Tribunal administratif de Melun, Chambre dalo, 28 décembre 2023, n° 2212396

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Melun, ch. dalo, 28 déc. 2023, n° 2212396
Juridiction : Tribunal administratif de Melun
Numéro : 2212396
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 11 janvier 2024

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 24 décembre 2022, Mme C A doit être regardée comme demandant au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 13 octobre 2022 par laquelle la commission de médiation du droit au logement opposable du Val-de-Marne a rejeté son recours gracieux tendant au retrait ou à l’abrogation de la décision du 23 juin 2022 par laquelle cette commission a rejeté son recours amiable tendant à ce que sa demande de logement soit reconnue comme prioritaire et urgente ;

2°) d’enjoindre à l’Etat de réexaminer sa demande tendant à la reconnaissance de son droit à un logement décent et indépendant tenant compte de ses besoins et capacités, dans un délai d’un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, en application de l’article L. 911-2 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— elle est demandeuse d’un logement social depuis un délai anormalement long ;

— la décision attaquée est entachée d’erreur d’appréciation, dès lors que son état de santé, notamment son invalidité, rend son logement actuel inadapté à ses besoins.

La requête a été communiquée à la préfète du Val-de-Marne, qui n’a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de la construction et de l’habitation ;

— le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné M. Delmas, premier conseiller, pour statuer sur les litiges relevant du droit au logement opposable, en application de l’article R. 222-13 (1°) du code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, et en application de l’article L. 732-1 du code de justice administrative, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus à l’audience publique, le rapport de M. Delmas et les observations de Mme A qui fait valoir que son logement n’est pas adapté à ses capacités financières.

La préfète du Val-de-Marne n’était ni présente ni représentée.

En application des dispositions de l’article R. 772-9 du code de justice administrative, la clôture de l’instruction a été différée au mardi 28 novembre 2023 à 12 heures.

Un bordereau de pièces a été enregistré le 27 novembre 2023 par Mme A.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C A a présenté devant la commission de médiation du droit au logement opposable du Val-de-Marne un recours amiable enregistré le 22 mars 2022 tendant à ce que sa demande de logement soit reconnue comme prioritaire et urgente sur le fondement des dispositions de l’article L. 441-2-3 du code de la construction et de l’habitation. Cette commission de médiation a rejeté son recours par une décision du 23 juin 2022. Mme A a formé un recours gracieux le 21 septembre 2022. Par une décision du 13 octobre 2022, la commission de médiation a rejeté ce recours gracieux. Par la requête susvisée, Mme A demande l’annulation des décisions du 23 juin 2022 et du 13 octobre 2022.

Sur le cadre juridique applicable :

2. D’une part, aux termes de l’article L. 300-1 du code de la construction et de l’habitation : " Le droit à un logement décent et indépendant [] est garanti par l’Etat à toute personne qui, résidant sur le territoire français de façon régulière et dans des conditions de permanence définies par décret en Conseil d’Etat, n’est pas en mesure d’y accéder par ses propres moyens ou de s’y maintenir. / Ce droit s’exerce par un recours amiable puis, le cas échéant, par un recours contentieux dans les conditions et selon les modalités fixées par le présent article et les articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1. « . Cet article L. 441-2-3 prévoit : » (). II.- La commission de médiation peut être saisie par toute personne qui, satisfaisant aux conditions réglementaires d’accès à un logement locatif social, n’a reçu aucune proposition adaptée en réponse à sa demande de logement dans le délai fixé en application de l’article L. 441-1-4. Elle peut être saisie sans condition de délai lorsque le demandeur, de bonne foi, est dépourvu de logement, menacé d’expulsion sans relogement, hébergé ou logé temporairement dans un établissement ou un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale, logé dans des locaux impropres à l’habitation ou présentant un caractère insalubre ou dangereux. Elle peut également être saisie, sans condition de délai, lorsque le demandeur est logé dans des locaux manifestement suroccupés ou ne présentant pas le caractère d’un logement décent, s’il a au moins un enfant mineur, s’il présente un handicap au sens de l’article L. 114 du code de l’action sociale et des familles ou s’il a au moins une personne à charge présentant un tel handicap. Elle peut aussi être saisie sans condition de délai lorsque le demandeur ou une personne à sa charge est logé dans un logement non adapté à son handicap, au sens du même article L. 114. /(). Dans un délai fixé par décret, la commission de médiation désigne les demandeurs qu’elle reconnaît prioritaires et auxquels un logement doit être attribué en urgence. Elle détermine pour chaque demandeur, en tenant compte de ses besoins et de ses capacités, les caractéristiques de ce logement, ainsi que, le cas échéant, les mesures de diagnostic ou d’accompagnement social nécessaires. /(). Elle notifie par écrit au demandeur sa décision qui doit être motivée. Elle peut faire toute proposition d’orientation des demandes qu’elle ne juge pas prioritaires. /(). ".

