Tribunal administratif de Lille, 4ème chambre, 28 décembre 2023, n° 2104019

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Lille, 4e ch., 28 déc. 2023, n° 2104019
Juridiction : Tribunal administratif de Lille
Numéro : 2104019
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 5 janvier 2024

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 25 mai 2021, M. A B, représenté par Me Noublanche-Veyer, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision en date du 18 mars 2021 par laquelle la directrice du centre hospitalier de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer a refusé de reconnaître l’imputabilité au service de sa pathologie ;

2°) d’annuler la décision en date du 18 mars 2021 par laquelle la directrice du centre hospitalier de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer l’a placé en disponibilité d’office pour raison de santé à compter du 2 mars 2021 ;

3°) d’enjoindre à la directrice du centre hospitalier de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer de transmettre son dossier à la commission de réforme et au comité médical supérieur de la fonction publique ;

4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— sa pathologie est consécutive à une agression subie sur son lieu de travail et au cours de son service le 6 avril 2019 et présente donc un lien direct et certain avec le service ;

— la décision refusant de reconnaître l’imputabilité de sa pathologie au service a été prise à l’issue d’une procédure irrégulière, le médecin de prévention n’étant pas intervenu devant la commission de réforme, en méconnaissance des articles 18 et 26 du décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

— la décision le plaçant en disponibilité d’office pour raison de santé a été prise à l’issue d’une procédure irrégulière, le comité médical supérieur de la fonction publique n’ayant pas été consulté en méconnaissance des dispositions du décret n° 2008-1191 du 17 novembre 2008.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 septembre 2021, le centre hospitalier de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer, représenté par Me Hanicotte, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B la somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— la décision plaçant M. B en disponibilité d’office est une décision provisoire, dans l’attente de l’avis du comité médical appelé à se prononcer sur son placement en congé de longue maladie ou en disponibilité d’office pour raison de santé ;

— les autres moyens soulevés par M. B ne sont pas fondés.

Par une ordonnance en date du 11 août 2022, la clôture de l’instruction a été fixée au 12 septembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

— la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;

— le décret n° 86-442 du 14 mars 1986 ;

— le décret n° 88-386 du 19 avril 1988 ;

— le décret n° 2008-1191 du 17 novembre 2008 ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Courtois,

— les conclusions de M. Huguen, rapporteur public,

— et les observations de Me Perdrieux, avocat du centre hospitalier de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer.

Considérant ce qui suit :

1. M. B, aide-soignant au centre hospitalier de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer, demande au tribunal d’annuler les décisions en date du 18 mars 2021 par lesquelles la directrice de cet établissement a refusé de reconnaître l’imputabilité au service de sa pathologie et l’a placé en disponibilité d’office pour raison de santé à compter du 2 mars 2021.

Sur les conclusions à fin d’annulation de la décision refusant de reconnaître l’imputabilité au service de la pathologie :

2. En premier lieu, pour contester la décision en date du 18 mars 2021 par laquelle la directrice du centre hospitalier de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer a refusé de reconnaître l’imputabilité au service de sa pathologie, M. B, agent titulaire de la fonction publique hospitalière, ne saurait utilement se prévaloir des dispositions des articles 18 et 26 du décret du 14 mars 1986 susvisé, relatif à la désignation des médecins agréés, à l’organisation des comités médicaux et des commissions de réforme, aux conditions d’aptitude physique pour l’admission aux emplois publics et au régime de congés de maladie des fonctionnaires, qui a été pris pour l’application des articles 34 et 35 de la loi du 11 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État, et qui ne s’applique qu’aux fonctionnaires régis par cette loi, à savoir les fonctionnaires de l’État.

