnité pour perte d’emploi et de licenciement irrégulier, 1 396,38 euros au titre de l’indemnité de congés payés, 1 000 euros au titre de l’indemnité contractuelle de fin de contrat et 1 500 euros au titre du remboursement des frais de déplacement ;

3°) de condamner le centre hospitalier de l’Ouest guyanais à lui verser la somme de 3 500 euros en réparation du préjudice moral qu’il estime avoir subi ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de l’Ouest guyanais la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— la décision en litige est entachée d’incompétence ;

— elle est illégale dès lors que la procédure permettant à l’administration de licencier un de ses agents, prévue par le décret du 6 février 1991, est entachée d’irrégularités ;

— en raison de l’illégalité de la décision en litige, il a le droit à une indemnité de préavis de huit jours, au paiement de ses traitements jusqu’au 21 décembre 2022, à ses droits aux congés payés, au versement de la prime prévue par le contrat et au paiement de son billet d’avion aller-retour ;

—  il a subi un préjudice moral en raison de la rupture de son contrat, sans préavis, dès lors qu’il a dû abandonner précipitamment le logement mis à sa disposition et s’est retrouvé sans domicile du jour au lendemain.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2023, le centre hospitalier de l’Ouest guyanais, représenté par Me Fernandez-Begault, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

— la requête est irrecevable dès lors que M. A n’est pas représenté par un mandataire déterminé, qu’il n’a pas produit l’acte attaqué et que le contentieux n’est pas lié concernant les conclusions indemnitaires ;

— les autres moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 28 juillet 2023, la clôture d’instruction a été fixée au 30 octobre 2023.

Sur le fondement des dispositions de l’article R. 613-1-1 du code de justice administrative, le tribunal a sollicité la délégation permettant au directeur des ressources humaines et affaires médicales du centre hospitalier de l’Ouest guyanais de signer la décision contestée.

Les pièces produites en réponse à cette demande ont été enregistrées le 3 novembre 2023 et communiquées.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 2300050 le 11 janvier 2023, M. C A, représenté par Me Aurel, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 26 octobre 2022 par lequel le directeur des ressources humaines et affaires médicales du centre hospitalier de l’Ouest guyanais l’a licencié pour faute grave dans l’exercice de ses fonctions ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de l’Ouest guyanais la somme de 3 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— la décision en litige est entachée d’incompétence ;

— elle est illégale dès lors que la procédure permettant à l’administration de licencier un de ses agents, prévue par le décret du 6 février 1991, est entachée d’irrégularités.

Par un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2023, le centre hospitalier de l’Ouest guyanais, représenté par Me Fernandez-Begault, conclut au rejet de la requête et à ce qu’une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

— la requête est irrecevable dès lors qu’elle est superfétatoire et dépourvue de toute portée, qu’elle est tardive et que M. A n’a pas produit l’acte attaqué ;

— les autres moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code général de la fonction publique ;

— le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Gillmann, conseiller ;

— les conclusions de M. Hégésippe, rapporteur public ;

— les observations de Me Fernandez-Begault, représentant le centre hospitalier de l’Ouest guyanais.

M. A n’était ni présent, ni représenté.

Considérant ce qui suit :

1. M. A a été recruté par le centre hospitalier de l’Ouest guyanais en qualité d’infirmier diplômé d’Etat sur un contrat à durée déterminé à compter du 1er septembre 2022 jusqu’au 21 décembre 2022. L’intéressé a été affecté au service des urgences. Par un courrier électronique du 26 octobre 2022, le centre hospitalier l’a informé de la rupture de son contrat aux motifs des « prises en charge mettant en danger les patients hospitalisés au déchocage et à la désinvolture qu’il a manifesté face aux remarques relatives aux prescriptions médicales ». Par une décision du même jour, le directeur des ressources humaines et affaires médicales du centre hospitalier de l’Ouest guyanais a prononcé son licenciement. L’intéressé a adressé une demande indemnitaire préalable au directeur du centre hospitalier le 11 janvier 2023 qui a été implicitement rejetée. Par ses requêtes enregistrées sous les numéros n° 2201872 et n° 2300050, M. A demande l’annulation de la décision du 26 octobre 2022 et à ce que le centre hospitalier de l’Ouest guyanais soit condamné à lui verser la somme totale de 15 447,58 euros au titre des indemnités qui doivent, selon lui, être versées en raison de l’illégalité de la décision en litige et du préjudice moral qu’il estime avoir subi.