3. D’autre part, aux termes de l’article R. 441-14-1 du code de la construction et de l’habitation : " La commission, saisie sur le fondement du II ou du III de l’article L. 441-2-3, se prononce sur le caractère prioritaire de la demande et sur l’urgence qu’il y a à attribuer au demandeur un logement ou à l’accueillir dans une structure d’hébergement, en tenant compte notamment des démarches précédemment effectuées dans le département ou en Ile-de-France dans la région. Peuvent être désignées par la commission comme prioritaires et devant être logées d’urgence en application du II de l’article L. 441-2-3 les personnes de bonne foi qui satisfont aux conditions réglementaires d’accès au logement social qui se trouvent dans l’une des situations prévues au même article et qui répondent aux caractéristiques suivantes : – ne pas avoir reçu de proposition adaptée à leur demande dans le délai fixé en application de l’article L. 441-1-4 ; – être dépourvues de logement. Le cas échéant, la commission apprécie la situation du demandeur logé ou hébergé par ses ascendants en tenant notamment compte de son degré d’autonomie, de son âge, de sa situation familiale et des conditions de fait de la cohabitation portées à sa connaissance ; – être logées dans des locaux impropres à l’habitation, ou présentant un caractère insalubre ou dangereux. Le cas échéant, la commission tient compte des droits à hébergement ou à relogement auxquels le demandeur peut prétendre en application des dispositions des articles L. 521-1 et suivants, des articles L. 314-1 et suivants du code de l’urbanisme ou de toute autre disposition ouvrant au demandeur un droit à relogement ; – avoir fait l’objet d’une décision de justice prononçant l’expulsion du logement ; – être hébergées dans une structure d’hébergement ou une résidence hôtelière à vocation sociale de façon continue depuis plus de six mois ou logées temporairement dans un logement de transition ou un logement-foyer depuis plus de dix-huit mois, sans préjudice, le cas échéant, des dispositions du IV de l’article L. 441-2-3 ; – être handicapées, ou avoir à leur charge une personne en situation de handicap, ou avoir à leur charge au moins un enfant mineur, et occuper un logement soit présentant au moins un des risques pour la sécurité ou la santé énumérés à l’article 2 du décret du 30 janvier 2002 ou auquel font défaut au moins deux des éléments d’équipement et de confort mentionnés à l’article 3 du même décret, soit d’une surface habitable inférieure aux surfaces mentionnées à l’article R. 822-25, ou, pour une personne seule, d’une surface inférieure à celle mentionnée au premier alinéa de l’article 4 du même décret. La commission peut, par décision spécialement motivée, désigner comme prioritaire et devant être logée en urgence une personne qui, se trouvant dans l’une des situations prévues à l’article L. 441-2-3, ne répond qu’incomplètement aux caractéristiques définies ci-dessus. ".

Sur les conclusions à fin d’annulation :

4. Il résulte de des dispositions précitées que, pour être désigné comme prioritaire et devant se voir attribuer d’urgence un logement social, le demandeur doit être de bonne foi, satisfaire aux conditions réglementaires d’accès au logement social et justifier qu’il se trouve dans une des situations prévues au II de l’article L. 441-2-3 du code de la construction et de l’habitation et qu’il satisfait à un des critères définis à l’article R. 441-14-1 du code de la construction et de l’habitation. La commission de médiation dispose du pouvoir de procéder, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, à un examen global de la situation du demandeur, sans être limitée par le motif invoqué dans la demande, afin de vérifier s’il se trouve dans l’une des situations envisagées à l’article R. 441-14-1 de ce code pour être reconnu prioritaire et devant être relogé en urgence. En conséquence, le demandeur qui forme un recours pour excès de pouvoir contre la décision par laquelle la commission de médiation a refusé de le déclarer prioritaire et devant être relogé en urgence peut utilement faire valoir qu’à la date de cette décision, il remplissait les conditions pour être déclaré prioritaire sur un autre fondement que celui qu’il avait invoqué devant la commission de médiation. Il peut également présenter pour la première fois devant le juge de l’excès de pouvoir des éléments de fait ou des justificatifs qu’il n’avait pas soumis à la commission, sous réserve que ces éléments tendent à établir qu’à la date de la décision attaquée, il se trouvait dans l’une des situations lui permettant d’être reconnu comme prioritaire et devant être relogé en urgence.

