Tribunal administratif de Nantes, 4ème chambre, 30 décembre 2022, n° 2003479

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Nantes, 4e ch., 30 déc. 2022, n° 2003479
Juridiction : Tribunal administratif de Nantes
Numéro : 2003479
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 23 mars 2020, M. C, représenté par Me Compin, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l’intérieur a rejeté son recours contre la décision du 26 septembre 2019 par laquelle le préfet de police de Paris a rejeté sa demande de naturalisation ainsi que la décision du préfet de police de Paris du 26 septembre 2019 ;

2°) d’enjoindre au ministre de l’intérieur, à titre principal, de lui accorder la naturalisation et à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation.

Il soutient que :

— la décision est insuffisamment motivée ;

— la décision attaquée a été prise à l’issue d’une procédure entachée de vice ;

— elle est entachée d’erreur de droit et d’erreur manifeste d’appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2020, le ministre de l’intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. C ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le code civil ;

— le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

— le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le rapport de M. A a été entendu au cours de l’audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C a présenté une demande de naturalisation auprès du préfet de police de Paris qui a été rejetée par une décision du 26 septembre 2019. M. C a formé un recours contre cette décision devant le ministre de l’intérieur. Le silence gardé par le ministre de l’intérieur sur ce recours a fait naître une décision implicite de rejet à l’expiration du délai de quatre mois prévu à l’article 45 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993. Par la présente requête M. C demande l’annulation de la décision implicite du ministre de l’intérieur rejetant son recours contre la décision du préfet de police de Paris du 26 septembre 2019 ainsi que cette dernière.

Sur les conclusions à fin d’annulation de la décision du préfet de police de Paris :

2. En application des dispositions de l’article 45 du décret du 30 décembre 1993 susvisé, les décisions par lesquelles le ministre de l’intérieur statue sur les recours préalables obligatoires se substituent à celles des autorités préfectorales qui lui sont déférées. Ainsi, la décision implicite par laquelle le ministre de l’intérieur a rejeté le recours hiérarchique de l’intéressé s’est substituée à la décision du préfet de police de Paris du 26 septembre 2019. Il en résulte d’une part que les conclusions à fin d’annulation de la décision préfectorale sont irrecevables et doivent être rejetées et d’autre part, que les moyens ne concernant que la légalité de la décision du préfet de police de Paris du 26 septembre 2019 sont inopérants.

Sur les conclusions à fin d’annulation de la décision du ministre de l’intérieur :

3. En premier lieu, aux termes de l’article L. 211-2 du code des relations entre le public et l’administration : « Les personnes physiques ou morales ont le droit d’être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : () 8° Rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d’une disposition législative ou réglementaire. » L’article L. 232-4 du même code dispose toutefois : « Une décision implicite intervenue dans les cas où la décision explicite aurait dû être motivée n’est pas illégale du seul fait qu’elle n’est pas assortie de cette motivation. / Toutefois, à la demande de l’intéressé, formulée dans les délais du recours contentieux, les motifs de toute décision implicite de rejet devront lui être communiqués dans le mois suivant cette demande () ».

4. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C ait demandé que le ministre de l’intérieur lui communique les motifs de sa décision implicite. Dans ces conditions, M. C n’est pas fondé à soutenir que le ministre de l’intérieur aurait méconnu l’obligation de motivation qui s’imposait à lui en rejetant son recours par une décision implicite.

5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que, dans le cadre de l’instruction de sa demande de naturalisation, tant l’enquête administrative que l’entretien d’assimilation des candidats à l’acquisition de la nationalité française prévues par les articles 36 et 41 du décret du 30 décembre 1993 ont été organisés.

6. En troisième et dernier lieu, d’une part, aux termes de l’article 21-15 du code civil : « () l’acquisition de la nationalité française par décision de l’autorité publique résulte d’une naturalisation accordée par décret à la demande de l’étranger ». Aux termes de l’article 48 du décret du 30 décembre 1993 susvisé : « () Si le ministre chargé des naturalisations estime qu’il n’y a pas lieu d’accorder la naturalisation ou la réintégration sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l’ajournement en imposant un délai ou des conditions. Ce délai une fois expiré ou ces conditions réalisées, il appartient à l’intéressé, s’il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande ».

