Tribunal administratif de Montreuil, 30 décembre 2013, n° 1207901

  • Caducité·
  • Amortissement·
  • Provision·
  • Impôt·
  • Doctrine·
  • Contrat de concession·
  • Investissement·
  • Client·
  • Concessionnaire·
  • Participation

Chronologie de l’affaire

Commentaire0

Augmentez la visibilité de votre blog juridique : vos commentaires d’arrêts peuvent très simplement apparaitre sur toutes les décisions concernées. 

Sur la décision

Référence :
TA Montreuil, 30 déc. 2013, n° 1207901
Juridiction : Tribunal administratif de Montreuil
Numéro : 1207901

Texte intégral

TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE MONTREUIL

N° 1207901

___________

SAEML SOREGIES

___________

Mme Gaillard

Rapporteur

___________

Mme Restino

Rapporteur public

___________

Audience du 16 décembre 2013

Lecture du 30 décembre 2013

___________

19-04-02-01-04-04

C

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Tribunal administratif de Montreuil,

(1re Chambre)

Vu la requête, enregistrée le 4 octobre 2012, présentée par la SAEML Soregies, dont le siège social est XXX à XXX, par M. X, son directeur général ; la SAEML Soregies demande au tribunal la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2005 et 2006 et des pénalités y afférentes, ainsi que le versement d’intérêts moratoires ;

Elle soutient :

— que la doctrine administrative 4 D-265 n° 3 à 10 permet au concessionnaire, eu égard à ses sujétions particulières, de reconstituer les capitaux investis sur la durée du contrat de concession par un amortissement de caducité ; que, compte tenu de l’obligation de réaliser des investissements en permanence, elle est en droit d’étaler au moyen d’une provision pour repli de caducité, l’amortissement de caducité sur toute la durée du contrat, sauf à dégager une perte définitive en fin de contrat ; que l’anticipation de cette perte par des provisions relatives à des investissements futurs n’a rien d’exceptionnel, les concessionnaires étant autorisés en application du 1 de l’article 39 du code général des impôts à procéder à des provisions pour renouvellement de bien ; que la provision pour repli de caducité en litige est calculée sur la base de tableaux d’investissements établis sur la durée du contrat puis actualisés ; qu’il ne s’agit pas de provisionner une provision ;

— que le financement du raccordement de nouveaux usagers au réseau électrique est effectué à environ 50 % par les clients au moment du raccordement et à 50 % par l’amortissement de caducité tout au long du contrat ; qu’en application de la doctrine administrative précitée, la provision pour participations clients, c’est-à-dire pour le raccordement de nouveaux usagers au réseau électrique, permet d’éviter une perte non récupérable en provisionnant l’amortissement de caducité l’année de perception des participations ; qu’elle ne pratique donc pas deux amortissements de caducité ; que sa prestation vis-à-vis des usagers présente un caractère continu de mise à disposition des installations au sens du 2 bis de l’article 38 du code général des impôts permettant de rattacher aux produits comptabilisés les charges afférentes ; que l’administration n’a pas pris en compte les stipulations du contrat de concession prévoyant la remise gratuite des investissements réalisés en fin de contrat ; que la commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires a émis l’avis qu’elle pourrait constituer une provision si elle établissait la probabilité d’une perte en fin de contrat de concession et justifiait de son évaluation ; qu’elle a établi cette perte par une évaluation précise ;

Vu la décision par laquelle le délégué chargé de la direction des vérifications nationales et internationales a statué sur la réclamation préalable ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 avril 2013, présenté par le délégué chargé de la direction des vérifications nationales et internationales qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

— que la provision pour repli de caducité ne remplit pas les conditions de déductibilité des provisions ; que l’anticipation, au sens du 1 de l’article 39 du code général des impôts, concerne la perte de valeur d’un investissement déjà réalisé par le concessionnaire et n’a pas pour objet d’anticiper la perte de valeur de biens non financés ; que l’avis de la commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires a confirmé cette position ; que l’anticipation n’est permise que via des provisions pour renouvellement et ne vise par définition que les immobilisations déjà acquises et devant être renouvelées ; que la provision pour repli de caducité conduit à provisionner des dépenses qui vont entraîner un accroissement de son actif, ce qui exclut la déductibilité de ladite provision ; que la provision en litige conduit la société à anticiper les acquisitions futures et leur amortissement en contrevenant aux règles de comptabilisation de l’amortissement de caducité ; que les prévisions de perte qu’elle produit sur 30 ans ne sont ni fiables ni justifiées par la simple production d’un tableau ; qu’en 2005 et 2006, ses résultats étant positifs, elle ne peut déduire les provisions pour repli de caducité de son résultat imposable ;

