Tribunal administratif de Melun, 28 décembre 2017, n° 1602780

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Melun, 28 déc. 2017, n° 1602780
Juridiction : Tribunal administratif de Melun
Numéro : 1602780

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE MELUN

N°1602780 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ___________


Mme B… A…

___________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


Mme X

Rapporteur

___________ Le Tribunal administratif de Melun (2ème chambre)
Mme Bruston Rapporteur public ___________

Audience du 21 décembre 2017 Lecture du 28 décembre 2017 ___________ C+ 04-02-06

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 30 mars 2016, Mme B… A… doit être regardée comme demandant au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 23 février 2016 par laquelle le président du conseil départemental de Seine-et-Marne lui a refusé l’attribution du revenu de solidarité active ;

2°) d’enjoindre au département de Seine-et-Marne à lui accorder le revenu de solidarité active à compter de sa première demande le 2 novembre 2015 avec intérêt à taux légal depuis cette date ;

3°) de condamner le département de Seine-et-Marne au paiement des préjudices subis suite au refus illégal de lui verser le revenu de solidarité active ;

4°) d’ordonner l’exécution provisoire du jugement.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation ;

- elle ne peut être considérée comme isolée dès lors qu’elle est pacsée ;

- elle a un enfant à charge et son conjoint est incarcéré depuis le 20 novembre 2015 ;

- elle vit en France depuis 2013 et est titulaire d’un titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale » ;



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- la décision attaquée méconnait l’article L. 239-2 du code de l’action sociale et des familles ;

- elle est contraire à la charte sociale européenne et notamment ses articles 13 et E ;

- elle méconnait les articles 9 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que l’article 1er de son protocole additionnel n°1

- elle méconnait le principe d’égalité de traitement ;

- elle méconnait l’article 26 du pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

- elle méconnait la convention n° 97 de l’organisation internationale du travail ;

- elle méconnait l’article 7 des accords d’Evian.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 juillet 2016, le département de Seine-et- Marne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu’aucun des moyens de la requête n’est fondé.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l’article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d’être fondé sur un moyen relevé d’office, tiré de l’irrecevabilité des conclusions indemnitaires de Mme A… en l’absence de demande préalable d’indemnisation et de celles tendant à ce que le tribunal ordonne l’exécution provisoire du jugement.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l’action sociale et des familles ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

A été entendu au cours de l’audience publique le rapport de Mme X.

1. Considérant que par une décision du 20 novembre 2015, la caisse d’allocations familiales de Seine-et-Marne a refusé d’accorder à M. D… C… et sa conjointe ou compagne, Mme A…, le bénéfice du revenu de solidarité active ; que Mme A… a formé à l’encontre de cette décision un recours administratif devant le président du conseil départemental de Seine-et-Marne qui l’a rejeté par une décision du 23 février 2016 ; que Mme A… demande l’annulation de cette décision et la condamnation du département de Seine-et-Marne à lui verser des dommages et intérêts du fait de l’illégalité de cette décision ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

2. Considérant, d’une part, qu’aux termes de l’article L. 262-4 du code de l’action sociale et des familles : « Le bénéfice du revenu de solidarité active est subordonné au respect, par le bénéficiaire, des conditions suivantes : (…) 2° Etre français ou titulaire, depuis au moins cinq ans, d’un titre de séjour autorisant à travailler. Cette condition n’est pas applicable : (…) b) Aux personnes ayant droit à la majoration prévue à l’article L. 262-9, qui doivent remplir les



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conditions de régularité du séjour mentionnées à l’article L. 512-2 du code de la sécurité sociale ; (…) » ; qu’aux termes de l’article L. 262-9 du même code : « Le montant forfaitaire mentionné à l’article L. 262-2 est majoré, pendant une période d’une durée déterminée, pour : 1°

Une personne isolée assumant la charge d’un ou de plusieurs enfants ; 2° Une femme isolée en état de grossesse, ayant effectué la déclaration de grossesse et les examens prénataux. (…) Est considérée comme isolée une personne veuve, divorcée, séparée ou célibataire, qui ne vit pas en couple de manière notoire et permanente et qui notamment ne met pas en commun avec un conjoint, concubin ou partenaire de pacte civil de solidarité ses ressources et ses charges.

Lorsque l’un des membres du couple réside à l’étranger, n’est pas considéré comme isolé celui qui réside en France. » ; qu’aux termes de l’article R. 262-45 du même code : « Si un bénéficiaire qui n’a ni conjoint, ni partenaire lié par un pacte civil de solidarité, ni concubin, ni personne à charge est détenu dans un établissement relevant de l’administration pénitentiaire pour une durée supérieure à soixante jours, son allocation est suspendue à compter du premier jour du mois suivant la fin de la période de soixante jours. / Si le bénéficiaire a un conjoint, un partenaire lié par un pacte civil de solidarité, un concubin ou une personne à charge définie à

l’article R. 262-3, il est procédé au terme du délai mentionné au premier alinéa à un examen des droits dont bénéficient ces autres personnes, le bénéficiaire n’étant plus alors compté au nombre des membres du foyer. / Le service de l’allocation est repris à compter du premier jour du mois au cours duquel prend fin l’incarcération (…) » ;

