Tribunal administratif de Lille, Reconduite à la frontière, 30 décembre 2022, n° 2208986

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Lille, reconduite à la frontière, 30 déc. 2022, n° 2208986
Juridiction : Tribunal administratif de Lille
Numéro : 2208986
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

I) Par une requête et des pièces, enregistrées sous le n° 2208986 les 23 novembre et 5 décembre 2022, Mme A E D, représentée par Me Broisin, demande au tribunal :

1°) de lui accorder, à titre provisoire, le bénéfice de l’aide juridictionnelle ;

2°) d’annuler l’arrêté du préfet du Pas-de-Calais en date du 21 novembre 2022 portant assignation à résidence pour une durée de 45 jours, renouvelable une fois ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour son conseil de renoncer à la part contributive de l’Etat.

Elle soutient que :

— la décision contestée sera annulée du fait de l’illégalité de la décision portant refus de délivrance d’un titre de séjour et des mesures subséquentes ;

— elle est entachée d’erreur manifeste d’appréciation dès lors qu’elle justifie d’une adresse stable et connue de l’administration et dispose d’un passeport en cours de validité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2022, le préfet du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués dans la requête sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

II) Par une requête et des pièces, enregistrées sous le n° 2208987 les 23 novembre et 5 décembre 2022, Mme A E D, représentée par Me Broisin, demande au tribunal :

1°) de lui accorder, à titre provisoire, le bénéfice de l’aide juridictionnelle ;

2°) d’annuler l’arrêté du 21 novembre 2022 par lequel le préfet du Pas-de-Calais lui a refusé la délivrance d’un titre de séjour, l’a obligée à quitter le territoire français sans délai et lui a interdit le retour sur ce territoire pendant deux ans ;

3°) d’enjoindre à ce préfet de lui délivrer un titre de séjour mention « vie privée et familiale » dans le délai d’un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) d’enjoindre au même préfet de lui remettre une autorisation provisoire de séjour sous 15 jours suivant la notification du jugement à intervenir dans l’attente de la délivrance du titre de séjour sollicité, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) à défaut, d’enjoindre au même préfet de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai de 15 jours suivant la notification du jugement à intervenir, sous la même astreinte ;

6°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour son conseil de renoncer à la part contributive de l’Etat.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d’un titre de séjour :

— elle est insuffisamment motivée ;

— elle est entachée d’une erreur de fait et de droit, en l’absence de toute fraude s’agissant de son identité ;

— elle est entachée d’erreur manifeste d’appréciation dans l’application des dispositions de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— elle méconnait les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— elle est entachée d’erreur manifeste d’appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

— elle sera annulée en conséquence de l’annulation de la décision portant refus de délivrance d’un titre de séjour ;

— elle est insuffisamment motivée ;

— elle méconnait les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant refus d’octroi d’un délai de départ volontaire :

— elle sera annulée en conséquence de l’annulation de la décision portant refus de délivrance d’un titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français ;

— elle est entachée d’erreur manifeste d’appréciation dès lors qu’il n’existe aucun risque de fuite.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

— elle sera annulée en conséquence de l’annulation de la décision portant refus de délivrance d’un titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français ;

— elle méconnait les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

— elle sera annulée en conséquence de l’annulation de la décision portant refus de délivrance d’un titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français ;

— elle méconnait les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2022, le préfet du Pas-de-Calais conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens invoqués dans la requête sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le président du tribunal a désigné Mme B en application de l’article L. 614-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Piou, magistrate désignée ;

—  les observations de Me Broisin, représentant Mme E D, qui conclut aux mêmes fins que la requête ; elle ajoute que les décisions portant refus de délivrance d’un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont entachées d’une erreur de droit, au motif de l’absence d’examen particulier de sa situation personnelle, et d’une erreur de fait ; elle reprend les autres moyens invoqués dans la requête qu’elle développe ;

— les observations de Mme E D ;

