Tribunal administratif de Lille, 8ème chambre, 30 décembre 2022, n° 2005085

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Lille, 8e ch., 30 déc. 2022, n° 2005085
Juridiction : Tribunal administratif de Lille
Numéro : 2005085
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2020, M. A C, représenté par le cabinet AARPI Themis, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 29 juin 2020 par laquelle le directeur du centre de détention de Bapaume l’a déclassé de son poste d’opérateur ;

2°) d’enjoindre au directeur du centre de détention de Bapaume de le reclasser dans son emploi dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, par application combinée de l’article L.761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.

Il soutient que :

— la décision attaquée a été prise par une autorité incompétente, la commission de discipline étant seule compétente pour prononcer un déclassement d’emploi pour motifs disciplinaires ; en outre, il n’est pas établi que le signataire de cette décision dispose d’une délégation du directeur de l’établissement ;

— elle a été adoptée au terme d’une procédure irrégulière dès lors, d’une part, qu’il n’est pas établi qu’il ait eu accès à son dossier et, d’autre part, qu’il n’a pas été représenté par un avocat lors du débat contradictoire ;

— elle est insuffisamment motivée en droit ;

— elle est entachée d’une erreur de droit dès lors qu’elle a été adoptée sur le fondement de l’article D. 432-4 du code de procédure pénale alors qu’elle n’est pas justifiée par son incompétence à exécuter les tâches qui lui avaient été confiées ;

— elle est entachée d’une erreur d’appréciation, la mesure en litige étant disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2022, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens présentés par le requérant ne sont pas fondés.

M. C a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 5 octobre 2020 du bureau d’aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de procédure pénale ;

— la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. B,

— et les conclusions de M. Christian, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C, incarcéré au centre de détention de Bapaume, y a été engagé pour exercer les fonctions d’opérateur. Par une décision du 29 juin 2020, notifiée le jour même, le directeur du centre de détention l’a déclassé de cet emploi. Par la présente requête, M. C demande au tribunal d’annuler cette décision.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. Aux termes de l’article D. 432-4 du code de procédure pénale, dans sa version applicable au présent litige : « Lorsque la personne détenue s’avère incompétente pour l’exécution d’une tâche, cette défaillance peut entraîner le déclassement de cet emploi. / () ». L’article R. 57-7-34 du même code dispose que : " Lorsque la personne détenue est majeure, les sanctions disciplinaires suivantes peuvent également être prononcées : / () / 2° Le déclassement d’un emploi ou d’une formation ; / () « . Aux termes de l’article R. 57-7-2 du même code : » Constitue une faute disciplinaire du deuxième degré le fait, pour une personne détenue : / () / 15° De provoquer un tapage de nature à troubler l’ordre de l’établissement ; / () ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu’une décision déclassant un détenu de son emploi peut être prononcée, soit à raison de son incompétence à exécuter les tâches relevant de son emploi sur le fondement de l’article D. 432-4 du code de procédure pénale, soit pour sanctionner une faute disciplinaire.

3. Il ressort des mentions de la décision attaquée que, pour ordonner le déclassement de M. C de son poste, le directeur du centre de détention de Bapaume s’est fondé sur la circonstance que l’intéressé se serait emporté, après qu’il lui a été indiqué qu’il devait écrire au médecin de l’établissement s’il souhaitait être reçu par lui, en disant qu’il allait « contacter son avocat » et qu’il " n’en [avait] rien à foutre du travail « , à tel point qu’il a dû être » sorti () afin de mettre fin au tapage qu’il créait ". Si le ministre de la justice fait valoir que le comportement reproché au requérant justifiait le déclassement de son emploi en application des dispositions de l’article D. 432-4 du code de procédure pénale, les faits litigieux ne révèlent pas l’incompétence de M. C à exécuter les tâches qui lui ont été confiées. Par suite, en ordonnant son déclassement pour ce motif alors que la situation de l’intéressé relevait, le cas échéant, d’une procédure disciplinaire et des dispositions de l’article R. 57-7-34 du code de procédure pénale, le directeur du centre de détention de Bapaume a entaché sa décision d’une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, M. C est fondé à demander l’annulation de la décision du 29 juin 2020 par laquelle le directeur du centre de détention de Bapaume l’a déclassé de son emploi.

Sur les conclusions aux fins d’injonction sous astreinte :

5. Le présent jugement, qui annule la décision de déclassement de M. C de son emploi d’opérateur, n’implique aucune mesure d’exécution particulière. Par suite, les conclusions aux fins d’injonction sous astreinte doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

6. M. C a obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, et sous réserve que Me Ciaudo, avocat du requérant, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’État, de mettre à la charge de l’Etat le versement à Me Ciaudo de la somme de 1 000 euros.

D E C I D E :

Article 1er : La décision du 29 juin 2020 par laquelle le directeur du centre de détention de Bapaume a déclassé M. C de son emploi est annulée.

Article 2 : L’Etat versera à Me Ciaudo une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Ciaudo renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. A C, au cabinet AARPI Themis et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Copie en sera adressée au directeur du centre de détention de Bapaume.

Délibéré après l’audience du 9 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Marjanovic, président,

M. Even, premier conseiller,

M. Caustier, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

Le rapporteur,

Signé

G. B

Le président,

Signé

V. MARJANOVIC

La greffière,

Signé

D. WISNIEWSKI

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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