Tribunal administratif de Marseille, Reconduite à la frontière, 30 décembre 2022, n° 2210851

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Sur la décision

Référence :
TA Marseille, reconduite à la frontière, 30 déc. 2022, n° 2210851
Juridiction : Tribunal administratif de Marseille
Numéro : 2210851
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 25 décembre 2022, M. A B, représenté par Me Mennetrier-Marchiani, demande au tribunal :

1°) de l’admettre au bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d’annuler l’arrêté du 23 décembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a pris un arrêté fixant le pays de renvoi en exécution de l’interdiction du territoire dont M. B a fait l’objet, sur le fondement de l’article L. 641-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, pays de destination dont il a la nationalité ou qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité ou encore à destination de tout autre pays dans lequel il établit qu’il est légalement admissible ;

3°) d’être assisté d’un avocat commis d’office et assisté d’un interprète en langue arabe ;

4°) de mettre une somme de 1 000 euros à la charge de l’Etat en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil à condition que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle.

Il soutient que :

— l’auteur de l’arrêté litigieux n’est pas compétent ;

— la décision fixant le pays de destination méconnait l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales étant donné qu’il a établi l’ensemble de sa vie privée et familiale en Espagne.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 décembre 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— l’accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;

— le code de justice administrative.

La présidente du tribunal administratif de Marseille a désigné Mme D pour statuer sur les litiges relatifs aux décisions portant mesure d’éloignement des ressortissants étrangers en application du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

A été entendu au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme D,

— les parties n’étant ni présentes ni représentées.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit :

1. M. B, ressortissant marocain né le 18 octobre 1984, a été condamné le 1er septembre 2021 par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence à une peine de deux années d’emprisonnement ainsi, notamment, qu’à une interdiction du territoire français d’une durée de 10 ans, pour avoir aidé à l’entrée et au séjour d’étrangers en situation irrégulière sur le territoire national. A sa levée d’écrou, le préfet des Bouches-du-Rhône l’a placé en centre de rétention administrative. Le requérant demande l’annulation de l’arrêté du 23 décembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a fixé le pays de destination dont il a la nationalité ou qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité ou encore à destination de tout autre pays dans lequel il établit qu’il est légalement admissible en exécution de la décision de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 1er septembre 2021 le condamnant à une interdiction temporaire du territoire français d’une durée de 10 ans en application de l’article L. 641-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Sur la demande d’admission à l’aide juridictionnelle provisoire :

2. Il y a lieu, eu égard à l’urgence qui s’attache à ce qu’il soit statué sur la requête, de prononcer l’admission provisoire du requérant à l’aide juridictionnelle.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

3. L’arrêté contesté a été signé par Mme E C, adjointe au chef de la mission asile du bureau de l’éloignement, du contentieux et de l’asile de la préfecture des Bouches-du-Rhône, qui bénéficiait, en vertu d’un arrêté n° 13-2022-285 du 30 septembre 2022, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture, d’une délégation à l’effet de signer notamment les arrêtés de réadmission. Par suite, le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué aurait été signé par une autorité incompétente doit être écarté.

4. Aux termes de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. ». Aux termes de l’article L. 641-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « La peine d’interdiction du territoire français susceptible d’être prononcée contre un étranger coupable d’un crime ou d’un délit est régie par les dispositions des articles 131-30, 131-30-1 et 131-30-2 du code pénal ». Aux termes de l’article 131-30 du code pénal : « Lorsqu’elle est prévue par la loi, la peine d’interdiction du territoire français peut être prononcée, à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus, à l’encontre de tout étranger coupable d’un crime ou d’un délit. / L’interdiction du territoire entraîne de plein droit la reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant, à l’expiration de sa peine d’emprisonnement ou de réclusion. / Lorsque l’interdiction du territoire accompagne une peine privative de liberté sans sursis, son application est suspendue pendant le délai d’exécution de la peine. Elle reprend, pour la durée fixée par la décision de condamnation, à compter du jour où la privation de liberté a pris fin () ». Aux termes de l’article L. 721-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « L’autorité administrative fixe, par une décision distincte de la décision d’éloignement, le pays à destination duquel l’étranger peut être renvoyé en cas d’exécution d’office d’une () peine d’interdiction du territoire français () ». Aux termes de l’article L. 721-4 du même code : " L’autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi : 1° Le pays dont l’étranger a la nationalité, sauf si l’Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d’asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s’il n’a pas encore été statué sur sa demande d’asile ; 2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d’un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ; 3° Ou, avec l’accord de l’étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible. / Un étranger ne peut être éloigné à destination d’un pays s’il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu’il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

5. Il résulte de ces dispositions qu’aussi longtemps que la personne condamnée n’a pas obtenu de la juridiction qui a prononcé la condamnation pénale le relèvement de la peine d’interdiction définitive du territoire français, l’autorité administrative est tenue de pourvoir à son exécution, sous réserve que la décision fixant le pays de renvoi n’expose pas l’intéressé à être éloigné à destination d’un pays dans lequel il établit que sa vie ou sa liberté serait menacée, ou il serait exposé à des traitements contraires aux stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Dans ces conditions, l’arrêté en litige n’ayant pas pour objet de prononcer l’interdiction de retour du territoire français mais simplement de fixer le pays de destination pour l’exécution de cette peine, la requérante ne peut utilement soutenir que l’arrêté aurait été pris en méconnaissance des dispositions de l’article L. 641-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

6. Il est constant que les conséquences d’un éloignement du territoire français sur la vie privée et familiale du requérant résultent en l’espèce, non pas de l’arrêté en litige, mais de l’interdiction judiciaire du territoire dont il a été l’objet, peine complémentaire à laquelle il a été condamné, dont cette décision est distincte. Par suite et alors que le requérant n’établit pas, ni même n’allègue avoir été relevé de la peine complémentaire ainsi prononcée à son encontre par le juge pénal, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales alors que la famille du requérant résiderait en Espagne doit être écarté comme inopérant.

7. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation présentées par le requérant doivent être rejetées. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D E C I D E :

Article 1er : M. B est admis à titre provisoire au bénéfice de l’aide juridictionnelle.

Article 2 : Le surplus des conclusions du requérant est rejeté.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à M. A B et au préfet des Bouches-du-Rhône.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

La magistrate désignée,

Signé

A. D

Le greffier,

Signé

R. Machado

La République mande et ordonne au préfet des Bouches-du-Rhône en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour une expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

La greffière,

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