Tribunal administratif de Montpellier, 26 décembre 2019, n° 1906389

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Montpellier, 26 déc. 2019, n° 1906389
Juridiction : Tribunal administratif de Montpellier
Numéro : 1906389

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE MONTPELLIER

N° 1906389 RÉPUBLIQUE FRANÇAISE ___________

SAS SAUR

___________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS


M. X

Juge des référés

___________ Le tribunal administratif de Montpellier,

Audience du 23 décembre 2019 Le juge des référés, Ordonnance du 26 décembre 2019

_________ 39-02-005 C

Vu la procédure suivante :

Par une requête et trois mémoires, enregistrés respectivement le 3 et les 13, 18, 20 décembre 2019, la société par actions simplifiées (SAS) SAUR, représentée par Me Cabanes, demande au juge des référés, statuant en application de l’article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) d’annuler l’ensemble des décisions se rapportant à la procédure de mise en concurrence pour l’attribution de la concession de la gestion et de l’exploitation du service public d’assainissement collectif du secteur Saint-Gely du Fesc et Saint-Mathieu de Tréviers ;

2°) de mettre à la charge de la communauté de communes du Grand Pic Saint Loup la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de rejet de son offre est, en dépit de sa demande en date du 28 novembre 2019, insuffisamment motivée au regard des exigences posées à l’article R 3125-3 du code de la commande publique et ce, nonobstant le courrier qui lui a été adressé le 17 décembre 2019 duquel on ne peut tirer aucune méthode ou barème de notation pour comparer et classer les offres, selon les onze paramètres annoncés au titre des trois critères, au surplus il n’y aucune motivation au regard du troisième critère ;

- si l’on s’en tient à la seule application hiérarchique des trois critères annoncés, telle qu’elle ressort de l’article 8 du règlement de la consultation, son offre, classée première sur le premier critère, aurait dû être directement retenue, sans qu’il soit besoin de faire appel aux deux autres critères ;



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- en revanche, si la collectivité entendait s’écarter d’une application strictement hiérarchique de ces trois critères, il lui incombait, préalablement, d’en informer les candidats afin qu’ils puisent en tenir compte dans la présentation de leur offre ;

- en rejetant son offre par les motifs qu’elle lui a opposés, la communauté de communes en a dénaturé le contenu, en le dégradant, notamment en ce qui concerne la masse salariale et le chiffre d’affaires annoncé au regard du nombre d’abonnés, qui est dépourvu de tout caractère insincère dès lors, qu’au final, son appréciation n’a induit qu’une majoration de 9 000 euros du chiffre d’affaires par rapport à l’estimation de la société Nicollin Eau ;

- elle n’a pas respecté les critères de choix qu’elle avait définis à l’article 8 du règlement de consultation de son appel d’offres, dès lors que, s’agissant du premier critère, il n’a pas été tenu compte des paramètres annoncés que sont l’équilibre général du compte d’exploitation et du bordereau de prix unitaires et, s’agissant du deuxième critère, c’est à tort qu’a été pris en compte le paramètre relatif à l’adéquation des moyens humains qui relève du seul troisième critère, alors qu’elle n’a pas apprécié l’offre au regard des paramètres délais et qualité du service ;

- nonobstant le fait que son offre a été classée première sur le critère des « conditions économiques de la convention », elle s’est trouvée lésée sur l’appréciation portée en la matière par la collectivité qui, estimant l’écart réduit des offres des deux candidats sur ce critère, a rejeté son offre en se fondant de manière imprécise sur le deuxième critère ;

- enfin, elle a mis en œuvre des critères de sélection des offres qui ne sont pas prévus au règlement, notamment sur le premier critère, en imposant de prendre en compte une croissance de 1,5% du nombre d’abonnés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2019, la communauté de communes du Grand Pic Saint Loup, représentée par Me Y., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir :

- qu’elle n’a pas manqué à ses obligations d’information, et qu’elle n’a, en tout état de cause, été saisie d’aucune demande en la matière avant le 6 décembre 2019, à compter de laquelle elle a déféré par courrier du 17 décembre suivant, et, en tout état de cause, une telle méconnaissance ne peut conduire qu’à une injonction de produire les informations utiles ;

- que la requérante, qui n’établit pas les manquements aux règles de publicité et de mise en concurrence dont elle se prévaut, en termes de dénaturation manifeste de l’offre, ou de méconnaissance des critères de la consultation, ne justifie pas d’un intérêt lésé, alors qu’au demeurant, elle critique vainement l’appréciation du critère financier pour lequel elle a été classée en première position sur les trois candidats en lice.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique.

