Tribunal administratif de Nantes, 5ème chambre, 1er décembre 2022, n° 1907343

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Nantes, 5e ch., 1er déc. 2022, n° 1907343
Juridiction : Tribunal administratif de Nantes
Numéro : 1907343
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 5 juillet 2019, Mme B G, représentée par Me Aurore Delcour, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 19 octobre 2018 par laquelle le préfet de Seine-Saint-Denis a déclaré irrecevable sa demande d’acquisition de la nationalité française par la voie de la naturalisation ;

2°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros en application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

— la décision attaquée a été signée par une autorité qui n’était pas habilitée à cette fin ;

— elle n’est pas suffisamment motivée ;

— elle est entachée d’erreur manifeste d’appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 novembre 2019, le ministre de l’intérieur demande au tribunal de rejeter les conclusions présentées par Mme G.

Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code civil ;

— le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

— le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 ;

— le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour et de l’heure de l’audience.

Le rapport de M. F a été entendu au cours de l’audience publique qui s’est tenue le 3 novembre 2022 à partir de 9h45.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B G est une ressortissante sri-lankaise qui est née le 17 avril 1972. Elle a présenté, auprès des services de la préfecture de Seine-Saint-Denis, département dans lequel elle est domiciliée, une demande tendant à l’acquisition de la nationalité française par la voie de la naturalisation. Par une décision du 19 octobre 2018, le préfet de ce département a déclaré irrecevable cette demande. Mme G a, pour contester cette décision et comme elle y était tenue en application de l’article 45 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatif notamment aux décisions de naturalisation, saisi le ministre de l’intérieur d’un recours. Ce recours a été expressément rejeté le 30 avril 2019, le ministre de l’intérieur estimant également que la demande de naturalisation devait être déclarée irrecevable. L’intéressée demande au tribunal l’annulation de cette dernière décision qui s’est substituée à celle du préfet de Seine-Saint-Denis.

2. En premier lieu, en vertu de l’article 1er du décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement, la directrice de l’accueil, de l’accompagnement des étrangers et de la nationalité bénéficie d’une délégation pour signer, au nom du ministre chargé des naturalisations, l’ensemble des actes, à l’exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous son autorité. Ce même décret autorise, en son article 3, cette directrice à déléguer elle-même cette signature.

3. Par une décision du 30 août 2018, régulièrement publiée le lendemain, Mme A D, directrice de l’accueil, de l’accompagnement des étrangers et de la nationalité, nommée dans ces fonctions par décret du président de la République du 28 septembre 2016, régulièrement publié, a donné à Mme C E, cheffe du bureau des affaires juridiques du précontentieux et du contentieux au sein de la sous-direction de l’accès à la nationalité française de la direction générale des étrangers en France, une délégation, qui est, en tout état de cause, assortie des précisions suffisantes, pour signer les décisions statuant sur les recours formés sur le fondement de l’article 45 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993. Par suite, le moyen tiré de l’absence d’une délégation de signature exécutoire au bénéfice de la signataire de la décision attaquée doit être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l’article 27 du code civil : « Toute décision () rejetant une demande () de naturalisation () doit être motivée », c’est à dire qu’elle doit comporter l’énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. L’autorité statuant sur la demande de naturalisation n’a dès lors pas l’obligation d’énoncer l’ensemble des éléments invoqués par l’intéressée à l’appui de sa demande, mais uniquement ceux sur lesquels elle estime pouvoir fonder sa décision.

5. La décision attaquée mentionne que la demande de naturalisation présentée par

Mme B G est déclarée irrecevable au motif que son niveau de connaissance de la langue française est insuffisant dès lors qu’il est inférieur au niveau B1 oral requis par l’article 37 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993. La décision précise que l’attestation justifiant d’un niveau oral de connaissance de la langue française qui a été produite justifie d’un niveau inférieur et qu’il ressort du compte-rendu d’entretien que l’intéressée n’a pas été capable de comprendre les points essentiels d’une conversation courante, ni de converser sur des sujets familiers et concernant ses centres d’intérêt. L’énoncé de ces éléments a ainsi permis à

Mme G de connaître les raisons pour lesquelles sa demande a été déclarée irrecevable, ce qui suffit à satisfaire à l’exigence de motivation en fait inscrite à l’article 27 du code civil. La décision vise également les articles 21-24 du code civil et 37 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 relatifs au critère du degré de connaissance de la langue française. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisante motivation de la décision attaquée doit être écarté.

