Tribunal administratif de Lille, 3ème chambre, 30 décembre 2022, n° 2206974

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Lille, 3e ch., 30 déc. 2022, n° 2206974
Juridiction : Tribunal administratif de Lille
Numéro : 2206974
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 15 septembre 2022, et un mémoire enregistré le 17 novembre 2022 non communiqué, M. F A D, représenté par Me Navy, demande au tribunal :

1°) de l’admettre provisoirement au bénéfice de l’aide juridictionnelle ;

2°) d’annuler l’arrêté du 10 juin 2022 par lequel le préfet du Nord lui a retiré sa carte de séjour mention « vie privée familiale », lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

3°) d’enjoindre au préfet du Nord de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter du jugement à intervenir et sous astreinte de 155 euros par jour de retard, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l’autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil, sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l’aide juridictionnelle, sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

— il appartient au préfet de justifier de la compétence du signataire de la décision

contestée ;

— la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

— elle méconnaît les dispositions de l’article L. 423-23 du code de l’entrée et du séjour

des étrangers et du droit d’asile et la circulaire du 28 novembre 2012 dite circulaire Valls ;

— elle est entachée d’erreur de fait et méconnaît des stipulations de l’article 8 de la

convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et est disproportionnée au regard de son droit à une vie privée et familiale ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

— il appartient au préfet de justifier de la compétence du signataire de la décision

contestée ;

— la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

— elle est entachée d’erreur de fait et méconnaît des stipulations de l’article 8 de la

convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et est disproportionnée au regard de son droit à une vie privée et familiale ;

— elle est illégale en raison de l’illégalité de la décision portant refus de délivrance de

titre de séjour.

En ce qui concerne la décision portant octroi d’un délai de départ volontaire de trente jours :

— il appartient au préfet de justifier de la compétence du signataire de la décision

contestée ;

—  la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

— elle est illégale en raison de l’illégalité de la décision portant obligation de quitter le

territoire français ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation au regard des dispositions de

l’article 7 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

— il appartient au préfet de justifier de la compétence du signataire de la décision

contestée ;

—  la décision attaquée est illégale en raison de l’illégalité de la décision portant obligation

de quitter le territoire français ;

— elle méconnaît les stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde

des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense enregistré le 27 octobre 2022, le préfet du Nord, conclut au rejet de la requête au motif que les moyens soulevés par M. A D ne sont pas fondés.

M. A D été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 16 août 2022 du bureau d’aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Lille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;

— le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

— le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le rapport de Mme E a été entendu au cours de l’audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. F A D, ressortissant marocain, né en 1976 à Midar (Maroc), est entré régulièrement sur le territoire français le 22 octobre 2014 sous couvert d’un visa court séjour « Etats Schengen » valable du 16 octobre 2014 au 19 novembre 2014 à l’expiration duquel il s’est maintenu irrégulièrement sur le territoire. Le 8 avril 2021, il a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en qualité de « conjoint de résident », et à titre subsidiaire la délivrance d’un titre de séjour au regard de ses liens privés et familiaux en France. Par un arrêté du 10 juin 2022, le préfet du Nord a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, l’a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par sa requête,

M. A D demande l’annulation de cet arrêté.

Sur l’aide juridictionnelle :

2. Par une décision du bureau d’aide juridictionnelle du 16 août 2022, M. A D a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale. Par suite, sa demande tendant à être admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle à titre provisoire est devenue sans objet, de sorte qu’il n’y a plus lieu d’y statuer.

Sur le moyen commun aux décisions attaquées :

3. Par un arrêté du 30 septembre 2021, publié le même jour au recueil spécial n° 225 des actes administratifs de la préfecture, le préfet du Nord a donné délégation à Mme C B de la Perrière, cheffe du bureau du contentieux et du droit des étrangers, à l’effet de signer, en particulier les décisions attaquées. Le moyen tiré de l’incompétence de la signataire des décisions attaquées qui manque en fait, doit dès lors être écarté.

Sur les autres moyens dirigés contre la décision portant refus de délivrance d’un titre de séjour :

4. En premier lieu, l’arrêté contesté énonce l’ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, de manière suffisamment circonstanciée pour mettre utilement

M. A D en mesure d’en discuter les motifs. Il est ainsi suffisamment motivé au regard des exigences du code des relations entre le public et l’administration.

5. En deuxième lieu, aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui ». Aux termes de l’article L. 423-23 du code l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « L’étranger qui n’entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention » vie privée et familiale « d’une durée d’un an, sans que soit opposable la condition prévue à l’article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d’existence de l’étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d’origine ».