- le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné M. X, vice-président, comme juge des référés. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience. Ont été entendus au cours de l’audience publique le 23 décembre à 14 heures 30 :



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- le rapport de M. X, juge des référés ;

- les observations de Me XX., pour la SAS SAUR, qui conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens que la requête ; elle ajoute que la collectivité a mis en œuvre des critères de sélection des offres qui ne sont pas prévus au règlement, sur le premier critère, en imposant de prendre en compte une croissance de 1,5% du nombre d’abonnés, la valeur de référence de 120 m3, le ratio temps agent/abonné ou le « diagnostique permanent » ; qu’au final, son offre aboutit à un prix par abonné inférieur de près de 14% à celui de la société Nicolin ;

- les observations de Me Y. pour la communauté de communes du Grand Pic Saint Loup, qui ajoute que l’offre a été régulièrement appréciée selon les trois critères, dès lors que la hiérarchie entre ces critères n’impose pas au pouvoir adjudicateur de retenir l’offre la mieux-disante ; en l’espèce, s’agissant du premier critère, la SAUR a retenu un nombre d’abonnés qui s’écarte des prévisions du SCoT, en ce qui concerne le critère de qualité du service, alors que son ratio temps agent/abonné est d’un tiers inférieur à celui de l’offre de la société Nicolin et, que, sur le troisième critère, la SAUR a, contrairement à la société Nicolin, supprimé les « diagnostiques permanents » ; enfin, la méthode de notation n’a pas privé les critères retenus au règlement de leur portée.

La clôture de l’instruction a été prononcée à l’issue de l’audience.

Considérant ce qui suit :

1. La communauté de communes du Grand Pic Saint Loup a engagé une procédure de publicité et de mise en concurrence en vue de l’attribution de la concession de la gestion et de l’exploitation du service public d’assainissement collectif du secteur Saint-Gely du Fesc et Saint-Mathieu de Tréviers du 1er janvier 2020 jusqu’au 31 décembre 2024. La communauté de communes, qui a retenu trois critères « hiérarchisés » de sélection des offres, a décidé de retenir après négociation avec trois candidats, l’offre finale de la société Nicollin Eau. La société SAUR, délégataire sortant, qui a été informée le 26 novembre 2019 de ce que son offre, classée en deuxième position, n’avait pas été retenue, demande au juge des référés, statuant en application de l’article L. 551-1 du code de justice administrative, d’annuler l’ensemble des décisions se rapportant à la procédure de mise en concurrence pour l’attribution de la concession.

Sur les conclusions tendant à l’annulation du marché :

2. Aux termes de l’article L. 551-1 du code de justice administrative : « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu’il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l’exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d’exploitation (…) / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ». Aux termes de l’article L. 551-2 de ce code : « I. Le juge peut ordonner à l’auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l’exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s’il estime, en considération de l’ensemble des intérêts susceptibles d’être lésés et notamment de l’intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l’emporter sur leurs avantages. (…) » Et, aux termes de l’article L. 551-10 du même code : « Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux



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articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d’être lésées par le manquement invoqué (…) »

3. Aux termes de l’article L. 3124-5 du code de la commande publique : « Le contrat de concession est attribué au soumissionnaire qui a présenté la meilleure offre au regard de l’avantage économique global pour l’autorité concédante sur la base de plusieurs critères objectifs, précis et liés à l’objet du contrat de concession ou à ses conditions d’exécution. Lorsque la gestion d’un service public est concédée, l’autorité concédante se fonde également sur la qualité du service rendu aux usagers. Les critères d’attribution n’ont pas pour effet de conférer une liberté de choix illimitée à l’autorité concédante et garantissent une concurrence effective. Ils sont rendus publics dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État. » Et l’article R. 3124-5 du même code dispose : « L’autorité concédante fixe les critères d’attribution par ordre décroissant d’importance. Leur hiérarchisation est indiquée dans l’avis de concession, dans l’invitation à présenter une offre ou dans tout autre document de la consultation. L’autorité concédante peut modifier, à titre exceptionnel, l’ordre des critères pour tenir compte du caractère innovant d’une solution présentée dans une offre. (…) »

4. Si le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu’il a définis et rendus publics, ces méthodes de notation sont toutefois entachées d’irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, elles sont par elles-mêmes de nature à priver de leur portée les critères de sélection ou à neutraliser leur pondération et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l’ensemble des critères pondérés, à ce que l’offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie.

