Tribunal administratif de Limoges, 1ère chambre, 1er décembre 2022, n° 2100270

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Limoges, 1re ch., 1er déc. 2022, n° 2100270
Juridiction : Tribunal administratif de Limoges
Numéro : 2100270
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Appréciation de légalité
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

I) Par un déféré, enregistré sous le n° 2100270 le 12 février 2021, le préfet de l’Indre demande au tribunal d’annuler la décision du 12 février 2021 révélée par voie de presse, par laquelle le maire de la commune d’Issoudun, également président de l’établissement public de coopération culturelle (EPCC), a autorisé l’ouverture du musée de l’Hospice Saint-Roch à partir du samedi 13 février 2021, 10h.

Le préfet soutient que :

— cette décision est entachée d’illégalité au regard de l’article 45 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 qui dispose que « les établissements relevant des catégories mentionnées par le règlement pris en application de l’article R. 123-12 du code de la construction et de l’habitation () ne peuvent accueillir du public, » 4° Etablissements de type Y : musées, salles destinées à recevoir des expositions à vocation culturelle  » ;

— cette décision est également entachée d’illégalité eu égard à la situation sanitaire actuelle et des risques que la réouverture de l’établissement ferait peser sur la population et le système de soins ;

II) Par un déféré, enregistré sous le n° 2100331 le 19 février 2021, le préfet de l’Indre demande au tribunal d’annuler la décision du même jour, révélée par voie de presse, par laquelle le maire de la commune d’Issoudun, également président de l’établissement public de coopération culturelle (EPCC), a autorisé l’ouverture de la « galerie d’art contemporain » du musée de l’Hospice Saint-Roch situé à Issoudun à partir du samedi 20 février 2021, sur réservation et par groupe de six personnes.

Le préfet soutient que :

— cette décision est entachée d’illégalité au regard de l’article 45 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 qui dispose que « les établissements relevant des catégories mentionnées par le règlement pris en application de l’article R. 123-12 du code de la construction et de l’habitation () ne peuvent accueillir du public, » 4° Etablissements de type Y : musées, salles destinées à recevoir des expositions à vocation culturelle  » ; en application de l’article L. 410-1 du code du patrimoine et à la lecture des statuts de l’établissement public de coopération culturelle, la notion de « galerie d’art contemporain » au sein d’un musée ne correspond à aucune catégorie juridique spécifique et constitue une modalité de l’activité du musée, soumise aux dispositions du 4° de l’article précité ;

— cette décision est également entachée d’illégalité eu égard à la situation sanitaire actuelle et des risques que la réouverture de cette partie du musée ferait peser sur la population et les visiteurs potentiels;

— cette décision méconnaît le caractère exécutoire de l’ordonnance du juge des référés du 18 février 2021 qui prononce la suspension de la décision du 12 février 2021 par laquelle le maire de la commune d’Issoudun a autorisé la réouverture du musée de l’Hospice Saint-Roch.

Le maire de la commune d’Issoudun, président de l’EPCC, n’a produit aucun mémoire en défense dans ces deux instances.

Vu :

— les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le code de la construction et de l’habitation ;

— le code de la sante´ publique ;

— la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire ;

— la loi n° 2021-160 du 15 février 2021 prorogeant l’état d’urgence sanitaire ;

— le décret n° 2020-1257 du 14 octobre 2020 déclarant l’état d’urgence sanitaire ;

— le décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face a` l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. A,

— les conclusions de M. Houssais, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Les deux déférés susvisés concernent deux décisions prises par une même collectivité territoriale, portent sur des questions semblables et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a lieu d’y statuer par un même jugement.

2. Par son déféré n° 2100270, le préfet de l’Indre demande au tribunal d’annuler la décision du 12 février 2021, révélée par voie de presse, par laquelle le maire de la commune d’Issoudun, également président de l’établissement public de coopération culturelle (EPCC), a autorisé l’ouverture du musée de l’Hospice Saint-Roch à partir du samedi 13 février 2021, 10h. Par son déféré n° 2100331, il demande au tribunal d’annuler la décision du 19 février 2021, révélée par voie de presse, par laquelle cette même autorité a autorisé l’ouverture de la « galerie d’art contemporain » du musée de l’Hospice Saint-Roch situé à Issoudun à partir du samedi 20 février 2021, sur réservation et par groupe de six personnes.

