Tribunal administratif de Nantes, 4ème chambre, 30 décembre 2022, n° 2208807

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Nantes, 4e ch., 30 déc. 2022, n° 2208807
Juridiction : Tribunal administratif de Nantes
Numéro : 2208807
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Plein contentieux
Décision précédente : Cour administrative d'appel de Nantes, 7 juillet 2022, N° 22NT00377
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par un arrêt n° 22NT00377 du 8 juillet 2022, la cour administrative d’appel de Nantes, saisie de deux requêtes d’appel présentées pour M. et Mme B A, d’une part en leur qualité de gérants de la société civile immobilière (SCI) La Poule Noire et d’autre part en leur nom propre, a annulé l’ordonnance n° 1812094-1901574 de la présidente de la quatrième chambre du tribunal administratif de Nantes en date du 24 décembre 2021 donnant acte du désistement d’office de M. et Mme A et a renvoyé ces affaires au tribunal, où elles ont été de nouveau enregistrées au greffe sous le n° 2208807, pour qu’il y soit statué sur le fond.

D’une part, par une requête initialement enregistrée sous le n° 1812094 le 20 décembre 2018, M. et Mme A, représentés par Me Salvignol, demandent au tribunal :

1°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

— les propositions de rectification sont insuffisamment motivées, ce qui constitue une erreur substantielle portant atteinte aux droits de la défense du contribuable contrôlé de nature à entraîner la décharge de l’ensemble des impositions supplémentaires litigieuses et des pénalités dont elles ont été assorties, en application de l’article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;

— les travaux dont la déductibilité a été remise en cause ne portaient que sur du second œuvre et doivent être dès lors regardés comme des travaux d’amélioration et de réparation déductibles en application du 1° du 1 de l’article 31 du code général des impôts : il s’agissait de travaux d’aménagement interne qui n’ont pas affecté le gros œuvre de manière importante ni la surface habitable, contrairement à ce que fait valoir le service vérificateur ; les travaux extérieurs de ravalement de la façade et de réfection de la toiture n’ont pas davantage affecté le gros œuvre et n’ont entrainé que des modifications minimes de la charpente ;

— les travaux en cause entrepris sur le bâtiment H sont dissociables des travaux de construction réalisés pour l’édification du bâtiment G, ils ne sauraient dès lors être qualifiés de travaux de reconstruction ; ont d’ailleurs été dissociés précisément sur chacune des factures les travaux relatifs au bâtiment G de ceux relatifs au bâtiment H ;

— les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées en ce qu’il ne saurait être reproché à la SCI La Poule Noire de n’avoir pas produit spontanément les factures pour lesquelles aucune déduction n’a été faite qui, selon l’administration, « auraient permis d’analyser d’emblée l’opération conduite sur le bâtiment H », lors de sa première demande de renseignements du 27 juin 2016, puisque ces factures n’ont été demandées que lors de la seconde demande de renseignements d’août 2016 ; l’absence de déductions des factures afférentes aux travaux de construction du bâtiment G est un élément de nature à démontrer qu’elle était de bonne foi.

Par des mémoires en défense enregistrés les 9 juillet 2019 et 10 août 2022, la directrice régionale des finances publiques des pays de la Loire et du département de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme A ne sont pas fondés.

D’autre part, par une requête initialement enregistrée sous le n° 1901574 le 13 février 2019, M. et Mme A, représentés par Me Salvignol, demandent au tribunal :

1°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre de l’année 2014 ainsi que des pénalités correspondantes ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

— seules les dépenses relatives aux travaux d’entretien et d’amélioration ont été déduites de leurs revenus fonciers bruts au titre des années 2013 et 2014, à savoir les travaux portant sur les quatre appartements des premier et deuxième étages ainsi que les parties communes afférentes qui ont seulement fait l’objet d’une rénovation ;