2. Les documents enregistrés sous le n° 2300050, constituent en réalité un mémoire complémentaire présenté par M. A sous le n° 2201872. Par suite, ce mémoire, enregistré sous la forme d’une requête, doit être rayé du registre du greffe du tribunal et être versé au dossier de la requête enregistrée sous le n° 2201872.

Sur les fins de non-recevoir opposées en défense :

3. En premier lieu, aux termes de l’article R. 431-1 du code de justice administrative : « Lorsqu’une partie est représentée devant le tribunal administratif par un des mandataires mentionnés à l’article R. 431-2, les actes de procédure, à l’exception de la notification de la décision prévue aux articles R. 751-3 et suivants, ne sont accomplis qu’à l’égard de ce mandataire ».

4. En vertu de l’article R. 431-1 du code de justice administrative, lorsqu’une partie est représentée devant un tribunal administratif ou une cour administrative d’appel par un avocat, un avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation ou un avoué en exercice dans le ressort du tribunal administratif intéressé, les actes de procédure, à l’exception de la notification de la décision, ne sont accomplis qu’à l’égard de ce mandataire. Dans le cas où, au cours d’une même procédure, des mémoires sont présentés au nom d’une partie par des mandataires différents, le tribunal ou la cour doit, s’il y a doute sur l’identité du mandataire ayant seule qualité pour représenter cette partie, inviter celle-ci à la lui faire connaître.

5. Par une lettre du 26 juillet 2023, Me Aurel s’est constitué en tant que seul mandataire de M. A. Alors même que la requête, ainsi que les mémoires enregistrés postérieurement, ont été signés par deux avocats différents, au demeurant membres d’un cabinet en partenariat avec Me Aurel, il n’y a pas lieu de douter sur l’identité du mandataire et la fin de non-recevoir tirée de l’indétermination du mandataire du requérant doit être écartée.

6. En deuxième lieu, aux termes de l’article R. 412-1 du code de justice administrative : « La requête doit, à peine d’irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de l’acte attaqué () ». Il ressort des pièces du dossier que si la requête en annulation de la décision du 26 octobre 2022 présentée par M. A n’était pas accompagnée d’une copie de cet acte, l’administration en a joint une copie à son mémoire en défense enregistré le 26 juin 2023, avant la clôture d’instruction. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir tirée de l’absence de l’acte attaqué doit également être écartée.

7. En troisième et dernier lieu, aux termes de l’article R. 421-1 du code de justice administrative : « La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d’une somme d’argent, elle n’est recevable qu’après l’intervention de la décision prise par l’administration sur une demande préalablement formée devant elle () ».

8. Il résulte de l’article R. 421-1 du code de justice administrative qu’en l’absence d’une décision de l’administration rejetant une demande formée devant elle par le requérant ou pour son compte, une requête tendant au versement d’une somme d’argent est irrecevable et peut être rejetée pour ce motif même si, dans son mémoire en défense, l’administration n’a pas soutenu que cette requête était irrecevable, mais seulement que les conclusions du requérant n’étaient pas fondées. En revanche, les termes du second alinéa de l’article R. 421-1 du code de justice administrative n’impliquent pas que la condition de recevabilité de la requête tenant à l’existence d’une décision de l’administration s’apprécie à la date de son introduction. Cette condition doit être regardée comme remplie si, à la date à laquelle le juge statue, l’administration a pris une décision, expresse ou implicite, sur une demande formée devant elle. Par suite, l’intervention d’une telle décision en cours d’instance régularise la requête, sans qu’il soit nécessaire que le requérant confirme ses conclusions et alors même que l’administration aurait auparavant opposé une fin de non-recevoir fondée sur l’absence de décision.

9. Il résulte de l’instruction que M. A a formé sa demande préalable par une lettre du 11 janvier 2023 sans que le centre hospitalier de l’Ouest guyanais ne conteste l’avoir reçue. Il s’ensuit qu’à la date du présent jugement, l’administration doit être regardée comme l’ayant implicitement rejetée. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense tirée de l’absence de la liaison du contentieux ne saurait être accueillie.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

10. Aux termes des stipulations de l’article 10 du contrat à durée déterminé liant M. A au centre hospitalier de l’Ouest guyanais établi le 26 août 2022 : « En cas de faute grave dans l’exercice de ses fonctions, qu’il s’agisse d’un manquement à ses obligations professionnelles ou d’une infraction de droit entachant la moralité, l’intéressé (é) sera licencié sans préavis et indemnité par le Directeur de l’établissement, après communication des éléments de son dossier dans les conditions légales ».