— que la société facture à ses clients les travaux de raccordement et les comptabilise en compte produit 706 et dans le même temps déduit fiscalement une dotation pour amortissement de caducité du même montant appelée « amortissement de caducité sur les participations clients » ; que des reprises sont ensuite comptabilisées chaque année, au rythme des amortissements de caducité calculés sur les immobilisations inscrites à l’actif du bilan ; qu’elle constate deux amortissements de caducité, l’un conforme à la doctrine, l’autre appelé « amortissement de caducité sur les participations clients » correspondant à la totalité des produits de raccordements accordés aux clients, contraire à la doctrine, dès lors qu’il ne se réfère pas aux immobilisations concernées et n’est pas calculé d’après la durée de la concession ni en fonction du prix de revient des installations ; que la commission a conclu que le 2 bis de l’article 38 du code général des impôts n’est pas applicable dès lors que la rémunération en litige ne concerne pas une prestation continue ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er juillet 2013, présenté par la SAEML Soregies qui conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l’audience ;

Après avoir entendu au cours de l’audience publique du 16 décembre 2013 :

— le rapport de Mme Gaillard, premier conseiller ;

— les conclusions de Mme Restino, rapporteur public ;

— et les observations de Mme Y, représentant la SAEML Soregies ;

1. Considérant que la société anonyme d’économie mixte locale (SAEML) Soregies a conclu un contrat de concession portant sur la distribution d’électricité et de gaz avec le Syndicat intercommunal d’électricité et d’équipement du département de la Vienne, pour une durée de trente ans à compter du 1er janvier 2004, qui prévoit, outre l’exploitation du réseau existant mis à disposition du concessionnaire par le concédant, la maintenance, le renouvellement et l’extension du réseau, bien de retour revenant gratuitement au concédant à l’issue du contrat ; que la SAEML Soregies a fait l’objet d’une vérification de comptabilité portant sur les années 2004 à 2006, à l’issue de laquelle l’administration a remis en cause deux provisions pour « repli de caducité » et « amortissement de caducité sur les participations clients » et en a réintégré les montants dans les résultats imposables de la SAEML Soregies au titre des exercices clos en 2005 et 2006 ; que cette société demande la décharge des cotisations supplémentaires à l’impôt sur les sociétés, contributions à cet impôt et contributions sociales auxquelles elle a été assujettie de ce fait à concurrence des sommes globales de 3 275 835 euros en droits et 307 054 euros en intérêts de retard ;

Sur l’application de la loi fiscale :

2. Considérant qu’aux termes de l’article 39 du code général des impôts, applicable en matière d’impôt sur les sociétés en vertu de l’article 209 du même code : « 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (…) notamment : / (…) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que les événements en cours rendent probables, à condition qu’elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l’exercice (…) » ; qu’il résulte de ces dispositions qu’une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d’un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu’ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d’être évaluées avec une approximation suffisante, qu’elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l’exercice et qu’elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l’entreprise ; qu’en outre, en ce qui concerne les provisions pour charges, elles ne peuvent être déduites au titre d’un exercice que si se trouvent comptabilisés, au titre du même exercice, les produits afférents à ces charges et qu’en ce qui concerne les provisions pour perte, elles ne peuvent être déduites que si la perspective de cette perte se trouve établie par la comparaison, pour une opération ou un ensemble d’opérations suffisamment homogène, entre les coûts à supporter et les recettes escomptées ;

3. Considérant qu’alors qu’il incombe toujours au contribuable de justifier de la réalité et du montant des provisions qu’il a portées dans ses écritures et déduites de ses résultats, la provision constituée par les entreprises concessionnaires n’est pas déductible du bénéfice imposable lorsque la dépense à laquelle elle est destinée à faire face a pour effet d’entraîner un accroissement de leur actif ou bien a pour but d’opérer des amortissements relatifs à des exercices futurs et ne constitue pas, dès lors, une charge d’exploitation de l’exercice à la clôture duquel elle est constituée ;

