Tribunal administratif de Marseille, 30 octobre 2023, n° 2309629

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Marseille, 30 oct. 2023, n° 2309629
Juridiction : Tribunal administratif de Marseille
Numéro : 2309629
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 10 novembre 2023

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 15 octobre 2023 sous le n° 2309629, M. C A, représenté par Me Stephan, avocat, demande au juge des référés, saisi sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

A titre principal :

*d’ordonner, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de ces deux décisions, la suspension de l’exécution :

— de la décision du 22 septembre 2023 du président directeur général du centre national de la recherche scientifique (CNRS) portant (article 1er) exclusion de ses fonctions pour une durée de 18 mois assortie d’un sursis de 6 mois ;

— de la décision du même jour de la même autorité prononçant (article 2) la publication de la reproduction non-anonymisée de cette décision de sanction au bulletin officiel (BO) du CNRS ;

*d’enjoindre au CNRS de procéder, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir :

— à sa réintégration dans ses fonctions avec toutes conséquences de droit ;

— à la suppression de la publication de la reproduction non-anonymisée de la décision de sanction d’exclusion temporaire au bulletin officiel (BO) du CNRS ;

A titre subsidiaire :

*d’ordonner, jusqu’à ce qu’il soit statué au fond sur la légalité de cette décision, la suspension de l’exécution de la décision du 22 septembre 2023 du président directeur général du centre national de la recherche scientifique (CNRS) prononçant (article 2) la publication de la reproduction non-anonymisée de la décision de sanction d’exclusion temporaire au bulletin officiel (BO) du CNRS ;

*d’enjoindre au CNRS de procéder, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir, à la suppression de la publication de la reproduction non-anonymisée de la décision de sanction d’exclusion temporaire au bulletin officiel (BO) du CNRS ;

En tout état de cause :

*de mettre à la charge du centre national de la recherche scientifique (CNRS) la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A soutient, outre que sa requête est recevable, que :

I) l’urgence est caractérisée, en effet :

1) s’agissant de la décision portant sanction d’exclusion de ses fonctions, il perd tout traitement le temps de cette exclusion, sans indemnisation chômage possible, alors qu’il doit supporter des charges de 2 053 euros par mois ; en outre, la décision attaquée impactera l’équipe du CNRS qu’il supervise et les programmes de recherche qu’il coordonne ;

2) s’agissant de la décision portant publication de la reproduction non-anonymisée de la décision de sanction d’exclusion temporaire au BO du CNRS, elle porte atteinte à sa réputation et lui cause un préjudice grave et irrémédiable ;

II) des doutes sérieux quant la légalité externe des décisions attaquées sont à relever, en effet :

1) la motivation est insuffisante, tant s’agissant de la décision de sanction elle-même que la décision de la publier par reproduction non-anonymisée au BO du CNRS ;

2) les décisions attaquées sont entachées de vices de procédure, tant s’agissant de la décision de sanction elle-même que la décision de la publier par reproduction non-anonymisée au BO du CNRS :

.la convocation adressée au requérant ne vise aucune sanction envisagée ;

.le rapport de saisine de la commission administrative paritaire en date du 9 août 2023 (pièce n° 5) ne vise aucune des sanctions des deuxième, troisième et quatrième groupes de l’échelle des sanctions prévues ;

.la commission administrative paritaire n’a pas émis d’avis motivé sur la publicité de la décision de sanction au regard de l’article L. 533-4 du code général de la fonction publique, d’autant qu’il a été décidé une publication sans aucune anonymisation et sans limite de durée ;

.dans la mesure où la commission administrative paritaire n’a pas ordonné d’enquête, cette formation aurait dû, en application de l’article 9 du décret n° 84-961 du 25 octobre 1984, se prononcer dans un délai d’un mois à compter de la saisine, ce qui n’a pas été le cas ;

III) des doutes sérieux quant la légalité interne des décisions attaquées sont à relever, en effet :

1) en ce qui concerne la décision attaquée portant sanction d’exclusion temporaire :

a) au regard de l’article L. 133-1 du code général de la fonction publique, la décision attaquée portant sanction d’exclusion temporaire est entachée d’erreurs de fait, d’appréciation des faits et de dénaturation des faits, en l’absence de témoignages suffisamment circonstanciés, crédibles et concordants caractérisant un harcèlement sexuel, et à cet égard :

