Tribunal administratif de Lille, 3ème chambre, 30 décembre 2022, n° 2009306

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Lille, 3e ch., 30 déc. 2022, n° 2009306
Juridiction : Tribunal administratif de Lille
Numéro : 2009306
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 23 décembre 2020, M. B C, représenté par Me Sart, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision n°2070 du 12 novembre 2020 par laquelle le directeur des ressources humaines de l’unité d’intervention Nord de France de la société Orange l’a placé en congé de maladie d’office à titre conservatoire ;

2°) de mettre à la charge de la société Orange la somme de 1 500 euros à lui verser, en application de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— la décision attaquée est entachée d’un vice de procédure dès lors que le rapport du service des ressources humaines qui fonde la décision ne lui a pas été communiqué ;

— elle est entachée d’un second vice de procédure dès lors que les constations médicales qui la fondent n’ont pas été précédées d’un examen médical ;

— elle est entachée d’une erreur d’appréciation dès lors qu’il n’est pas affecté d’une maladie qui le mettrait dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions ;

— elle méconnaît le principe de loyauté dès lors que les propositions de reclassement qui lui ont été faites ne comprennent pas d’aménagements de poste conformes aux prescriptions du médecin du travail.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 octobre 2022, la société Orange, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. C le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. C ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

— la loi du n°83-634 du 13 juillet 1983 ;

— la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;

— la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;

— le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

— le décret n° 2014-17 du 4 février 2014 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. A,

— les conclusions de M. Groutsch, rapporteur public,

— les observations de Me Forgeois, représentant la société ORANGE.

Considérant ce qui suit :

1. M. B C, fonctionnaire au sein de la société Orange, a été affecté à compter du 1er octobre 2007 aux fonctions de technicien répartiteur au sein de l’unité d’intervention Nord de France. Il a été placé en congé de longue maladie du 25 janvier 2011 au 24 janvier 2012, puis en congé de longue durée du 25 janvier 2012 au 14 mai 2014. Le

18 juillet 2014, le Dr. F.S., médecin du travail, a conclu à l’inaptitude de M. C au poste occupé antérieurement, ainsi qu’à tout poste de sécurité, et proposé une reprise sur un poste d’activité sédentaire à mi-temps thérapeutique, à l’exclusion d’une affectation dans son ancienne équipe. Le 3 juillet 2019, dans le cadre d’une visite médicale de reprise, le Dr. V. H., médecin du travail, a conclu à l’inaptitude de M. C au poste de technicien répartiteur de Calais ainsi qu’à tout poste de sécurité, et prescrit un poste d’activité sédentaire à mi-temps thérapeutique, après remise à niveau bureautique, à l’exclusion d’une affectation sur les sites de Calais ou Boulogne-Voltaire. Dans son avis du 4 avril 2019, le Dr. C, médecin chargé de la prévention, a conclu à l’impossibilité d’une reprise compte tenu de l’avis d’inaptitude prononcé antérieurement. A l’issue de la tenue le 20 septembre 2019 de la commission de reclassement, le 3 janvier 2020, la société Orange a proposé trois postes de reclassement que le requérant a refusés par un courrier du 20 janvier 2020. Le 29 octobre 2020, le médecin chargé de la prévention a conclu à l’adresse du comité médical, à l’impossibilité du reclassement de

M. C compte tenu de l’altération durable de son état de santé et sollicité une mise en congé de longue maladie d’office. Sur la base de cet avis, par une décision du

12 novembre 2020, dont M. C demande l’annulation, le directeur des ressources humaines de l’unité d’intervention Nord de France de la société Orange a placé M. C en congé de maladie d’office à titre conservatoire à compter du 12 novembre 2020.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En premier lieu, aux termes de l’article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’Etat, alors en vigueur : « Le fonctionnaire en activité a droit : / () 3°) A des congés de longue maladie d’une durée maximale de trois ans dans les cas où il est constaté que la maladie met l’intéressé dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions, rend nécessaire un traitement et des soins prolongés et qu’elle présente un caractère invalidant et de gravité confirmée () ». Aux termes de l’article 24 du décret du 14 mars 1986 relatif à la désignation des médecins agréés, à l’organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d’aptitude physique pour l’admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, dans sa rédaction applicable au litige : « Sous réserve des dispositions de l’article 27 ci-dessous, en cas de maladie dûment constatée et mettant le fonctionnaire dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions, celui-ci est de droit mis en congé de maladie ». Aux termes de l’article 34 du décret du 14 mars 1986: « Lorsqu’un chef de service estime, au vu d’une attestation médicale ou sur le rapport des supérieurs hiérarchiques, que l’état de santé d’un fonctionnaire pourrait justifier qu’il lui soit fait application des dispositions de l’article 34 (3° ou 4°) de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, il peut provoquer l’examen médical de l’intéressé dans les conditions prévues aux alinéas 3 et suivants de l’article 35 ci-dessous () ». Et aux termes des alinéas 3 et suivants de l’article 25 du même décret : « Sur le vu de ces pièces, le secrétaire du comité médical fait procéder à la contre-visite du demandeur par un médecin agréé compétent pour l’affection en cause. / Le dossier est ensuite soumis au comité médical compétent. Si le médecin agréé qui a procédé à la contre-visite ne siège pas au comité médical, il peut être entendu par celui-ci. / L’avis du comité médical est transmis au ministre qui le soumet pour avis, en cas de contestation par l’administration ou l’intéressé, au comité médical supérieur visé à l’article 8 du présent décret. / Si la demande de congé est présentée au cours d’un congé antérieurement accordé dans les conditions prévues à l’article 34 (2°), 1er alinéa de la loi du 11 janvier 1984 susvisée, la première période de congé de longue maladie ou de longue durée part du jour de la première constatation médicale de la maladie dont est atteint le fonctionnaire. »