5. En l’espèce, au terme de l’article 8 du règlement de la consultation relatif aux critères d’appréciation des offres : « Le Président ou son représentant choisit librement, dans les conditions prévues par le présent règlement de consultation, l’offre qu’il juge la plus intéressante en tenant compte des critères hiérarchisés pris en considération pour l’analyse des offres: / Les conditions économiques de la convention appréciées au regard des tarifs mis à la charge de l’usager, de l’équilibre général du compte d’exploitation prévisionnel et du bordereau des prix unitaires, / La qualité du service apporté à l’usager: méthode dont délais d’intervention, gestion de la relation usager, démarche qualité, qualité du service apporté à l’usager, / La qualité technique sera appréciée au regard du mémoire technique des candidats (Pièce n°2) et plus particulièrement l’adéquation des moyens humains et matériels par rapport au service attendu en exploitation normale et en situation de crise: délai d’intervention d’urgence, qualité de l’exploitation (nombre de passages, surveillance, curage, recherche d’eau claire parasite, …) et qualité des documents liés aux biens du service (plans, inventaires des ouvrages, etc.), Les offres inappropriées au sens de l’article 25 du décret n°2016-86 ou qui ne respectent pas les conditions et les caractéristiques minimales indiquées dans les documents de la consultation sont éliminées. »

6. En premier lieu, il ressort des dispositions précitées de l’article 8 du règlement de la consultation que si l’autorité concédante a posé le principe de la hiérarchisation des trois critères retenus, elle ne s’est pas fixée de règles pour mettre en œuvre ce principe, et la collectivité publique a classé les trois offres sur chacun des critères pour ensuite additionner les points correspondants au rang respectif (premier – deuxième – troisième) de chaque offre sur chaque critère afin de retenir l’offre ayant le plus faible nombre de points. Cette méthode aboutit



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effectivement, comme le soutient la société requérante, à conférer la même valeur à chaque critère en méconnaissance de leur hiérarchie annoncée. Par suite, cette méthode de notation est par elle-même de nature à conduire à ce que, pour la mise en œuvre du critère de qualité de la prestation, la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre.

7. En second lieu, il ressort de la lettre que lui a adressée le 17 décembre 2019 la communauté de communes du Grand Pic Saint Loup, qu’alors que la société SAUR s’est vue attribuer la meilleure note sur le critère n° 1 des conditions économiques de la convention, elle n’a été classée qu’en troisième et dernière position en ce qui concerne le critère n° 2 relatif à la qualité du service apporté à l’usager au motif qu’elle avait supprimé un poste de travail à plein temps de son offre initiale. Toutefois, ce poste technique n’est pas en relation avec le public et, au surplus, on retire du point 5 précédent que l’adéquation des moyens humains et matériels par rapport au service constitue un élément d’appréciation du critère n° 3 relatif à la qualité technique et non du critère n° 2. La société requérante établit donc que la méthode de notation inadéquate qui a été appliquée par l’autorité concédante est susceptible de l’avoir lésée.

8. Compte tenu du manquement relevé qui se rapporte à la seule phase de choix entre les offres finales, après négociation avec les candidats, il n’y a lieu d’annuler la procédure de passation qu’à compter de la phase de choix entre les offres finales des candidats.

Sur les conclusions au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Aux termes de l’article L. 761-1 du code de justice administrative : « Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation ».

10. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société SAUR, qui n’est pas la partie perdante, soit condamnée à rembourser les frais non compris dans les dépens que la communauté de communes du Grand Pic Saint Loup a exposés dans le cadre de la présente instance. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de la communauté de communes du Grand Pic Saint Loup la somme de 2 000 euros à verser à la société SAUR au titre des mêmes dispositions.

O R D O N N E :

Article 1er : La procédure de passation du contrat en vue de l’attribution de la concession de la gestion et de l’exploitation du service public d’assainissement collectif du secteur Saint- Gely du Fesc et Saint-Mathieu de Tréviers est annulée au stade de la phase de choix entre les offres finales des candidats.

Article 2 : La communauté de communes du Grand Pic Saint Loup versera la somme de 2 000 euros à la société SAUR au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la société SAUR et les conclusions de la communauté de communes du Grand Pic Saint Loup sont rejetées.



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Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la SAS SAUR, à la communauté de communes du Grand Pic Saint Loup et à la société Nicollin Eau.

Fait à Montpellier, le 26 décembre 2019.

Le juge des référés,

Le greffier,

E. X M-A. BARTHÉLÉMY

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