Tribunal administratif de Marseille, 7ème chambre, 30 décembre 2022, n° 2002743

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Marseille, 7e ch., 30 déc. 2022, n° 2002743
Juridiction : Tribunal administratif de Marseille
Numéro : 2002743
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires enregistrés les 24 mars 2020, 27 novembre 2021 et 10 janvier 2022, M. C et Mme B D, et M. A D, représentés par Me D, demandent au tribunal :

1°) d’annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 11 mars 2020 par laquelle A D a été exclu de l’établissement du 12 au 16 mars 2020 inclus ;

2°) d’enjoindre au ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse et au proviseur du lycée Thiers de supprimer, dans le délai de quarante-huit heures à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, la sanction de son dossier administratif ;

3°) de mettre à la charge de l’État le versement d’une somme de 12 000 euros en application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

— la décision est entachée d’incompétence dès lors que seul le chef d’établissement était compétent pour signer la décision et qu’aucune délégation n’a été consentie au proviseur adjoint ;

— elle n’est pas suffisamment motivée ;

— elle est entachée d’un vice de procédure en raison du défaut de communication préalable de son dossier administratif et de l’absence de notification du délai imparti pour apporter ses observations qui ne pouvait être inférieur à deux jours ;

— elle a été prise en méconnaissance des dispositions de l’article R. 511-12 du code de l’éducation, l’autorité administrative n’ayant pas recherché de mesure de nature éducative ;

— elle est illégale en conséquence de l’inconstitutionnalité des dispositions de l’article R. 421-10 du code de l’éducation, de telles dispositions méconnaissant le principe d’impartialité consacré par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen ;

— il appartenait au seul législateur, en application de l’article 34 de la Constitution, de fixer le régime des sanctions applicables aux élèves des établissements scolaires ;

— la sanction méconnaît les stipulations de l’article 28 de la convention internationale relatives aux droits de l’enfants, de l’article 17 du pacte international relatif aux droits civils et politiques et de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— la matérialité des faits n’est pas établie et ces faits ne sont pas constitutifs d’une faute de nature à justifier une sanction ;

— elle traduit une discrimination.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 décembre 2021, le recteur de la région académique Provence-Alpes-Côte d’Azur et de l’académie d’Aix-Marseille conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu’il n’y plus lieu de statuer dès lors que la décision en litige a été effacée du dossier scolaire de l’intéressé le 4 juillet 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— la Constitution ;

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— la convention internationale relative aux droits de l’enfant ;

— le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

— le code de l’éducation ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Menasseyre, présidente-rapporteure,

— les conclusions de Mme Caselles, rapporteure publique,

— les observations de Me D, pour M. D.

La clôture d’instruction a été fixée au 10 janvier 2022 par ordonnance du 29 novembre 2021.

Considérant ce qui suit :

1. Par une décision du 11 mars 2020, A D, élève de première au lycée Thiers a fait l’objet d’une exclusion temporaire de trois jours de son établissement les 12, 13 et 16 mars 2020. M. et Mme D, agissant en leur qualité de représentants légaux de leur fils, ont demandé l’annulation de cette décision, tout comme ce dernier, devenu majeur depuis l’introduction de l’instance.

Sur l’exception de non-lieu opposée par le recteur de l’académie d’Aix-Marseille :

2. Le recteur de l’académie d’Aix-Marseille soutient qu’il n’y a plus lieu de statuer dès lors que la sanction en litige a été effacée du dossier administratif de M. D par application des dispositions de l’article R. 511-13 du code de l’éducation.

3. Toutefois, un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n’a d’autre objet que d’en faire prononcer l’annulation avec effet rétroactif. Dans le cas où l’administration se borne à procéder à l’abrogation de l’acte attaqué, cette circonstance prive d’objet le pourvoi formé à son encontre, à la double condition que cet acte n’ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation soit devenue définitive.

4. En l’espèce, il ressort des pièces du dossier que la décision en litige a reçu application, M. D ayant été exclu du lycée du 12 au 16 mars 2020. Dès lors, et en dépit du retrait de la sanction du dossier administratif de l’intéressé, il y a toujours lieu de statuer sur les conclusions à fin d’annulation.

Sur les conclusions à fin d’annulation :

5. Aux termes de l’article R. 421-10 du code de l’éducation : « En qualité de représentant de l’Etat au sein de l’établissement, le chef d’établissement : () 5° Engage les actions disciplinaires et intente les poursuites devant les juridictions compétentes. () Il peut prononcer sans saisir le conseil de discipline les sanctions mentionnées à l’article R. 511-14 ainsi que les mesures de prévention, d’accompagnement et les mesures alternatives aux sanctions prévues au règlement intérieur. () ». Aux termes de l’article R. 421-13 du même code : « () III. – Le chef d’établissement peut déléguer sa signature à chacun de ses adjoints. () ». Aux termes de l’article R. 511-13 du même code : « I.- Dans les collèges et lycées relevant du ministre chargé de l’éducation, les sanctions qui peuvent être prononcées à l’encontre des élèves sont les suivantes : () 5° L’exclusion temporaire de l’établissement ou de l’un de ses services annexes. La durée de cette exclusion ne peut excéder huit jours () ». Aux termes de l’article R. 511-14 du même code : « Dans les collèges et lycées relevant du ministre chargé de l’éducation, le chef d’établissement peut prononcer seul les sanctions énumérées du 1° au 5° du I de l’article R. 511-13. ».