— l’erreur de date sur la facture de l’entreprise Décor Concept datée successivement du 20 décembre 2013 et du 26 décembre 2013 est une erreur purement matérielle ; les travaux effectués par cette entreprise consistaient en de la démolition, de la menuiserie, de l’électricité et de la plomberie ; ils établissent la réalité des prestations réalisées par cette société par la production de factures de fournisseurs ;

— l’administration fiscale ne prouve pas que les travaux figurant sur les factures Décor Concept n’ont pas été réalisés sur les logements des premier et deuxième étages, alors que la charge de la preuve du caractère fictif des prestations réalisées par l’entreprise Décor Concept lui incombe ;

— les déclarations d’existence des deux logements nouvellement créés au troisième étage ont été effectuées le 18 février 2014 conformément au délai déclaratif légal, soit moins de quatre-vingt-dix jours après la date d’achèvement des travaux en décembre 2013;

— c’est à tort et sans l’établir que l’administration fiscale fait valoir que 90 % des travaux facturés ont été réalisés par l’entreprise Décor Concept ; en tout état de cause, aucune disposition légale, réglementaire ou doctrinale n’interdit de faire réaliser des travaux par l’entreprise dont le contribuable est l’associé et le gérant.

Par des mémoires en défense enregistrés les 5 août 2019 et 10 août 2022, la directrice régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par M. et Mme A ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

— le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

— le rapport de Mme Thierry, conseillère,

— et les conclusions de M. Vauterin, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

Sur les conclusions tendant à la décharge des impositions supplémentaires initialement contestées dans la requête enregistrée sous le n° 1812094 :

1. La société civile immobilière (SCI) La Poule Noire, dont M. B A est le gérant et l’associé unique, a acquis le 5 mai 2006 un ensemble immobilier situé 18 rue des Olivettes et Passage de la Poule Noire à Nantes (Loire-Atlantique), étendu sur deux parcelles cadastrées TX 143 et TX 145, composé, notamment s’agissant de la façade nord du passage, d’un bâtiment anciennement à usage d’hôtel, d’un espace libre en nature de cour pavée à usage de stationnement, d’un bâtiment comportant quatre garages surmontés de greniers et d’un bâtiment comportant deux garages également surmontés de greniers. A l’issue du contrôle sur pièces de la SCI La Poule Noire portant sur les années 2013 à 2015, l’administration fiscale a remis en cause la déductibilité des dépenses engagées pour la réalisation de divers travaux sur une partie des bâtiments constituant la façade nord du passage, portées en déduction du résultat de la société, d’un montant de 44 777 euros en 2013, 133 737 euros en 2014 et 26 928 euros en 2015. Corrélativement, à l’issue du contrôle sur pièces de leur situation fiscale dont M. et Mme A ont fait l’objet et en vertu de l’article 8 du code général des impôts, l’administration fiscale a, par une proposition de rectification du même jour, le 14 novembre 2016, tiré les conséquences des rehaussements effectués sur les résultats de la SCI sur les bases imposables de M. et Mme A à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus fonciers, remettant ainsi en cause les déficits fonciers initialement constatés. Après avoir présenté en vain leurs observations puis une réclamation respectivement les 14 décembre 2016, 13 avril 2017 et 15 juin 2018, M. et Mme A demandent au tribunal la décharge des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2013, 2014 et 2015 ainsi que des pénalités correspondantes.

En ce qui concerne la régularité de la procédure d’imposition :

2. Aux termes de l’article L. 57 du livre des procédures fiscales : « L’administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. () ». Aux termes de l’article R. 57 du même livre : « La proposition de rectification prévue par l’article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. () ». Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l’impôt concerné, de l’année d’imposition et de la base d’imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l’administration entend se fonder pour justifier les rehaussements envisagés, de façon à permettre au contribuable de formuler de façon utile ses observations.

