Tribunal administratif de Lyon, 27 décembre 2019, n° 1723288

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Sur la décision

Référence :
TA Lyon, 27 déc. 2019, n° 1723288
Juridiction : Tribunal administratif de Lyon
Numéro : 1723288

Sur les parties

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LYON

N° 1723288 ___________ RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
M. Y X ___________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS Mme Karen Mège Teillard Rapporteur ___________ Le tribunal administratif de Lyon M. Marc Gilbertas Rapporteur public (2ème chambre) ___________

Audience du 12 décembre 2019 Lecture du 27 décembre 2019 ___________ 60-01-03-01

[…]

60-04-01-01

C-SS

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 8 juin 2017 au greffe du tribunal administratif de Grenoble, transmise au tribunal administratif de Lyon par ordonnance de renvoi du 6 avril 2019 du président de la section du contentieux du Conseil d’État, complétée par un mémoire enregistré le 9 août 2019, M. Y X, représenté par Me Lorin, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision de rejet de sa demande tendant à la mise en cause de la responsabilité de l’État en raison de la carence du maire de la commune de Solaure-en-Diois (26150) à constater une infraction d’urbanisme ;

2°) de condamner l’État à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de cette carence ;

3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. X soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :

- il justifie avoir adressé une réclamation préalable à la préfecture de la Drôme ;

- la responsabilité pour faute de l’État est engagée, en raison de la carence, à tout le moins le retard, du maire de Solaure-en-Diois à exercer le pouvoir de police en matière d’urbanisme pour le compte de l’État ;



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- la réalisation d’une piste de motocross, résultant d’opérations de défrichement, de déboisement, d’excavation de coteaux et de constructions d’une clôture et d’une estrade, sans autorisation d’urbanisme, en zone naturelle protégée, à proximité d’un site Natura 2000 et d’un territoire bio vallée, constitue une infraction, en application de l’article L. 421-2 du code de l’urbanisme soumettant ce type de travaux à un permis d’aménager ; ces travaux ne peuvent être régularisés, les parcelles en cause se situant en zone inconstructible ; le maire de la commune, qu’il a avisé à plusieurs reprises de la situation et des préjudices en résultant, était ainsi tenu de constater cette infraction par procès-verbal et de la signaler au procureur de la République, tant lors de la création de la piste que lors des travaux d’agrandissement, ce qu’il n’a pas fait malgré une mise en demeure d’exercer ses pouvoirs de police ;

- il subit des préjudices liés aux nuisances sonores en raison de l’utilisation récurrente de cette piste, dont la réalisation et l’agrandissement ont également entraîné des atteintes graves à la faune et la flore.

Par un mémoire enregistré le 6 novembre 2017, la commune de Solaure-en-Diois, représentée par Me Stahl, conclut au rejet de la requête et demande qu’une somme de 2 000 euros soit mise à la charge du requérant sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, d’une part, à défaut de liaison du contentieux, d’autre part, du fait de l’expiration des délais de recours, et enfin du défaut d’intérêt à agir de M. X ;

- les moyens invoqués par M. X ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 20 avril 2018, le préfet de la Drôme conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable, à défaut de liaison du contentieux ;

- les moyens soulevés par M. X ne sont pas fondés.

Par lettre du 10 juillet 2019, les parties ont été informées, en application de l’article R. 611-1-1 du code de justice administrative, de la période à laquelle il est envisagé d’appeler l’affaire à l’audience et de la date à partir de laquelle l’instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l’article R. 613-1 et le dernier alinéa de l’article R. 613-2 du code de justice administrative.

Une ordonnance portant clôture immédiate de l’instruction a été émise le 9 septembre 2019.

Une pièce produite pour la commune de Solaure-en-Diois a été enregistrée le 10 décembre 2019 postérieurement à la clôture de l’instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l’urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.



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Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Mège Teillard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Gilbertas, rapporteur public,

- et les observations de Me Teixera, substituant Me Stahl, pour la commune de Solaure- en-Diois.

Considérant ce qui suit :