3. En deuxième lieu, aux termes de l’article 9 du décret du 19 avril 1988 susvisé, relatif aux conditions d’aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière, dans sa version applicable au litige : « Le médecin du travail attaché à l’établissement auquel appartient le fonctionnaire dont le cas est soumis () à la commission départementale de réforme () est informé de la réunion et de son objet. Il peut obtenir, s’il le demande, communication du dossier de l’intéressé. Il peut présenter des observations écrites ou assister à la réunion. () ».

4. Il ne résulte pas des dispositions précitées que l’intervention du médecin du travail attaché au service auquel appartient le fonctionnaire devant la commission de réforme est obligatoire. M. B, qui n’établit pas, ni même n’allègue que le médecin du travail n’a été ni informé de la réunion de la commission, ni autorisé à présenter des observations, n’est dès lors pas fondé à soutenir que la décision a été prise à l’issue d’une procédure irrégulière en l’absence d’intervention du médecin du travail devant la commission de réforme.

5. En dernier lieu, aux termes de l’article 41 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : / () / 2° à des congés maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l’intéressé dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l’intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. Le fonctionnaire conserve, en outre, ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l’indemnité de résidence. (). / Toutefois, si la maladie provient de l’une des causes exceptionnelles prévues à l’article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l’exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l’intégralité de son traitement jusqu’à ce qu’il soit en état de reprendre son service ou jusqu’à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l’accident. / Dans le cas visé à l’alinéa précédent, l’imputation au service de la maladie ou de l’accident est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. / () ". Les causes exceptionnelles prévues à l’article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite doivent s’entendre des accidents de service, des maladies contractées ou aggravées en service, des actes de dévouement accomplis dans un intérêt public ou de l’exposition de ses jours pour sauver la vie d’une ou plusieurs personnes. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l’exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu’un fait personnel de l’agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l’aggravation de la maladie du service.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B a été victime, le 6 avril 2019 sur son lieu de travail, d’une agression par un patient qui s’est jeté sur lui, lui a serré la gorge, l’a projeté contre le montant d’une porte avant de saisir ses lunettes et de les écraser. Le certificat médical rédigé à la suite immédiate de cette agression a fait état de contusions et de douleurs. Dans son rapport d’incident, M. B a notamment fait état d’un stress aigu. Cette agression a été reconnue comme un accident imputable au service par une décision de la directrice du centre hospitalier de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer en date du 2 mai 2019. M. B a été placé en congé de maladie au titre de cet accident du travail jusqu’au 4 juin 2019, puis il a bénéficié d’un congé de maladie ordinaire jusqu’au 8 septembre 2019. Le 2 mars 2020, son médecin traitant lui a prescrit un arrêt de travail pour dépression, lequel a été renouvelé au moins jusqu’au 20 avril 2021. Pour établir l’imputabilité au service de cette pathologie, M. B, qui soutient n’avoir aucun antécédent, produit un certificat médical de son médecin traitant du 26 octobre 2020, lequel atteste que la dépression dont il souffre est consécutive à l’agression survenue en 2019 et qu’un suivi psychologique et psychiatrique est en cours. Il produit également deux attestations médicales rédigées postérieurement à l’édiction de la décision attaquée, l’une de son médecin traitant du 20 mai 2021 réitérant les termes du précédent certificat médical, l’autre d’un médecin psychiatre datée du 19 mai 2021 attestant de la réalité d’un suivi psychiatrique depuis juin 2020. Toutefois, alors que la commission de réforme du Pas-de-Calais a rendu un avis défavorable au vu du dossier le 12 mars 2021, que la constatation de la dépression est intervenue plus d’un an après l’agression du 6 avril 2019 et que le requérant avait recommencé à travailler depuis plus de six mois sans jamais avoir alerté ses collègues ou sa hiérarchie d’une quelconque difficulté en lien avec cet accident au cours de cette période, la seule constatation du médecin généraliste de M. B n’apparaît pas suffisante pour établir l’existence d’un lien direct entre la pathologie déclarée en mars 2020 et l’accident de service intervenu en avril 2019. De même, si le requérant évoque « un sentiment d’abandon récurrent et d’indifférence quant à la gestion de l’agression par l’employeur () quasi permanent avec la peur d’un retour au travail lié au choc post-traumatique de l’agression mais également de la dévalorisation liée à la gestion de l’accident professionnel », ces allégations ne sont corroborées par aucun élément permettant d’objectiver des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause. Par suite, M. B n’est pas fondé à soutenir que c’est à tort que la directrice du centre hospitalier de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer a refusé de reconnaître l’imputabilité au service de sa pathologie.

