Tribunal administratif de Nantes, 3ème chambre, 29 décembre 2023, n° 2007462

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Nantes, 3e ch., 29 déc. 2023, n° 2007462
Juridiction : Tribunal administratif de Nantes
Numéro : 2007462
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 13 février 2024

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 27 juillet 2020, Mme B A, épouse C, représentée par Me Mezine, demande au tribunal :

1°) d’annuler la décision implicite par laquelle le ministre de l’intérieur a rejeté son recours contre la décision en date du 29 novembre 2019 du préfet du Pas-de-Calais ajournant à deux ans sa demande de naturalisation, ainsi que cette dernière décision ;

2°) d’enjoindre au ministre de l’intérieur de réexaminer sa demande dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

— le rejet de sa demande est entaché d’un défaut de motivation ;

— la décision ministérielle méconnaît le principe d’égalité ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste d’appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 mars 2021, le ministre de l’intérieur conclut au rejet de la requête. Il fait valoir que les conclusions dirigées contre la décision préfectorale, à laquelle s’est substituée la décision ministérielle, sont irrecevables et les moyens invoqués à l’appui de la requête sont infondés.

Mme A a été admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mars 2021.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— le code civil ;

— l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le décret n° 93-1362 du 30 décembre 1993 ;

— le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l’audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Le rapport de M. Cantié a été entendu au cours de l’audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A, ressortissante algérienne née le 26 décembre 1961, a sollicité l’acquisition de la nationalité française par naturalisation. Par une décision du 29 novembre 2019, le préfet du Pas-de-Calais a ajourné sa demande à deux ans. Saisi du recours préalable obligatoire prescrit par le décret du 30 décembre 1993, le ministre de l’intérieur l’a rejeté par une décision en date du 1er septembre 2020.

Sur l’étendue du litige :

2. Il résulte des dispositions de l’article 45 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française que les décisions par lesquelles le ministre en charge des naturalisations statue sur les recours préalables obligatoires se substituent à celles prises par le préfet. Il suit de là que le ministre est fondé à soutenir que les conclusions de Mme A dirigées contre la décision préfectorale du 29 novembre 2019 sont irrecevables.

3. La requérante, qui sollicite en outre l’annulation d’une prétendue décision implicite de rejet de son recours préalable, doit être regardée comme demandant l’annulation de la décision ministérielle du 1er septembre 2020.

Sur la légalité de la décision en litige :

4. En premier lieu, aux termes de l’article 27 du code civil : « Toute décision déclarant irrecevable, ajournant ou rejetant une demande d’acquisition, de naturalisation ou de réintégration par décret () doit être motivée ». La décision en litige comporte les motifs utiles de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de l’insuffisante motivation du rejet du recours préalable formé par Mme A doit être écarté.

5. En second lieu, aux termes de l’article 21-15 du code civil : « () l’acquisition de la nationalité française par décision de l’autorité publique résulte d’une naturalisation accordée par décret à la demande de l’étranger ». Le dernier alinéa de l’article 48 du décret du 30 décembre 1993 relatif aux déclarations de nationalité, aux décisions de naturalisation, de réintégration, de perte, de déchéance et de retrait de la nationalité française dispose : « Si le ministre chargé des naturalisations estime qu’il n’y a pas lieu d’accorder la naturalisation () sollicitée, il prononce le rejet de la demande. Il peut également en prononcer l’ajournement en imposant un délai (). Ce délai une fois expiré (), il appartient à l’intéressé, s’il le juge opportun, de déposer une nouvelle demande ». En vertu de ces dispositions, il appartient au ministre de porter une appréciation sur l’intérêt d’accorder la nationalité française au ressortissant étranger qui la sollicite. Dans le cadre de cet examen d’opportunité, il peut légalement prendre en compte les renseignements défavorables recueillis sur le comportement du postulant ainsi que le niveau et la stabilité de ses ressources.

6. En l’espèce, pour confirmer l’ajournement à deux ans de la demande de naturalisation présentée par Mme A, le ministre de l’intérieur s’est fondé sur le motif tiré de ce que la postulante ne disposait pas de ressources suffisantes et stables et ne pouvait, de ce fait, être regardée comme ayant réalisé pleinement son insertion professionnelle en France.

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme A n’occupait, à la date de la décision attaquée, aucune activité professionnelle. Si la requérante fait valoir que son état de santé ne lui permet pas de travailler, elle se borne à produire, à l’appui de ses allégations, un certificat médical non circonstancié, en sorte qu’elle ne justifie d’aucune circonstance qui aurait alors fait obstacle à son insertion professionnelle. Dans ces conditions, c’est sans entacher sa décision, qui ne révèle aucune discrimination envers l’intéressée, d’une erreur manifeste d’appréciation que le ministre a confirmé l’ajournement à deux ans de la demande de naturalisation de Mme A au motif qu’elle ne justifiait pas d’une insertion suffisante.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme A n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision en litige. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d’injonction sous astreinte et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu’être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme B A, épouse C, à Me Mezine et au ministre de l’intérieur et des outre-mer.

Délibéré après l’audience du 28 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

M. Cantié, président,

Mme Martel, première conseillère,

M. Delohen, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023.

Le président-rapporteur,

C. CANTIE L’assesseure la plus ancienne

dans l’ordre du tableau,

C. MARTEL

La greffière,

C. DUMONTEIL

La République mande et ordonne au ministre l’intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. DUMONTEIL

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