1. Après avoir constaté la réalisation sans autorisation d’urbanisme d’une piste de motocross sur les parcelles cadastrées 367, 370, 371, 372, 373, 374 et 377 à Aix-en-Diois, M. X, en sa qualité de voisin proche du site, a alerté le maire de la commune par courrier du 16 mars 2015, puis l’a mis en demeure d’exercer ses pouvoirs de police les 4 avril et 14 mai 2016 afin de dresser un constat de l’infraction et faire cesser les atteintes portées à la tranquillité publique. Il a de nouveau sollicité l’intervention du maire en décembre 2016, en raison de la réalisation de travaux d’agrandissement de la piste. M. X demande la condamnation de l’État à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de dommages et intérêts qu’il aurait subis du fait de la carence, ou du moins du retard, du maire de Solaure-en-Diois à constater les infractions d’urbanisme ainsi commises.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Aux termes de l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme : « Les infractions aux dispositions des titres Ier, II, III, IV et VI du présent livre sont constatées par tous officiers ou agents de police judiciaire ainsi que par tous les fonctionnaires et agents de l’État et des collectivités publiques commissionnés à cet effet par le maire ou le ministre chargé de l’urbanisme suivant l’autorité dont ils relèvent et assermentés. Les procès-verbaux dressés par ces agents font foi jusqu’à preuve du contraire. (…) / Lorsque l’autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent ont connaissance d’une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 480-4 et L. 610-1, ils sont tenus d’en faire dresser procès- verbal ». Aux termes de l’article L. 480-2 du même code : « (…) Dès qu’un procès-verbal relevant l’une des infractions prévues à l’article L. 480-4 a été dressé, le maire peut également, si l’autorité judiciaire ne s’est pas encore prononcée, ordonner par arrêté motivé l’interruption des travaux. Copie de cet arrêté est transmise sans délai au ministère public. (…) Dans le cas de constructions sans permis de construire ou d’aménagement sans permis d’aménager, (…), le maire prescrira par arrêté l’interruption des travaux ainsi que, le cas échéant, l’exécution, aux frais du constructeur, des mesures nécessaires à la sécurité des personnes ou des biens ; copie de l’arrêté du maire est transmise sans délai au ministère public. (…) ». Aux termes de l’article L. 480-4 de ce code : « Le fait d’exécuter des travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-5 en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application ou en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou d’aménager ou par la décision prise sur une déclaration préalable est puni d’une amende comprise entre 1 200 euros et un montant qui ne peut excéder, soit, dans le cas de construction d’une surface de plancher, une somme égale à 6 000 euros par mètre carré de surface construite, démolie ou rendue inutilisable au sens de l’article L. 430-2, soit, dans les autres cas, un montant de 300 000 euros. En cas de récidive, outre la peine d’amende ainsi définie un emprisonnement de six mois pourra être prononcé (…) ».



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3. Il résulte de ces dispositions que le maire est tenu de dresser un procès-verbal en application de l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme lorsqu’il a connaissance d’une infraction mentionnée à l’article L. 480-4. Après établissement d’un procès-verbal, le maire est tenu, dans ce cas, de prescrire par arrêté l’interruption des travaux. Lorsqu’il exerce les attributions qui lui sont confiées par l’article L. 480-1 du code de l’urbanisme, le maire agit comme autorité de l’État. Ainsi, les fautes qu’il viendrait à commettre en cette qualité engagent la responsabilité de l’État.

4. En l’espèce, malgré le retard mis par l’autorité administrative à constater l’infraction au code de l’urbanisme, en vertu de son article L. 480-1, et sa carence à faire cesser les travaux, et de ce fait, empêcher l’utilisation de la piste, qui sont de nature à engager la responsabilité de l’État, M. X se borne à faire état de l’illégalité même de la construction de la piste de motocross ainsi que de la destruction de faune et de flore qui en aurait résulté, sans invoquer aucun préjudice direct et personnel ni, au demeurant, apporter sur ce point la moindre précision ou justification. S’il fait état, par ailleurs, de nuisances sonores résultant de l’exploitation de la piste, faute pour le maire d’en avoir interrompu la réalisation, il ne justifie pas de leur réalité, alors que sa propriété se situe à près d’un kilomètre de la piste. À la suite de la première mise en demeure qu’il a adressée au maire de la commune, celle-ci n’a d’ailleurs plus été utilisée à compter de début juin 2016. Dans ces conditions, M. X ne peut être regardé comme démontrant avoir subi des troubles dans les conditions d’existence résultant des fautes de l’administration précédemment évoquées.

5. Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que M. X n’est pas fondé à demander la condamnation de l’État à lui verser la somme de 10 000 euros au titre dommages et intérêts. Ses conclusions indemnitaires doivent ainsi être rejetées.

Sur les frais de l’instance :

6. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l’État le versement d’une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. X la somme réclamée par la commune de Solaure-en-Diois au titre de ses frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Solaure-en-Diois tendant au bénéfice des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. Y X, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités locales et à la commune de Solaure-en-Diois.

Copie sera adressée au préfet de la Drôme.



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Délibéré après l’audience du 12 décembre 2019, à laquelle siégeaient :

M. Vincent-Marie Picard, président, Mme Karen Mège Teillard, premier conseiller, Mme A B, conseiller.

Lu en audience publique le 27 décembre 2019.

Le rapporteur, Le président,

K. Mège Teillard V.-M. Picard

La greffière,

A. Baviera

La République mande et ordonne au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités locales en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition, Un greffier,

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