—  les observations de M. C, représentant le préfet du Pas-de-Calais, qui conclut au rejet de la requête et fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A E D, ressortissante angolaise, déclare être entrée en France le 13 août 2015, alors qu’elle était âgée de 14 ans. Par jugement du juge des enfants du tribunal de grande instance d’Amiens du 21 janvier 2016, elle a été placé auprès des services de l’aide sociale à l’enfance. Le 25 novembre 2019, elle a sollicité de la préfète de la Somme un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 2° de l’article L. 313-11 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile qui lui a été refusé par arrêté du 9 juin 2020, assorti d’une mesure d’éloignement, au motif notamment du caractère frauduleux des documents d’identité produits. Les requêtes tendant à l’annulation de cet arrêté ont été rejetées par le tribunal administratif d’Amiens le 8 octobre 2020 puis par la cour administrative d’appel de Douai le 20 juillet 2021. Le 8 janvier 2022, l’intéressée a sollicité du préfet du Pas-de-Calais la délivrance d’un titre de séjour, qui lui a également été refusé sur le fondement, cette fois, des dispositions de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile par arrêté du 21 novembre 2022. Par ce même arrêté, ce préfet l’a en outre obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d’éloignement et lui a interdit le retour sur ce territoire pendant deux ans. Par sa requête enregistrée sous le n° 2208987, Mme E D demande au tribunal d’annuler ces décisions du 21 novembre 2022.

2. Par un second arrêté du même jour, le préfet du Pas-de-Calais a assigné l’intéressée à résidence pour une durée de 45 jours, renouvelable une fois. Par sa requête enregistrée sous le n° 2208986, Mme E D demande au tribunal d’annuler ce second arrêté du 21 novembre 2022.

Sur la jonction :

3. Les deux requêtes concernent la situation administrative de Mme E D au regard des règles fixées par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ont fait l’objet d’une instruction commune et présentent à juger des questions identiques. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul et même jugement.

Sur la demande d’admission provisoire à l’aide juridictionnelle :

4. Aux termes de l’article 20 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée : « Dans les cas d’urgence, sous réserve de l’application des règles relatives aux commissions ou désignations d’office, l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président./ () ».

5. Eu égard aux circonstances de l’espèce, il y a lieu de prononcer, en application des dispositions précitées, l’admission provisoire de Mme E D au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale.

Sur l’étendue du litige :

6. Il appartient à la magistrate désignée par le président du tribunal administratif, dans le cadre du présent litige, de se prononcer sur les conclusions tendant à l’annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, refusant l’octroi d’un délai de départ volontaire, fixant le pays de destination de la mesure d’éloignement, portant interdiction de retour sur le territoire français et assignation à résidence, ainsi que sur les conclusions accessoires dont elles sont assorties. En revanche, il ne lui appartient pas de se prononcer sur les conclusions tendant à l’annulation d’une décision portant refus de délivrance d’un titre de séjour. Dès lors, il y a lieu de renvoyer les conclusions à fin d’annulation de cette dernière décision à une formation collégiale du présent tribunal, seule compétente pour en connaître.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

S’agissant de l’exception d’illégalité :

7. En premier lieu, la décision portant refus de délivrance d’un titre de séjour du 21 novembre 2022, qui n’avait pas à indiquer de manière exhaustive l’ensemble des éléments relatifs à la situation de l’intéressée, mentionne avec suffisamment de précisions les circonstances de fait et de droit sur lesquelles elle se fonde. Par suite, ce moyen doit être écarté.

8. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l’article R. 431-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : " L’étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d’un titre de séjour présente à l’appui de sa demande :/1° Les documents justifiants de son état civil ; / () « . Et aux termes de l’article L. 811-2 du même code : » La vérification de tout acte d’état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l’article 47 du code civil « . Par ailleurs, aux termes de l’article 47 du code civil : » Tout acte de l’état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d’autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l’acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ".

9. Il résulte de ces dispositions que la force probante d’un acte d’état civil établi à l’étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d’établir que l’acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l’administration de la valeur probante d’un acte d’état civil établi à l’étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l’ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu’un acte d’état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu’il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l’instruction du litige qui lui est soumis.