6. En dernier lieu, aux termes du premier alinéa de l’article 21-24 du code civil : « Nul ne peut être naturalisé s’il ne justifie de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue, de l’histoire () françaises, dont le niveau et les modalités d’évaluation sont fixés par décret en Conseil d’Etat (). ».

7. Selon l’article 37 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993, dans sa rédaction alors applicable : « Pour l’application de l’article 21-24 du code civil : 1° Tout demandeur doit justifier d’une connaissance de la langue française caractérisée par la compréhension des points essentiels du langage nécessaire à la gestion de la vie quotidienne et aux situations de la vie courante ainsi que par la capacité à émettre un discours simple et cohérent sur des sujets familiers dans ses domaines d’intérêt. Son niveau est celui défini par le niveau B1, rubriques »écouter« , »prendre part à une conversation« et »s’exprimer oralement en continu« du Cadre européen commun de référence pour les langues, tel qu’adopté par le comité des ministres du Conseil de l’Europe dans sa recommandation CM/ Rec (2008) du 2 juillet 2008. / Un arrêté du ministre chargé des naturalisations définit les diplômes permettant de justifier d’un niveau égal ou supérieur au niveau requis. / A défaut d’un tel diplôme, le demandeur peut justifier de la possession du niveau requis par la production d’une attestation délivrée soit par un organisme reconnu par l’Etat comme apte à assurer une formation »français langue d’intégration", soit à l’issue d’un test linguistique certifié ou reconnu au niveau international, comportant des épreuves distinctes permettant une évaluation du niveau de compréhension du demandeur et, par un entretien, celle de son niveau d’expression orale, et figurant sur une liste fixée par un arrêté du ministre chargé des naturalisations ; () « . L’article 41 de ce même décret dispose : » Le postulant se présente en personne devant un agent désigné nominativement par l’autorité administrative chargée de recevoir la demande. / () / Font également l’objet d’un entretien individuel destiné à connaître leur niveau linguistique les postulants qui produisent une attestation justifiant d’un niveau inférieur à celui défini à l’article 37. () ".

8. Mme G n’a pas produit de diplôme permettant de justifier qu’elle avait atteint le niveau B1 requis pour établir le caractère suffisant de sa connaissance de la langue française. L’attestation qu’elle produit de réalisation du test de connaissance orale de cette langue, pour l’acquisition de la nationalité française, mentionne qu’elle n’a atteint que le niveau A2, qui est inférieur au niveau B1. Mme G a dès lors fait l’objet d’un contrôle de son degré de connaissance de cette langue lors de l’entretien individuel devant l’agent de la préfecture de Seine-Saint-Denis qui s’est tenu le 27 février 2017. La requérante n’assortit ses allégations concernant les conditions de déroulement de son entretien, qu’elle présente comme s’apparentant à un « interrogatoire » et comme ayant été conduit trop rapidement, d’aucun élément de nature à en établir le bien-fondé. Il ressort de la grille d’évaluation du niveau en langue française de Mme G, réalisée lors de cet entretien et produite en défense, dont aucune disposition n’impose qu’il soit signé par la postulante, que l’intéressée n’a pas justifié avoir atteint le niveau B1 requis. En se bornant à soutenir que son parcours professionnel est de nature à confirmer son intégration et qu’elle est au contact des enseignants de l’école au sein de laquelle sont inscrits ses enfants ainsi que des clients, fournisseurs et comptables dans le cadre de l’activité professionnelle de son époux, ce qui au demeurant ne ressort pas des pièces du dossier, l’intéressée ne conteste pas utilement l’appréciation ayant conduit le ministre de l’intérieur à déclarer irrecevable sa demande de naturalisation. Par suite, la décision attaquée ne peut être regardée comme étant entachée d’une erreur d’appréciation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions tendant à l’annulation de la décision déclarant irrecevable la demande de naturalisation présentée par Mme G, opposée par le ministre de l’intérieur le 30 avril 2019, doivent être rejetées. Par voie de conséquence, les conclusions qu’elle présente sur le fondement de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être également rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par Mme G est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme B G et au ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l’audience du 3 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Luc Martin, président,

M. David Labouysse, premier conseiller,

Mme Nathalie Caro, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2022.

Le rapporteur,

D. F

Le président,

L. MARTIN

La greffière,

V. MALINGRE

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

V. MALINGRE

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