3. Il résulte de l’instruction que la proposition de rectification adressée à la SCI La Poule Noire le 14 novembre 2016 comporte les rectifications des résultats reconstitués de la société au titre des années 2013, 2014 et 2015 à raison de la remise en cause de la totalité des charges relatives aux dépenses de travaux engagées que celle-ci avait portées en déduction de ses résultats pour les montants respectifs de 44 777 euros, 133 737 euros et 26 938 euros. Cette proposition de rectification rappelle les règles applicables à la déductibilité des charges de la propriété et les motifs précis et détaillés pour lesquels l’administration fiscale a remis en cause leur déductibilité, à savoir la circonstance que, pour une part de ces dépenses, elles sont indissociables du projet de la réalisation d’un nouvel ensemble immobilier homogène relevant d’un permis de construire unique qui a notamment donné lieu à la création de nouvelles surfaces et des opérations de réaménagement et, pour une autre part, elles correspondent à des honoraires d’études de transformation de futurs bâtiments voués pour l’un à la démolition et pour l’autre au changement de destination d’une fraction d’un immeuble non affectée à l’habitation. Dans ces conditions, eu égard au fait qu’elle remettait en cause la totalité des dépenses de travaux déduites du résultat de la SCI au regard du projet immobilier global dans lequel elles s’inscrivaient, l’administration fiscale n’était pas tenue, contrairement à ce que soutiennent les requérants, d’énumérer pour chacune des factures en cause le motif du rejet. Par ailleurs, à supposer que M. et Mme A entendent également critiquer la motivation de la proposition de rectification qui leur a été adressée le même jour, soit le 14 novembre 2016, cette dernière qui renvoie expressément aux motifs de droit et de fait figurant dans la proposition de rectification adressée à M. A en sa qualité de gérant de la SCI La Poule Noire et tire les conséquences, en application de l’article 8 du code général des impôts, de la réintégration de ces dépenses dans les résultats de cette société en ce qui concerne les bases imposables de M. et Mme A à l’impôt sur le revenu en remettant ainsi en cause les déficits fonciers correspondants, ne saurait davantage être regardée comme insuffisamment motivée. Ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la procédure sur le fondement de laquelle ont été établies les impositions contestées est irrégulière. Enfin, le moyen tiré de ce que l’irrégularité dont la procédure serait entachée est substantielle au sens de l’article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ne peut par conséquent qu’être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions litigieuses :

4. En premier lieu, aux termes de l’article 31 du code général des impôts : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : / 1° Pour les propriétés urbaines : / a) Les dépenses de réparation et d’entretien effectivement supportées par le propriétaire ; () / b) Les dépenses d’amélioration afférentes aux locaux d’habitation, à l’exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d’agrandissement () ". Il résulte de ces dispositions que ne sont pas déductibles du revenu global, en tant que déficits fonciers, les dépenses exposées par le propriétaire d’un immeuble ayant fait l’objet de travaux exécutés dans le cadre d’une opération groupée de restauration immobilière lorsqu’il s’agit, soit de travaux de construction, de reconstruction ou d’agrandissement, soit de travaux qui, bien que ne présentant pas ces caractères, sont eux-mêmes indissociables de travaux de construction, de reconstruction ou d’agrandissement. Doivent être regardés comme des travaux de reconstruction, ceux qui comportent la création de nouveaux locaux d’habitation, ou qui ont pour effet d’apporter une modification importante au gros œuvre, ainsi que les travaux d’aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à des travaux de reconstruction, et, comme des travaux d’agrandissement, ceux qui ont pour effet d’accroître le volume ou la surface habitable des locaux existants. Des travaux d’aménagement interne, quelle que soit leur importance, ne peuvent être regardés comme des travaux de reconstruction que s’ils affectent le gros œuvre ou s’il en résulte une augmentation du volume ou de la surface habitable.