10. Pour refuser à Mme E D la délivrance d’un titre de séjour, le préfet du Pas-de-Calais s’est fondé sur la circonstance qu’elle a présenté à l’appui de sa demande de titre de séjour les mêmes pièces que celles produites lors de sa précédente demande de titre séjour, obtenues par fraude.

11. Il ressort des pièces du dossier que Mme E D a, lors de sa première comme lors de sa seconde demande de titre de séjour, présenté un acte de naissance établi par les autorités angolaises le 14 août 2017 ainsi qu’une carte d’identité consulaire délivrée le 21 août 2018 par le consulat de l’Angola à Paris au vu desquels elle serait née le 19 octobre 2000 à Kilamba Kiaxi en Angola et se nommerait Mme A F. Toutefois, la consultation du système automatisé de traitement des données Visabio, dont les résultats font foi jusqu’à preuve du contraire a montré, après vérification de ses empreintes digitales, que la requérante était connue sous l’identité de Mme H E D, née le 19 octobre 1997 à Angolana, en Angola et qu’un visa court séjour lui avait été délivré par les autorités consulaires angolaises au vu d’un passeport correspondant à cette identité. Par ailleurs, cette seconde identité avait, lors de sa première demande de titre de séjour, fait l’objet d’une confirmation auprès des autorités consulaires angolaises le 9 janvier 2020. Il résulte de ces éléments que l’acte de naissance dont s’est prévalue la requérante lors de sa première comme lors de sa seconde demande de titre de séjour comportait des informations erronées et présentait, ainsi, un caractère frauduleux. Par ailleurs, si cette dernière se prévaut également d’un passeport établi le 10 novembre 2022, celui-ci, qui a pu être délivré sur la base du document d’état civil non authentique, ne saurait avoir force probante. En tout état de cause, il constitue un document de voyage et non d’état-civil requis par les dispositions de l’article R. 431-10 précité du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. Enfin, la production de mails tendant à obtenir des autorités consulaires l’authentification du passeport dernièrement délivré ne suffit pas davantage à établir la réalité des explications certes constantes de Mme E D, en l’absence de toute réponse favorable apportée à ces demandes ou de tout autre élément permettant d’établir l’authenticité de l’acte de naissance produit à l’appui de ses demandes de titre de séjour. Dès lors, et en l’état des pièces du dossier, l’intéressée n’apporte pas d’éléments suffisamment fiables de nature à démontrer que le préfet du Pas-de-Calais a entaché son arrêté d’une erreur de fait ou d’une erreur de droit en estimant qu’elle s’était prévalue d’une fausse identité et d’actes frauduleux.

12. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Pas-de-Calais n’aurait pas procédé à un examen particulier de la situation de l’intéressée, même s’il ne fait pas mention de sa relation avec un compatriote en situation régulière sur le territoire. Le moyen tiré de l’erreur de droit ainsi soulevée ne peut, dès lors, qu’être écarté.

13. En quatrième lieu, si la requérante soutient être en couple avec M. G, compatriote, en situation régulière sur le territoire français, depuis 2016 et vivre en concubinage avec ce dernier depuis le mois de juin 2021, elle n’établit l’existence de cette vie commune qu’à compter du mois d’octobre 2022, par la production d’une quittance de loyer, les attestations produites ne permettant pas à elles seules de justifier d’une cohabitation antérieure. Par ailleurs, elles ne suffisent pas davantage à justifier de la stabilité et de l’ancienneté de leur relation. Dans ces conditions, la circonstance que le préfet du Pas-de-Calais ait indiqué que l’intéressée était, à la date de sa décision, célibataire n’a pas été de nature à exercer une influence sur le sens et la légalité de la décision en litige. Le moyen tiré d’une telle erreur de fait doit, par suite, être écarté.