3. Considérant, d’autre part, que lorsqu’il statue sur un recours dirigé contre une décision par laquelle l’administration, sans remettre en cause des versements déjà effectués, détermine les droits d’une personne à l’allocation de revenu de solidarité active, il appartient au juge administratif, eu égard tant à la finalité de son intervention dans la reconnaissance du droit à cette allocation qu’à sa qualité de juge de plein contentieux, non de se prononcer sur les éventuels vices propres de la décision attaquée, mais d’examiner les droits de l’intéressé sur lesquels l’administration s’est prononcée, en tenant compte de l’ensemble des circonstances de fait qui résultent de l’instruction ; qu’au vu de ces éléments il appartient au juge administratif d’annuler ou de réformer, s’il y a lieu, cette décision en fixant alors lui-même les droits de l’intéressé, pour la période en litige, à la date à laquelle il statue ou, s’il ne peut y procéder, de renvoyer l’intéressé devant l’administration afin qu’elle procède à cette fixation sur la base des motifs de son jugement ;

4. Considérant qu’il résulte de l’instruction que pour refuser à Mme A… le bénéfice du revenu de solidarité active en tant que conjointe ou compagne d’une personne incarcérée par la décision attaquée du 23 février 2016, le président du conseil départemental de Seine-et-Marne lui a opposé la circonstance que seuls les étrangers titulaires depuis au moins cinq ans d’un titre de séjour autorisant à travailler peuvent bénéficier du revenu de solidarité active en application de l’article L. 262-4 du code de l’action sociale et des familles ; que toutefois, en application des dispositions de ce même article rappelées ci-dessus, cette condition n’est pas applicable aux personnes ayant droit à la majoration prévue à l’article L. 262-9 dudit code, c’est-à-dire notamment les personnes isolées assumant la charge d’un ou de plusieurs enfants et les femmes isolées en état de grossesse, ayant effectué la déclaration de grossesse et les examens prénataux, qui doivent simplement remplir les conditions de régularité du séjour mentionnées à l’article L.

512-2 du code de la sécurité sociale ; qu’il est constant qu’à la date de la décision attaquée comme à celle de la caisse d’allocations familiales de Seine-et-Marne, Mme A… était titulaire d’une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » valable du 31 juillet 2015 au 30 juillet 2016, ainsi qu’en état de grossesse ; que, par ailleurs, son conjoint étant incarcéré depuis le 20 novembre 2015, elle devait, en application des dispositions combinées des articles R. 262-45 et L. 262-9 du code de l’action sociale et des familles, être regardée comme une personne isolée soixante jours après le début de l’incarcération de celui-ci, soit le 19 janvier



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2016 ; qu’ainsi, à compter de cette date, elle pouvait prétendre au bénéfice du revenu de solidarité active en application de l’article L. 262-4 du même code, en dépit du fait qu’elle n’était pas titulaire depuis au moins cinq ans d’un titre de séjour autorisant à travailler ; que le département de Seine-et-Marne ne saurait utilement se prévaloir d’une circulaire ministérielle du 12 juin 2013 selon laquelle « Conformément à l’article L. 262-9 du code de l’action sociale et des familles, la seule situation d’incarcération de l’un des membres du couple ne peut être assimilée à une situation d’isolement permettant l’ouverture d’un droit à majoration pour l’autre membre », en ce qu’elle est sur ce point contraire aux dispositions combinées des articles L. 262-9 et R. 262-45 du code de l’action sociale et des familles ; que par suite, la décision du 23 février 2016 par laquelle le président du conseil départemental de Seine-et-Marne a refusé d’accorder le bénéfice du revenu de solidarité active à Mme A… doit être annulée ;

Sur les conclusions à fin de rétablissement dans ses droits :

5. Considérant qu’ainsi qu’il a été dit au point 4, Mme A… pouvait prétendre au bénéfice du revenu de solidarité active à compter du 19 janvier 2016 et ce jusqu’au moins au 30 mars 2016, date d’enregistrement de sa requête ; que faute pour le tribunal de disposer des éléments nécessaires pour pouvoir fixer lui-même les droits de l’intéressée pour la période en litige, Mme A… doit être renvoyée devant le département de Seine-et-Marne pour qu’il procède, sur la base des motifs du présent jugement, au calcul et au versement des sommes qui lui sont dues au titre du revenu de solidarité active du 19 janvier au 30 mars 2016, ainsi qu’au versement des intérêts au taux légal sur ces sommes à compter du 30 mars 2016 ;

Sur les conclusions à fin d’indemnisation :

6. Considérant que Mme A… ne justifie pas avoir saisi le département de Seine-et- Marne d’une demande indemnitaire préalable à l’introduction de sa requête ; qu’elle n’établit pas plus, ni même n’allègue en avoir présenté une en cours d’instance, notamment après la communication du moyen d’ordre public tiré de l’irrecevabilité de ses conclusions indemnitaires faute de demande préalable liant le contentieux ; que, par suite, ses conclusions indemnitaires sont irrecevables et doivent être rejetées ;

Sur les conclusions à fin d’exécution provisoire du jugement :

7. Considérant qu’aux termes de l’article L. 11 du code de justice administrative : « Les jugements sont exécutoires » ; que, par suite, les conclusions de Mme A… tendant à ce le tribunal ordonne l’exécution provisoire du présent jugement doivent être rejetées comme sans objet ;

D E C I D E

Article 1er : La décision du président du conseil départemental Seine-et-Marne du 23 février 2016 est annulée.

Article 2 : Le droit de Mme A… au revenu de solidarité active est reconnu à compter du 19 janvier 2016 jusqu’au moins au 30 mars 2016.



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Article 3 : Mme A… est renvoyée devant le département de Seine-et-Marne pour le calcul et le versement des sommes qui lui sont dues au titre du revenu de solidarité active du 19 janvier au 30 mars 2016, ainsi que le versement des intérêts au taux légal sur ces sommes à compter du 30 mars 2016.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme B… A…, à la caisse d’allocations familiales de Seine-et-Marne et au département de Seine-et-Marne.

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