Tribunal administratif de Nantes, Oqtf 6 semaines - 3ème chambre, 29 décembre 2023, n° 2307884

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Chronologie de l’affaire

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Sur la décision

Référence :
TA Nantes, oqtf 6 semaines - 3e ch., 29 déc. 2023, n° 2307884
Juridiction : Tribunal administratif de Nantes
Numéro : 2307884
Importance : Inédit au recueil Lebon
Type de recours : Excès de pouvoir
Dispositif : Rejet
Date de dernière mise à jour : 13 février 2024

Sur les parties

Texte intégral

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 5 juin et 27 novembre 2023, Mme C A, représentée par Me Béarnais, demande au tribunal :

1°) d’annuler l’arrêté du 22 mai 2023 par lequel le préfet de la Vendée a abrogé son attestation de demande d’asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d’être éloignée ;

2°) d’ordonner la suspension de l’exécution de l’obligation de quitter le territoire français prise à son encontre, sur le fondement de l’article L. 752-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

3°) d’enjoindre au préfet de la Vendée de lui délivrer une attestation de demande d’asile ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le délai d’un mois à compter de la décision à intervenir, sous astreinte de 10 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 1 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la demande de suspension :

— en raison des éléments produits attestant du risque personnel de persécution en cas de retour dans son pays d’origine, sa demande d’asile est crédible ;

Sur les moyens communs :

— il n’est pas établi que l’arrêté contesté ait été signé par une autorité habilitée ;

— les décisions attaquées sont insuffisamment motivées ;

— elles n’ont pas été prises à l’issue d’un examen particulier de sa situation ;

Sur la décision portant abrogation de son attestation de demande d’asile :

— elle méconnaît les articles L. 542-2 et R. 531-17 à R. 531-20 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— elle méconnaît l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste dans l’appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

— elle méconnaît les articles L. 542-2 et R. 531-17 à R. 531-20 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— elle méconnaît l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste dans l’appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

— elle est illégale dès lors qu’elle est fondée sur une décision entachée d’illégalité ;

— elle méconnaît l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et l’article L. 721-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— elle méconnaît l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

— elle est entachée d’une erreur manifeste dans l’appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense enregistré le 20 novembre 2023, le préfet de la Vendée conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens invoqués par la requérante sont infondés.

Mme A a été admise au bénéfice de l’aide juridictionnelle totale par une décision du 27 novembre 2023.

Le président du tribunal a délégué à M. Cantié les pouvoirs qui lui sont attribués par l’article L. 614-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

— la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ;

—  la convention relative aux droits de l’enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;

— le code des relations entre le public et l’administration ;

— le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;

— la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

— le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Au cours de l’audience publique du 28 novembre 2023, à 11 heures, M. Cantié :

— a lu son rapport,

— a entendu les observations de Me Béarnais, représentant Mme A, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et soutient, en outre, que l’arrêté attaqué n’a pas été pris dans le respect de son droit d’être entendue et que la mesure d’éloignement prise à son encontre méconnaît l’article 3-1 de la convention relative aux droits de l’enfant ;

— a constaté que le préfet de la Vendée n’était ni présent, ni représenté,

— et a prononcé la clôture de l’instruction.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A, ressortissante camerounaise née le 18 mars 1994, déclarant être entrée en France le 1er juin 2022 accompagnée d’un de ses enfants, a été définitivement déboutée du droit d’asile par une décision de la Cour nationale du droit d’asile en date du 5 mai 2023. Par un arrêté du 22 mai 2023, dont l’intéressée demande l’annulation, le préfet de la Vendée a abrogé son attestation de demande d’asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d’être éloignée.

Sur le fondement de l’arrêté attaqué :

2. Il résulte des dispositions de l’article L. 611-1, 4° du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile que l’autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui a été définitivement refusé ou qu’il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2 de ce code, à moins que l’intéressé ne soit titulaire d’une autorisation de séjour. En l’espèce, Mme A a été déboutée du droit d’asile, en sorte qu’elle se trouve dans le champ de ces dispositions.

Sur la demande de suspension de la mesure d’éloignement :

3. Si la requérante sollicite, dans le corps de sa requête, la suspension, sur le fondement de l’article L. 752-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, des effets de l’obligation qui lui a été assignée de quitter le territoire français, elle ne justifie pas avoir présenté une demande en réexamen de sa demande d’asile qui aurait donné lieu à la saisine de la Cour nationale du droit d’asile, ni en tout état de cause, ne présente des éléments sérieux de nature à justifier, au titre de sa demande d’asile, son maintien sur le territoire. Par suite, ses conclusions en suspension doivent être rejetées.