11. Aux termes de l’article 39 du décret du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de la fonction publique hospitalière : « Les sanctions disciplinaires susceptibles d’être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes : () / 4° Le licenciement, sans préavis ni indemnité de licenciement () ». Aux termes de l’article 39-1 de ce décret : « En cas de faute grave commise par un agent contractuel, qu’il s’agisse d’un manquement à ses obligations professionnelles ou d’une infraction de droit commun, l’auteur de cette faute peut être suspendu par l’autorité définie à l’article 40 du présent décret. La durée de la suspension ne peut toutefois excéder celle du contrat. () ». L’article 40 de ce décret dispose que : « Le pouvoir disciplinaire appartient à l’autorité signataire du contrat. / L’agent contractuel à l’encontre duquel une sanction disciplinaire est envisagée a droit à la communication de l’intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes. Il a également le droit de se faire assister par les défenseurs de son choix. / L’intéressé doit être informé par écrit de la procédure engagée et des droits qui lui sont reconnus ». Ces dispositions imposent à l’administration d’informer l’agent qu’il fait l’objet d’une procédure disciplinaire ainsi que de ses droits à prendre connaissance de son dossier individuel et de se faire assister par les défenseurs de son choix lors de l’entretien préalable.

12. Aux termes de l’article 2-1 du décret du 6 février 1991 : " I.-Une commission consultative paritaire compétente à l’égard des agents contractuels mentionnés à l’article 1er est instituée, dans chaque département, par arrêté du directeur général de l’agence régionale de santé agissant au nom de l’Etat. Il en confie la gestion à l’un des établissements publics de santé dont le siège se trouve dans le département (). / III.-La commission consultative paritaire est obligatoirement consultée dans les cas prévus aux articles 17-1,17-2,41-5 et 41-6 ainsi que sur () / 3° Les sanctions disciplinaires autres que l’avertissement, le blâme et l’exclusion temporaire des fonctions avec retenue de rémunération pour une durée maximale de trois jours ; () « . Aux termes de l’article 43 de ce décret : » Le licenciement ne peut intervenir qu’à l’issue d’un entretien préalable. L’intéressé est convoqué à l’entretien préalable par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par lettre remise en main propre contre signature. Cette lettre indique l’objet de la convocation. / L’entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation. / L’agent peut se faire accompagner par la ou les personnes de son choix. / Au cours de l’entretien préalable, l’administration indique à l’agent les motifs du licenciement et le cas échéant le délai pendant lequel l’agent doit présenter sa demande écrite de reclassement ainsi que les conditions dans lesquelles les offres de reclassement sont présentées « . Enfin, aux termes de l’article 44 du même décret : » Lorsqu’à l’issue de la consultation de la commission consultative paritaire prévue à l’article 2-1, et de l’entretien prévu à l’article 43, l’administration décide de licencier un agent, elle lui notifie sa décision par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par lettre remise en main propre contre signature. Cette lettre précise le ou les motifs du licenciement, ainsi que la date à laquelle celui-ci doit intervenir compte tenu des droits à congés annuels restant à courir et de la durée du préavis ".

13. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d’une procédure administrative préalable n’est de nature à entacher d’illégalité la décision prise que s’il ressort des pièces du dossier qu’il a été susceptible d’exercer, en l’espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s’il a privé l’intéressé d’une garantie.

14. Il ressort des termes du courrier électronique, envoyé par la directrice coordinatrice général des soins le 26 octobre 2022, à 15 heures 19 et de la décision de licenciement du même jour signé par le directeur des ressources humaines et affaires médicales, qui renvoi aux stipulations précitées de l’article 10 du contrat à durée déterminé de M. A, que ce dernier a été licencié, à compter du même jour, à la suite de la commission d’une faute grave dans l’exercice de ses fonctions. Le centre hospitalier de l’Ouest guyanais faisant notamment valoir que la décision en litige a été prononcée avec effet immédiat eu égard à la nécessité de préserver les usagers, au regard des manquements graves et répétés dans la prise en charge des patients par M. A. Il ressort en outre des pièces du dossier que cette décision a été prise à la suite de prises en charge défaillantes, d’une part, d’un patient mineur dans la nuit du 21 octobre 2022 au 22 octobre 2022, et d’autre part, d’un patient qui désaturait à 91% dans la nuit du 25 octobre 2022 au 26 octobre 2022.