7. D’autre part, l’article 21-24 du code civil dispose : « Nul ne peut être naturalisé s’il ne justifie de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue, de l’histoire, de la culture et de la société françaises, dont le niveau et les modalités d’évaluation sont fixés par décret en Conseil d’Etat, et des droits et devoirs conférés par la nationalité française ainsi que par l’adhésion aux principes et aux valeurs essentiels de la République ». Aux termes de l’article 37 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française susvisé : " Pour l’application de l’article 21-24 du code civil : () 2° Le demandeur doit justifier d’un niveau de connaissance de l’histoire, de la culture et de la société françaises correspondant aux éléments fondamentaux relatifs : / a) Aux grands repères de l’histoire de France : il est attendu que le postulant ait une connaissance élémentaire de la construction historique de la France qui lui permette de connaître et de situer les principaux événements ou personnages auxquels il est fait référence dans la vie sociale ; / b) Aux principes, symboles et institutions de la République : il est attendu du postulant qu’il connaisse les règles de vie en société, notamment en ce qui concerne le respect des lois, des libertés fondamentales, de l’égalité, notamment entre les hommes et les femmes, de la laïcité, ainsi que les principaux éléments de l’organisation politique et administrative de la France au niveau national et territorial () ".

8. L’autorité administrative dispose, en matière de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité française, d’un large pouvoir d’appréciation. Elle peut, dans l’exercice de ce pouvoir, prendre en considération notamment, pour apprécier l’intérêt que présenterait l’octroi de la nationalité française, les renseignements défavorables concernant le comportement de l’intéressé, ainsi que son assimilation à la société française, notamment sur son niveau de connaissance des principes de la République et de ses institutions, tel qu’il est révélé par l’entretien individuel prévu par l’article 41 du décret précité du 30 décembre 1993.

9. Pour rejeter la demande de naturalisation de M. C, le ministre de l’intérieur, qui s’est approprié les motifs de la décision du préfet de police de Paris du 26 septembre 2019, s’est fondé sur les motifs tirés d’une part de ce qu’il a tenu à plusieurs reprises durant l’entretien des propos révélant un défaut manifeste d’adhésion aux principes et valeurs essentiels de la République française notamment en matière d’égalité entre les femmes et les hommes et d’autre part de ce qu’il avait manifesté une connaissance insuffisante des éléments fondamentaux relatifs aux grands repères de l’histoire de la France, aux règles de la vie en société et aux principaux droits et devoirs liés à l’exercice de la citoyenneté française.

10. Il ressort des termes du compte-rendu de l’entretien d’évaluation passé par M. C avec un agent de la préfecture de police de Paris le 26 juin 2019 que le requérant a d’une part, précisé que, dans un couple, l’épouse n’était pas placée sur le même plan d’égalité que l’époux et que seule cette dernière devait effectuer les tâches ménagères. D’autre part, il n’a pas été en mesure de citer les valeurs de la République, des exemples de droits et devoirs du citoyen, le nombre de guerres mondiales que la France a traversé, les couleurs du drapeau français, le nom de l’hymne national, le nom du fleuve traversant Paris et qu’il n’a pas pu décrire les principes de démocratie, de liberté et de laïcité. En se bornant à soutenir que la décision est entachée d’erreur de droit, sans apporter de précision au soutien de ses allégations, et en soutenant qu’il est présent sur le territoire français depuis plus de 48 années, qu’il justifie d’un logement adapté, que la décision perturbe sa vie et qu’il a une santé fragile, M. C ne conteste pas utilement les mentions portées sur ce compte-rendu et ainsi prises en compte par le ministre de l’intérieur. Par suite, eu égard au large pouvoir d’appréciation dont dispose le ministre, ce dernier n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en rejetant pour ce motif la demande de M. C.

11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation présentées par M. C doivent être rejetées.

Sur les conclusions à fin d’injonction :

12. Le présent jugement, qui rejette les conclusions à fin d’annulation présentées par M. C, n’appelle aucune mesure d’exécution. Dès lors, les conclusions à fin d’injonction présentées par le requérant doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B C et au ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l’audience du 9 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Livenais, président,

M. Huin, premier conseiller.

Mme Thierry, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

Le rapporteur,

F. A

Le président,

Y. LIVENAIS

La greffière,

C. MICHAULT

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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