— s’agissant des prétendus faits commis à l’encontre de Mme E, le témoignage de celle-ci n’a jamais été recueilli et les textos en cause n’ont jamais été produits ;

— s’agissant des prétendus faits commis à l’encontre de Mme D, son témoignage est ambigu et peut relever de l’autosuggestion ;

— s’agissant des prétendus faits commis à l’encontre de Mme B, la matérialité de ces faits, qui ne sont ni datés ni circonstanciés, n’est pas établie alors, encore une fois, que le témoignage de la personne concernée n’a pas été recueilli et que les faits rapportés proviennent d’un témoignage indirect ;

— s’agissant de la prétendue perturbation du fonctionnement normal du service concernant le personnel féminin travaillant seul le soir, l’existence d’importantes crises internes est une extrapolation qui n’est pas basée sur des faits objectifs ;

— s’agissant du prétendu placement de certains agents féminins dans des situations intimidantes, humiliantes et offensantes, le harcèlement sexuel se caractérise, soit par la répétition de propos ou de comportements à connotation sexuelle ou sexiste, soit par un acte unique constitué par une pression grave sur la victime dans le but d’obtenir un acte de nature sexuelle et, en l’espèce, aucun fait entrant dans l’une de ces deux catégories n’est établi par le CNRS, celui-ci se basant quasi-exclusivement sur des témoignages indirects, imprécis et non concordants ;

b) la décision attaquée portant sanction d’exclusion temporaire est disproportionnée, et à cet égard, il y a lieu de relever :

— l’absence de toute intention malveillante de la part du requérant ;

— l’absence de perturbation du fonctionnement normal du service ;

— l’absence de précédente sanction ;

— l’amélioration, relatée par plusieurs témoignages, du comportement du requérant sur les points qui avaient suscité des critiques ;

2) en ce qui concerne la décision attaquée portant publication de la reproduction non-anonymisée de la sanction d’exclusion temporaire :

a) cette publication au bulletin officiel (BO) du CNRS, accessible en ligne, n’était pas nécessaire, alors que l’absence d’anonymisation porte doublement atteinte à sa vie privée et à sa vie professionnelle, constituant ainsi une seconde sanction s’ajoutant à celle de l’exclusion temporaire de fonctions ;

b) cette mise en ligne de la décision de sanction, qui n’est assortie d’aucune durée de publication et fera l’objet d’une indexation par des moteurs de recherche, méconnaît le principe de proportionnalité, alors que l’article R. 221-16 du code des relations entre le public et l’administration dispose que les sanctions administratives et disciplinaires ne peuvent être publiés au Journal officiel de la République française que dans des conditions garantissant qu’ils ne font pas l’objet d’une indexation par des moteurs de recherche.

Par des mémoires enregistrés les 24 et 25 octobre 2023, le centre national de la recherche scientifique (CNRS), représenté par la société d’avocats Meier-Bourdeau Lécuyer et associés, conclut au rejet de la requête et réclame la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le centre national de la recherche scientifique (CNRS) soutient que :

I) l’urgence n’est pas caractérisée, dans la mesure où :

1) en ce qui concerne la sanction d’exclusion temporaire :

— celle-ci ne porte que sur une période effective de suspension de traitement d’un an seulement, alors que l’intéressé dispose par ailleurs de revenus complémentaires ;

— en outre, compte tenu de la nature des faits reprochés, l’intérêt du service s’attache à ce que l’exécution de la sanction ne soit pas suspendue ;

2) en ce qui concerne la publication de la reproduction non-anonymisée de la sanction d’exclusion temporaire au bulletin officiel (BO) du CNRS :

— l’article R. 221-16 du code des relations entre le public et l’administration invoqué par le requérant est inopérant ;

— la publicité poursuit un but légitime d’information, de restauration et de prévention à destination du public concerné ;

II) aucun moyen soulevé par M. A n’est susceptible de créer un doute sérieux quant à la légalité externe des décisions attaquées, dès lors que ni insuffisance de motivation, ni vices de procédure, ne sont à relever ;

