Tribunal administratif de Nantes, 3ème chambre, 29 décembre 2023, n° 2100038

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Nantes, 3e ch., 29 déc. 2023, n° 2100038
Juridiction : Tribunal administratif de Nantes
Numéro : 2100038
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 13 février 2024

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 4 janvier 2021, Mme A B, représentée par Me Gorgol, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 11 octobre 2019 par laquelle le préfet de la Moselle a rejeté sa demande de naturalisation ;

2°) d’enjoindre à l’autorité compétente de faire droit à sa demande de naturalisation ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 000 euros au titre des articles L.'761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que la décision attaquée est insuffisamment motivée et est entachée d’erreur manifeste d’appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 octobre 2021, le ministre de l’intérieur conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que la requête est irrecevable, en raison de la tardiveté du recours préalable obligatoire formé par l’intéressée et dès lors que la décision préfectorale, à laquelle s’est substituée la décision ministérielle du 14 septembre 2021, ne peut plus être contestée devant le juge.

Mme B a été admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 11 juin 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le code civil ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

— le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

— le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le rapport de M. Cantié a été entendu au cours de l’audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B, ressortissante marocaine née le 1er janvier 1977, a sollicité l’acquisition de la nationalité française par naturalisation. Par une décision du 11 octobre 2019, le préfet de la Moselle a rejeté sa demande. Saisi par lettre reçue le 4 août 2020 du recours préalable obligatoire prévu par le décret du 30 décembre 1993, le ministre de l’intérieur l’a rejeté par une décision du 14 septembre 2021. Mme B demande au tribunal l’annulation de la décision préfectorale du 11 octobre 2019.

Sur l’objet du litige :

2. Postérieurement à l’enregistrement de la requête de Mme B, le ministre de l’intérieur a rejeté le recours préalable de l’intéressée, par la décision précitée du 14 septembre 2021, au motif de la tardiveté de ce recours. Il résulte des dispositions de l’article 45 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française que les décisions par lesquelles le ministre en charge des naturalisations statue sur les recours préalables obligatoires se substituent à celles prises par le préfet. Dès lors, Mme B, qui n’est pas recevable à demander l’annulation de la décision préfectorale du 11 octobre 2019, doit être regardée comme demandant l’annulation de la décision en date du 14 septembre 2021 du ministre de l’intérieur, qui s’y est substituée.

Sur la recevabilité du recours administratif préalable obligatoire :

3. Aux termes de l’article 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique : « Les personnes physiques dont les ressources sont insuffisantes pour faire valoir leurs droits en justice peuvent bénéficier d’une aide juridictionnelle. Cette aide est totale ou partielle. () ». Aux termes de l’article 10 de cette loi : « L’aide juridictionnelle est accordée en matière gracieuse ou contentieuse, en demande ou en défense devant toute juridiction () ». Aux termes de l’article 7 de la même loi : « L’aide juridictionnelle est accordée à la personne dont l’action n’apparaît pas, manifestement, irrecevable ou dénuée de fondement () ».

4. Aux termes de l’article 43 du décret du 28 décembre 2020 portant application de la loi précitée : " () lorsqu’une action en justice ou un recours doit être intenté avant l’expiration d’un délai devant les juridictions de première instance ou d’appel, l’action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d’aide juridictionnelle s’y rapportant est adressée ou déposée au bureau d’aide juridictionnelle avant l’expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter : 1° De la notification de la décision d’admission provisoire ;/ 2° De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ; / 3° De la date à laquelle le demandeur de l’aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d’admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l’article 69 et de l’article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée ;/ 4° Ou, en cas d’admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné ".

5. Aux termes de l’article 45 du décret du 30 décembre 1993 mentionné ci-dessus : « Dans les deux mois suivant leur notification, les décisions prises en application des articles 43 et 44 peuvent faire l’objet d’un recours auprès du ministre chargé des naturalisations, à l’exclusion de tout autre recours administratif. / Ce recours, pour lequel le demandeur peut se faire assister ou être représenté par toute personne de son choix, doit exposer les raisons pour lesquelles le réexamen de la demande est sollicité. Il constitue un préalable obligatoire à l’exercice d’un recours contentieux, à peine d’irrecevabilité de ce dernier ».

6. Il résulte de ces dispositions qu’un recours administratif préalable obligatoire contre une décision préfectorale déclarant irrecevable, ajournant ou rejetant une demande de naturalisation ne peut avoir pour effet d’ouvrir un délai de recours contentieux contre la décision du ministre de l’intérieur prise sur ce recours administratif préalable obligatoire qu’à la condition d’avoir été formé dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision préfectorale.

7. Il ressort des pièces du dossier que la décision du préfet de la Moselle en date du 11 octobre 2019 a été régulièrement notifiée, avec l’indication des voies et délais de recours, par voie postale à Mme B le 19 octobre 2019. Ainsi qu’il a été dit précédemment, l’intéressée n’a exercé son recours administratif préalable obligatoire auprès du ministre de l’intérieur que le 4 août 2020, postérieurement à l’expiration du délai de deux mois qui lui était imparti en vertu des dispositions précitées de l’article 45 du décret du 30 décembre 1993.

8. Il résulte de la combinaison des dispositions citées aux points 3 et 4 que l’introduction d’une demande d’aide juridictionnelle à l’intérieur du délai pour effectuer le recours administratif préalable obligatoire ne conduit pas à suspendre ce délai dès lors que ce recours, qui ne revêt pas le caractère d’une procédure juridictionnelle au sens de ces dispositions, n’entre pas dans leur champ d’application. Par suite, la présentation, par Mme B, d’une demande d’aide juridictionnelle le 29 mai 2020 auprès du bureau d’aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Strasbourg n’a pas eu pour effet de suspendre le délai du recours préalable obligatoire qui lui appartenait de former dans le délai prescrit.

9. Il suit de là que le recours préalable obligatoire formé par B auprès du ministre de l’intérieur est tardif. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que les conclusions de la requérante tendant à l’annulation de la décision du 14 septembre 2021 ne sont pas recevables.

10. Il résulte de ce qui précède que la requête de Mme B doit être rejetée, dans toutes ses conclusions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme A B, à Me Gorgol et au ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l’audience du 28 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Cantié, président,

Mme Martel, première conseillère,

M. Delohen, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023.

Le président-rapporteur,

C. CANTIÉ L’assesseure la plus ancienne

dans l’ordre du tableau,

C. MARTEL

La greffière,

C. DUMONTEIL

La République mande et ordonne au ministre l’intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. DUMONTEIL

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