5. Dans tous les cas, il appartient au contribuable de justifier de la nature, du montant et du caractère déductible des dépenses qu’il entend porter en déduction de son revenu global. Il peut le faire par la production de tous documents à la condition, toutefois, que ces documents décrivent, avec une précision suffisante, la nature des travaux effectués. Dans l’hypothèse où le contribuable produit de tels documents, il incombe ensuite à l’administration fiscale, si elle s’y croit fondée, d’établir que les charges en cause ne sont pas déductibles. La charge de la preuve incombant initialement au contribuable, notamment au regard des documents produits, l’administration fiscale n’est pas tenue de vérifier sur place la nature des travaux pour en déduire le caractère déductible des dépenses y afférentes. Le recours à un expert ne dispense pas le contribuable de son obligation de justifier du bien-fondé des déductions opérées.

6. Il résulte de l’instruction que la société civile immobilière dont M. et Mme A sont gérants et associés a déposé un dossier de demande de permis de construire en vue de la rénovation de la façade nord de l’ensemble immobilier en cause. Par arrêté du 10 septembre 2010, le maire de la ville de Nantes lui a délivré le permis de construire dont l’objet consiste en la démolition et reconstruction du bâtiment E, comportant initialement deux garages surmontés de greniers, pour être affecté à un usage mixte de bureaux et de logements, la construction du bâtiment G à l’emplacement de la cour pavée, composé de deux logements et de trois garages couverts, la restructuration du bâtiment F, à l’origine constitué de quatre garages surmontés de greniers, en vue de son affectation à usage mixte de bureaux et de logements, et, enfin, la restructuration du bâtiment H, ancien hôtel de la Poule-Noire, en vue de la création de quatre garages au rez-de-chaussée, et de quatre logements sur deux niveaux.

7. Il résulte également de l’instruction que ce bâtiment à usage d’hôtel, dont la fermeture définitive remonte à l’année 1979, a été acquis par la SCI La Poule Noire dans un état de délabrement particulièrement avancé, dépourvu de plusieurs huisseries et des réseaux d’alimentation en eau et électricité. Il résulte du document d’études géotechniques d’avant-projet G12 réalisé par la société B.E.T.A.P. Ingénierie le 2 décembre 2009, produit par l’administration fiscale, que l’opération de réhabilitation du bâtiment H « prévoit la conservation des façades en maçonnerie de pierre et la démolition des planchers bois existants et leur emplacement par des planchers dalle pleine sur refends intérieurs en parpaings creux ». Il n’est pas contesté que les travaux, effectués en 2013 et 2014 et dont la déduction a été remise en cause par l’administration fiscale, ont consisté en un réaménagement intérieur complet, après décloisonnement, des anciennes chambres d’hôtel afin d’y réaliser aux premier et second étages des logements de type T2 et T3, les logements du second étage disposant chacun d’une mezzanine accessible par un escalier intérieur correspondant aux combles d’origine, un renouvellement des réseaux électriques et des branchements ainsi que des équipements de chauffage, la pose de quatre portes de garage après élargissement des ouvertures d’origine et le rehaussement du plancher du premier niveau, qui correspondait à l’origine à un « rez-de-chaussée » surélevé. En outre, ainsi que l’exposent les requérants dans leur requête, les dépenses étaient constituées de travaux de ravalement, de réfection partielle de toiture en raison du déplacement et de l’agrandissement des fenêtres de toit d’origine et de remplacement des menuiseries, à savoir le bouchage de toutes les ouvertures situées à l’ouest en raison de l’édification prochaine du bâtiment G, mitoyen, pour création d’ouvertures à l’est. Par ailleurs, ainsi qu’il ressort des factures produites par les requérants, ont été réalisés des travaux de plomberie, d’électricité, de carrelage, de menuiserie et de peinture de très grande ampleur, qui ont concerné tous les niveaux du bâtiment et qui n’ont été rendus possibles que par la réalisation en amont de travaux affectant le gros œuvre de démolition de planchers, d’isolation et de cloisonnement.

