Tribunal administratif de Nantes, 4ème chambre, 30 décembre 2022, n° 1911259

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Nantes, 4e ch., 30 déc. 2022, n° 1911259
Juridiction : Tribunal administratif de Nantes
Numéro : 1911259
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 8 septembre 2023

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 14 octobre 2019 et 4 mars 2021, M. B A, représenté par Me Daumont, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d’annuler la décision par laquelle le ministre de l’intérieur a implicitement confirmé la décision du préfet de l’Hérault du 4 avril 2019 déclarant irrecevable sa demande de naturalisation, ainsi que la décision préfectorale ;

2°) d’enjoindre au ministre de l’intérieur de lui accorder la nationalité française dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat le versement de la somme de 1 200 euros au profit de Me Daumont, qui renoncera, dans cette hypothèse, à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l’Etat au titre de l’aide juridictionnelle en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les décisions attaquées sont entachées d’erreur manifeste d’appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 19 juin 2020, le ministre de l’intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A ne sont pas fondés.

M. A a été admis au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 27 septembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

— le code civil ;

— le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le rapport de Mme C a été entendu au cours de l’audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B A, ressortissant algérien, a sollicité l’acquisition de la nationalité française. Par une décision du 4 avril 2019, le préfet de l’Hérault a déclaré cette demande irrecevable en application de l’article 21-24 du code civil. M. A a formé un recours contre cette décision devant le ministre de l’intérieur. Le silence gardé par le ministre de l’intérieur sur ce recours a fait naître une décision implicite de rejet à l’expiration du délai de quatre mois prévu à l’article 45 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993. M. A demande au tribunal l’annulation de ces décisions.

Sur les conclusions à fin d’annulation de la décision du préfet :

2. Aux termes de l’article 45 du décret du 30 décembre 1993 modifié susvisé : « Dans les deux mois suivant leur notification, les décisions prises en application des articles 43 et 44 peuvent faire l’objet d’un recours auprès du ministre chargé des naturalisations, à l’exclusion de tout autre recours administratif. Ce recours, pour lequel le demandeur peut se faire assister ou être représenté par toute personne de son choix, doit exposer les raisons pour lesquelles le réexamen de la demande est sollicité. Il constitue un préalable obligatoire à l’exercice d’un recours contentieux, à peine d’irrecevabilité de ce dernier. () ». Ces dispositions instituant un recours administratif préalable obligatoire à la saisine du juge, la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l’intérieur sur le recours administratif préalable formé devant lui s’est substituée à celle du préfet de l’Hérault. Par suite, les conclusions de la requête de M. A à fin d’annulation doivent être regardées comme exclusivement dirigées contre la décision implicite du ministre de l’intérieur.

Sur les conclusions à fin d’annulation de la décision implicite de rejet du ministre :

3. La décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l’intérieur à l’expiration du délai de quatre mois prévu par l’article 45 du décret du 30 décembre 1993 a confirmé la décision préfectorale du 4 avril 2019 déclarant irrecevable la demande de naturalisation de M. A au motif d’une connaissance insuffisante par le postulant des éléments fondamentaux relatifs aux grands repères de l’histoire de France, aux règles de vie en société et aux principaux droits et devoirs liés à l’exercice de la citoyenneté française.

4. Aux termes de l’article 21-24 du code civil : « Nul ne peut être naturalisé s’il ne justifie de son assimilation à la communauté française, notamment par une connaissance suffisante, selon sa condition, de la langue, de l’histoire, de la culture et de la société françaises, dont le niveau et les modalités d’évaluation sont fixés par décret en Conseil d’Etat, et des droits et devoirs conférés par la nationalité française ainsi que par l’adhésion aux principes et aux valeurs essentiels de la République. () ». Aux termes de l’article 37 du décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 : " Pour l’application de l’article 21-24 du code civil : / 1° Tout demandeur doit justifier d’une connaissance de la langue française caractérisée par la compréhension des points essentiels du langage nécessaire à la gestion de la vie quotidienne et aux situations de la vie courante ainsi que par la capacité à émettre un discours simple et cohérent sur des sujets familiers dans ses domaines d’intérêt. Son niveau est celui défini par le niveau B1, () / 2° Le demandeur doit justifier d’un niveau de connaissance de l’histoire, de la culture et de la société françaises correspondant aux éléments fondamentaux relatifs : a) Aux grands repères de l’histoire de France () ; / b) Aux principes, symboles et institutions de la République () ; / c) A l’exercice de la citoyenneté française () ; / d) A la place de la France dans l’Europe et dans le monde (). « En vertu de l’article 41 du même décret : » Lors d’un entretien individuel, l’agent vérifie que le demandeur possède les connaissances attendues de lui, selon sa condition, sur l’histoire, la culture et la société françaises, telles qu’elles sont définies au 2° de l’article 37. / A l’issue de cet entretien individuel, cet agent établit un compte rendu constatant le degré d’assimilation du postulant à la communauté française ainsi que, selon sa condition, son niveau de connaissance des droits et devoirs conférés par la nationalité française. / () « . Enfin, aux termes de l’article 48 de ce décret : » () Lorsque les conditions requises par la loi sont remplies, le ministre chargé des naturalisations propose, s’il y a lieu, la naturalisation (). Lorsque ces conditions ne sont pas remplies, il déclare la demande irrecevable. () ".

5. Il ressort du compte-rendu d’entretien d’assimilation des candidats à l’acquisition de la nationalité française par décret qui a eu lieu le 6 mars 2019 à la préfecture de l’Hérault que la connaissance de M. A de l’histoire, de la culture, de la société française et des droits et devoirs liés à l’exercice de la citoyenneté française a été jugée insatisfaisante dans la mesure où le postulant, qui soutient pourtant résider sur le territoire français depuis près de cinquante ans, bien qu’il ait été capable d’apporter plusieurs réponses correctes aux questions qui lui ont été posées, ignorait néanmoins les libertés fondamentales garanties par la République et la fonction du Parlement, n’a pas su nommer le texte définissant l’organisation de l’Etat ni la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen. Il n’a pas su indiquer quelles étaient les trois collectivités qui exercent des compétences au niveau local ni citer un secteur d’excellence de l’économie française. Il n’a pas su enfin définir la laïcité autrement que par l’affirmation suivante : « c’est la religion, on peut pratiquer trois religions ». Si M. A, âgé de soixante-douze ans à la date de l’entretien, fait valoir que les troubles auditifs dont il est atteint, dans la mesure où il avait omis de se munir de ses appareils auditifs ce jour-là, sont à l’origine de ses lacunes, il ne ressort toutefois pas du compte-rendu d’entretien qu’il aurait eu des difficultés à entendre les questions posées par l’agent. Dans ces conditions, le ministre de l’intérieur n’a pas commis d’erreur d’appréciation en déclarant irrecevable la demande du requérant pour le motif énoncé au point 3, quand bien même il justifierait d’un séjour particulièrement long sur le territoire français.

6. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d’annulation présentées par M. A doivent être rejetées, de même que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d’injonction sous astreinte et celles tendant à l’application des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative et de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. B A, à Me Daumont et au ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l’audience du 9 décembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Livenais, président,

M. Huin, premier conseiller,

Mme Thierry, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 décembre 2022.

La rapporteure,

S. CLe président,

Y. LIVENAIS

La greffière,

C. MICHAULT

La République mande et ordonne au ministre de l’intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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