14. En cinquième lieu, en vertu de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. ».

15. Il ressort des pièces du dossier que si Mme E D se prévaut de la présence à ses côtés de son compagnon, elle n’établit pas, ainsi qu’il a été dit au point 13, l’ancienneté et la stabilité de leur relation. Par ailleurs, elle ne se prévaut d’aucune autre attache sur le territoire français, ni n’établit y avoir développé un réseau social d’une particulière intensité. Dans ces conditions, elle n’établit pas que le centre de ses intérêts se situerait dorénavant sur le territoire français. Par suite, la décision en litige n’a pas porté une atteinte disproportionnée au droit de la requérante de mener une vie privée et familiale normale. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation commise au regard des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle doit également être écarté.

16. En sixième lieu, aux termes de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « L’étranger dont l’admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu’il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention » salarié « , » travailleur temporaire « ou » vie privée et familiale « , sans que soit opposable la condition prévue à l’article L. 412-1 / () ».

17. Compte tenu de ce qui a été dit au point 11, le préfet du Pas-de-Calais pouvait valablement refuser à l’intéressée la délivrance d’un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées. Au surplus, et en tout état cause, si Mme E D manifeste sa volonté de s’insérer professionnellement sur le territoire, les seuls éléments produits ne suffisent pas à caractériser l’existence de motifs exceptionnels de nature à justifier la délivrance d’un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées en qualité de salariée. Par ailleurs, en l’état des pièces du dossier, compte tenu notamment de ce qui a été dit aux points 13 et 15, sa situation ne répond pas, en dépit du parcours difficile exposé par l’intéressée, à des considérations humanitaires au sens des dispositions de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et ne suffit pas à caractériser des motifs exceptionnels justifiant la délivrance sur ce fondement d’une carte de séjour mention « vie privée et familiale ». Dans ces conditions, le moyen tiré de l’erreur d’appréciation qu’aurait commise le préfet du Pas-de-Calais dans l’application des dispositions de l’article L. 435-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile doit être écarté.

18. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d’exception, de l’illégalité de la décision portant refus de délivrance d’un titre de séjour doit être écarté.

S’agissant de l’insuffisance de motivation :

19. En vertu de l’article L. 611-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : " L’autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu’il se trouve dans les cas suivants :/ () / 3° L’étranger s’est vu refuser la délivrance d’un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l’occasion d’une demande de titre de séjour ou de l’autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s’est vu retirer un de ces documents ; / ()« . Par ailleurs, aux termes de l’article L. 613-1 du même code : » La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l’article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n’a pas à faire l’objet d’une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. Toutefois, les motifs des décisions relatives au délai de départ volontaire et à l’interdiction de retour édictées le cas échéant sont indiqués ".

20. Il résulte de ces dispositions que si elles imposent de motiver l’obligation de quitter le territoire français, elles la dispensent d’une motivation spécifique en cas de refus de titre de séjour. Dans ce cas, la motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n’implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d’assortir ledit refus d’une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, une motivation particulière.

21. En l’espèce, l’arrêté vise les dispositions de l’article L. 611-1 (3°) du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et est suffisamment motivé en fait, ainsi qu’il a été dit au point 7. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation doit être écarté.

S’agissant de l’erreur de fait

22. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 13, le moyen tiré de l’existence d’une erreur de fait doit être écarté.

S’agissant de l’erreur de droit

23. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 12, le moyen tiré du défaut d’examen particulier de la situation de l’intéressée doit également être écarté.

S’agissant de la méconnaissance des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales

24. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 15, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

25. Il en résulte que les conclusions à fin d’annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doivent être rejetées.

En ce qui concerne la décision portant refus d’octroi d’un délai de départ volontaire :

26. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d’être dit que le moyen tiré, par voie d’exception, de l’illégalité de la décision portant refus de délivrance d’un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

27. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 612-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Par dérogation à l’article L. 612-1, l’autorité administrative peut refuser d’accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants :/()/3° Il existe un risque que l’étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l’objet ». Et, aux termes de l’article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l’article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :/ ()/ 5° L’étranger s’est soustrait à l’exécution d’une précédente mesure d’éloignement ; /()/ 7° L’étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d’identité ou de voyage ou a fait usage d’un tel titre ou document ;/ () ".