8. Dans ces conditions, eu égard à leur nature et à leur ampleur, les travaux en cause qui ont affecté le gros œuvre et entraîné une redistribution totale de l’aménagement intérieur de l’ancien hôtel, doivent être regardés comme des travaux de reconstruction ou, en tout état de cause, comme des travaux d’amélioration, de réparation et d’entretien non dissociables des travaux de reconstruction, nonobstant le fait que la SCI La Poule Noire ait pris le soin de ne pas porter en déduction les dépenses de travaux relatives au bâtiment G, qui est une construction nouvelle, et ait distingué sans ambiguïté sur les factures ces travaux d’avec ceux réalisés sur le bâtiment H. Par suite, c’est par une exacte application des dispositions citées de l’article 31 du code général des impôts, que l’administration fiscale, estimant que les dépenses engagées ne pouvaient être regardées comme des dépenses d’entretien et d’amélioration déductibles, les a réintégrées dans les résultats de la SCI La Poule Noire et a tiré les conséquences de cette réintégration dans les bases imposables de M. et Mme A à l’impôt sur le revenu au titre des années 2013, 2014 et 2015.

9. En second lieu, à supposer que les requérants entendent en invoquer le bénéfice sur le fondement de l’article L. 80 A du livre des procédures fiscales, les énonciations des paragraphes 10, 70, 110, 130 et 140 de l’instruction administrative référencée BOI-RFPI-BASE-20-30-10 et celles des paragraphes 230, 240 et 250 de l’instruction administrative référencée BOI-RFPI-BASE-20-30-20 ne comportent aucune interprétation différente de la loi dont il a été fait application ci-dessus.

En ce qui concerne les pénalités :

10. Aux termes de l’article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ainsi que la restitution d’une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l’Etat entraînent l’application d’une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / () « . Aux termes de l’article L. 195 A du livre des procédures fiscales : » En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs () la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l’administration ".

11. La pénalité pour manquement délibéré prévue par le a) de l’article 1729 du code général des impôts a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir ce manquement délibéré, l’administration doit apporter la preuve, d’une part, de l’insuffisance, de l’inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d’autre part, de l’intention de l’intéressé d’éluder l’impôt. Pour établir le caractère intentionnel du manquement du contribuable à son obligation déclarative, l’administration doit se placer au moment de la déclaration ou de la présentation de l’acte comportant l’indication des éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt. Si l’administration se fonde également sur des éléments tirés du comportement du contribuable pendant la vérification, la mention d’un tel motif, qui ne peut en lui-même justifier l’application d’une telle pénalité, ne fait pas obstacle à ce que le manquement délibéré soit regardé comme établi dès lors que les conditions rappelées ci-dessus sont satisfaites.

12. Il résulte des termes de la proposition de rectification adressée à la SCI La Poule Noire à laquelle fait référence la proposition de rectification adressée à M. et Mme A que, pour assujettir les requérants à des pénalités pour manquement délibéré, l’administration fiscale s’est notamment fondée sur la circonstance que la SCI La Poule Noire a porté en déduction des dépenses de travaux, essentiellement de second œuvre, en les présentant comme déductibles au titre du 1° du 1 de l’article 31 du code général des impôts, alors qu’elle ne pouvait ignorer que ces travaux n’avaient été rendus possibles que par une première phase de travaux de plus grande envergure, affectant le gros œuvre du bâtiment concerné, qui devait s’analyser comme des travaux de reconstruction. A cet égard, la circonstance que la SCI La Poule Noire se soit gardée de déduire les dépenses de travaux afférentes à la construction du bâtiment G ne saurait être un gage de sa bonne foi, puisque les dépenses litigieuses sont exclusivement relatives au bâtiment H. Un tel manquement, établi par l’administration, est à lui seul de nature à justifier légalement l’application de la pénalité prévue par le a) de l’article 1729 du code général des impôts

13. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins de décharge présentées par M. et Mme A dans la requête initialement enregistrée sous le n° 1812094 doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à la décharge des impositions supplémentaires initialement contestées dans la requête enregistrée sous le n° 1901574 :