15. Il ressort des pièces du dossier, produites par le centre hospitalier de l’Ouest guyanais, que par un courrier électronique en date du 26 octobre 2022, envoyé à 11 heures 05, Mme D, cadre supérieur de santé, a convoqué M. A, le 27 octobre 2022, à un entretien à la suite d’un conflit entre l’intéressé et le docteur B " suite à un défaut de prise en charge sur [sa] nuit du 25 octobre « . M. A a présenté » sa version des faits " dans un courriel du même jour envoyé à 15 heures 10 et a, le lendemain, demandé à Mme D de reporter l’entretien au 28 octobre 2022, le requérant ayant l’intention d’être accompagné par un syndicaliste. Il ressort en outre des pièces du dossier que la mère d’un patient mineur ayant fait l’objet du défaut de prise en charge dans la nuit du 21 octobre 2022 et qui accuse directement le requérant, a donné sa version des faits dans un courrier électronique envoyé le 26 octobre 2022 à 22 heures 05 et qui a été transmis le lendemain à la cadre supérieur de santé. Par ailleurs, M. A a pu consulter son dossier administratif le 3 novembre 2022. Enfin, le centre hospitalier de l’Ouest guyanais ne conteste pas ne pas avoir saisi la commission paritaire prévue à l’article 2-1 du décret du 6 février 1991 préalablement au licenciement pour motif disciplinaire de M. A.

16. Dans ces conditions, alors même que le centre hospitalier de l’Ouest guyanais pouvait décider de suspendre le requérant en application des dispositions précitées de l’article 39-1 du décret du 6 février 1991, l’intéressé n’avait encore bénéficié, lors de l’édiction de la décision attaquée, d’aucune des garanties, mentionnées aux points 11 et 12, encadrant une procédure de licenciement.

17. Il résulte de ce qui précède que la décision du 26 octobre 2022 prononçant le licenciement disciplinaire de M. A et mettant fin à son contrat est intervenue selon une procédure irrégulière. Il suit de là, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur l’autre moyen soulevé par le requérant, que la décision du 26 octobre 2022 par laquelle le directeur des ressources humaines et affaires médicales du centre hospitalier de l’Ouest guyanais a prononcé le licenciement de M. A à compter du même jour doit être annulée.

Sur les conclusions indemnitaires :

18. Lorsqu’une personne sollicite le versement d’une indemnité en réparation du préjudice subi du fait de l’illégalité, pour un vice de procédure, de la décision lui infligeant une sanction disciplinaire, il appartient au juge de plein contentieux, saisi de moyens en ce sens, de déterminer, en premier lieu, la nature de cette irrégularité procédurale puis, en second lieu, de rechercher, en forgeant sa conviction au vu de l’ensemble des éléments produits par les parties, si, compte tenu de la nature et de la gravité de cette irrégularité procédurale, la même décision aurait pu être légalement prise, s’agissant tant du principe même de la sanction que de son quantum, dans le cadre d’une procédure régulière.

