Tribunal administratif de Nantes, 3ème chambre, 29 décembre 2023, n° 2010957

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Sur la décision

Référence :
TA Nantes, 3e ch., 29 déc. 2023, n° 2010957
Juridiction : Tribunal administratif de Nantes
Numéro : 2010957
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 13 février 2024

Texte intégral

Vu les procédures suivantes :

I. Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 octobre 2020 et 8 septembre 2022 sous le n° 2010957, Mme A B, représentée par l’AARPI LGAVOCATS, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l’intérieur a rejeté son recours contre la décision en date du 4 mars 2020 du préfet des Hauts-de-Seine portant ajournement à deux ans de sa demande de naturalisation, ainsi que cette dernière décision ;

2°) d’enjoindre au ministre de l’intérieur de faire droit à sa demande de naturalisation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 juin 2021, le ministre de l’intérieur conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les conclusions dirigées contre la décision préfectorale, à laquelle s’est substituée la décision ministérielle, sont irrecevables et le moyen soulevé à l’appui de la requête est infondé.

II. Par une requête enregistrée le 19 novembre 2020 sous le n° 2011771, Mme A B, représentée par l’AARPI LGAVOCATS, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision du 28 octobre 2020 par laquelle le ministre de l’intérieur a rejeté son recours contre la décision en date du 4 mars 2020 du préfet des Hauts-de-Seine portant ajournement à deux ans de sa demande de naturalisation, ainsi que cette dernière décision ;

2°) d’enjoindre au ministre de l’intérieur de faire droit à sa demande de naturalisation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la décision attaquée est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 23 juin 2021, le ministre de l’intérieur conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les conclusions dirigées contre la décision préfectorale, à laquelle s’est substituée la décision ministérielle, sont irrecevables et le moyen soulevé à l’appui de la requête est infondé.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

— le code civil ;

— le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

— le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le rapport de M. Cantié a été entendu au cours de l’audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B, ressortissante camerounaise née le 3 mars 1978, a sollicité l’acquisition de la nationalité française par naturalisation. Par une décision du 4 mars 2020, le préfet des Hauts-de-Seine a ajourné sa demande à deux ans. Saisi le 26 mai 2020 du recours préalable obligatoire prescrit par le décret du 30 décembre 1993, le ministre de l’intérieur a implicitement confirmé la décision préfectorale puis a expressément rejeté le recours de Mme B par une décision du 28 octobre 2020.

2. Les requêtes visées ci-dessus présentées par Mme B concernent une même demande de naturalisation et ont fait l’objet d’une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul jugement.

Sur l’étendue du litige :

3. D’une part, il résulte des dispositions de l’article 45 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française que les décisions par lesquelles le ministre en charge des naturalisations statue sur les recours préalables obligatoires se substituent à celles prises par le préfet. Il suit de là que le ministre est fondé à soutenir que les conclusions de Mme B dirigées contre la décision préfectorale du 4 mars 2020 sont irrecevables.

4. D’autre part, si le silence gardé par l’administration sur un recours administratif préalable obligatoire fait naître une décision implicite de rejet qui peut être déférée au juge de l’excès de pouvoir, une décision explicite de rejet intervenue postérieurement se substitue à la première décision. Par suite, les conclusions de Mme B tendant à l’annulation de la décision implicite née du silence gardé sur son recours préalable reçu le 26 mai 2020 doivent être regardées comme dirigées contre la décision du 28 août 2020 par laquelle le ministre de l’intérieur a confirmé l’ajournement à deux ans de sa demande de naturalisation.

Sur la légalité de la décision ministérielle :

5. Aux termes de l’article 21-15 du code civil : « () l’acquisition de la nationalité française par décision de l’autorité publique résulte d’une naturalisation accordée par décret à la demande de l’étranger ». Le dernier alinéa de l’article 48 du décret du 30 décembre 1993 dispose : « Si le ministre chargé des naturalisations estime qu’il n’y a pas lieu d’accorder la naturalisation () sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l’ajournement en imposant un délai (). Ce délai une fois expiré (), il appartient à l’intéressé, s’il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande ». En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l’intérêt d’accorder la nationalité française au ressortissant étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d’opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement et l’assimilation du postulant à la communauté française.

6. Pour confirmer l’ajournement à deux ans de la demande de naturalisation de Mme B, le ministre s’est fondé sur la circonstance que le comportement de la postulante est sujet à caution.

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B a fait l’objet d’un rappel à la loi pour des faits, commis le 7 septembre 2012, de violence ayant entraîné une incapacité de travail n’excédant pas huit jours. Compte tenu de ces faits, qui n’étaient ni exagérément anciens ni dépourvus de gravité pour apprécier le comportement de l’intéressée, le ministre a pu, eu égard au large pouvoir d’appréciation dont il dispose pour apprécier l’opportunité d’accorder la nationalité française à l’étranger qui la sollicite, confirmer l’ajournement à deux ans de la demande de Mme B pour le motif mentionné ci-dessus sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme B n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision qu’elle conteste. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d’injonction sous astreinte et celles présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu’être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes visées ci-dessus de Mme B sont rejetées.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme A B et au ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l’audience du 28 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Cantié, président,

Mme Martel, première conseillère,

M. Delohen, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023.

Le président-rapporteur,

C. CANTIÉ L’assesseure la plus ancienne

dans l’ordre du tableau,

C. MARTEL

La greffière,

C. DUMONTEIL

La République mande et ordonne au ministre l’intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. DUMONTEIL-2011771

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