III) aucun moyen soulevé par M. A n’est susceptible de créer un doute sérieux quant à la légalité interne des décisions attaquées, en effet :

1) en ce qui concerne la légalité interne de la décision attaquée portant sanction d’exclusion temporaire des fonctions pour une durée de 18 mois dont 6 avec sursis, la matérialité des faits reprochés est établie, aucune dénaturation n’est à cet égard caractérisée et la sanction en litige présente un caractère proportionné ;

2) en ce qui concerne la légalité interne de la décision attaquée portant publication de la reproduction non-anonymisée de la sanction d’exclusion temporaire au bulletin officiel (BO) du CNRS :

— par l’article L. 533-4 du code général de la fonction publique, le législateur a prévu le principe même d’une telle publication, ne pouvant ignorer ses conséquences inévitables sur la vie privée et professionnelle de l’agent concerné et, en l’espèce, le requérant n’en conteste ni l’inconstitutionnalité, ni l’inconventionnalité ;

— il ne saurait être soutenu qu’une telle publication serait disproportionnée, compte tenu de la nature des faits reprochés, la publication ayant été décidée dans des objectifs d’information des agents concernés et de réparation des victimes ; c’est la nature même des faits reprochés qui justifie l’absence de bornage dans la durée et l’absence d’anonymisation de la publication.

Vu :

— la requête par laquelle M. A demande l’annulation des décisions attaquées ;

— les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code général de la fonction publique ;

— le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;

— le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Brossier, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.

Les parties ont été régulièrement averties de l’audience du 27 octobre 2023.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

*le rapport de M. Brossier, juge des référés, qui a indiqué qu’il comprenait les conclusions aux fins d’injonction du requérant, relatives à la publication de la reproduction non-anonymisée au BO de la décision de sanction d’exclusion temporaire, comme tendant à la suppression de cette publication et a demandé aux parties à cet égard si ladite publication avait eu lieu à la date de l’audience ;

*les observations de Me Stephan, pour et en présence M. A, qui a développé oralement son argumentation écrite, en maintenant l’ensemble de ses conclusions et moyens :

— en précisant que la publication en litige n’a pas encore été opérée en octobre 2023 dans le dernier bulletin officiel du CNRS, mais que le prochain bulletin officiel doit être prochainement publié ;

— en insistant sur le caractère subjectif des faits reprochés et des témoignages produits ;

— en insistant sur la problématique de la non-anonymisation de la publication de la sanction au bulletin officiel, qui entraîne un accès immédiat et sans limitation de durée par les moteurs de recherche sur internet et si, comme le soutient le CNRS, cette publication a été décidée à des fins préventives, un affichage sur place sur le lieu de travail du requérant aurait été suffisant ;

*les observations de Me Lécuyer, représentant le centre national de la recherche scientifique (CNRS), qui a développé oralement son argumentation écrite, en maintenant ses conclusions et moyens, et en précisant que :

— s’agissant de l’intérêt du service, M. A est en fin de carrière et sa succession est engagée ;

— s’agissant de la sanction elle-même, les faits sont établis ; un directeur de recherches qui encadre de jeunes chercheuses se doit d’être exemplaire ;

— s’agissant de la publicité de la décision de sanction, la problématique est en réalité celle du « droit à l’oubli » et relève juridiquement du droit au déréférencement, lequel peut nécessiter de saisir la commission nationale informatique et liberté (CNIL) ; en outre, un moteur de recherche ne peut pas extraire des données personnelles d’un format PDF ; enfin, le bulletin officiel (BO) du CNRS n’est pas comparable au journal officiel (JO) de la République ;

— cependant, la suppression de la seule non-anonymisation pourrait être éventuellement admise.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Une note en délibéré, présentée pour le requérant, a été enregistrée le 29 octobre 2023.

Considérant ce qui suit :

1. M. C A, directeur de recherches de classe exceptionnelle affecté au centre de recherches en cancérologie de Marseille, a fait l’objet, pour des faits de harcèlement sexuel, d’une part, d’une décision du 22 septembre 2023 du président directeur général du centre national de la recherche scientifique (CNRS) portant (article 1er) exclusion temporaire de ses fonctions pour une durée de 18 mois assortie d’un sursis de 6 mois, d’autre part, d’une décision du même jour de la même autorité prononçant (article 2) la publication de la reproduction non-anonymisée de cette décision de sanction d’exclusion temporaire au bulletin officiel (BO) du CNRS.

