Tribunal administratif de Mayotte, 15 décembre 2022, n° 2205533

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Sur la décision

Référence :
TA Mayotte, 15 déc. 2022, n° 2205533
Juridiction : Tribunal administratif de Mayotte
Numéro : 2205533
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 3 novembre 2022, Mme C B, représentée par Me Ekeu, avocat, demande au juge des référés, sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative :

1°) d’ordonner la suspension de l’exécution d’une décision par laquelle le préfet de Mayotte a procédé au classement sans suite, le 10 septembre 2022, de sa demande d’acquisition de la nationalité française, présentée le 26 mars 2019, ensemble la décision de mise en demeure du 15 mars 2022 ;

2°) d’enjoindre au préfet de Mayotte de lui délivrer un récépissé de sa demande d’acquisition de la nationalité française dans l’attente de l’instruction de son dossier sous astreinte de 300 euros par jour ;

3°) de condamner l’Etat à lui payer la somme de 3 000 euros en application de l’article

L. 761-1 du même code de justice administrative ainsi qu’aux dépens.

Mme B soutient que :

— sa situation présente un caractère d’urgence puisqu’elle a déposé sa demande le 26 mars 2019 alors qu’elle n’a toujours pas de réponse ;

— il y a un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée :

— en raison du défaut de compétence du signataire de l’acte ;

— la décision de classement sans suite a été prise en violation des dispositions de l’article 35 du décret du 30 décembre 1993.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2022, le préfet de Mayotte conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

— A titre principal, la requête est irrecevable car d’une part la décision de classement sans suite ne lui fait pas grief, d’autre part la requérante ne justifie pas du dépôt d’une requête au fond, enfin la requérante, outre que le tribunal administratif de Nantes est seul compétent pour connaître du contentieux sur les décisions relatives aux demandes de naturalisation, il n’a pas été présenté de recours préalable auprès du ministre ;

— à titre subsidiaire :

— la requérant ne justifie pas de l’urgence requise

— les moyens invoqués ne sont pas propres, en l’état de l’instruction, à faire naître un doute quant à la légalité de l’arrêté litigieux.

Vu :

— les autres pièces du dossier ;

— la requête enregistrée le 1er novembre 2022 sous le numéro n° 2205510 par laquelle

Mme B demande l’annulation des décisions attaquées.

Vu :

— le code civil ;

— le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

— le code des relations entre le public et l’administration,

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience publique qui a eu lieu le 24 novembre 2022 à 9 heures 30, en présence de Mme Thoral, greffière d’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Cornevaux, juge des référés ;

— les observations de Me Ekeu pour la requérante ;

— et les observations de M. A, représentant le préfet de Mayotte.

Après avoir prononcé, à l’issue de l’audience, la clôture de l’instruction.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B demande par la présente requête la suspension de l’exécution d’une décision par laquelle le préfet de Mayotte a procédé au classement sans suite, le 10 septembre 2022, de sa demande d’acquisition de la nationalité présentée le 26 mars 2019 pour défaut de production de pièces nécessaires à la poursuite de l’instruction de son dossier, ensemble la décision de mise en demeure du 15 mars 2022.

Sur les fins de non-recevoir soulevés par le préfet de Mayotte :

2. Le préfet de Mayotte fait valoir que la requête est irrecevable pour n’avoir pas fait l’objet d’une demande d’annulation présentée par requête distincte. Or il ressort expressément des visas de la présente ordonnance qu’une demande d’annulation des décisions attaquées a été bien enregistrée le 1er novembre 2022 sous le numéro n° 2205510. Ainsi cette première fin de non-recevoir devra être rejetée.

3. Le préfet de Mayotte fait encore valoir d’une part, que la décision de classement sans suite n’est pas une décision faisant grief, que d’autre part, cette procédure relevant des dispositions de l’article 45 du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993, seul le tribunal de Nantes est compétent pour connaître du contentieux portant sur les décisions relatives aux demandes de naturalisation et enfin qu’en tout état de cause la requérante aurait dû déposer une demande préalable auprès du ministre avant que de saisir le juge administratif pour que sa requête soit recevable.

4. Aux termes de l’article R.312-8 du code de justice administrative : « Les litiges relatifs aux décisions individuelles prises à l’encontre de personnes par les autorités administratives dans l’exercice de leurs pouvoirs de police relèvent de la compétence du tribunal administratif du lieu de résidence des personnes faisant l’objet des décisions attaquées à la date desdites décisions () »

5. Il résulte de l’instruction que la décision du préfet de Mayotte du 10 septembre 2022, notifiée le 15 septembre 2022, que Mme B, qui réside dans le département de Mayotte, conteste, constitue une décision de classement sans suite prise sur le fondement de l’article 40 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française, mais elle ne constitue pas, en revanche, une décision d’irrecevabilité ou de rejet prise en application des articles 43 ou 44 de ce décret, auxquels renvoie son article 45.

6. Il résulte de ce qui précède que le tribunal administratif de Nantes n’est pas compétent en application de l’article R. 312-18 du code de justice administrative, ni d’aucun autre texte, pour connaître de la requête de Mme B. Dans ces conditions, l’exception d’incompétence opposée par le préfet de Mayotte au tribunal administratif de Mayotte ne peut qu’être rejetée. Ce dernier reste bien compétent au regard des dispositions sus-rappelées de l’article R. 312-8 du code de justice administrative.

7. A raison du même fondement de l’article 40 du décret du 30 décembre 1993, la requérante, n’avait donc aucune obligation de présenter, contrairement à ce que fait valoir le préfet de Mayotte, une demande préalable auprès du ministre avant d’engager un contentieux devant le tribunal de Mayotte. Cette autre fin de non-recevoir devra donc être rejetée.

8. Contrairement à ce que soutient encore le préfet de Mayotte, La décision de classement sans suite doit être analysée, dans les circonstances de l’espèce, comme un refus opposé à une demande de naturalisation faisant grief à l’intéressée. Elle est, dès lors, susceptible de faire l’objet d’un recours en excès de pouvoir.

9. Il résulte de ce tout ce qui précède que la requête de Mme B est bien recevable.

Sur les conclusions aux fins de suspension :

10. Aux termes de l’article L. 521-1 du code de justice administrative : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision () ».

11. Aux termes de l’article 40 du décret du 30 décembre 1993 : « L’autorité qui a reçu la demande ou le ministre chargé des naturalisations peut, à tout moment de l’instruction de la demande de naturalisation ou de réintégration, mettre en demeure le demandeur de produire les pièces complémentaires ou d’accomplir les formalités administratives qui sont nécessaires à l’examen de sa demande. / Si le demandeur ne défère pas à cette mise en demeure dans le délai qu’elle fixe, la demande peut être classée sans suite. Le demandeur est informé par écrit de ce classement. ».

12. En l’état de l’instruction, aucun des moyens invoqués par Mme B, précisés dans les visas de la présente ordonnance, n’est de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée. Par suite et sans qu’il soit besoin de se prononcer sur la condition d’urgence, les conclusions aux fins de suspension de l’exécution de cette décision doivent être rejetées.

13. Il résulte de ce qui précède que la requête en référé-suspension doit être rejetée, y compris les conclusions à fin d’injonction, d’astreinte et celles tendant à l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de Mme C B est rejetée.

Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme C B et au ministre de l’intérieur et des Outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Mayotte.

Fait à Mamoudzou, le 15 décembre 2022.

Le président du tribunal administratif,

juge des référés,

G. CORNEVAUX

La République mande et ordonne au préfet de Mayotte en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

N°2205533

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