Tribunal administratif de Mayotte, 31 décembre 2022, n° 2206435

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Mayotte, 31 déc. 2022, n° 2206435
Juridiction : Tribunal administratif de Mayotte
Numéro : 2206435
Importance : Inédit au recueil Lebon
Dispositif : Satisfaction partielle
Date de dernière mise à jour : 7 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 29 décembre 2022, M. D B, représenté par Me Hesler, demande au juge des référés, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

1°) de suspendre l’exécution de l’arrêté par lequel le préfet de Mayotte lui a fait obligation de quitter le territoire français ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

— la condition d’urgence est satisfaite dès lors qu’il peut être éloigné à tout moment vers les Comores sur le fondement de la mesure d’éloignement litigieuse ;

— l’obligation de quitter le territoire français porte une atteinte grave et manifestement illégale à son droit au respect de sa vie privée et familiale.

Par un mémoire en défense enregistré le 31 décembre 2022, le préfet de Mayotte, représenté par Me Cano, conclut au rejet de la requête ;

Il fait valoir que :

— la condition d’urgence n’est pas satisfaite s’agissant des conclusions dirigées contre l’interdiction de retour sur le territoire français ;

— la mesure d’éloignement ne porte aucune atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

Vu :

— les pièces du dossier ;

Vu :

— la convention des droits de l’homme et de sauvegarde des libertés fondamentales ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Caille, premier conseiller, en application de l’article L. 511-2 du code de justice administrative, en qualité de juge des référés.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience publique qui a eu lieu le 31 décembre 2022 à 10 heures 30, le juge des référés siégeant au tribunal administratif de La Réunion, dans les conditions prévues aux articles L. 781-1 et R. 781-1 et suivants du code de justice administrative, M. A C étant greffier d’audience au tribunal administratif de Mayotte.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de M. Caille, juge des référés,

— les observations de Me Hesler, pour M. B, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et demande en outre qu’il soit enjoint au préfet de Mayotte de délivrer une autorisation provisoire de séjour au requérant dans l’attente du réexamen de sa situation,

— et les observations de M. B.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. D B, ressortissant comorien né le 18 août 1999 à Moroni (Comores), demande à titre principal, sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, la suspension de l’exécution de l’arrêté par lequel le préfet de Mayotte lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :

2. Aux termes de l’article L. 761-9 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, « L’éloignement effectif de l’étranger faisant l’objet d’une décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut intervenir à Mayotte : / () 2° Si l’étranger a saisi le tribunal administratif d’une demande sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, avant que le juge des référés ait informé les parties de la tenue ou non d’une audience publique en application du deuxième alinéa de l’article L. 522-1 du même code, ni, si les parties ont été informées d’une telle audience, avant que le juge ait statué sur la demande. » Selon l’article L. 521-2 du code de justice administrative, « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public () aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ».

3. En premier lieu, l’intervention du juge des référés, saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative est subordonnée à l’existence d’une situation d’urgence impliquant qu’une mesure doive être prise dans les quarante-huit heures pour assurer la sauvegarde d’une liberté fondamentale. Au cas d’espèce, le requérant, placé en rétention administrative dans l’attente de son éloignement, établit l’existence d’une telle urgence à l’encontre de la décision l’obligeant à quitter sans délai le territoire français.

4. En second lieu, aux termes de l’article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d’autrui. ".

5. Il résulte de l’instruction, et notamment des actes de naissance, certificats de scolarité et conventions produits à l’appui de la requête, que M. B séjourne à Mayotte, où il a suivi plusieurs formations, de manière continue au moins depuis 2018 et qu’il réside aujourd’hui au domicile de sa mère, laquelle séjourne à Mayotte sous couvert d’une carte de résident, et de son beau-père, de nationalité française, ainsi que de ses demi-frères et demi-sœurs, de nationalité française ou en situation régulière. Dans ces conditions, et bien qu’il soit célibataire et sans enfant, le requérant est fondé à soutenir que la mesure d’éloignement litigieuse porte une atteinte grave et manifestement illégale à son droit au respect de sa vie privée et familiale et à demander, pour ce motif, sa suspension. Il y a lieu, dès lors, d’enjoindre au préfet de Mayotte de réexaminer sa situation dans un délai de trois mois à compter de la notification de la présente ordonnance et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente ordonnance, sans qu’il soit besoin d’assortir cette injonction d’une astreinte.

Sur les frais de l’instance :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’Etat le versement d’une somme de 800 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : L’exécution de l’obligation de quitter le territoire français prise à l’encontre de M. B est suspendue.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Mayotte de réexaminer la situation de M. B dans un délai de trois mois et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente ordonnance.

Article 3 : L’Etat versera une somme de 800 euros à M. B au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à M. D B et au préfet de Mayotte.

Copie en sera, en outre, transmise au ministre de l’intérieur.

Fait à Mamoudzou, le 31 décembre 2022.

Le juge des référés,

P.-O. CAILLE

La République mande et ordonne au préfet de Mayotte en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

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