Sur les conclusions formées sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision () ». Aux termes de l’article L. 522-1 dudit code : « Le juge des référés statue au terme d’une procédure contradictoire écrite ou orale. Lorsqu’il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles L. 521-1 et L. 521-2, de les modifier ou d’y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l’heure de l’audience publique () ». Et aux termes du premier alinéa de l’article R. 522-1 dudit code : « La requête visant au prononcé de mesures d’urgence doit () justifier de l’urgence de l’affaire ».

En ce qui concerne la décision attaquée portant (article 1er) sanction d’exclusion temporaire des fonctions pour une durée de 18 mois dont 6 mois avec sursis :

3. Aux termes de l’article L. 133-1 du code général de la fonction publique : « Aucun agent public ne doit subir les faits : 1° De harcèlement sexuel, constitué par des propos ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante () ». Aux termes de l’article L. 533-1 du même code : " Les sanctions disciplinaires pouvant être infligées aux fonctionnaires sont réparties en quatre groupes () Troisième groupe : a) La rétrogradation au grade immédiatement inférieur et à l’échelon correspondant à un indice égal ou, à défaut, immédiatement inférieur à celui afférent à l’échelon détenu par le fonctionnaire ; b) L’exclusion temporaire de fonctions pour une durée de seize jours à deux ans. () ".

4. En l’état de l’instruction, aucun des moyens susvisés invoqués par M. A, développés dans ses écritures et maintenus à l’audience, tirés d’une insuffisante motivation, de vices de procédures, d’erreurs de fait ou d’appréciation des faits ou de dénaturation des faits, et d’une disproportion, n’est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée portant sanction d’exclusion temporaire pour une durée de 18 mois dont 6 mois avec sursis. Par suite, les conclusions du requérant aux fins de suspension de l’exécution de cette décision doivent être rejetées, sans qu’il soit besoin d’examiner si les conditions tenant à l’urgence d’une telle mesure sont réunies.

En ce qui concerne la décision attaquée portant (article 2) publication de la reproduction non-anonymisée de la sanction d’exclusion temporaire au bulletin officiel (BO) du CNRS :

5. Aux termes de l’article L. 533-4 du code général de la fonction publique : « Dans la fonction publique de l’Etat et dans la fonction publique territoriale, l’autorité investie du pouvoir disciplinaire peut décider, après avis du conseil de discipline, de rendre publics la décision portant sanction et ses motifs ».

S’agissant de l’urgence :

6. Il résulte de ces dispositions que l’urgence justifie que soit prononcée la suspension d’un acte administratif lorsque l’exécution de celui-ci porte atteinte, de manière suffisamment grave et immédiate, à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. Il appartient au juge des référés d’apprécier concrètement, compte tenu des justifications fournies par le requérant, si les effets de l’acte litigieux sont de nature à caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, l’exécution de la décision soit suspendue. L’urgence doit être appréciée objectivement et compte tenu des circonstances de l’espèce.

7. La publication de la reproduction non-anonymisée de la décision de sanction d’exclusion temporaire, incluant ses motifs, au bulletin officiel (BO) du CNRS entraîne la publication de faits accessibles par internet et portant atteinte à la réputation du requérant. Il résulte par ailleurs de l’instruction que le CNRS, qui invoque des objectifs de réparation et de prévention compte tenu de la nature même des faits incriminés, n’établit pas que l’intérêt du service s’attacherait à ce que l’exécution de la décision attaquée portant publication ne soit pas suspendue. Ainsi, dans les circonstances de l’espèce, l’exécution de la décision de publication contestée porte à la situation de M. A une atteinte suffisamment grave et immédiate pour caractériser une situation d’urgence au sens des dispositions de l’article L. 521-1 du code de justice administrative.

En ce qui concerne le doute sérieux :

8. Lorsqu’une autorité administrative prononce une sanction complémentaire de publication de sa décision de sanction, celle-là se trouve nécessairement soumise, et alors même que la loi ne le prévoirait pas expressément, au respect du principe de proportionnalité. La légalité de cette sanction s’apprécie, notamment, au regard du support de diffusion retenu et, le cas échéant, de la durée pendant laquelle cette publication est accessible de façon libre et continue.

