Tribunal administratif de Lille, 7ème chambre, 30 décembre 2022, n° 2109148

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Lille, 7e ch., 30 déc. 2022, n° 2109148
Juridiction : Tribunal administratif de Lille
Numéro : 2109148
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 22 novembre 2021 et 2 mars 2022, M. C E, représenté par Me Lequien, demande au tribunal :

1°) d’annuler les décisions en date du 21 juillet 2021 par lesquelles le préfet du Nord lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d’éloignement ;

2°) d’enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un titre de séjour temporaire, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation, dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 2 400 euros à verser à son conseil au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que ce dernier renonce au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

Il soutient que :

— la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour a été prise par une autorité incompétente ;

— elle a été prise à l’issue d’une procédure irrégulière dès lors que le préfet du Nord était tenu de saisir la commission du titre de séjour en application de l’article L. 432-13 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— elle est entachée d’erreur de fait dès lors qu’il n’a commis aucune fraude à l’obtention de son titre de séjour ;

— elle est entachée d’une erreur de droit en ce qu’elle méconnaît les dispositions de l’article L. 423-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— elle méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise par une autorité incompétente ;

— elle est illégale par voie de conséquence de l’illégalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour ;

— elle est entachée d’une erreur d’appréciation au regard des dispositions de l’article L. 423-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— elle méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

—  la décision fixant le pays de destination de la mesure d’éloignement a été prise par une autorité incompétente ;

— elle est illégale par voie de conséquence de l’illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense enregistré le 3 février 2022, le préfet du Nord, représenté par Me Termeau, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que le requérant invoque des moyens qui ne sont pas fondés.

M. E a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d’aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lille en date du 4 octobre 2021.

Par une ordonnance en date du 15 mars 2022, la clôture de l’instruction a été fixée au 15 avril 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— l’accord franco-marocain en matière de séjour et d’emploi du 9 octobre 1987 ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

— le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme A,

— les observations de Me Lequien, avocate représentant M. E,

— le préfet du Nord n’étant ni présent ni représenté.

Considérant ce qui suit :

1. M. E, ressortissant marocain né le 4 août 1996, s’est vu délivrer, par le préfet des Yvelines, un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale » en raison de ses liens personnels et familiaux en France, valable du 12 octobre 2017 au 11 octobre 2018, renouvelé jusqu’au 11 octobre 2020. Il en a demandé, le 12 novembre 2020, le renouvellement. Par un arrêté du 21 juillet 2021, le préfet du Nord a refusé à M. E le renouvellement de son titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d’éloignement. M. E demande au tribunal d’annuler les décisions ainsi prises à son encontre.

Sur la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour :

2. En premier lieu, par un arrêté du 24 juin 2020, publié le même jour au recueil spécial n°157 des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Nord a donné délégation à M. B F, sous-préfet de Valenciennes, à l’effet de signer, en particulier, la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de la décision attaquée doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l’article L. 423-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « L’étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n’entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention » vie privée et familiale « d’une durée d’un an, sans que soit opposable la condition prévue à l’article L. 412-1. /Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d’existence de l’étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d’origine. / L’insertion de l’étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ».

4. Il ressort des termes de la décision attaquée que pour refuser à M. E le renouvellement de son titre de séjour, le préfet du Nord a considéré que ce dernier avait acquis son droit au séjour frauduleusement en ce que, d’une part, il ne remplissait pas les conditions fixées à l’article L. 423-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, d’autre part, les conditions dans lesquelles lui avait été délivré et renouvelé son titre de séjour étaient illégales dès lors que les taxes dues pour le visa de régularisation de l’intéressé n’avaient pas été payées, que le visa de régularisation figurant dans le passeport de l’intéressé n’était donc pas valide et s’avérait être un faux, que l’autorité qui lui a délivré le titre de séjour mention « vie privée et familiale » n’en avait pas la compétence, que M. E avait reconnu lors de son audition par les services de la police judiciaire de Versailles avoir été orienté vers la sous-préfecture de Saint-Germain-en-Laye moyennant la somme de 1 000 euros pour obtenir un titre de séjour, qu’il reconnaissait également avoir utilisé une fausse adresse de domiciliation dans le département des Yvelines, adresse qui avait d’ailleurs été utilisée à plusieurs reprises pour d’autres dossiers de demande de titre de séjour, alors même que les éléments du dossier de l’intéressé permettent d’attester qu’il résidait dans le département du Nord à la date de sa première demande de titre de séjour (passeport délivré en 2017 au Consulat du Maroc à Lille, contrat de travail pour exercer une activité professionnelle sur la commune de Denain au 43 rue Lazare Bernard 59 220 Denain, justificatif de rendez-vous médical à l’imagerie médicale de Denain établi le 23/10/2017), qu’il s’était vu délivrer un titre de séjour au motif de ses liens personnels et familiaux en France sans justifier des conditions requises pour la délivrance d’un tel titre de séjour, que la fraude à l’obtention d’un titre de séjour avait été dénoncée par le préfet des Yvelines dans une plainte déposée auprès du procureur de la République de Versailles. Le préfet du Nord considérait que la fraude à l’obtention d’un titre de séjour justifiait en elle-même le rejet de la demande de renouvellement du titre de séjour de l’intéressé.