4. Considérant que, dans le cadre d’une délégation de service public ou d’une concession de travaux mettant à la charge du cocontractant les investissements correspondant à la création ou à l’acquisition des biens nécessaires au fonctionnement du service public, l’ensemble de ces biens, meubles ou immeubles, appartient, dans le silence de la convention, dès leur réalisation ou leur acquisition à la personne publique ; que lorsqu’une convention existe, à l’expiration de celle-ci, les biens qui sont entrés, en application des principes régissant la domanialité publique, dans la propriété de la personne publique et ont été amortis au cours de l’exécution du contrat font nécessairement retour à celle-ci gratuitement, sous réserve des clauses contractuelles permettant à la personne publique, dans les conditions qu’elles déterminent, de faire reprendre par son cocontractant les biens qui ne seraient plus nécessaires au fonctionnement du service public ;

5. Considérant que les travaux pour lesquels la SAEML Soregies a constitué des provisions pour « repli de caducité » portaient sur l’extension et l’enterrement des lignes électriques pendant la durée de la concession, avec remise gratuite en fin de contrat de l’ensemble des installations ; que de tels travaux, qui visent, non à maintenir en l’état des installations existantes, mais à créer des installations permettant le renouvellement et l’extension du réseau existant, accroissent l’actif immobilisé de l’entreprise et ne peuvent donner lieu qu’à la constitution d’amortissements et non de provisions ; que si la société requérante soutient également qu’elle est en mesure, ainsi que le suggère la commission nationale des impôts dans son avis du 16 septembre 2011, de démontrer que l’impossibilité d’imputer la totalité des amortissements de caducité sur ses futurs bénéfices d’exploitation générerait, en fin de concession, une perte à terminaison excédant l’ensemble des profits réalisés sur le reste de la période de concession, les tableaux d’évaluation prévisionnelle jusqu’en 2034 qu’elle produit, dont les données ne sont pas justifiées, ne permettent pas de le tenir pour établi ;

6. Considérant, s’agissant « des amortissements de caducité sur les participations clients », que si la SAEML Soregies pouvait à bon droit comptabiliser en produits imposables les participations clients aux travaux de raccordement au titre de l’exercice de leur facturation au client, elle ne pouvait, dès lors que l’investissement en cause a la nature d’un élément d’actif futur, déduire par anticipation le montant de l’investissement à effectuer par la constitution d’une provision, quelle qu’en soit sa dénomination ; qu’en outre, elle ne démontre pas, ainsi qu’il a été dit précédemment, la réalité d’une perte à terminaison globale à l’issue du contrat de concession ; qu’elle ne peut enfin se prévaloir utilement des dispositions du 2 bis de l’article 38 du code général des impôts relatif seulement à l’exercice de rattachement des produits ;

Sur le bénéfice de la doctrine administrative :

7. Considérant que si la SAEML Soregies a entendu se prévaloir de la doctrine administrative 4 D-265 du 26 novembre 1996 n° 3 à 10, relative aux amortissements de caducité, il résulte de l’instruction que les montants remis en cause par l’administration résultent de provisions et non d’amortissements de caducité, quelle que soit la dénomination retenue par la requérante, et qu’elles n’entrent dès lors pas dans les prévisions de la doctrine administrative précitée ;

8. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SAEML Soregies n’est pas fondée à demander la décharge des impositions litigieuses ; que ses conclusions tendant au versement d’intérêts moratoires ne peuvent, en tout état de cause, qu’être également rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la SAEML Soregies est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la SAEML Soregies et au délégué chargé de la direction des vérifications nationales et internationales.

Délibéré après l’audience du 16 décembre 2013, à laquelle siégeaient :

— M. Besson, président,

— Mme Gaillard, premier conseiller,

— M. Marmier, conseiller.

Lu en audience publique le 30 décembre 2013.

Le rapporteur, Le président,

Signé Signé

d

C. Gaillard T. Besson

Le greffier,

Signé

XXX

La République mande et ordonne au ministre délégué auprès du ministre de l’économie et des finances, chargé du budget, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Extraits similaires
highlight
Extraits similaires
Extraits les plus copiés
Extraits similaires

Textes cités dans la décision

  1. Code général des impôts, CGI.
Inscrivez-vous gratuitement pour imprimer votre décision
Tribunal administratif de Montreuil, 30 décembre 2013, n° 1207901