9. En l’état de l’instruction, le moyen tiré du caractère disproportionné de la décision attaquée portant publication de la reproduction non-anonymisée de la décision de sanction d’exclusion temporaire, incluant ses motifs, au bulletin officiel (BO) du CNRS, est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité de cette décision de publication. A cet égard, si le CNRS a indiqué lors de l’audience que la suppression de la seule non-anonymisation pourrait être éventuellement admise, toutefois, le degré de précision des faits relatés dans les motifs de la décision de sanction est tel que la seule suppression du nom de M. A ne rendrait pas cette anonymisation effective et il n’appartient pas au tribunal, au stade du référé et compte tenu de l’office du juge des référés, d’indiquer quels passages des motifs retenus doivent être supprimés.

10. Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’ordonner la suspension de l’exécution, dans son intégralité, de la décision du 22 septembre 2023 du président directeur général du centre national de la recherche scientifique (CNRS) prononçant (article 2) la publication de la reproduction non-anonymisée de la décision de sanction d’exclusion temporaire au bulletin officiel (BO) du CNRS.

Sur les conclusions aux fins d’injonction :

11. L’article L. 911-1 du code de justice administrative dispose que : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d’un délai d’exécution ». Aux termes de l’article L. 911-2 du même code : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ». Aux termes de l’article L. 511-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n’est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais ».

12. Un requérant est recevable à assortir ses conclusions tendant à la suspension d’une décision administrative de conclusions présentées sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative. Il appartient en ce cas au juge des référés, dans les limites des pouvoirs qu’il détient, de statuer sur de telles conclusions. Si, pour le cas où l’ensemble des conditions posées par l’article L. 521-1 du code de justice administrative est rempli, le juge des référés peut suspendre l’exécution d’une décision administrative et prescrire par la même décision juridictionnelle que l’auteur de la décision prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, de telles mesures doivent, ainsi que l’impose l’article L. 511-1 du même code, présenter un caractère provisoire.

En ce qui concerne les conclusions aux fins de réintégration de M. A :

13. Les conclusions de M. A aux fins de suspension de la décision attaquée portant sanction d’exclusion temporaire étant rejetées, ses conclusions aux fins de réintégration par voie d’injonction doivent l’être également, dès lors que la présente ordonnance ne nécessite aucune mesure d’exécution au regard des dispositions des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative.

En ce qui concerne les conclusions aux fins de suppression de la publication de la reproduction non-anonymisée de la sanction d’exclusion temporaire au bulletin officiel (BO) du CNRS :

14. Les conclusions de M. A aux fins de suspension de la décision portant publication de la reproduction non-anonymisée de la décision de sanction d’exclusion temporaire, incluant ses motifs, au bulletin officiel (BO) du CNRS ont été accueillies. A la date de l’audience, il a été indiqué que cette publication n’avait pas encore été opérée lors de la parution en octobre 2023 du dernier bulletin officiel (BO) du CNRS. Dans ces conditions, il y a seulement lieu d’enjoindre, sans délai, au président directeur général du CNRS de ne pas procéder à la publication de la reproduction non-anonymisée de la décision de sanction d’exclusion temporaire de M. A dans les prochains bulletins officiels (BO) du CNRS.

Sur les conclusions formées sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation ».

16. Il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire application de ces dispositions.

ORDONNE :

Article 1er : L’exécution de la décision attaquée du 22 septembre 2023 portant, par son article 2, publication de la reproduction non-anonymisée de la décision de sanction d’exclusion temporaire de M. A au bulletin officiel (BO) du CNRS, est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint, sans délai, au président directeur général du CNRS de ne pas procéder à la publication de cette reproduction dans les prochains bulletins officiels (BO) du CNRS.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 2309629 de M. A est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par le centre national de la recherche scientifique (CNRS) sur le fondement des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. C A et au centre national de la recherche scientifique (CNRS).

Fait à Marseille le 30 octobre 2023.

Le juge des référés,

Signé

J.B. Brossier

La République mande et ordonne à la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

La greffière,

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