5. Pour établir la fraude à l’obtention d’un titre de séjour, fondement de la décision contestée, le préfet du Nord produit un courrier électronique du 23 juin 2021 de la préfecture des Yvelines indiquant au préfet du Nord que l’inspecteur de la DRPJ ayant entendu l’intéressé avait relevé, notamment, les éléments suivants : que son " visa de régularisation [était] faux « , que » son nom ne figur[ait] pas sur le registre des visas de régularisations « , que les taxes dues n’ont pas été enregistrées/ payées », que « attribution et renouvellement d’un titre 9808 (vie privée et familiale) sans fondement (célibataire, sans enfant, famille vivant au pays) », que « la délivrance de ce type de titre n’est pas du ressort de la sous-préfecture de Saint-Germain-en-Laye (78) », « éléments démontrant la domiciliation dans le nord (59) », que « Faissal E reconnaît la fausse domiciliation », qu’il « dit avoir été assisté et dirigé vers la sous-préfecture de Saint-Germain-en-Laye (78) moyennant 1 000 euros par l’intermédiaire (Kader œuvrant dans une association de Saint-Denis qui vient en aide aux clandestins : non identifiable) ». La préfecture des Yvelines concluait en mentionnant que « l’affaire devrait être examinée par le tribunal en octobre ou novembre prochain ». Le préfet du Nord produit également la fiche de M. E provenant du Traitement des antécédents judiciaires (TAJ) dont il ressort qu’il a été interpellé, le 15 mars 2021, par la DRPJ de Versailles pour des faits d’obtention frauduleuse de document administratif constatant un droit, une identité ou une qualité ou accordant une autorisation, commis du 1er mars 2015 au 7 octobre 2020. Il ressort également d’un courrier du 11 mai 2021 adressé au préfet du Nord que le préfet des Yvelines a signalé la révélation d’une fraude interne à la sous-préfecture de Saint-Germain-en-Laye, justifiant un dépôt de plainte auprès du procureur de la République de Versailles caractérisée par « une absence de dossier papier donc de pièces justificatives » faisant apparaître que M. E s’est vu délivrer un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale » « sans que l’intéressé n’en remplisse les conditions statutaires ». Le préfet des Yvelines précisait que le requérant était célibataire, sans enfant, que toute sa famille résidait au Maroc et que pour obtenir un titre de séjour auprès de l’autorité administrative des Yvelines, il avait déclaré une adresse à Chatou utilisée pour plus d’une dizaine de dossiers.

6. Eu égard à l’ensemble des éléments exposés au point précédent, en particulier de la circonstance que M. E avait déclaré aux services de police avoir eu recours à un intermédiaire rémunéré et à une adresse fictive en vue de l’obtention d’un titre de séjour délivré par les services de la sous-préfecture de Saint-Germain-en-Laye, le préfet du Nord n’a pas commis d’erreur de fait en considérant que le titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale » dont M. E avait demandé le renouvellement, avait été obtenu par fraude. Par suite, le moyen tiré de l’erreur de fait doit être écarté.

7. En troisième lieu, M. E justifie de la présence en France de plusieurs membres de sa famille, des oncles, tante et cousins et petits cousins qui attestent entretenir des liens particuliers avec l’intéressé, avoir été embauché en qualité de boucher dans trois établissements sous contrat de travail à durée indéterminée signés respectivement les 15 septembre 2017, 22 mai 2018 et 1er mai 2019 et être gérant associé unique d’une boucherie par une délibération d’assemblée générale extraordinaire de la société à responsabilité limitée El Baraka du 19 septembre 2020. Il a également conclu, le 18 mai 2018, un contrat d’intégration républicaine conclu avec l’Office français de l’immigration et de l’intégration dans le cadre duquel il a été dispensé de formation linguistique et a suivi les modules des principes et valeurs de la République française le 28 juillet 2018 et de formation civique Vivre et accéder à l’emploi en France le 31 juillet 2018. Toutefois, eu égard au caractère relativement récent de sa présence en France, à la circonstance qu’il est célibataire sans enfant et qu’il n’est pas contesté que ses parents et ses deux frères se trouvent au Maroc où il a vécu jusqu’à l’âge de vingt ans, en considérant que M. E ne disposait pas de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, le préfet du Nord n’a pas commis d’erreur de droit. Par suite, le moyen doit être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ».

9. Pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

10. En cinquième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 9 que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article L. 432-13 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile doit être écarté.

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, par un arrêté du 24 juin 2020, publié le même jour au recueil spécial n°157 des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Nord a donné délégation à M. B F, sous-préfet de Valenciennes, à l’effet de signer, en particulier, la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de la décision attaquée doit être écarté.

12. En deuxième lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 9 que le moyen tiré de l’illégalité de la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour doit être écarté.

13. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 7, le moyen tiré de l’erreur d’appréciation au regard des dispositions de l’article L. 423-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile doit être écarté.

14. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 9, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

Sur la décision fixant le pays de destination de la mesure d’éloignement :

15. En premier lieu, par un arrêté du 24 juin 2020, publié le même jour au recueil spécial n°157 des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Nord a donné délégation à M. B F, sous-préfet de Valenciennes, à l’effet de signer, en particulier, la décision attaquée. Par suite, le moyen tiré de l’incompétence de l’auteur de la décision attaquée doit être écarté.

16. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 11 à 14 que le moyen tiré de l’illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. E n’est pas fondé à demander l’annulation des décisions du 21 juillet 2021 par lesquelles le préfet du Nord lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire français, lui a accordé un délai de départ volontaire de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d’éloignement. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d’injonction sous astreinte et celles présentées au titre des dispositions combinées de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. E est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. C E, à Me Lequien et au préfet du Nord.

Délibéré après l’audience du 15 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

— M. Paganel, président de la formation de jugement,

— M. Lemaire, président,

— Mme Lançon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

La rapporteure,

Signé

L-J. A

Le président,

Signé

M. D

La greffière,

Signé

N. PAULET

La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent jugement.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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