Tribunal administratif de Nantes, 28 décembre 2018, n° 1609993

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Sur la décision

Référence :
TA Nantes, 28 déc. 2018, n° 1609993
Juridiction : Tribunal administratif de Nantes
Numéro : 1609993

Sur les parties

Texte intégral

ell TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE NANTES

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE N° 1609993

___________


Mme X épouse Y AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS ___________


Mme Y X

Rapporteure Le tribunal administratif de Nantes ___________

(4ème chambre) M. Z A

Rapporteur public ___________

Audience du 7 décembre 2018 Lecture du 28 décembre 2018 ___________ 26-01-01-01-03 C

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 28 novembre 2016, Mme X épouse Y, représentée par Me Soubre, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 18 septembre 2016 par laquelle le ministre de l’intérieur a ajourné sa demande de naturalisation jusqu’au 8 avril 2018 ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat une somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée est entachée d’incompétence du signataire ;

- elle est entachée d’une erreur de droit en ce qu’elle se fonde sur des nouveaux éléments qui auraient été communiqués au ministre par le tribunal de grande instance de Pontoise mais dont la requérante n’a jamais eu connaissance et qu’elle ne peut discuter, en violation du droit au procès équitable et du principe du contradictoire, garanti notamment par l’article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

- le principe de la présomption d’innocence fait obstacle à ce que le ministre se fonde sur une procédure en cours d’enquête depuis deux ans ; en outre, l’ajournement attaqué ne repose sur aucune condition ;

- la décision en litige est en outre entachée d’une erreur manifeste d’appréciation, eu égard à son intégration, son assimilation, et sa situation familiale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2017, le ministre de l’intérieur conclut au rejet de la requête.



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Il soutient qu’aucun moyen invoqué par Mme X épouse Y n’est fondé.

Vu les pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

- le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le rapport de Mme X a été entendu au cours de l’audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme X épouse Y, ressortissante tunisienne née en 1969, a sollicité l’acquisition de la nationalité française par voie de naturalisation. Par décision du 18 septembre 2016, le ministre de l’intérieur a décidé d’ajourner sa demande jusqu’au 8 avril 2018. Mme X épouse Y demande au tribunal d’annuler cette décision d’ajournement.

2. M. B G, attaché d’administration hors classe chef du bureau des naturalisations, signataire de la décision attaquée, bénéficiait à cet effet d’une délégation de signature par décision du 27 mai 2016 régulièrement publiée au Journal officiel de la République française du 24 mai 2016.

3. Aux termes de l’article 21-15 du code civil : « L’acquisition de la nationalité française par décision de l’autorité publique résulte d’une naturalisation accordée par décret à la demande de l’étranger. ». Aux termes de l’article 48 du décret susvisé du 30 décembre 1993 : « Si le ministre chargé des naturalisations estime qu’il n’y a pas lieu d’accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande (…) ». En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l’intérêt d’accorder la naturalisation à l’étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d’opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant.

4. Pour ajourner jusqu’au 8 avril 2018 la demande de naturalisation présentée par Mme X épouse Y, le ministre de l’intérieur s’est fondé sur ce que l’intéressée a fait l’objet d’une procédure pour des faits de blessures involontaires suivie d’une incapacité n’excédant pas trois mois par conducteur d’un véhicule terrestre à moteur le 5 novembre 2014 à Beaumont-sur-Oise.

5. La requérante ne peut utilement invoquer l’erreur de droit dont aurait été entaché le motif de la décision d’ajournement en date du 8 avril 2016, dès lors que la décision attaquée du 18 septembre 2016, prise sur recours préalable obligatoire, s’est substituée à cette première décision.



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6. Les décisions par lesquelles le ministre de l’intérieur ajourne ou rejette une demande de naturalisation sur le fondement des dispositions précitées du décret de 1993 ne revêtent pas le caractère d’une sanction. Dès lors qu’elle intervient sur demande de la postulante, l’article L. 121-1 du code des relations entre le public et l’administration exclut expressément la décision d’ajournement attaquée du champ des décisions soumises au respect d’une procédure contradictoire préalable. Il s’ensuit que le ministre de l’intérieur n’avait pas à communiquer à l’intéressée les éléments qu’il a obtenus du parquet du tribunal de grande instance de Pontoise avant de prendre la décision attaquée.

7. Mme X épouse Y ne peut se prévaloir des stipulations de l’article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales relatives au droit à un procès équitable à l’égard de la procédure administrative ayant conduit à l’adoption de la décision attaquée.

8. La décision attaquée ne présentant pas le caractère d’une mesure pénale, le principe de la présomption d’innocence ne fait pas obstacle à ce que le ministre prenne en compte des faits, dont la matérialité n’est au demeurant pas sérieusement contestée, pour apprécier le comportement de la postulante, en dépit de la circonstance qu’ils n’ont pas donné lieu à des poursuites pénales.

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme X épouse Y a fait l’objet d’une procédure pour blessures involontaires par conducteur d’un véhicule terrestre à moteur suivie d’une incapacité inférieure à trois mois, et que le procureur de la République de Pontoise a décidé de classer sans suite la procédure au motif suivant : « autre sanction de nature non pénale ». La requérante ne conteste pas la matérialité des faits mais fait valoir qu’il s’agit d’un accident de la circulation, qu’elle est totalement insérée tant sur le plan professionnel, puisqu’elle exerce en qualité de praticien hospitalier au centre hospitalier de Beaumont-sur-Oise, que sur le plan social. Toutefois, eu égard au large pouvoir d’appréciation dont dispose le ministre pour apprécier l’opportunité d’accorder la nationalité à un postulant, et aux effets à court terme –au demeurant déjà épuisés- de la mesure d’ajournement, le ministre a pu se fonder sur les faits de blessures involontaires par conducteur, nécessairement imputables à une maladresse, une imprudence, une inattention, une négligence ou un manquement délibéré à une obligation de sécurité, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la requête de Mme X épouse Y doit être rejetée.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme X épouse Y est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme X épouse Y et au ministre de l’intérieur.

Délibéré après l’audience du 7 décembre 2018, à laquelle siégeaient :



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M. Guittet, premier vice-président, Mme Douet, première conseillère, Mme X, première conseillère.

Lu en audience publique le 28 décembre 2018.

La rapporteure, Le président,

J. X J.-M. GUITTET La greffière,

C.

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, Le greffier,

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