14. Par un acte du 29 mars 2013, M. et Mme A ont acquis un bien immobilier situé 100, avenue du Général de Gaulle à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique) comprenant, au rez-de-chaussée, deux locaux à usage de commerce, au premier étage, deux appartements et au deuxième étage, deux appartements également, le troisième étage étant quant à lui constitué de quatre greniers. Dans le cadre des travaux de rénovation et d’agrandissement réalisés de septembre à décembre 2013 sur cet immeuble destiné à la location, les époux A ont porté en déduction de leurs revenus fonciers perçus en 2013 et 2014 des dépenses de travaux d’un montant respectif de 102 213 euros et 52 268 euros. Par lettre du 12 octobre 2017, l’administration fiscale a adressé à l’entreprise Décor Concept, en tant qu’elle a pris part aux travaux en litige et dont M. A est le gérant et associé, une demande de communication des factures établies au nom de M. et Mme A au titre de l’année 2014. Une seconde demande a été adressée cette fois à M. et Mme A eux-mêmes, le 19 octobre 2017. Ces deux courriers étant demeurés sans réponse, l’administration fiscale a notifié aux contribuables, par une proposition de rectification du 11 décembre 2017, des cotisations supplémentaires d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux au titre de l’année 2014, l’année 2013 étant prescrite, à raison de la réintégration d’une somme de 52 268 euros dans le revenu foncier de l’année 2014 de M. et Mme A. La réclamation des contribuables, présentée le 5 juin 2018, a fait l’objet d’une décision d’admission partielle en date du 12 décembre 2018, prononçant un dégrèvement à concurrence de la somme de 7 261 euros en droits et pénalités, à raison de l’admission de la déductibilité d’une partie des dépenses, réduisant ainsi de 8 643 euros la somme réintégrée par l’administration dans les revenus fonciers des contribuables au titre de l’année 2014. M. et Mme A demandent au tribunal la décharge des impositions supplémentaires ainsi que des pénalités correspondantes demeurant en litige.

15. Aux termes de l’article 31 du code général des impôts : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : / 1° Pour les propriétés urbaines : / a) Les dépenses de réparation et d’entretien effectivement supportées par le propriétaire ; () / b) Les dépenses d’amélioration afférentes aux locaux d’habitation, à l’exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d’agrandissement () ". Ainsi qu’il a été rappelé au point 4, il résulte de ces dispositions que ne sont pas déductibles du revenu global, en tant que déficits fonciers, les dépenses exposées par le propriétaire d’un immeuble ayant fait l’objet de travaux exécutés dans le cadre d’une opération groupée de restauration immobilière lorsqu’il s’agit, soit de travaux de construction, de reconstruction ou d’agrandissement, soit de travaux qui, bien que ne présentant pas ces caractères, sont eux-mêmes indissociables de travaux de construction, de reconstruction ou d’agrandissement, l’administration de la preuve du caractère déductible de telles dépenses étant régie par les principes rappelés au point 5 du présent jugement.

16. Il résulte de l’instruction, d’une part, que l’administration fiscale a remis en cause la déduction, par M. et Mme A, de leurs revenus fonciers perçus en 2013, de la somme de 90 192 euros correspondant au rejet d’une facture de l’entreprise Rousseau, d’un montant de 2 757,63 euros et d’une facture de l’entreprise Décor Concept d’un montant de 87 322,70 euros. D’autre part, elle a remis en cause la déduction par les contribuables, de leurs revenus fonciers perçus en 2014, de la somme de 52 268 euros correspondant au rejet des deux factures de l’entreprise Décor Concept, du 19 décembre 2013 et du 20 décembre 2013, d’un montant respectif de 12 965 euros et de 39 302 euros. Les requérants se bornent, à l’appui de leur requête, à critiquer la remise en cause de la déductibilité de la facture d’un montant de 39 302 euros, dont la déductibilité a été rejetée au motif que ses mentions ne permettent pas d’établir que les travaux en cause portaient, ainsi que le soutiennent les requérants, sur l’appartement de type T1 situé sur le palier droit du deuxième étage, sur lequel il est constant que seuls des travaux de rénovation déductibles des revenus fonciers en vertu du 1° du 1 de l’article 31 du code général des impôts ont été réalisés.