6. M. A D déclare être entré sur le territoire français en 2014. Il soutient qu’il a épousé une compatriote en situation régulière, munie d’une carte de résidant valable 10 ans en avril 2019, avec qui il a débuté une relation en 2018, qu’il dispose de nombreux liens en France dès lors que son frère est sur le territoire français ainsi que d’autres membres de sa famille qui ont obtenu la nationalité française. Toutefois, si M. A D se prévaut de la situation régulière de son épouse pour solliciter son admission au séjour, il ressort des pièces du dossier qu’à la date de la décision attaquée, le préfet du Nord a procédé au retrait de la carte de résident de son épouse. En outre, s’il ressort des pièces du dossier que M. A D est rentré sur le territoire français de manière régulière, le 22 octobre 2014, muni de son passeport revêtu d’un visa valable du 16 octobre 2014 au 19 novembre 2014, à l’expiration de son visa il s’est maintenu irrégulièrement sur le territoire français et n’a envisagé de régulariser sa situation administrative que le 8 avril 2021, date de sa demande de titre de séjour. Par ailleurs, s’il établit la présence de membres de sa famille sur le sol français par la production d’attestations, il n’apporte aucun élément de nature à corroborer l’intensité de ses liens avec les membres de sa famille. Les deux attestations de la croix rouge et de l’île des solidarités qu’il produit, faisant état de ses activités bénévoles dans ces associations ne démontrent pas davantage une insertion particulière de M. A D sur le territoire français où ce dernier n’est d’ailleurs arrivé qu’à l’âge de trente-huit ans après avoir vécu toute son existence au Maroc où il n’allègue pas être isolé socialement. Si M. A D se prévaut de la signature d’un contrat à durée indéterminée à temps plein le 1er septembre 2022, cette circonstance est postérieure à la date de la décision attaquée. Par ailleurs, l’intéressé ne fait état d’aucune circonstance particulière qui ferait obstacle à la reconstitution de la cellule familiale au Maroc, pays dont sa conjointe a la nationalité. En outre, le requérant ne peut utilement se prévaloir des orientations générales que le ministre de l’intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en œuvre de leur pouvoir de régularisation résultant de la circulaire du 28 novembre 2012, qui sont dépourvues de tout caractère impératif et ne constituent pas des lignes directrices. Dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier qu’en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet du Nord a entaché sa décision d’une erreur de fait et a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Les moyens tirés de l’erreur de fait, de la méconnaissance des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l’article L. 423-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile doivent être écartés.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A D n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision du 10 juin 2022 par laquelle le préfet du Nord a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour.

Sur les autres moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré, par la voie de l’exception, de l’illégalité de la décision portant refus de délivrance d’un titre de séjour doit être écarté.

9. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 4 du présent jugement, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation doit être écarté.

10. En troisième lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 6 du présent jugement, les moyens tirés de l’erreur de fait, de la méconnaissance des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et du caractère disproportionné de la décision attaquée au regard du droit à une vie privée et familiale du requérant doivent être écartés.

11. Il résulte de ce qui précède que M. A D n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision du 10 juin 2022 par laquelle le préfet du Nord lui a fait obligation de quitter le territoire français.

Sur les autres moyens dirigés contre la décision refusant un délai de départ volontaire :

12. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 4 du présent jugement, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation doit être écarté.

13. En deuxième lieu, compte tenu de ce qui a été dit précédemment, le moyen tiré, par la voie de l’exception, de l’illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu’être écarté.

14. En dernier lieu, aux termes de l’article L. 612-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « L’étranger faisant l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d’un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L’autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s’il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas () ». Aux termes de l’article 7 de la directive du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier : « 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n’est accordé qu’à la suite d’une demande du ressortissant concerné d’un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. Le délai prévu au premier alinéa n’exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d’une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée du séjour, l’existence d’enfants scolarisés et d’autres liens familiaux et sociaux ».

15. M. A D, qui a disposé d’un délai de départ volontaire de trente jours, ne se prévaut d’aucune circonstance établie de nature à justifier l’octroi d’un délai de départ volontaire supérieur. Par suite, les moyens tirés de ce que le préfet du Nord a commis une erreur manifeste d’appréciation et de la méconnaissance des dispositions précitées de l’article 7 de la directive du 16 décembre 2008 doivent être écartés.

16. Il résulte de ce qui précède que M. A D n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision du 10 juin 2022 par laquelle le préfet du Nord lui a refusé un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.

Sur les autres moyens dirigés contre la décision fixant le pays de destination :

17. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la mesure d’éloignement prise à l’encontre de M. A D n’est pas entachée d’illégalité. Par suite le moyen tiré de l’illégalité, invoquée par voie d’exception, de cette décision, doit être écarté.

18. En second lieu, M. A D qui se borne à soutenir qu’il encourt des risques de traitements inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d’origine, n’assortit son moyen d’aucune précision, ni circonstance particulière de manière à faire obstacle à sa reconduite au Maroc. Dès lors, il convient d’écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

19. Il résulte de ce qui précède que M. A D n’est pas fondé à demander l’annulation de la décision du 10 juin 2022 par laquelle le préfet du Nord a fixé le pays de destination.

20. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par M. A D tendant à l’annulation de l’arrêté du préfet du Nord en date du 10 juin 2022 doivent être rejetées ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte, ainsi que celles présentées au titre des frais liés au litige.

D E C I D E :

Article 1er : Il n’y a pas lieu de statuer sur la demande d’admission à l’aide juridictionnelle à titre provisoire de M. A D.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A D est rejeté.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. F A D et au préfet du Nord.

Délibéré après l’audience du 13 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

— Mme Féménia, présidente,

— M. Bourgau, premier conseiller,

— M. Horn, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

La présidente, rapporteure,

signé

J. EL’assesseur le plus ancien dans l’ordre du tableau

signé

T.BOURGAU

La greffière,

signé

P. MAGHRI

La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

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