19. Il résulte de l’instruction que la décision mettant fin au contrat de M. A était motivée par deux incidents dans la prise en charge des patients. Ainsi, d’une part, la mère d’un jeune enfant utilisant un système de ventilation non invasive s’est plaint que, dans la nuit du 21 octobre 2022 au 22 octobre 2022, le requérant, en dépit de l’ordre donné par le médecin de garde, n’a pas remis d’eau dans la machine du patient qui a commencé à désaturer. M. A étant, selon les déclarations de la mère, sur son téléphone dans le bureau. Il résulte en outre du rapport établi que lors de la désaturation de son fils, M. A lui a indiqué que « c’était les capteurs de la machine qui ne marchaient plus » et que la « prise en soin était merdique ». Enfin, M. A n’aurait jamais nourri par sonde nasogastrique cet enfant à 5 heures 30 du matin comme il était convenu avec la maman. D’autre part, il résulte de l’instruction qu’un autre incident s’est produit dans la nuit du 25 octobre 2022 au 26 octobre 2022 avec le docteur B, le requérant n’ayant pas exécuté les consignes s’agissant d’un patient désaturant à 91 %. Le requérant ayant estimé, selon ses déclarations, « qu’il ne s’agissait pas d’une urgence gravissime et vitale », qu’il ne s’est « pas précipité » et qu’il a « été faire autre chose de son temps ». Il résulte des déclarations de l’intéressé dans son courrier électronique du 26 octobre 2022, que cet incident aurait engendré une dispute à la suite des reproches faits à son encontre par le docteur B. Il résulte en outre de l’instruction, et notamment d’un courrier électronique du 27 octobre 2022 envoyé à la cadre supérieur de santé, que M. A a été repris plusieurs fois pour des faits de « nonchalance hautaine dans l’exercice de ses fonctions », « dilettantisme / 'je m’en fouttisme’ franc », qu’il a été « repris plusieurs fois sur le fait d’être vautré à la salle d’accueil des urgences vitales (jambes en l’air sur fauteuil), téléphone en main », qu’il « aurait dormi une nuit sur un matelas de brancard posé dans la réserve du déchocage (qu’il n’a même pas pris la peine d’enlever ensuite), qu’un membre du centre hospitalier a » aussi fait remonter un comportement de laisser-aller constaté lors d’une astreinte « et que le requérant fait preuve » d’une insolence manifeste envers l’encadrement ". Le requérant ne conteste pas l’exactitude matérielle des faits qui lui sont reprochés et ceux-ci dénotent d’un comportement incompatible avec les missions de soins des patients. Dans ces conditions, compte tenu de la nature des faits reprochés à M. A, le directeur des ressources humaines et affaires médicales du centre hospitalier de l’Ouest guyanais aurait pu légalement licencier l’intéressé pour faute grave. Il s’ensuit que les irrégularités procédurales qui entachent les décisions en litige ne sont pas susceptibles, dans les circonstances de l’espèce, d’ouvrir un droit à l’indemnisation des préjudices financiers.

20. En revanche, M. A soutient qu’il a subi un préjudice moral dès lors qu’il « s’est retrouvé à la rue du jour au lendemain » et qu’il a dû quitter précipitamment son logement sous-loué par le centre hospitalier. Il résulte de l’instruction, que l’intéressé, dont la procédure de licenciement n’a pas été respectée ainsi qu’il a été dit aux points 14, 15 et 16, a eu connaissance de son licenciement le jour même de sa prise d’effet et a dû quitter son logement le lundi 31 octobre 2022, soit cinq jours après son licenciement, dans un territoire où il n’a aucune attache. Ainsi, dans les circonstances très particulières de l’espèce, il sera fait une juste appréciation du préjudice moral ainsi subi en lui accordant la somme de 500 euros.

Sur les conclusions tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

21. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. A, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que le centre hospitalier de l’Ouest guyanais demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

22. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du centre hospitalier de l’Ouest guyanais une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par M. A et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Les productions enregistrées sous le n° 2300050 seront rayées du greffe du tribunal pour être versées au dossier de la requête n° 2201872.

Article 2 : La décision du 26 octobre 2022 par laquelle le directeur des ressources humaines et affaires médicales du centre hospitalier de l’Ouest guyanais a mis fin au contrat à durée déterminée de M. A est annulée.

Article 3 : Le centre hospitalier de l’Ouest guyanais versera à M. A la somme de 500 euros en réparation du préjudice moral qu’il a subi.

Article 4 : Le centre hospitalier de l’Ouest guyanais versera à M. A une somme de 1 200 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 6 : Le présent jugement sera notifié à M. C A et au centre hospitalier de l’Ouest guyanais.

Délibéré après l’audience du 14 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Guiserix, président,

Mme Lacau, première conseillère,

M. Gillmann, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 décembre 2023.

Le rapporteur,

Signé

J. GILLMANN

Le président,

Signé

O. GUISERIX La greffière,

Signé

R. DELMESTRE-GALPE

La République mande et ordonne la ministre de la santé et de la prévention en ce qui la concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier en chef,

Ou par délégation le greffier,

Signé

M-Y METELLUS

N°s 2201872, 2300050

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Tribunal administratif de Guyane, 1ère chambre, 28 décembre 2023, n° 2300050