17. Ainsi que le fait valoir l’administration fiscale, il résulte des termes mêmes de cette facture, après comparaison avec les mentions de la facture du 10 septembre 2013 relative aux travaux effectués sur l’appartement réputé identique situé au palier droit du premier étage, que les montants des lignes relatives à la plomberie, telle que le « raccordement alimentation et évacuation » et le « remplacement ensemble colonne évacuation EU » sont respectivement huit et trois fois plus élevé que ceux figurant dans la facture de septembre. En outre, si la mention « remplacement » figure tout au long de la facture de septembre 2013, celle-ci est absente de la facture du 20 décembre 2013, cette circonstance ne permettant pas d’établir que cette prestation aurait consisté en un simple remplacement des anciens matériaux. Par ailleurs, des dépenses particulièrement élevées, d’un montant de 5 129 euros hors taxes, relatives à l’installation d’un interphone, la réalisation de saignées et leur rebouchage et le « câblage unifilaire sous gaine et RO 2 V » ne sont pas au nombre de celles figurant pour l’appartement réputé identique et, eu égard à l’importance de leur montant, ne permettent pas de considérer qu’il s’agit du simple remplacement de l’existant. Enfin, sans que les requérants ne soient en mesure de fournir des explications sur ce point, la facture n° FC 20120082 litigieuse a été produite en deux exemplaires dont la date a évolué, d’abord datée du 27 décembre 2013 au stade la présentation de leurs observations le 9 février 2018, elle est ensuite datée du 20 décembre 2013 au stade de la réclamation présentée le 5 juin 2018. Enfin, l’intitulé même de cette facture présente une incohérence dans la mesure où il vise non pas l’appartement T2 du deuxième étage droite mais l’appartement T2 du premier étage droite, pour lequel des travaux ont déjà été facturés en septembre 2013.

18. Si les requérants arguent d’une simple erreur matérielle concernant désignation de l’étage, un tel argument ne saurait être retenu eu égard, notamment, aux nombreuses imprécisions et incohérences énumérées ci-dessus que comporte la facture en litige. A cet égard, en dépit de nombreuses relances de la part de l’administration, les requérants n’ont produit aucune facture relative aux travaux de construction et d’agrandissement effectués au troisième étage de l’immeuble, de telle sorte qu’ils n’ont pas mis l’administration fiscale en mesure de valider, par comparaison, que les dépenses figurant sur la facture n° FC 20120082 avaient exclusivement trait aux travaux de rénovation réalisés dans l’appartement situé sur le palier droit du deuxième étage. Dans ces conditions, c’est par une exacte application des dispositions citées de l’article 31 du code général des impôts, que l’administration fiscale, qui ne s’est pas fondée, contrairement à ce que soutiennent les requérants, sur la circonstance que la majorité des travaux avaient été réalisés par l’entreprise de M. A, l’EURL Décor Concept, a réintégré dans les revenus fonciers de M. et Mme A au titre de l’année 2014 la somme correspondant au montant des charges insuffisamment caractérisées.

19. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins de décharge initialement présentées par M. et Mme A dans la requête enregistrée sous le n° 1901574 doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

20. Les dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l’Etat, qui n’est pas dans la présente instance la partie perdante, les sommes demandées par M. et Mme A au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. et Mme B A et à la directrice régionale des finances publiques des Pays de la Loire et du département de la Loire-Atlantique.

Délibéré après l’audience du 9 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Livenais, président,

M. Huin, premier conseiller,

Mme Thierry, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

La rapporteure,

S. THIERRY

Le président,

Y. LIVENAISLa greffière,

C. MICHAULT

La République mande et ordonne au ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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Tribunal administratif de Nantes, 4ème chambre, 30 décembre 2022, n° 2208807