5. Dans le cas d’une personne se prévalant de ce qu’elle a présenté une demande de logement social et n’a pas reçu de proposition adaptée dans le délai fixé en application de l’article L. 441-1-4, la commission peut refuser de reconnaître que la demande présente, à ce titre, un caractère prioritaire et urgent, en se fondant sur la circonstance que cette personne dispose déjà d’un logement. Elle ne peut toutefois légalement opposer ce motif que si le logement occupé est adapté à ses besoins. Pour apprécier si le logement occupé est adapté aux besoins du demandeur, il y a lieu de prendre en compte, d’une part, ses caractéristiques, le montant de son loyer et sa localisation, d’autre part, tous éléments relatifs aux occupants du logement, comme une éventuelle situation de handicap, qui sont susceptibles de le rendre inadapté aux besoins du demandeur.

6. Il ressort des pièces du dossier, en particulier de la décision attaquée du 23 juin 2022, que, pour rejeter recours amiable présenté par Mme A, la commission de médiation a estimé que la situation de l’intéressée ne répondait pas aux critères de priorité et d’urgence dès lors que si Mme A a effectué une demande de logement social qui a atteint le délai anormalement long fixé par arrêté préfectoral à trois ans, elle n’a toutefois pas démontré le caractère inadapté du logement à ses besoins et à ses capacités. En outre, il ressort des pièces du dossier, en particulier de la décision attaquée du 13 octobre 2022, que, pour rejeter le recours gracieux présenté par Mme A, la commission de médiation a estimé qu’il ressortait de l’examen du formulaire de recours amiable, des pièces justificatives et des éléments apportés dans le cadre de ce recours gracieux que l’intéressée n’avait pas apporté d’éléments supplémentaires permettant à la commission de médiation de prendre une décision qui lui était favorable.

7. D’une part, il est constant que la demande de logement social présentée par Mme A a dépassé le délai anormalement long d’attente fixé par arrêté préfectoral à trois ans. D’autre part, Mme A produit son contrat de bail signé le 2 août 2013 par elle-même et son ancien époux, dont elle divorcée depuis un jugement du 2 janvier 2017, qui fait état d’un loyer de 830 euros incluant les charges locatives, ainsi que plusieurs quittances de loyer pour les mois de septembre, octobre et novembre 2023 faisant état de loyers s’élevant à 894 euros, 947 euros et 920 euros. En outre, Mme A verse au débat une attestation de paiement établie le 24 novembre 2023 par le directeur de la caisse des allocations familiales du Val-de-Marne précisant qu’elle perçoit une allocation de logement pour un montant de 94 euros par mois. Enfin, Mme A, dont la qualité de travailleuse handicapée a été reconnue par une décision du 22 juin 2021, produit plusieurs attestations de paiement de la caisse nationale d’assurance maladie tirées de son dossier d’invalidité précisant qu’elle perçoit une pension mensuelle d’invalidité d’un montant de 999,16 euros ainsi que des états de décompte de prestations en espèce indiquant qu’elle bénéficie d’une rente d’invalidité pour un montant mensuel de 576,17 euros. Il résulte de l’ensemble des éléments fournis que le ratio entre le loyer mensuel et l’ensemble des ressources de la requérante constitue un taux d’effort excessif. Il s’ensuit qu’eu égard au montant de son loyer, le logement occupé alors par Mme A n’est pas adapté à ses capacités financières. Dans ces conditions, la commission de médiation du Val-de-Marne a entaché sa décision d’erreur d’appréciation en refusant de reconnaître le caractère prioritaire et urgent de sa demande.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A est fondée à demander l’annulation de la décision du 23 juin 2022 par laquelle la commission de médiation du Val-de-Marne a rejeté son recours amiable tendant à ce que sa demande de logement soit reconnue comme prioritaire et urgente ainsi que, par voie de conséquence, l’annulation de la décision du 13 octobre 2022 par laquelle cette commission de médiation a rejeté son recours gracieux.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

9. Aux termes de l’article L. 911-2 du code de justice administrative : « Lorsque sa décision implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. La juridiction peut également prescrire d’office l’intervention de cette nouvelle décision. ».

10. L’annulation des décisions de la commission de médiation refusant de reconnaître un caractère prioritaire et urgent à la demande de logement de Mme A implique nécessairement que la commission se prononce de nouveau sur cette demande, en tenant compte des motifs du présent jugement. Il y a donc lieu d’enjoindre à la commission de médiation du droit au logement opposable du Val-de-Marne de réexaminer la demande de logement de l’intéressée et de prendre une nouvelle décision, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement.

D E C I D E :

Article 1er: Les décisions du 23 juin 2022 et du 13 octobre 2022 de la commission de médiation du droit au logement opposable du Val-de-Marne sont annulées.

Article 2 : Il est enjoint à la commission de médiation du droit au logement opposable du Val-de-Marne de réexaminer la demande de logement de Mme A et de prendre une nouvelle décision, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme C A, à la préfète du Val-de-Marne et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 décembre 2023.

Le magistrat désigné,

S. DELMAS

La greffière,

Mme B

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent jugement.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N°2212396

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