Tribunal administratif de Marseille, 7ème chambre, 30 décembre 2022, n° 2208293

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Sur la décision

Référence :
TA Marseille, 7e ch., 30 déc. 2022, n° 2208293
Juridiction : Tribunal administratif de Marseille
Numéro : 2208293
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 4 octobre 2022, M. D B, représenté par Me Vincensini, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 7 septembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l’a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d’office ;

2°) d’enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, à charge pour son conseil de renoncer à percevoir la part contributive de l’État.

M. B soutient que :

En ce qui concerne l’ensemble des décisions :

— le refus de titre de séjour méconnaît les stipulations du 1) et du 5) de l’article 6 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés ;

— l’obligation de quitter le territoire français est entachée d’une erreur d’appréciation.

M. B a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 10 novembre 2022.

La clôture d’instruction a été fixée au 16 novembre 2022 par ordonnance du 24 octobre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l’emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique ;

— le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience publique au cours de laquelle a été entendu le rapport de Mme Menasseyre, présidente rapporteure.

Considérant ce qui suit :

1. M. B, de nationalité algérienne, est entré en France le 23 juillet 2015. Le 3 décembre 2021, il a sollicité un titre de séjour sur le fondement de sa vie privée et familiale. Par un arrêté en date du 7 septembre 2022 le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d’être reconduit d’office. M. B demande l’annulation de ces décisions.

Sur les conclusions aux fins d’annulation :

2. Aux termes de de l’article 6 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : « () Le certificat de résidence d’un an portant la mention » vie privée et familiale « est délivré de plein droit : () 5) au ressortissant algérien, qui n’entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d’autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. () ».

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B, âgé de 18 ans, est entré en France le 23 juillet 2015 à l’âge de 11 ans et y a poursuivi l’ensemble de sa scolarité, qu’il a poursuivie en institut médico-éducatif à compter de 2017 en raison du handicap dont il souffre. Il ressort également des pièces du dossier que M. C et Mme A, chez qui il a été accueilli dès son arrivée sur le territoire français, ont obtenu des autorités algérienne un acte de tutelle légale dit de « kafala » le 30 mai 2016 par jugement du tribunal d’Ain Tadles. Ainsi, s’il ne conteste pas qu’il a conservé des attaches dans son pays d’origine où demeurent ses parents et sa fratrie, il a grandi en France auprès de M. C et Mme A et de leurs enfants, et y a construit sa vie de jeune adulte. Par suite, dans les circonstances particulières de l’espèce, eu égard au jeune âge du requérant, à l’ancienneté de son séjour en France et aux attaches qu’il y a nouées, il est fondé à soutenir qu’en prenant la décision de refus d’admission au séjour attaquée, le préfet des Bouches-du-Rhône a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et a, ainsi, méconnu les stipulations du 5) de l’article 6 de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B est fondé à demander l’annulation de la décision en date du 7 septembre 2022 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, ainsi que, par voie de conséquence, celle de la décision l’obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et de la décision fixant le pays de destination.

Sur les conclusions aux fins d’injonction et d’astreinte :

5. Aux termes de l’article L. 911-1 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution. ».

6. Il y a lieu, eu égard au motif d’annulation retenu, d’enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. B un certificat de résidence d’un an portant la mention « vie privée et familiale », dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement. Il n’y a toutefois pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’assortir cette injonction d’une astreinte.

Sur les conclusions à fin d’application des dispositions combinées de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

7. M B a obtenu le bénéfice de l’aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’État la somme de 1 000 euros au profit de celui-ci. Conformément aux dispositions de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée, le recouvrement en tout ou partie de cette somme vaudra renonciation à percevoir, à due concurrence, la part contributive de l’État.

D E C I D E :

Article 1er : L’arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 7 septembre 2022 est annulé.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. B un certificat de résidence algérien d’un an portant la mention « vie privée et familiale » dans le délai de deux mois suivant la notification du présent jugement et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l’attente.

Article 3 : L’État versera à Me Vincensini, avocat de M. B, une somme de 1 000 euros, en application des dispositions du deuxième alinéa de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Me Vincensini renoncera, s’il recouvre cette somme, à percevoir la part contributive de l’État au titre de l’aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à M. D B et au préfet des Bouches-du-Rhône.

Copie en sera adressée au ministre de l’intérieur et des outre-mer et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.

Délibéré après l’audience du 16 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Menasseyre, présidente rapporteure,

M. Zarrella, premier conseiller,

Mme Pouliquen, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

La présidente rapporteure,

signé

A. Menasseyre

L’assesseur le plus ancien,

signé

A.-D. ZarrellaLe greffier,

signé

I. Abed

La République mande et ordonne au préfet des Bouches-du-Rhône en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Le greffier,

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