Sur les moyens communs aux décisions attaquées :

4. En premier lieu, l’arrêté attaqué a été signé par Mme Anne Tagand, secrétaire générale de la préfecture de la Vendée. Par un arrêté du 8 avril 2022 régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du 11 avril suivant, le préfet de ce département a donné à Mme B délégation à l’effet de signer « toutes les décisions en matière de droit au séjour et d’éloignement des étrangers prises dans le cadre du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ». Dès lors, le moyen tiré de l’incompétence de la signataire de l’arrêté attaqué manque en fait.

5. En deuxième lieu, l’arrêté en litige comporte les motifs utiles de droit et de fait qui constituent le fondement des décisions prises à l’encontre de Mme A. Dès lors, celle-ci n’est pas fondée à soutenir que l’une ou l’autre de ces mesures serait insuffisamment motivée.

6. En troisième lieu, il ressort des énonciations de l’arrêté contesté que le préfet a procédé, avant d’édicter les mesures prises à l’encontre de Mme A, à un examen effectif de sa situation. Il suit de là que le moyen tiré de ce qu’un tel examen n’aurait pas été opéré ne peut être accueilli.

7. En dernier lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne que le droit d’être entendu fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l’Union. Ce droit se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d’une procédure administrative avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts. Il n’implique toutefois pas systématiquement l’obligation pour l’administration d’organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l’intéressé, ni même d’inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu’une décision lui faisant grief est susceptible d’être prise à son encontre, l’étranger soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de demander un entretien pour faire valoir ses observations orales. Toutefois, la requérante ne fait état d’aucun élément relatif à sa situation qui, s’il avait été connu du préfet de la Vendée, aurait fait obstacle à ce que soit décidée la mesure d’éloignement et les décisions connexes prises à son encontre ou qui aurait pu conduire le préfet à ne pas les prendre. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d’être entendu doit être écarté.

Sur les autres moyens de la requête :

En ce qui concerne l’abrogation de l’attestation et l’obligation de quitter le territoire :

8. En premier lieu, si Mme A se prévaut d’une violation des articles L. 542-2 et R. 531-17 à R. 531-20 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, il ressort des pièces du dossier que la décision précitée de la Cour nationale du droit d’asile lui a été notifiée le 30 novembre 2022, en sorte que le préfet a pu à bon droit estimer qu’elle ne justifiait plus du droit de se maintenir sur le territoire et, conséquemment, abroger son attestation de demande d’asile et lui faire obligation de quitter le territoire français.

9. En deuxième lieu, Mme A, qui est entrée récemment en France, ne démontre pas être dépourvue d’attaches dans son pays d’origine où elle a vécu la majeure partie de son existence et ne fait état d’aucune circonstance qui ferait obstacle à ce que son enfant vivant avec elle l’accompagne pour regagner le Cameroun et y poursuive sa scolarité. Par ailleurs, sa volonté d’insertion sociale n’est pas attestée par les éléments versés à l’appui de son recours. Dans ces conditions, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la mesure d’éloignement prise à son encontre porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts d’intérêt public en vue desquels elle a été prise, en violation des stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ni que la même mesure serait entachée d’une erreur manifeste dans l’appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

10. En dernier lieu, aux termes de l’article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait d’institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ». Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir, que, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, l’autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l’intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

11. Comme il a été dit au point 9, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision litigieuse aurait pour effet de séparer Mme A de son enfant. Dans ces conditions, la requérante n’est pas fondée à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français aurait été prise en méconnaissance du paragraphe 1 de l’article 3 de la convention internationale relative aux droits de l’enfant.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

12. En premier lieu, compte tenu des motifs énoncés précédemment, la requérante n’est pas fondée à exciper de l’illégalité de la mesure d’éloignement prise à son encontre.

13. En deuxième lieu, les moyens tirés de la violation de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales et de l’erreur manifeste d’appréciation doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 8.

14. En dernier lieu, aux termes de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ». Aux termes du dernier alinéa de l’article L. 721-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Un étranger ne peut être éloigné à destination d’un pays s’il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu’il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ».

15. Les faits dont fait état Mme A en vue d’établir qu’elle encourt un risque personnel en cas de retour au Cameroun ne sont pas attestés par des éléments suffisamment précis et probants. Dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations et dispositions citées au point précédent doivent être écartés.

16. Il résulte de ce qui précède que Mme A n’est pas fondée à demander l’annulation de l’arrêté qu’elle conteste. Par voie de conséquence, les conclusions de la requête aux fins d’injonction sous astreinte et celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu’être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme C A, à Me Béarnais et au préfet de la Vendée.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 décembre 2023.

Le magistrat désigné,

C. CANTIÉ La greffière,

C. DUMONTEIL

La République mande et ordonne au préfet de la Vendée en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l’exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

C. DUMONTEIL

N°2307884

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