2. Ces dispositions ne subordonnent pas la mise en congé de maladie à une demande du fonctionnaire et ne sauraient donc par elles-mêmes faire obstacle à ce qu’un fonctionnaire soit placé d’office dans la position dont s’agit dès lors que sa maladie a été dûment constatée et qu’elle le met dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions. Ainsi, lorsque l’administration a engagé une procédure de mise en congé de longue maladie conformément à l’article 34 du décret du 14 mars 1986, elle peut, à titre conservatoire et dans l’attente de l’avis du comité médical sur la mise en congé de longue maladie, placer l’agent concerné en congé d’office lorsque la maladie de l’agent a été dûment constatée et le met dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions.

3. Il ne résulte d’aucune disposition législative ou réglementaire, notamment issues de celles mentionnées au point précédent, que l’administration soit tenue, préalablement à l’édiction de la décision de placement d’office en congé de maladie à titre conservatoire, de communiquer le rapport du service des ressources humaines, ni que l’attestation médicale au vu de laquelle le chef de service estime que l’état de santé d’un fonctionnaire pourrait justifier qu’il lui soit fait application des dispositions de l’article 34 (3° ou 4°) de la loi du 11 janvier 1984 soit précédée d’un examen ou d’une consultation médicale. Le moyen tiré des vices de procédure sont inopérants et doivent être écartés.

4. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le Dr. S., médecin du travail, a conclu, le 18 juillet 2014, à l’inaptitude de M. C au poste antérieurement occupé et à une reprise possible de l’activité sur un poste sédentaire en mi-temps thérapeutique à condition de ne pas être réaffecté à son ancienne équipe et de ne pas être affecté sur un poste de sécurité (travail en hauteur, conduite de véhicule). Il résulte également de la « proposition de mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou de mesures d’aménagement du temps de travail » du 4 avril 2019 du Dr. C., médecin chargé de la prévention, qu'" une reprise [de M. C] n’est pas à ce jour possible compte tenu d’un avis d’inaptitude valide prononcé antérieurement « . Dans un courrier du même jour le Dr. C. informait le Dr. C.-M., médecin généraliste, que M. C » lui semble angoissé à l’idée d’une reprise de poste insuffisamment préparée " et lui préconise de prescrire un arrêt de travail d’un mois. En outre, si le Dr. C.-M. a certifié le 18 juin 2019 que M. C présentait un état de santé permettant sa reprise de travail, il ressort des pièces du dossier que d’une part le

Dr. V. H., médecin de prévention a, le 3 juillet 2019, conclu après examen à l’inaptitude de

M. C au poste de technicien répartiteur de Calais, à tout poste de sécurité, prescrit un poste d’activité sédentaire à mi-temps thérapeutique, après remise à niveau bureautique, à l’exclusion des sites Calais ou Boulogne Voltaire et que d’autre part, le Dr. C. a certifié, le

29 octobre 2020 à l’adresse du comité médical, que M. C « présente une altération durable de son état de santé ayant assez peu varié depuis 2011, rendant impossible en pratique son reclassement, et justifiant que le comité médical prenne à son égard et dans son intérêt un décision de longue maladie d’office ». Dans ces conditions, le directeur des ressources humaines de l’unité d’intervention Nord de France de la société Orange pouvait légalement, en application des dispositions citées au point 2, placer l’agent en congé d’office dans l’attente de l’avis du comité médical dès lors que le médecin de prévention avait conclu que la maladie de

M. C le mettait dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions, alors même que la nature et l’intensité de la pathologie n’était pas, à ce stade, précisée. Par suite, le directeur des ressources humaines de l’unité d’intervention Nord de France de la société Orange n’a pas commis d’erreur d’appréciation en prenant la décision attaquée.

5. En troisième lieu, à supposer que le requérant ait entendu invoquer le moyen tiré de la méconnaissance du principe de loyauté concernant les propositions de reclassement qui lui ont été adressées, ce moyen ne peut être utilement invoqué à l’encontre d’une décision plaçant un agent public en congé de maladie d’office à titre conservatoire.

Sur les frais liés au litige :

6. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Orange, qui n’est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme de 1 500 euros que demande M. C au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. C la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société Orange et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C est rejetée.

Article 3 : M. C versera la somme de 1 500 euros à la société Orange, en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. C et à la société Orange.

Délibéré après l’audience du 13 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

— Mme Féménia, présidente,

— M. Bourgau, premier conseiller,

— M. Horn, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

Le rapporteur,

J. ALa présidente,

J. FÉMÉNIALa greffière,

P.MAGHRI

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier.

No 2009306

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