Sur les circonstances et le cadre du litige :

3. Aux termes de l’article L. 3131-12 du code de la santé publique, issu de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19 : « L’état d’urgence sanitaire peut être déclaré sur tout ou partie du territoire métropolitain ainsi que du territoire des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et de la Nouvelle-Calédonie en cas de catastrophe sanitaire mettant en péril, par sa nature et sa gravité, la santé de la population ». L’article L. 3131-13 de ce code dispose que : « L’état d’urgence sanitaire est déclaré par décret en conseil des ministres pris sur le rapport du ministre chargé de la santé. Ce décret motivé détermine la ou les circonscriptions territoriales à l’intérieur desquelles il entre en vigueur et reçoit application. Les données scientifiques disponibles sur la situation sanitaire qui ont motivé la décision sont rendues publiques. / () / La prorogation de l’état d’urgence sanitaire au-delà d’un mois ne peut être autorisée que par la loi, après avis du comité de scientifiques prévu à l’article L. 3131-19. » Aux termes du I de l’article L. 3131-15 du même code : « Dans les circonscriptions territoriales où l’état d’urgence sanitaire est déclaré, le Premier ministre peut, par décret réglementaire pris sur le rapport du ministre chargé de la santé, aux seules fins de garantir la santé publique : () 5° Ordonner la fermeture provisoire et réglementer l’ouverture, y compris les conditions d’accès et de présence, d’une ou plusieurs catégories d’établissements recevant du public ainsi que des lieux de réunion, en garantissant l’accès des personnes aux biens et services de première nécessité. » Ce même article précise à son III que les mesures prises en application de ses dispositions « sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu » et « qu’il y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires ».

4. L’émergence d’un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou Covid-19 et particulièrement contagieux, a été qualifiée d’urgence de santé publique de portée internationale par l’organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre chargé de la santé puis le premier ministre à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en plus strictes destinées à réduire les risques de contagion. Pour faire face à l’aggravation de l’épidémie, la loi du 23 mars 2020 a créé un régime d’état d’urgence sanitaire, défini aux articles L. 3131-12 à L. 3131-20 du code de la santé publique, et a déclaré l’état d’urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020. La loi du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ces dispositions a prorogé cet état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet 2020.

5. Une nouvelle progression de l’épidémie a conduit le Président de la République à prendre le 14 octobre 2020, sur le fondement des articles L. 3131-12 et L. 3131-13 du code de la santé publique, un décret déclarant l’état d’urgence sanitaire à compter du 17 octobre 2020 sur l’ensemble du territoire national. L’article 1er de la loi du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l’état d’urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire dans sa version en vigueur depuis le 17 février 2021 a prorogé l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 1er juin 2021 inclus. Le Premier ministre a pris, sur le fondement de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique, le décret du 29 octobre 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’urgence sanitaire, modifié en dernier lieu par un décret du 20 décembre 2020. Il résulte des dispositions des articles 39, 42 et 45 de ce décret que les salles d’exposition relevant du type T, les établissements relevant du type PA, « établissements de plein air, à l’exception de ceux au sein desquels est pratiquée la pêche en eau douce » et du type L, comprenant notamment les salles de spectacles ou à usage multiple ainsi que les musées et salles destinées à recevoir des expositions temporaires à vocation culturelle, relevant du type Y, ne peuvent accueillir du public.

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

6. Aux termes de l’article 45 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 modifié : " I.- Les établissements relevant des catégories mentionnées par le règlement pris en application de l’article R. 123-12 du code de la construction et de l’habitation figurant ci-après ne peuvent accueillir du public : () 4° Etablissements de type Y : Musées, salles destinées à recevoir des expositions à vocation culturelle (scientifique, technique ou artistique, etc.), ayant un caractère temporaire ; () ". Il résulte de ces dispositions que l’accueil du public dans les musées ou les salles destinées à recevoir des expositions à vocation culturelle, ayant un caractère temporaire n’était pas autorisé aux dates auxquelles ont été édictées les deux décisions contestées.

7. En l’espèce, le maire de la commune d’Issoudun, président de l’EPCC, qui n’a pas produit de mémoires en défense, ne conteste pas que le musée de l’Hospice Saint-Roch, y compris sa galerie d’art contemporain, constitue bien un établissement de type Y au sens de l’article 45 du décret du 29 octobre 2020. Par suite, le préfet est fondé à soutenir que les décisions en litige dans les deux présentes instances méconnaissent les dispositions citées au point 6 et en demander, par voie de conséquence, l’annulation sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du déféré.

8. Il résulte de ce qui précède que les décisions du 12 février 2021 et du 19 février 2021 révélées par voie de presse, par lesquelles le maire de la commune d’Issoudun, également président de l’EPCC, a autorisé l’ouverture du musée de l’Hospice Saint-Roch à partir du samedi 13 février 2021, puis a autorisé l’ouverture de la « galerie d’art contemporain » du musée de l’Hospice Saint-Roch à partir du samedi 20 février 2021, sur réservation et par groupe de six personnes, doivent être annulées.

D E C I D E :

Article 1er: Les décisions du 12 février 2021 et du 19 février 2021 du maire de la commune d’Issoudun, également président de l’établissement public de coopération culturelle, sont annulées.

Article 2:Le présent jugement sera notifié au préfet de l’Indre et à la commune d’Issoudun.

Délibéré après l’audience du 17 novembre 2022 où siégeaient :

— M. Gensac, président,

— M. Martha, premier conseiller,

— M. Boschet, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.

Le rapporteur,

F. A

Le président,

P. GENSAC

Le greffier,

G. JOURDAN-VIALLARD

La République mande et ordonne

au préfet de l’Indre en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision

Pour expédition conforme

Pour le Greffier en Chef

Le Greffier

G. JOURDAN-VIALLARD

2, 2100331

mf

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