6. Si la partie dactylographiée de la décision, qui ne fait pas apparaître le nom de son signataire, mentionne que son auteur est le chef d’établissement du lycée Thiers, le cachet qui a été apposé sur la signature est celui du proviseur adjoint du lycée, qui doit être regardé comme son signataire, la signature ne permettant pas de l’identifier. En l’absence de tout élément produit en défense sur une délégation de signature consentie au proviseur adjoint du lycée Thiers, signataire de la décision du 11 mars 2020, il résulte des dispositions précitées, attribuant compétence au seul chef d’établissement, qu’elle a été prise par une autorité incompétente. Par suite, les requérants sont fondés à en demander l’annulation.

7. En outre, aux termes de l’article R. 421-10-1 du même code : « Lorsqu’il se prononce seul sur les faits qui ont justifié l’engagement de la procédure disciplinaire, le chef d’établissement informe sans délai l’élève des faits qui lui sont reprochés et du délai dont il dispose pour présenter sa défense oralement ou par écrit ou en se faisant assister par une personne de son choix. Ce délai, fixé par le chef d’établissement, est d’au moins deux jours ouvrables. / Si l’élève est mineur, cette communication est également faite à son représentant légal afin que ce dernier produise ses observations éventuelles. Dans tous les cas, l’élève, son représentant légal et la personne éventuellement chargée de l’assister pour présenter sa défense peuvent prendre connaissance du dossier auprès du chef d’établissement. () ».

8. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme D ont été informés, le 11 mars 2020 par le proviseur-adjoint du lycée Thiers qu’une procédure disciplinaire était diligentée à l’égard de leur fils A. Par un courriel du même jour, ils ont sollicité la communication du dossier administratif de leur fils en application des dispositions de l’article R. 421-10-1 du code de l’éducation. Il n’est pas contesté par le recteur de l’académie d’Aix-Marseille que le dossier administratif n’a pas été communiqué aux représentants légaux de A, ni d’ailleurs démontré que A aurait été informé du délai qui lui était imparti pour présenter ses observations sur les faits qui lui étaient reprochés. Ce vice a été de nature à priver effectivement l’élève et ses représentants légaux de la garantie que constitue la procédure contradictoire prévue par l’article R. 421-10-1 du code de l’éducation.

9. Enfin, aux termes de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / À cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / () / 2° Infligent une sanction ; / () « . Aux termes de l’article L. 211-5 du même code : » La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. ".

10. Il ressort de la lecture même de la décision en litige qu’elle ne vise ni les dispositions du code de l’éducation ni aucun autre texte, tel que le règlement intérieur du lycée Thiers. Ainsi, les requérants sont fondés à soutenir qu’elle est insuffisamment motivée en droit.

11. Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que la décision du 11 mars 2020, par laquelle le proviseur-adjoint a prononcé à l’encontre de M. A D la sanction d’exclusion temporaire de trois jours de l’établissement, doit être annulée.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

12. M. D ayant terminé sa scolarité dans le second degré en juillet 2021, les mentions de la décision du 11 mars 2020 ont été retirées de son dossier scolaire par application des dispositions du dernier alinéa de l’article R. 511-13 du code de l’éducation. En conséquence, les conclusions tendant à ce qu’il soit enjoint à l’administration d’effacer cette sanction de son dossier scolaire sont devenues sans objet. Par suite, il n’y a pas lieu d’y statuer.

Sur les frais liés au litige :

13. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E:

Article 1er : La décision du 11 mars 2020 prononçant une exclusion temporaire de M. D de trois jours est annulée.

Article 2 : Les conclusions de la requête sont rejetées pour le surplus.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à MM. C et A D, et à Mme B D, et au ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Copie en sera adressée au proviseur du lycée Thiers et au recteur de l’académie d’Aix-Marseille.

Délibéré après l’audience du 16 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Menasseyre, présidente,

M. Zarrella, premier conseiller,

Mme Pouliquen, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

La présidente rapporteure,

signé

A. Menasseyre

L’assesseur le plus ancien,

signé

A.-D. ZarrellaLe greffier,

signé

I. Abed

La République mande et ordonne au ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse en ce qui la concerne ou à tous les commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

Le greffier,

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