28. Si la requérante fait valoir notamment qu’elle dispose d’une adresse stable et connue de l’administration et qu’elle dispose d’un passeport en cours de validité, il ressort cependant également des pièces du dossier qu’elle n’a pas déféré à l’obligation de quitter le territoire français prise à son encontre le 9 juin 2020 et qu’elle a fait usage d’un document d’identité falsifié en vue d’obtenir un titre de séjour ainsi qu’il a été dit au point 11. En raison de ces différents éléments dont il peut être déduit un risque que la requérante se soustraie à la nouvelle mesure d’éloignement prise à son encontre par l’arrêté en litige, le préfet du Pas-de-Calais était fondé à lui refuser l’octroi d’un délai de départ volontaire. Ce moyen doit, par suite, être écarté.

29. Il en résulte que les conclusions à fin d’annulation de la décision portant refus d’octroi d’un délai de départ volontaire doivent être rejetées.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination ;

30. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d’exception, de l’illégalité de la décision portant refus de délivrance d’un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

31. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 15, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

32. Il en résulte que les conclusions à fin d’annulation de la décision fixant le pays de destination doivent être rejetées.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

33. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d’exception, de l’illégalité de la décision portant refus de délivrance d’un titre de séjour et obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

34. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 15, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

35. Il en résulte que les conclusions à fin d’annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français doivent être rejetées.

En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence ;

36. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d’exception, de l’illégalité de l’arrêté du 21 novembre 2022 portant refus de délivrance d’un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français, refus d’octroi d’un délai de départ volontaire, fixation du pays de destination et interdiction de retour sur le territoire français doit être écarté.

37. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 731-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : " L’autorité administrative peut assigner à résidence l’étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l’éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :/1° L’étranger fait l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d’un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n’a pas été accordé ;/ () « . Par ailleurs, aux termes de l’article L. 731-2 du même code : » L’étranger assigné à résidence en application de l’article L. 731-1 peut être placé en rétention en application de l’article L. 741-1, lorsqu’il ne présente plus de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l’exécution de la décision d’éloignement apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l’article L. 612-3./ () « . Enfin, aux termes de l’article L. 612-3 de ce code : » ()/ 8° L’étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu’il ne peut présenter des documents d’identité ou de voyage en cours de validité, qu’il a refusé de communiquer les renseignements permettant d’établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu’il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d’empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l’article L. 142-1, qu’il ne justifie pas d’une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu’il s’est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5 ".

38. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l’intéressée ne peut utilement soutenir qu’elle dispose de garanties de représentation, notamment d’un passeport et d’une adresse stable, pour contester la décision litigieuse alors que cette circonstance justifie précisément que soit prise à son encontre une mesure d’assignation à résidence en lieu et place d’une mesure de placement en rétention administrative. Le moyen tel qu’il est soulevé ne peut, par suite, qu’être écarté.

39. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation présentées par la requérante dans ses requêtes enregistrées sous les n° 2208987 et 2208986 doivent être rejetées. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent l’être également.

D E C I D E :

Article 1er : Mme E D est admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale à titre provisoire.

Article 2 : Les conclusions de Mme E D à fin d’annulation de la décision du 21 novembre 2022 par laquelle le préfet du Pas-de-Calais lui a refusé la délivrance d’un titre de séjour sont renvoyées devant une formation collégiale compétente pour en connaître.

Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes enregistrées sous les n° 2208986 et 2208987 est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme A E D, à Me Broisin et au préfet du Pas-de-Calais.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

La magistrate,

Signé,

C. B

La greffière,

Signé,

F. JANET

La République mande et ordonne au préfet du Pas-de-Calais en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2-2208987

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Tribunal administratif de Lille, Reconduite à la frontière, 30 décembre 2022, n° 2208986