Tribunal administratif de Montreuil, 11ème chambre, 20 décembre 2023, n° 2214436

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Montreuil, 11e ch., 20 déc. 2023, n° 2214436
Juridiction : Tribunal administratif de Montreuil
Numéro : 2214436
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Satisfaction totale
Date de dernière mise à jour : 23 décembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 23 septembre 2022, Mme B C, représentée par Me Belgrand, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 24 août 2022 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a classé sans suite sa demande de délivrance d’un titre de séjour ;

2°) d’enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis d’enregistrer et d’instruire sa demande de titre de séjour portant la mention « vie privée et familiale » dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de trente jours à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l’attente, une autorisation provisoire de séjour l’autorisant à travailler dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l’État la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— la décision a été prise par une autorité incompétente ;

— elle est insuffisamment motivée ;

— elle méconnaît les dispositions de l’article L. 114-5 du code des relations entre le public et l’administration en ce que le préfet était dans l’obligation de lui adresser une demande de pièces pour compléter son dossier ;

— elle est entachée d’une erreur de fait ;

— elle méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— elle méconnaît les dispositions de l’article L. 423-23 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2023, le préfet de la Seine-Saint-Denis conclut d’une part, au non-lieu à statuer et d’autre part, au rejet de la requête.

Il soutient que :

— la requête est dépourvue d’objet dès lors que la requérante a été mise en possession d’une attestation de demandeur d’asile ;

— en tout état de cause, les moyens soulevés par Mme C ne sont pas fondés.

Par une ordonnance en date du 29 septembre 2023, la clôture de l’instruction a été fixée au 29 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le rapport de Mme Caldoncelli-Vidal a été entendu au cours de l’audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C, ressortissante ukrainienne née le 16 avril 1997, est entrée sur le territoire français le 24 octobre 2013 sous couvert d’un passeport revêtu d’un visa de court séjour. Le 1er août 2022, elle a sollicité la délivrance d’un titre de séjour mention « vie privée et familiale ». Par une décision du 24 août 2022, dont Mme C demande l’annulation, le préfet de la Seine-Saint-Denis a classé sans suite cette demande.

Sur l’exception de non-lieu à statuer opposée par le préfet de la Seine-Saint-Denis :

2. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n’a d’autre objet que d’en faire prononcer l’annulation avec effet rétroactif. Si, avant que le juge n’ait statué, l’acte attaqué est rapporté par l’autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d’être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l’ordonnancement juridique de l’acte contesté, ce qui conduit à ce qu’il n’y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du recours dont il était saisi. Il en va ainsi, quand bien même l’acte rapporté aurait reçu exécution.

3. Si le préfet de la Seine-Saint-Denis fait valoir que le litige est privé d’objet dès lors que Mme C s’est vu délivrer une attestation de demandeur d’asile, cette circonstance n’a pas eu pour effet de faire disparaître de l’ordonnancement juridique la décision classant sans suite sa demande puisque l’attestation de demandeur d’asile qui autorise la présence de l’intéressée en France pendant la durée qu’elle précise le temps que l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) statue sur sa demande de protection internationale ne préjuge pas de l’issue qui lui sera réservée et n’exclut pas qu’elle puisse se prévaloir d’un droit au séjour sur un autre fondement. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision de classement sans suite de sa demande de titre de séjour ait été retirée. Il s’ensuit que le litige conserve son objet. L’exception de non-lieu opposée par le préfet de la Seine-Saint-Denis doit, par suite, être écartée.

Sur le surplus des conclusions :

4. En dehors du cas d’une demande à caractère abusif ou dilatoire, l’autorité administrative chargée d’instruire une demande de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour ne peut refuser de l’enregistrer, et de délivrer le récépissé y afférent, que si le dossier présenté à l’appui de cette demande est incomplet. Le refus d’enregistrer une telle demande au soutien de laquelle est présenté un dossier incomplet ne constitue une décision susceptible d’être déférée au juge de l’excès de pouvoir que si le requérant apporte la preuve du caractère complet du dossier déposé auprès des services préfectoraux.

5. Pour classer sans suite la demande de titre de séjour de Mme C, le préfet de la Seine-Saint-Denis s’est fondé sur le motif tiré de ce que le formulaire déposé à l’appui de sa demande de titre de séjour via la plateforme « démarches simplifiées » était « non rempli ou incomplet ». Cependant, il ne ressort ni de la lecture du formulaire ni des mentions de la décision attaquée, le préfet ne précisant pas les champs qui n’auraient pas été renseignés ou qui seraient erronés, que la demande de Mme C serait incomplète. Ainsi, la requérante doit être regardée comme apportant la preuve que son dossier est complet. Elle est, par suite, fondée à soutenir que la décision en date du 24 août 2022 refusant l’enregistrement de sa demande de titre de séjour est entachée d’une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède, et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens de la requête, que Mme C est fondée à demander l’annulation de la décision du 24 août 2022 par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a classé sans suite sa demande de titre de séjour.

Sur les conclusions à fin d’injonction et d’astreinte :

7. Eu égard au motif d’annulation retenu, l’exécution du présent jugement implique nécessairement que le préfet de la Seine-Saint-Denis, ou tout autre préfet territorialement compétent, procède à l’enregistrement de la demande de titre de séjour de Mme C dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement et ce, sans qu’il y ait besoin d’assortir cette injonction d’une astreinte.

Sur les conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de l’État (préfet de la Seine-Saint-Denis) le versement à Mme C d’une somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La décision du préfet de la Seine-Saint-Denis du 24 août 2022 est annulée.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis, ou à tout autre préfet territorialement compétent, de procéder à l’enregistrement de la demande de titre de séjour de Mme C dans un délai d’un mois à compter de la notification du présent jugement.

Article 3 : L’État (préfet de la Seine-Saint-Denis) versera à Mme C, une somme de 1 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme C est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à Mme B C et au préfet de la Seine-Saint-Denis.

Délibéré après l’audience du 28 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

— Mme Delamarre, présidente,

— M. Israël, premier conseiller,

— Mme Caldoncelli-Vidal, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 décembre 2023.

La rapporteure,

M. Caldoncelli-Vidal La présidente,

A-L. DelamarreLa greffière,

M. A

La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis ou à tout autre préfet territorialement compétent en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution du présent jugement.

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