Sur les conclusions à fin d’annulation de la décision plaçant M. B en disponibilité d’office pour raison de santé :

7. Aux termes de l’article 62 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée, alors en vigueur : « La disponibilité est la position du fonctionnaire qui, placé hors de son établissement, cesse de bénéficier, dans cette position, de ses droits à l’avancement et à la retraite. / () / La disponibilité est prononcée soit à la demande de l’intéressé, soit d’office à l’expiration des congés prévus aux 2°, 3° et 4° de l’article 41 () / () ». Par ailleurs, aux termes de l’article 7 du décret du 19 avril 1988, relatif aux conditions d’aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière, dans sa version applicable au litige : « Les comités médicaux () / () sont consultés obligatoirement en ce qui concerne : / () 6. La mise en disponibilité d’office pour raisons de santé, () / () ». Aux termes de l’article 17 de ce décret, dans sa version applicable au litige : « () / Lorsqu’un fonctionnaire a obtenu pendant une période de douze mois consécutifs des congés de maladie d’une durée totale de douze mois, il ne peut, à l’expiration de sa dernière période de congé, reprendre son service qu’après l’avis favorable du comité médical. / Si l’avis du comité médical est défavorable, le fonctionnaire est soit mis en disponibilité, soit, s’il le demande, reclassé dans un autre emploi, soit, s’il est reconnu définitivement inapte à l’exercice de tout emploi, admis à la retraite après avis de la commission de réforme des agents des collectivités locales. Le paiement du demi-traitement est maintenu, le cas échéant, jusqu’à la date de la décision de reprise de service, de reclassement, de mise en disponibilité ou d’admission à la retraite. () ». Aux termes de l’article 36 du même décret : « La mise en disponibilité prévue aux articles 17 et 35 du présent décret est prononcée après avis du comité médical ou de la commission départementale de réforme sur l’inaptitude du fonctionnaire à reprendre ses fonctions. / () ».

8. Il ne résulte pas des dispositions précitées que la directrice du centre hospitalier de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer était tenue, avant de placer M. B en disponibilité d’office à l’épuisement de ses droits statuaires à congé de maladie, de consulter le comité médical supérieur de la fonction publique. Par suite, M. B n’est pas fondé à soutenir qu’en l’absence de consultation préalable de ce comité, la décision attaquée a été prise à l’issue d’une procédure irrégulière.

9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B n’est pas fondé à demander l’annulation des décisions en date du 18 mars 2021 par lesquelles la directrice du centre hospitalier de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer a refusé de reconnaître l’imputabilité au service de sa pathologie et l’a placé en disponibilité d’office pour raison de santé à compter du 2 mars 2021. Par suite, ses conclusions à fin d’annulation de ces décisions doivent être rejetées, ainsi que, par voie de conséquence, celles à fin d’injonction.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. B demande au titre des frais qu’il a exposés. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. B la somme demandée par le centre hospitalier de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer au titre de cet article.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. A B et au centre hospitalier de l’arrondissement de Montreuil-sur-Mer.

Délibéré après l’audience du 14 décembre 2023, à laquelle siégeaient :

— M. Lemaire, président,

— Mme Courtois, première conseillère,

— Mme Jaur, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 décembre 2023.

La rapporteure,

Signé

C. COURTOISLe président,

Signé

O. LEMAIRE

La greffière,

Signé

S. RANWEZ

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent jugement.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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